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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_492/2021  
 
 
Arrêt du 24 août 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hohl, présidente, Kiss, Niquille, Rüedi et May Canellas. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
Fédération A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, (anciennement D.________), 
représentée par Mes Matthias Scherer, Domitille Baizeau et Catherine A. Kunz, avocats, 
intimée. 
 
Objet 
arbitrage international, 
 
recours contre la sentence incidente sur compétence rendue le 18 janvier 2017 et contre la sentence finale rendue le 23 juillet 2021 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève, constitué conformément au Traité sur la Charte de l'énergie et au Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), et statuant sous l'égide de la Cour permanente d'arbitrage (CPA n° 2013-31). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 17 décembre 1994, la Fédération A.________ a signé le Traité sur la Charte de l'énergie (TCE; RS 0.730.0) lequel vise à établir un cadre juridique destiné à promouvoir la coopération à long terme dans le domaine de l'énergie conformément aux objectifs et aux principes de la Charte européenne de l'énergie (art. 2 TCE).  
Selon l'art. 45 par. 1 TCE, ledit traité était applicable à titre provisoire dès sa signature, dans certaines limites, jusqu'à son entrée en vigueur. 
En août 1996, le Gouvernement... a soumis le TCE à la Chambre basse du parlement national en vue de sa ratification, laquelle a été refusée. 
Le 20 août 2009, la Fédération A.________ a informé le dépositaire du TCE de son intention de ne pas devenir partie contractante au traité en question. 
 
A.b. Dans les années 1990, E.________, l'une des plus importantes compagnies pétrolières de..., a été privatisée.  
 
A.c. C.________ est une holding... détenant des participations dans de nombreuses sociétés sises en... et dans diverses sociétés offshore.  
 
A.d. D.________, entité de droit luxembourgeois, a été constituée le 31 janvier 2003 en tant que société de financement visant à servir les intérêts du groupe E.________. Lors de sa création, D.________ était détenue par la société néerlandaise F.________, laquelle était contrôlée par C.________.  
En 2005, F.________ a cédé le capital social de D.________ à sa filiale néerlandaise G.________. Elle a ensuite transféré ses parts dans la société G.________ à la fondation néerlandaise H.________, laquelle détenait ainsi, indirectement, D.________. 
Le 4 août 2016, D.________ a fusionné avec I.________, société sise aux Iles Vierges britanniques, elle aussi détenue par H.________. Le 1er septembre 2016, la société reprenante I.________ a modifié sa raison sociale en B.________. Le 8 février 2017, D.________ a été radiée du registre du commerce luxembourgeois. 
 
A.e. Le 2 décembre 2003 et le 19 août 2004, D.________ a conclu deux contrats de prêt avec C.________ en vertu desquels elle s'est engagée à lui prêter des sommes pouvant atteindre 80 milliards de... et 355 millions de dollars américains (USD).  
Les montants versés à C.________ ont été financés au moyen de deux prêts, non garantis, qui ont été accordés à D.________ les 20 novembre 2003 et 18 août 2004 par deux sociétés du groupe E.________, à savoir J.________ et K.________, entités ayant leur siège respectivement aux Iles Vierges britanniques et à Chypre. Selon les termes convenus par les parties, D.________ ne devait s'acquitter de sa dette à l'égard de J.________ et de K.________ qu'une fois que C.________ l'aurait remboursée. 
 
A.f. Le 25 octobre 2003, L.________, Chief Executive Officer (CEO) de C.________, a été arrêté pour cause de fraude, de détournement de fonds et d'évasion fiscale. En juillet 2003, l'un de ses proches associés, M.________, avait également fait l'objet d'une arrestation pour des motifs similaires. Les deux hommes ont finalement tous deux été reconnus coupables des faits qui leur étaient reprochés et condamnés à une peine d'emprisonnement par les tribunaux...  
 
