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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
4A_566/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 8 février 2016  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales Kiss, Présidente, Hohl et Niquille. 
Greffier : M. Piaget. 
 
Participants à la procédure 
A.________ AG, représentée par Me Marcel Eggler, 
recourante, 
 
contre  
 
1. B.________ Sàrl, représentée par Me Soizic Wavre, 
2. C.________ SA, représentée par Me Joëlle Vuadens, 
intimées. 
 
Objet 
maxime des débats; allégation suffisante; expertise et art. 8 CC
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile, du 10 septembre 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
 
A.a. Par contrat d'entreprise totale, D.________ SA (ci-après: D.________) a confié à A.________ SA (ci-après: A.________ ou l'entrepreneur total) la construction d'un bâtiment industriel destiné à l'extension de son centre de recherche et développement, sur la parcelle dont elle est propriétaire à....  
A.________ a confié à C.________ SA (ci-après: C.________ ou l'entrepreneur) la fourniture et la pose des cloisons de plâtre et celles des plafonds et retombées de plâtre, ainsi que d'autres travaux de plâtrerie, pour un prix forfaitaire (sauf sur quelques postes mineurs). 
Après avoir confié certains travaux à une première société avec laquelle elle a rencontré des problèmes, C.________ a sous-traité les travaux de mise en place et les travaux portant sur les retombées, plafonds, cloisons et lissage à B.________ Sàrl (ci-après: B.________ ou la sous-traitante). Cette dernière a elle-même, à son tour, sous-traité certains des travaux qui lui avaient été confiés. 
A.________ a demandé à C.________ d'effectuer plusieurs travaux supplémentaires en cours de chantier. 
Des conflits sont survenus entre la sous-traitante et l'entrepreneur au sujet du prix des travaux et du paiement de factures intermédiaires. Le 8 août 2008, B.________ a requis l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs sur l'immeuble appartenant à D.________ SA pour un montant de 320'348 fr. 35, augmenté par la suite à 500'000 fr. Cette requête a amené A.________ à suspendre tout paiement à C.________ jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée. Il s'en est suivi une grève des sous-traitants et un retard dans le déroulement du chantier. 
 
A.b. Le 25 août 2008, A.________ a résilié avec effet immédiat le contrat d'entreprise passé avec C.________, considérant que celle-ci avait démontré son incapacité à terminer les travaux confiés. A son tour, C.________ a résilié le contrat qui la liait à la sous-traitante B.________, la tenant pour responsable de la résiliation de son contrat par A.________.  
B.________, D.________ et A.________ ont passé un accord en ce sens que A.________ a fourni des sûretés à B.________ pour éviter l'inscription provisoire de l'hypothèque légale (art. 839 al. 3 CC). 
A.________ a chargé un tiers de terminer les travaux non exécutés par C.________. 
 
B.  
 
B.a. Le 12 février 2009, B.________ (ci-après: la demanderesse) a ouvert action contre C.________ (ci-après: la défenderesse ou l'appelante en cause) en paiement du montant de 559'923 fr. 50 TTC avec intérêts à 5% l'an dès le 25 août 2008, au titre de solde dû sur sa facture.  
Par décision incidente du 18 juin 2009 la défenderesse a été autorisée à appeler en cause A.________ (ci-après: l'appelée en cause). 
 
