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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_18/2022  
 
 
Arrêt du 9 novembre 2022  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Moser-Szeless et Bechaalany, Juge suppléante. 
Greffière : Mme Perrenoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Elio Lopes, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg, route du Mont-Carmel 5, 1762 Givisiez, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 12 novembre 2021 (608 2021 82). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1964, de nationalité portugaise, a travaillé en Suisse depuis 1989. En juin 2004, il a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité, que l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg (ci-après: l'office AI) a finalement rejetée par décision du 26 août 2013 (cf. aussi décision du 21 juin 2007, annulée par arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, du 16 octobre 2009). Statuant le 29 septembre 2015 sur le recours formé par A.________ contre la décision du 26 août 2013, la juridiction cantonale l'a partiellement admis. Elle a reconnu le droit de l'assuré à un quart de rente d'invalidité depuis le 1er juillet 2011 (taux d'invalidité de 45 %). Par décision du 17 mars 2016, faisant suite à l'arrêt cantonal, l'office AI a fixé le montant de la rente mensuelle due à l'assuré en se fondant sur une durée de cotisations de 19 ans et 2 mois pour un nombre d'années de cotisations selon la classe d'âge de 26 ans (échelle de rente 33).  
 
A.b. Au mois d'avril 2016, une procédure de révision du droit aux prestations a été initiée à la demande de l'assuré; celui-ci indiquait que son état de santé s'était sensiblement aggravé. A l'issue de son instruction, l'office AI a rejeté la demande et confirmé le droit de A.________ à un quart de rente (décision du 27 février 2018). Saisi d'un recours de l'assuré contre cette décision, le Tribunal cantonal du canton de Fribourg, IIe Cour des assurances sociales, l'a rejeté (arrêt du 29 octobre 2018). Par arrêt du 20 mars 2019 (9C_825/2018), le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours formé par A.________ contre cet arrêt. Il a annulé celui-ci, ainsi que la décision du 27 février 2018, renvoyé la cause à l'office AI pour instruction complémentaire dans le sens des considérants et nouvelle décision, et rejeté le recours pour le surplus.  
 
A.c. En exécution de l'arrêt fédéral de renvoi, l'office AI a diligenté une expertise auprès du Centre d'expertises médicales (CEMed) de Nyon (rapport du docteur B.________, spécialiste en neurologie, et de la doctoresse C.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, du 16 avril 2020). Par décision du 25 mars 2021, il a ensuite octroyé à l'assuré une demi-rente d'invalidité dès le 1er avril 2016, dont le montant a été calculé selon les mêmes éléments que la rente versée précédemment.  
 
B.  
Statuant le 12 novembre 2021 sur le recours formé par l'assuré contre cette décision, le Tribunal cantonal du canton de Fribourg, IIe Cour des assurances sociales, l'a rejeté. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, dont il demande l'annulation. Il conclut principalement à la reconnaissance de son droit à trois quarts de rente, subsidiairement à une demi-rente, à partir du 1er avril 2016, dont il chiffre le montant en application de l'échelle de rente 44. 
L'office AI conclut au rejet du recours en se référant à l'arrêt cantonal, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération. 
 
2.  
Le litige a trait, d'une part, à l'étendue du droit du recourant à une rente de l'assurance-invalidité dès le 1er avril 2016 (droit à trois quarts de rente et non à une demi-rente), et d'autre part, au calcul de la rente due (application de l'échelle de rente 44 en lieu et place de l'échelle de rente 33). 
 
3.  
 
3.1. S'agissant d'abord de l'étendue de son droit à une rente d'invalidité à partir du 1er avril 2016, le recourant reproche à la juridiction cantonale d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation pour confirmer l'abattement de 10% opéré sur le revenu d'invalide par l'office intimé. Il lui reproche essentiellement d'avoir nié que le critère du taux d'occupation réduit pût justifier d'augmenter l'abattement au-delà de 10 %. A cet égard, il résulterait de l'Enquête suisse sur la structure des salaires 2016 (ESS 2016) que le montant du salaire mensuel brut standardisé des travailleurs de sexe masculin est inférieur en cas d'emploi à temps partiel par rapport à celui des travailleurs à temps plein. Compte tenu de "toutes les circonstances personnelles et professionnelles pertinentes", le recourant soutient qu'un abattement de 25 % ou, à tout le moins de 15 %, aurait dû être appliqué, ce qui lui ouvrirait le droit à trois quarts de rente dès le 1er avril 2016.  
 