A.g. Entre octobre 2002 et décembre 2005, les autorités fiscales... ont effectué plusieurs audits visant C.________. Sur la base de leurs décisions de taxation couvrant les exercices fiscaux 2000 à 2004, elles ont retenu que C.________ avait commis diverses infractions fiscales et que celle-ci était débitrice d'un montant avoisinant... (soit approximativement 24 milliards USD).  
Dans le courant de l'année 2004, les autorités... ont entrepris des démarches tendant à l'exécution forcée des décisions de taxation précitées. Elles ont notamment gelé les avoirs détenus par C.________ auprès de seize établissements bancaires et ont saisi ses participations dans plusieurs sociétés, parmi lesquelles figurait notamment N.________ l'une des plus grandes sociétés d'extraction de pétrole du groupe E.________. 
La tentative de C.________ de régler à l'amiable le différend de nature fiscale l'opposant à la Fédération A.________ s'est soldée par un échec. 
En décembre 2004, les actions de N.________ qui avaient été saisies ont été vendues aux enchères à la demande du Ministère... de la justice. Comme cela a été révélé plus tard, la compagnie pétrolière étatique... O.________ a financé l'acquisition de N.________. Par la suite, C.________ a contesté, sans succès, la légalité de la vente aux enchères des actions de N.________. 
 
A.h. Le 4 août 2006, la faillite de C.________ a été prononcée.  
D.________ a vainement tenté, à plusieurs reprises, de faire valoir, dans le cadre de la faillite, ses prétentions découlant des prêts qu'elle avait accordés à la faillie. La liquidation de la faillite de C.________ a pris fin le 15 novembre 2007 et la faillie a été radiée du registre du commerce... le 21 novembre 2007. 
 
B.  
 
B.a. Le 15 février 2013, D.________, se fondant sur l'art. 26 par. 4 point b) TCE, a introduit une procédure d'arbitrage contre la Fédération A.________ en vue d'obtenir le paiement d'un peu plus de 13 milliards de dollars USD à titre de dommages-intérêts dérivant d'une prétendue expropriation illégale des investissements effectués par elle en... La demanderesse faisait valoir, en substance, que les prêts consentis à C.________ représentaient des investissements protégés par le TCE et que la Fédération A.________ l'avait expropriée en provoquant illégalement la faillite de C.________.  
Un Tribunal arbitral de trois membres a été constitué, conformément au Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), sous l'égide de la Cour permanente d'arbitrage (CPA), et son siège fixé à Genève. L'anglais a été désigné comme langue de l'arbitrage. 
 
B.b. Par lettre du 11 avril 2014, la Fédération A.________, invoquant l'art. 21 al. 4 du Règlement d'arbitrage de la CNUDCI, version 1976, a soulevé l'exception d'incompétence, qu'elle a fondée sur les cinq motifs alternatifs suivants:  
(1) la Fédération A.________ n'a jamais ratifié le TCE, qu'elle n'a appliqué à titre provisoire, conformément à l'art. 45 par. 1 TCE, jusqu'au 18 octobre 2009 que dans la mesure où cette application provisoire n'était pas incompatible avec sa Constitution ou ses lois et règlements; 
(2) les prêts consentis par D.________ à la société... C.________ ne peuvent pas être considérés comme des " investissements " au sens de l'art. 1 ch. 6 TCE; 
(3) le contentieux, étant donné sa nature fiscale, est exclu du champ d'application du traité en vertu de l'art. 21 TCE; 
(4) D.________ est une société qui n'exerce pas d'activités commerciales substantielles au Luxembourg et qui est contrôlée par des ressortissants d'un État tiers, si bien que la Fédération A.________ peut lui refuser le bénéfice de la partie III du traité (" Promotion et protection des investissements ") sur la base de l'art. 17 TCE; 
(5) les investissements allégués ont été effectués de manière illégale, si bien qu'ils ne sont pas protégés par le TCE. 
Le Tribunal arbitral, après avoir consulté les parties, a rendu, le 24 avril 2014, une ordonnance de procédure n° 1 dans laquelle il a, notamment, décidé de scinder la procédure et d'examiner préliminairement les motifs (1), (2) et (4), susmentionnés, étayant l'exception d'incompétence, les autres objections, y compris les motifs (3) et (5) censés justifier ladite exception, devant être traitées avec le fond de la cause. 
Le 17 mai 2016, le Tribunal arbitral a invité les parties à se déterminer sur le jugement rendu le 20 avril 2016 par la Cour de district de La Haye dans lequel celle-ci avait annulé les sentences arbitrales rendues dans les causes P.________, Q.________ et R.________ contre la Fédération A.________ (ci-après: le Jugement de La Haye). Après avoir recueilli les observations des parties, il a décidé de verser le Jugement de La Haye au dossier de l'arbitrage. 
Les parties ayant fait valoir leurs arguments sur les trois motifs d'incompétence formant l'objet de son examen préalable, le Tribunal arbitral a rendu, le 18 janvier 2017, une sentence incidente sur compétence (" Interim Award on Jurisdiction "; ci-après: la sentence incidente) dans le dispositif de laquelle il a notamment décidé ce qui suit:  
 