B.b. Seule demeure litigieuse devant le Tribunal fédéral la prétention en paiement du prix et d'une indemnité que fait valoir l'entrepreneur C.________, défenderesse et appelante en cause, contre l'entrepreneur total A.________, appelée en cause.  
Dans sa réponse du 9 octobre 2009, la défenderesse a conclu au rejet de la demande et, s'agissant de ses prétentions contre l'appelée en cause, elle a allégué que le solde qui lui était dû à ce jour par l'appelée était de 611'177 fr. 60, offrant de prouver ces éléments au moyen de sa pièce 133, à savoir un décompte récapitulatif, ainsi que par expertise (allégué 181). Dans sa duplique du 3 juin 2010, elle a augmenté ses conclusions à l'encontre de l'appelée en cause principalement à la somme 1'137'284 fr. 85 avec intérêts à 5% l'an dès le 25 août 2008 (à savoir le solde dû par l'appelée par 577'361 fr. 35 et le montant que lui réclame la demanderesse par 559'923 fr. 50) et subsidiairement à celle de 559'923 fr. 50 avec intérêts selon les mêmes modalités. 
L'appelée en cause a, par réponse du 11 janvier 2010, conclu au rejet des conclusions de l'appelante et formé une demande reconventionnelle. A l'appui de celle-ci, elle a allégué que le prix total des prestations convenues se montait à 1'480'268 fr. 25 TTC, dont à soustraire différentes déductions et travaux exécutés par des tiers, offrant en preuve sa pièce 143 (allégués 206 à 212 et 241 à 247). Dans sa duplique du 16 août 2010, l'appelée en cause a conclu principalement au rejet des conclusions de la demanderesse et de celles de la défenderesse contre elle et, reconventionnellement, à la condamnation de la défenderesse à lui verser la somme de 107'207 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 17 décembre 2009. 
A.________ s'est porté fort envers B.________ du paiement que C.________ doit à celle-ci. 
La cour civile a désigné un expert en la personne de l'architecte E.________, qui a déposé son rapport principal le 3 octobre 2012 et un rapport complémentaire le 6 juin 2013. L'expert a estimé que le décompte établi par la défenderesse et appelante, qui faisait état d'un solde de 611'170 fr. 60 dû en sa faveur par l'appelée en cause (allégué 181) ne tenait pas compte des déductions à opérer, ni des pénalités de retard; il a estimé que le solde dû à la défenderesse était de 270'139 fr. 55. Examinant le décompte final établi par l'appelée en cause (pièce 143), il a admis que le montant total auquel la défenderesse aurait pu prétendre si elle avait exécuté toutes les prestations convenues était de 1'480'268 fr. 10 TTC; après en avoir déduit les acomptes versés et différents postes, notamment de travaux non exécutés, il a obtenu un solde de 270'139 fr. 55 TTC en faveur de la défenderesse. 
Par jugement du 19 juin 2014, la Cour civile a (1) condamné la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 559'923 fr. 50 avec intérêts à 5% l'an dès le 14 février 2009 et (2) condamné l'appelée en cause à payer à la défenderesse le montant de 270'139 fr. 55 avec intérêts à 5% l'an dès le 5 juin 2010. 
Seule A.________, appelée en cause, a interjeté un appel contre ce jugement. Par arrêt du 10 septembre 2015, la cour d'appel civile du tribunal cantonal vaudois a rejeté son appel et confirmé le jugement attaqué; en bref, elle a rejeté la critique de l'appelée en cause en tant qu'elle s'en prenait à la prétention de B.________ et, partant, au premier chef du dispositif du jugement, pour défaut d'intérêt pour agir; elle a également rejeté la critique de l'appelée en cause concernant la prétention de la défenderesse et appelante en cause contre elle et, partant, le second chef du dispositif. 
 
C.   
A.________, appelée en cause, a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet arrêt le 14 octobre 2015, concluant à sa réforme en ce sens que les conclusions de B.________ et C.________ contre elle soient rejetées. Elle invoque pêle-mêle la violation du fardeau de l'allégation, subsidiairement de l'art. 8 CC, dont l'art. 4 aCPC/VD ne remplirait pas la garantie minimale, du fardeau de l'allégation subjective, de l'art. 377 CO et la violation de l'interdiction de l'arbitraire ou la mauvaise appréciation de la preuve (art. 9 Cst.), ainsi que la violation du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.). 
L'appelante en cause a fait savoir qu'elle n'avait pas d'observations particulières à formuler. La demanderesse a conclu au rejet, sans formuler d'observations. La cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt. L'appelée en cause n'a pas déposé d'observations sur ces réponses. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1LTF) par l'appelée en cause qui a succombé dans ses conclusions libératoires prises contre l'appelante en cause (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise sur appel par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF) dans une contestation relevant du contrat d'entreprise, dont la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 72 al. 1 et 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions.  
 