3.2. En ce qui concerne le taux d'abattement, on rappellera que la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation). Une déduction globale maximale de 25 % sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). Alors que le point de savoir s'il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou d'autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral, l'étendue de l'abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation, qui est soumise à l'examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessensunterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou a abusé ("Ermessensmissbrauch") de celui-ci (ATF 137 V 71 consid. 5.1; 132 V 393 consid. 3.3).  
En particulier, selon la jurisprudence, le critère du taux d'occupation réduit peut être pris en compte pour déterminer l'étendue de l'abattement à opérer sur le salaire statistique d'invalide lorsque le travail à temps partiel se révèle proportionnellement moins rémunéré que le travail à plein temps. A cet égard, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de constater que le travail à plein temps n'est pas nécessairement proportionnellement mieux rémunéré que le travail à temps partiel; dans certains domaines d'activités, les emplois à temps partiel sont en effet répandus et répondent à un besoin de la part des employeurs, qui sont prêts à les rémunérer en conséquence (ATF 126 V 75 consid. 5a/cc; cf. aussi arrêts 9C_10/2019 du 29 avril 2019 consid. 5.2.1; 8C_49/2018 du 8 novembre 2018 consid. 6.2.2.2). Cela étant, le travail à temps partiel peut, selon les statistiques, être synonyme d'une perte de salaire pour les travailleurs de sexe masculin (arrêts 8C_211/2018 du 8 mai 2018 consid. 4.4; 8C_805/2016 du 22 mars 2017 consid. 3.2 et les arrêts cités). 
 
3.3. En l'espèce, il ressort du tableau T 18 "Salaire mensuel brut (valeur centrale) selon le taux d'occupation, la position professionnelle et le sexe" de l'ESS 2016, auquel se réfère le recourant, que les travailleurs occupés entre 25 % et 49 %, sans fonction de cadre, perçoivent un salaire mensuel de 5'285 fr. (calculé sur la base d'un taux d'occupation de 100 %), soit un salaire moins élevé que celui versé en cas d'emploi à temps plein (taux d'occupation de 90 % ou plus), lequel se monte à 6'130 fr. Dans la mesure où les statistiques démontrent que les travailleurs occupés entre 25 % et 49 % reçoivent un salaire mensuel inférieur de 13,78 % à celui versé aux hommes travaillant à temps plein (taux d'occupation de 90 % ou plus), il se justifie de procéder à un abattement pour ce motif (cf. arrêts 9C_10/2019 précité consid. 5.2.2; 8C_49/2018 précité consid. 6.2.2.2).  
Par conséquence, dans la mesure où les premiers juges ont nié que le désavantage salarial induit par le taux d'activité réduit du recourant à 45% pût justifier de procéder à un abattement supplémentaire à celui de 10 % opéré par l'office intimé, ils n'ont pas tenu compte d'un critère approprié et ont excédé leur pouvoir d'appréciation (consid. 3.2 supra). Partant, l'argumentation de l'assuré selon laquelle un abattement d'au moins 15 % devait être appliqué au revenu d'invalide est bien fondée. Une réduction plus importante - le recourant invoque 25 % - ne modifierait pas l'étendue du droit à la rente, comme il ressort de ce qui suit. 
 
3.4. En appliquant un abattement de 15 % sur le revenu statistique d'invalide, qui doit être comparé au revenu sans invalidité au sens de l'art. 16 LPGA (selon les montants constatés par la juridiction cantonale qui lient le Tribunal fédéral; consid. 1 supra), le taux d'invalidité du recourant doit être fixé à 61 % ([66'300 fr. - 25'552 fr. 30] / 66'300 fr. x 100 = 61,46 %, arrondi à 61 %). Le même calcul avec un taux d'abattement de 25 % conduit à un taux d'invalidité de 66 % ([66'300 fr. - 22'546 fr. 15] / 66'300 fr. x 100 = 65,99 %, arrondi à 66 %). Le recourant a dès lors droit à trois quarts de rente de l'assurance-invalidité dès le 1er avril 2016 et non à une demi-rente (art. 28 al. 2 LAI, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021, soit avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2022, de la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 2020 [Développement continu de l'AI; RO 2021 705], compte tenu de la date de la décision administrative litigieuse; ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références). Le recours est bien fondé sur ce point.  
 
4.  
 