" (1) The Respondent's provisional application of the Energy Charter Treaty under the terms of Article 45 (1) does include its consent to international arbitration under Article 26 (3) (a) (by majority). 
(2) The Claimant does own an asset constituted by a debt of a company associated with an Economic Activity in the Energy Sector in the Area of the Respondent such that it has made an Investment to which the present dispute with Respondent relates (by majority). 
(3) Citizens or nationals of a third state did not control the Claimant on 11 April 2014 when the Respondent sought to deny the Claimant the advantages of Part III of the Energy Charter Treaty, such that the Respondent was not entitled to invoke the provisions of Article 17 (1). 
(4) The three objections to jurisdiction and admissibility raised by Respondent in its Notice dated 11 April 2014 that the Tribunal set down for determination in a preliminary phase by Procedural Order No 1 dated 24 April 2014 are therefore dismissed (by majority in respect of objections (1) and (2)). 
(5) Any other objections to jurisdiction and admissibility are, pursuant to Procedural Order No 1, joined to the merits. 
(...) ". 
L'arbitre désignée par la défenderesse a émis une opinion dissidente. 
 
B.c. Les motifs qui sous-tendent la sentence incidente peuvent être résumés comme il suit.  
 
B.c.a. Après avoir longuement examiné la question de savoir si l'application provisoire du TCE n'est pas incompatible avec le droit interne de la défenderesse, le Tribunal arbitral écarte la première objection préliminaire (sentence incidente, n. 47-294).  
Procédant ensuite à l'examen du deuxième motif d'incompétence, la formation arbitrale estime que les prêts consentis par D.________ à la société... C.________ constituent des investissements visés par l'art. 1 ch. 6 TCE (sentence incidente, n. 295-513). 
Les considérations détaillées ayant amené le Tribunal arbitral à écarter ces deux premières objections d'incompétence seront discutées plus loin lors de l'analyse des critiques formulées à cet égard par la défenderesse. 
 