1.2. L'appelée en cause, conclut à la réforme de l'arrêt attaqué, au rejet des conclusions de la demanderesse et de la défenderesse contre elle, conclusions qu'elle avait déjà prises sous cette forme en appel. Même si elle s'est portée fort du paiement que la défenderesse doit à la demanderesse, cette dernière n'a pourtant pas pris de conclusions contre elle. On peut donc se dispenser d'inviter la recourante à préciser son chef de conclusions dès lors que, dans ses motifs, elle ne s'en prend pas du tout à la motivation de la cour cantonale qui a rejeté son grief concernant la prétention de la demanderesse contre la défenderesse.  
Seule doit donc être examinée la prétention de l'entrepreneur, appelante en cause (C.________), contre l'entrepreneur total, l'appelée en cause (A.________), en paiement du prix des travaux exécutés par le premier jusqu'à la résiliation du contrat par le second et de l'indemnité réclamée par le premier pour cause de résiliation anticipée du contrat. 
 
2.   
Le recours en matière civile au Tribunal fédéral peut être exercé pour violation du droit suisse tel qu'il est délimité à l'art. 95 LTF, soit le droit fédéral, y compris le droit constitutionnel (let. a), le droit international (let. b) et le droit intercantonal (let. e). En revanche, sous réserve des hypothèses visées à l'art. 95 let. c et d LTF, la violation du droit cantonal n'est pas un motif de recours. 
Toutefois, il est toujours possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, parce qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 133 III 462 consid. 2.3). 
Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 132 III 209 consid. 2.1; 131 I 57 consid. 2). En ce qui concerne la façon dont le droit cantonal a été appliqué, il ne faut pas confondre arbitraire et violation de la loi; une violation doit être manifeste et reconnue d'emblée pour être considérée comme arbitraire. Le Tribunal fédéral n'a pas à examiner quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement dire si l'interprétation qui a été faite est défendable (ATF 132 I 13 consid. 5.1; 131 I 217 consid. 2.1). Il appartient au recourant d'établir la réalisation de ces conditions, par une argumentation précise répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (principe d'allégation). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (cf. ATF 130 I 258 consid. 1.3; 125 I 492 consid. 1b). 
 
3.   
L'entrepreneur total, appelé en cause, s'est départi du contrat d'entreprise passé avec l'entrepreneur, appelant en cause, le 25 août 2008, avec effet immédiat, ce qui n'est pas contesté. La cour cantonale a jugé que les conséquences de cette résiliation sont régies par l'art. 377 CO, les conditions de l'art. 366 al. 1-2 CO n'étant pas établies, ce que l'entrepreneur total recourant ne critique pas. Il y a donc lieu d'examiner la question de la rémunération et de l'indemnisation qui lui sont dues en vertu de l'art. 377 CO
L'entrepreneur total reproche à la cour cantonale, d'une part, d'avoir admis que l'entrepreneur a suffisamment allégué et offert de prouver son dommage (le prix du travail effectué et l'indemnisation qui lui serait due), invoquant l'arbitraire dans l'application des art. 4 al. 2 et 243 aCPC/VD et, partant, la violation de l'art. 8 CC, et, d'autre part, de s'être fondée sur le décompte final qu'il (entrepreneur total) a lui-même offert en preuve et sur l'appréciation qu'en a fait l'expert, en violation de l'art. 8 CC et du fardeau de l'allégation objectif puisqu'il appartient à l'entrepreneur de prouver son dommage. 
L'action ayant été ouverte le 12 février 2009, soit avant l'entrée en vigueur du CPC suisse le 1er janvier 2011, la violation des règles de procédure en première instance doit être examinée au regard de l'ancien Code de procédure civile vaudois du 14 décembre 1966 (ci-après: aCPC/VD) (art. 404 al. 1 CPC), alors que la violation des règles en procédure d'appel doit être contrôlée au regard du CPC suisse puisque le jugement de première instance a été envoyé par le tribunal aux parties le 1er juillet 2014, soit après l'entrée en vigueur du CPC suisse (ATF 137 III 130 consid. 2). 
 