4.1. Concernant ensuite le calcul du montant de la rente d'invalidité due à partir du 1er avril 2016, le recourant soutient que la juridiction cantonale aurait dû "remettre en cause les bases de calcul de la rente d'invalidité fixées dans la décision du 17 mars 2016". Il se réfère à l'ATF 142 V 112 et invoque également les règles concernant les changements de pratique administrative ou de la jurisprudence, ainsi que la reconsidération des décisions administratives formellement passée en force (art. 53 al. 2 LPGA). Il fait en substance valoir que les premiers juges auraient dû appliquer la Convention de sécurité sociale entre la Suisse et le Portugal du 11 septembre 1975 (RS 0.831.109.654.1) et donc tenir compte des périodes d'assurance qu'il avait accomplies antérieurement au Portugal, si bien que la rente d'invalidité "augmentée" à partir du 1er avril 2016 (décision du 25 mars 2021) devait être calculée en application de l'échelle de rente 44 et non de l'échelle de rente 33.  
 
4.2. En l'espèce, le recourant ne conteste pas que la présente procédure relève d'un cas de révision au sens de l'art. 17 LPGA et non d'un nouveau cas d'assurance (sur ce point, cf. ATF 147 V 133 consid. 5.3 et les références). Dans un tel cas, comme l'ont considéré à juste titre les premiers juges, les bases de calcul de la rente initiale (ici, le quart de rente d'invalidité octroyé au recourant dès le 1er juillet 2011 selon la décision du 17 mars 2016 [échelle de rente 33]) demeurent applicables pour le calcul de la rente modifiée à la suite de la révision selon l'art. 17 LPGA (ATF 147 V 133 précité consid. 5.1 et les références).  
 
4.3. Dans ce contexte, le recourant se prévaut en vain des règles concernant les changements de pratique administrative ou de la jurisprudence. Certes, un changement dans la pratique judiciaire ou administrative peut exceptionnellement conduire à modifier des prestations périodiques fondées sur une décision (assortie d'effets durables) entrée en force formelle (sur ce point cf. ATF 135 V 215 consid. 5 et les arrêts cités). En l'espèce, toutefois, quoi qu'en dise le recourant, l'ATF 142 V 112 ne constitue pas un "changement de pratique des [o]ffices AI et des [c]aisses de compensation". Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a en effet rappelé la jurisprudence selon laquelle l'art. 20 de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (Accord sur la libre circulation des personnes, ALCP; RS 0.142.112.681) n'exclut pas qu'un assuré - qui a exercé son droit à la libre circulation avant l'entrée en vigueur de cet accord - soit mis au bénéfice d'une disposition plus favorable d'une convention bilatérale de sécurité sociale (ATF 133 V 329). Il a admis que cette jurisprudence est aussi applicable au calcul d'une rente d'invalidité suisse. Il n'a pas modifié sa jurisprudence, ni une pratique administrative établie.  
 
4.4. Le recourant ne saurait non plus rien tirer en sa faveur des règles concernant la reconsidération des décisions formellement passées en force (art. 53 al. 2 LPGA), dès lors déjà qu'il n'a pas présenté une demande de reconsidération de la décision du 17 mars 2016 devant l'office intimé, ce qu'il ne conteste pas. A cet égard, l'art. 53 al. 2 LPGA prévoit que l'assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable. La reconsidération est ainsi un acte auquel l'assureur social qui a rendu la décision passée en force peut procéder et le juge ne saurait se substituer à celui-ci en reconsidérant une décision à sa place (ATF 133 V 50 consid. 4.1; arrêt 9C_671/2015 du 3 mai 2016 consid. 4).  
 
5.  
Il résulte de ce qui précède que le recours est bien fondé en ce qui concerne le droit de l'assuré à trois quarts de rente de l'assurance-invalidité dès le 1er avril 2016. Il ne l'est en revanche pas s'agissant du calcul de la rente d'invalidité due à partir de cette date, que l'intimé a calculée à bon droit en application de l'échelle de rente 33. 
 
6.  
Les frais judiciaires doivent être répartis par moitié entre le recourant qui obtient partiellement gain de cause et l'intimé (art. 66 al. 1 LTF). 
Compte tenu de l'issue du litige en instance fédérale, la cause est renvoyée à la juridiction cantonale pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure (art. 67 et 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, IIe Cour des assurances sociales, du 12 novembre 2021, et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg du 25 mars 2021 sont réformés en ce sens que le recourant a droit à trois quarts de rente de l'assurance-invalidité dès le 1er avril 2016. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis pour 400 fr. à la charge du recourant et pour 400 fr. à la charge de l'intimé. 
 
3.  
L'intimé versera au recourant la somme de 1400 fr. à titre de dépens réduits pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, IIe Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, IIe Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 9 novembre 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
La Greffière : Perrenoud