B.c.b. Après avoir fait état des arguments avancés par les parties au sujet du quatrième motif d'incompétence soulevé (sentence incidente, n. 517-541), le Tribunal arbitral se penche sur le problème de savoir si la défenderesse peut refuser à la demanderesse le bénéfice de la partie III du traité (" Promotion et protection des investissements ") en vertu de l'art. 17 TCE dès lors que D.________ serait une société qui n'exerce pas d'activités commerciales substantielles au Luxembourg et qui serait contrôlée par des ressortissants d'un État tiers. A cet égard, il constate que, à la suite d'une restructuration opérée en 2005, une fondation de droit néerlandais (H.________) - dont les membres majoritaires de la direction étaient de nationalité américaine - détenait l'intégralité du capital-actions de la demanderesse par l'entremise d'une sous-holding néerlandaise (G.________). Se référant au Code civil néerlandais et à l'avis exprimé par les experts des parties en droit néerlandais, il relève que H.________ n'a pas de propriétaires. Seule la direction, en tant qu'organe, contrôle H.________. En l'espèce, la demanderesse était contrôlée par une organisation créée selon le droit d'une partie contractante au TCE, à savoir H.________ agissant par sa direction. L'une des deux conditions cumulatives posées à l'art. 17 par. 1 TCE n'est ainsi pas réalisée en l'espèce, de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'examiner si la demanderesse n'exerce pas d'activités commerciales substantielles au Luxembourg (sentence incidente, n. 542-566).  
 
B.d. Le 17 février 2017, la Fédération A.________ a formé un recours en matière civile à l'encontre de la sentence incidente sur compétence. Par arrêt du 20 juillet 2017, le Tribunal fédéral a déclaré le recours irrecevable (arrêt 4A_98/2017 partiellement publié aux ATF 143 III 462). En bref, il a considéré que la formation arbitrale, dans la sentence incidente entreprise, avait certes écarté de manière définitive trois des cinq motifs alternatifs avancés par la défenderesse à l'appui de son exception d'incompétence mais ne s'était, toutefois, pas prononcée sur les deux autres, qu'elle avait décidé de traiter avec la cause au fond. Le Tribunal arbitral n'avait dès lors pas statué définitivement sur sa compétence, raison pour laquelle le recours était irrecevable (ATF 143 III 462 consid. 3.3).  
 
B.e. A la suite du prononcé de cet arrêt, le Tribunal arbitral a poursuivi l'instruction de la cause.  
La formation arbitrale a tenu une audience à Londres du 1er au 12 juillet 2019. 
Statuant le 23 juillet 2021, le Tribunal arbitral a rendu sa sentence finale dont le dispositif énonce ce qui suit: 
 
" (1) By taking the Claimant's Loans without due process or compensation, the Respondent expropriated those Loans in breach of Article 13 ECT; 
(2) In view of its finding under (1) above, it is unnecessary for the Tribunal to determine the Respondent's liability for the Claimant's alternative claims under Article 10 ECT; 
(3) The Respondent shall compensate the Claimant for its loss of the sums due under the December 2003 Loan, save to the extent set forth in (4) below; 
(4) The recovery of sums advanced under the December 2003 Loan after 27 May 2004 falls to be reduced by 50% in view of the Claimant's contribution to its own loss in respect of those sums (by majority Z.________ and A1.________; B1.________ dissenting); 
(5) The Respondent is not under a duty to compensate the Claimant for its loss of the sum advanced under the August 2004 Loan, as the Claimant caused its own loss of that sum because it extended that sum at a time when it was reasonably foreseeable that those funds would be lost (by majority Z.________ and A1.________; B1.________ dissenting); 
(6) The Respondent shall pay compensation for the Claimant's loss of the value of the December 2003 Loan (after the reduction for contribution referred to in (4) above), comprising: 
(i) Principal of... converted to US dollars at the rate applicable on 31 December 2008 namely: USD 2,630,706,272.17; 
(ii) Unpaid contractual interest at the rate of 9% per annum accrued quarterly on sums drawn down under the December 2003 Loan from the day after the date of drawdown to 31 December 2008, converted to US dollars on 31 December 2008 at the same rate as under (i) above (by majority Z.________ and B1.________; A1.________ dissenting); 
(7) The Respondent shall pay interest on the sum awarded under (6) up to the date of this Award at the rate of: 
(i) 1% above the... 3-month commercial lending rate on unpaid contractual interest from the date on which such interest fell due under the December 2003 Loan to 31 December 2008, converted into US dollars on that date at the same rate as under (6) (i) above; 
(ii) 1% above the 6-month USD LIBOR commercial lending rate on principal and interest from 31 December 2008 until the date hereof (by majority Z.________ and B1.________; A1.________ dissenting); 
(8) The Claimant shall give credit in the enforcement of this Award for any sums that it recovers under the December 2003 Loan, in accordance with its undertaking; 
(9) The Respondent shall reimburse the Claimant for its share of the Tribunal's fees and expenses, together with the fees and expenses of the Tribunal Assistant and Registry, assessed at EUR 1,557,508.42; 
(10) The Respondent shall pay the Claimant its reasonable legal costs and expenses which are assessed at USD 20,552,462.46; 
(11) The Tribunal's Interim Award on Jurisdiction, including the Dissenting Opinion of A1.________, dated 18 January 2017 (annexed hereto) is hereby incorporated in, and forms part of this final Award. " 
L'arbitre nommé par la demanderesse et celle désignée par la défenderesse ont tous deux émis une opinion dissidente. 
 