4.   
Aux termes de l'art. 377 CO, tant que l'ouvrage n'est pas terminé, le maître peut toujours se départir du contrat, en payant le travail fait et en indemnisant complètement l'entrepreneur. 
 
4.1.  
 
4.1.1. Lorsque le maître résilie le contrat de manière anticipée en vertu de cette norme, les relations contractuelles entre les parties prennent fin pour l'avenir ( ex nunc) (ATF 130 III 362 consid. 4.2 p. 366 et les arrêts cités). Ce droit de résiliation appartient au maître aussi longtemps que l'ouvrage n'est pas terminé; dès que tous les travaux convenus sont effectivement terminés, que l'ouvrage soit ou non entaché de défauts, le droit de résiliation du maître est périmé (arrêt 4A_96/2014 du 2 septembre 2014 consid. 4.1 publié in Pra 2015 no 111 p. 914; ATF 117 II 273 consid. 4a p. 276).  
Le maître a l'obligation de payer le " travail fait ", soit de verser à l'entrepreneur la rémunération pour la partie de l'ouvrage que celui-ci a exécutée. Il doit en outre " indemniser complètement " l'entrepreneur: il lui doit des dommages-intérêts positifs, qui correspondent à l'intérêt que l'entrepreneur avait à l'exécution complète du contrat; cette indemnisation comprend conséquemment le gain manqué (arrêt 4A_96/2014 déjà cité consid. 4.1; ATF 96 II 192 consid. 5 p. 196). 
Ces règles sont applicables entre l'entrepreneur total (qui est alors le maître) et l'entrepreneur (qui est alors l'entrepreneur). 
 
4.1.2. Selon la jurisprudence, deux méthodes peuvent être appliquées pour calculer l'indemnité de l'art. 377 CO: par la méthode de la déduction (  Abzugsmethode), on soustrait du prix de l'ouvrage l'économie réalisée par l'entrepreneur, ainsi que le gain qu'il s'est procuré ailleurs ou qu'il a délibérément renoncé à se procurer; par la méthode dite positive (  Additionsmethode), on additionne les dépenses de l'entrepreneur pour la partie de l'ouvrage qu'il a déjà exécutée et on y ajoute le bénéfice brut manqué pour l'entier de l'ouvrage (arrêt 4A_96/2014 précité consid. 4.1; ATF 96 II 192 consid. 5a et 5b p. 196 s.). Il est soutenu en doctrine que seule la méthode dite positive serait conforme à l'art. 377 CO (cf. à ce propos ZINDEL/PULVER/SCHOTT, in Basler Kommentar, Obligationenrecht, vol. I, 5e éd. 2011, n° 17 ad art. 377 CO et les références); le montant de l'indemnité due à l'entrepreneur ne saurait cependant dépasser le prix de l'ouvrage (CHAIX, in Commentaire romand, Code des obligations, vol. II, 2e éd. 2012, n° 12 ad art. 377 CO; ZINDEL/PULVER/SCHOTT, op. cit., n° 15 ad art. 377 CO). Le Tribunal fédéral a laissé indécise la question de savoir laquelle de ces deux méthodes est préférable, étant donné qu'elles aboutissent pratiquement au même résultat et que le choix de l'une d'entre elles dépendra des circonstances de l'espèce (arrêt 4A_96/2014 précité, loc. cit.; ATF 96 II 192 consid. 5b p. 197). Il n'y a pas lieu de revenir sur cette question en l'espèce.  
 