B.f. Les motifs qui étayent cette sentence finale sont exposés ci-après.  
 
B.f.a. Après une brève introduction (sentence finale, n. 1-4), le Tribunal arbitral décrit la procédure telle qu'elle a été conduite sous son autorité (sentence finale, n. 5-95) avant de relater les faits pertinents à ses yeux (sentence finale, n. 96-167).  
 
B.f.b. Le Tribunal arbitral rappelle ensuite qu'il a déjà écarté trois objections d'incompétence soulevées par la défenderesse. Il indique que celle-ci fait encore valoir les motifs d'incompétence suivants (sentence finale, n. 169) :  
(i) Les prêts consentis par la demanderesse à C.________ sont contraires au droit international; 
(ii) Lesdits prêts contreviennent au droit...; 
(iii) La demanderesse ne revêt pas la qualité d'investisseur au sens de l'art. 1 ch. 7 TCE; 
(iv) Le présent procès constitue un abus de procédure; 
(v) le contentieux, étant donné sa nature fiscale, est exclu du champ d'application du traité en vertu de l'art. 21 TCE. 
La formation arbitrale précise qu'elle traitera les motifs (i), (ii) et (iv) lors de l'examen des mérites de la demande (sentence finale, n. 170). 
 
B.f.c. Après avoir exposé les arguments des parties s'agissant du statut d'investisseur de la demanderesse (sentence finale, n. 171-184), le Tribunal arbitral précise que le principe de l'autorité de la chose jugée ne l'empêche pas de statuer sur le motif d'incompétence soulevé (iii), dès lors qu'il s'agit d'une nouvelle objection (sentence finale, n. 185-192). Se référant à la définition donnée par l'art. 1 ch. 7 point a) let. ii) TCE, il relève que l'investisseur désigne toute entreprise ou autre organisation organisée conformément à la législation applicable sur le territoire d'une partie contractante. Il souligne que le moment décisif pour apprécier sa compétence est la date à laquelle la procédure arbitrale a été initiée, c'est-à-dire le 15 février 2013. A ce moment-là, c'est une fondation néerlandaise (H.________) qui était, par le truchement d'une autre société, la seule actionnaire de la demanderesse. Aussi cette dernière était-elle détenue et contrôlée par une entité organisée selon le droit d'une partie contractante au sens de l'art. 1 ch. 7 TCE (sentence finale, n. 194-203). Le Tribunal arbitral considère en outre que la restructuration opérée en cours de procédure par la demanderesse à la suite de sa fusion avec I.________ et le transfert de son siège aux Iles Vierges britanniques n'ont aucune incidence sur la question de sa compétence (sentence finale, n. 204-209).  
 