4.1.3. Le Code des obligations n'impose pas au juge d'ordonner une expertise pour la preuve de la rémunération et de l'indemnisation de l'entrepreneur. Toutefois, même en l'absence d'une disposition légale spéciale, une expertise est imposée par l'art. 8 CC, lorsque le juge n'est pas à même de résoudre, à la lumière de ses propres connaissances, la question qui lui est soumise (cf., à propos de l'expertise médicale pour établir la capacité de discernement, ATF 117 II 231 consid. 2b p. 234-235). Ainsi, lorsqu'il s'agit de déterminer quelle valeur il y a lieu d'attribuer aux travaux exécutés par rapport au prix forfaitaire convenu pour l'ensemble de l'ouvrage, une expertise est nécessaire, car seul un homme du métier est en mesure de dire quel pourcentage du prix forfaitaire doit être attaché à chaque phase des travaux et, partant, si le montant réclamé pour les travaux effectués correspond au pourcentage du prix forfaitaire (arrêt 4A_146/2015 du 19 août 2015 consid. 4.2; pour une exception, cf. arrêt 4A_249/2008 du 12 décembre 2008 consid. 3, dans lequel il s'agissait uniquement d'appliquer une formule de calcul énoncée dans une Norme SIA).  
 
4.2.   
 
4.2.1. En droit de procédure civile vaudois, le juge ne peut fonder son jugement que sur les faits allégués par les parties et qui ont été soit admis par elles, soit établis au cours de l'instruction (art. 4 al. 1 aCPC/VD); le juge peut toutefois tenir compte de faits notoires, de faits patents, implicitement admis par les parties et non allégués par une inadvertance, de même que des faits révélés par une expertise écrite (art. 4 al. 2 aCPC/VD). Le procès de l'entrepreneur contre le maître en paiement de sa rémunération et de son indemnisation (art. 377 CO) est ainsi régi par la maxime des débats, ce qui signifie qu'il appartient aux parties, et non au juge, de réunir les éléments du procès. Ceux-ci constituent le cadre du procès.  
Au regard de la maxime des débats, il importe peu que les faits aient été allégués par l'une ou l'autre des parties; dès lors qu'ils font partie du cadre du procès, le juge peut en tenir compte (FABIENNE HOHL, Procédure civile, Tome I, 2e éd. 2010, n. 766). 
 
4.2.2. Les exigences éventuellement excessives, quant à la forme et au contenu de l'allégation, que pourrait avoir posé le droit cantonal de procédure, sont toutefois limitées par la notion de charge de la motivation en fait (  Substanzierungspflicht), déduite par la jurisprudence du droit matériel. La motivation des faits est suffisante si le contenu de l'allégation de chacun des faits pertinents permet au juge, non seulement d'appliquer le droit fédéral, mais encore d'administrer les preuves nécessaires pour élucider ce fait (ATF 127 III 365 consid. 2b; 123 III 183 consid. 3e; 108 II 337 consid. 2 et les arrêts cités).  
Quant à la prise en considération de faits (non allégués) résultant de l'administration des preuves, le Tribunal fédéral a jugé qu'il n'était pas arbitraire d'en tenir compte, car il serait particulièrement formaliste de rejeter la demande pour défaut de motivation [i.e. pour défaut d'allégation] sans avoir au préalable invité la partie à préciser ses allégués; le droit cantonal ne doit pas entraver d'une manière excessive l'application du droit fédéral (cf. à propos de la réglementation du droit de procédure civile valaisan, similaire à celle du droit vaudois, l'arrêt 5D_42/2007 du 18 février 2008 consid. 2.1). 
 
4.3. Il appartient au maître de prouver son droit de résilier, soit le fait que l'ouvrage n'est pas achevé et qu'il a communiqué à l'entrepreneur sa volonté de résilier le contrat. En revanche, il incombe à l'entrepreneur de prouver les frais et les dépenses occasionnés par le travail qu'il a déjà exécuté et son dommage, et ce quelle que soit la méthode de calcul utilisée (art. 8 CC; ZINDEL/PULVER/SCHOTT, op. cit., n° 22 ad art. 378 CO; CHAIX, op. cit., n° 22 ad art. 377 CO).  
En tant que règle sur la répartition du fardeau de la preuve, l'art. 8 CC détermine laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve d'un fait pertinent. Lorsque le juge ne parvient pas à constater un fait dont dépend le droit litigieux, il doit alors statuer au détriment de la partie qui aurait dû prouver ce fait (ATF 132 III 689 consid. 4.5 p. 701 s.; 129 III 18 consid. 2.6 p. 24; 126 III 189 consid. 2b p. 191 s.; voir aussi l'arrêt 5A_136/2009 du 19 novembre 2009 consid. 6.2.1). En revanche, lorsque tous les faits pertinents sont prouvés, il n'y a pas échec de la preuve, si bien que la question de la répartition du fardeau de la preuve (art. 8 CC) ne se pose pas. En effet, lorsque le juge constate qu'un fait s'est produit ou ne s'est pas produit, il a atteint un résultat. Le fardeau de la preuve, en tant que règle légale, n'intervient que lorsque le juge ne parvient pas à une conviction, n'est pas à même de déterminer si le fait s'est produit ou non (arrêt 4A_443/2014 du 2 février 2015 consid. 4; ATF 119 III 103 consid. 1; 118 II 142 consid. 3a p. 147; 114 II 289 consid. 2a). 
 
4.4. En l'espèce, l'entrepreneur a allégué que le solde qui lui était dû à ce jour par l'entrepreneur total était de 611'177 fr. 60 (montant qu'il a augmenté par la suite), offrant de prouver cela au moyen de sa pièce 133, à savoir un décompte récapitulatif, ainsi que par expertise (allégué 181); ce faisant, il a adopté la méthode dite positive (  Additionsmethode) pour calculer sa prétention. De son côté, l'entrepreneur total a allégué que le prix total des prestations convenues avec l'entrepreneur se montait à 1'480'268 fr. 25 TTC, dont à soustraire différentes déductions et travaux exécutés par des tiers, offrant en preuve sa pièce 143 (allégués 206 à 212 et 241 à 247) et a fait valoir, reconventionnellement, une prétention de 107'207 fr.; par là, il a choisi la méthode de la déduction (  Abzugsmethode).  
L'expert a choisi de calculer la prétention de l'entrepreneur en utilisant la méthode de la déduction. Il s'est ainsi fondé sur le décompte final produit par l'entrepreneur total, l'a contrôlé et il l'a corrigé pour arriver à un solde dû à l'entrepreneur de 270'139 fr. 55. La cour cantonale s'est ralliée à cette méthode de calcul et à son résultat. 
On ne saurait lui reprocher d'avoir appliqué arbitrairement la maxime des débats (art. 4 al. 1 aCPC/VD) : en effet, dès lors que les faits font partie du cadre du procès, le juge est libre de se fonder sur certains plutôt que sur d'autres pour administrer les preuves nécessaires et forger sa conviction. Il n'est pas obligé de s'en tenir à la méthode dite positive alléguée par l'entrepreneur, mais peut lui préférer la méthode par déduction proposée par l'entrepreneur total; conformément au principe de l'application du droit d'office (art. 6 al. 1 aCPC/VD; cf. art. 57 CPC), il applique d'office le droit au cadre des faits allégués par les parties. 
Une fois que la preuve est rapportée et que la conviction du juge est acquise, il n'y a plus place pour une règle sur l'attribution de l'échec de la preuve (règle sur le fardeau de la preuve). C'est donc à tort que la recourante, entrepreneur total, invoque la violation de l'art. 8 CC: le grief de " renversement " du fardeau de la preuve, qui aurait été mis à sa charge en lieu et place de celle de l'entrepreneur, est infondé: une fois la preuve apportée en procédure, il n'y a plus d'échec de la preuve et, partant, plus de fausse attribution d'un échec. Il ne saurait non plus être question d'une violation du fardeau de l'allégation objectif - à supposer que ce grief ait été formulé -, dès lors que la preuve a été apportée. 
 
4.5. Les autres griefs de la recourante sont également infondés.  
Le grief de violation du droit d'être entendu, violation causée par l'abandon de la règle légale sur la répartition du fardeau de la preuve (i.e l'art. 8 CC), est également infondé, puisqu'il n'y a pas de violation de cette répartition. En tant qu'elle en déduit qu'elle aurait été empêchée de faire usage de son droit à la contre-preuve et de produire des moyens de preuve pour contester l'étendue des travaux exécutés par l'entrepreneur, la recourante méconnaît que les deux méthodes aboutissent pratiquement au même résultat: en effet, partir du prix total de l'ouvrage et en soustraire le prix des travaux non exécutés ou détailler les travaux exécutés et leur coût, à quoi on ajoute le gain manqué permet aussi bien à l'entrepreneur total de faire valoir ses moyens de preuve quant à l'étendue des travaux prétendument exécutés. En outre, comme la cour cantonale l'a relevé, c'est l'entrepreneur total lui-même qui a choisi la méthode par déduction, finalement adoptée par l'expert et, à la suite de celui-ci, par elle-même. Le grief de violation du droit d'être entendu sous son aspect de violation du droit à la contre-preuve est donc manifestement infondé. 
En tant que la recourante soutient qu'elle pouvait se contenter de contester les allégués de l'entrepreneur, elle ne peut s'en prendre qu'à elle-même si elle a proposé l'autre méthode - par déduction -, que l'expert et la cour cantonale ont adoptée, et si elle a introduit au procès tous les faits pertinents à cet égard. Au demeurant, même si la recourante n'avait pas introduit en procédure des allégués en rapport avec la méthode par déduction, l'allégué et les deux moyens de preuve offerts par l'entrepreneur, à savoir sa pièce 133 et l'administration d'une expertise, à l'appui de la méthode positive auraient été suffisants au regard de la charge de la motivation, pour que le juge ordonne une expertise. En effet, même si le créancier n'allègue pas formellement le montant et le mode de calcul de sa prétention - découlant de sa facture, qu'il produit à titre de preuve -, il y a lieu d'admettre que le contenu de la facture est allégué, sous peine de tomber dans le formalisme excessif (arrêt 4A_146/2015 précité consid. 5.1) et, partant, une expertise peut être ordonnée. C'est en outre sans arbitraire, que la cour cantonale pouvait tenir compte des faits ressortant de l'expertise, que ce soit sur la base de l'art. 4 al. 2 aCPC/VD, comme elle l'a fait, ou conformément à la jurisprudence (5D_42/2997 précité consid. 2.2). En effet, les règles de procédure civile sont destinées à assurer le déroulement régulier du procès et l'égalité des parties; si le juge est suffisamment renseigné par les allégués des parties et ordonne une expertise, à laquelle les parties ne s'opposent pas, on ne saurait ensuite admettre qu'il doive statuer contrairement à la conviction qu'il a acquise, sous prétexte qu'un allégué du demandeur aurait été insuffisant. C'est donc également à tort que la recourante soutient que l'art. 4 al. 2 aCPC/VD serait même incompatible avec l'art. 8 CC et que la cour cantonale aurait dû statuer en faisant abstraction de l'expertise, comme si une expertise n'avait pas été ordonnée ou n'aurait pas dû l'être. 
Contrairement à ce que soutient la recourante, sans fournir l'embryon d'une démonstration (art. 106 al. 2 LTF), la cour cantonale n'a pas non plus apprécié arbitrairement l'expertise (art. 243 CPC). 
 
5.   
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée n'ayant pas formulé d'observations sur le recours, il ne lui sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 LTF). La demanderesse n'étant pas partie à la procédure devant le Tribunal fédéral et n'ayant, au demeurant, pas formulé d'observations, il ne lui sera pas alloué de dépens. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile. 
 
 
Lausanne, le 8 février 2016 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : Piaget