B.f.d. Après avoir détaillé les thèses antagonistes des parties au sujet de l'objection d'incompétence reposant sur l'art. 21 TCE (motif [v]; sentence finale, n. 210-224), le Tribunal arbitral observe que la demanderesse ne fonde pas son action sur des " mesures fiscales " au sens de l'art. 21 par. 1 TCE. Aucune charge fiscale ne reposait en effet sur la demanderesse, puisque les mesures prises par la défenderesse visaient C.________ et non sa créancière (sentence finale, n. 233 s.). Le Tribunal arbitral écarte dès lors l'exception d'incompétence fondée sur la disposition précitée (sentence finale, n. 242).  
 
B.f.e. Après avoir relaté en détail les positions antagonistes des parties (sentence finale, n. 243-350), le Tribunal arbitral en vient à l'examen du fond du litige, en déterminant, dans un premier temps, si la défenderesse a enfreint ses obligations découlant du TCE et, partant, engagé sa responsabilité à l'égard de la demanderesse (sentence finale, n. 351-559).  
Après avoir procédé à un examen détaillé du sort réservé à la demanderesse dans le cadre de la faillite de C.________ et du traitement par les tribunaux... des contestations émises par l'intéressée s'agissant du refus d'admettre ses prétentions à l'égard de la faillie (sentence finale, n. 395-431), et avoir écarté deux objections préliminaires soulevées par la défenderesse (sentence finale, n. 432-439), le Tribunal arbitral considère que le fait d'avoir privé la demanderesse de la possibilité de faire valoir effectivement ses droits découlant des prêts litigieux dans la faillite de C.________ constitue une expropriation au sens de l'art. 13 TCE, dès lors que celle-ci n'a pas été opérée de manière conforme aux garanties prévues par la loi et qu'elle était discriminatoire (sentence finale, n. 440-463). Il relève notamment que les procédures pénales ouvertes en... à l'encontre de la demanderesse et la pression exercée sur ses avocats dans le cadre de celles-ci visaient à l'intimider et à la dissuader de poursuivre ses démarches en vue de faire reconnaître ses prétentions dans la faillite de C.________ (sentence finale, n. 445). La demanderesse ne s'est ainsi jamais vu offrir une véritable possibilité de défendre ses droits. En somme, elle a été victime d'un déni de justice (sentence finale, n. 452). Le Tribunal arbitral estime en outre que la demanderesse a été discriminée dans le cadre de la faillite par rapport à d'autres créanciers, parmi lesquels figuraient notamment deux sociétés d'extraction de pétrole du groupe E.________, à savoir N.________ et S.________, qui ont par la suite été acquises par la société étatique... O.________ (sentence finale, n. 453-463). Il considère aussi que les actions menées par la défenderesse à l'encontre de la demanderesse et le harcèlement ainsi que l'intimidation de ses avocats s'inscrivaient dans le cadre d'une campagne orchestrée visant le groupe E.________ dans son ensemble (sentence finale, n. 464-485). 
Le Tribunal arbitral se demande, dans la foulée, si les prêts litigieux consentis par la demanderesse à C.________ sont le fruit d'un comportement illicite et s'ils ne sont, partant, pas protégés par le TCE (sentence finale, n. 486-559). Sur la base des preuves disponibles, il estime que la défenderesse n'a pas démontré que les arrangements grâce auxquels les fonds ont été mis à disposition de la demanderesse pour effectuer les prêts en question résulteraient d'un schéma établi dans l'intention criminelle de se soustraire au paiement des impôts... Les prêts ne sauraient ainsi être qualifiés d'illicites (sentence finale, n. 558 s.). 
 
B.f.f. Le Tribunal arbitral examine ensuite s'il existe un lien de causalité entre la violation de l'art. 13 par. 1 TCE commise par la défenderesse et le dommage subi par la demanderesse et se demande si celle-ci a elle-même contribué à la survenance de son propre préjudice. Après avoir exposé les arguments avancés par les parties et détaillé les circonstances factuelles pertinentes à cet égard (sentence finale, n. 566-594), il précise que la question à résoudre consiste à savoir dans quelle mesure il existait un risque raisonnablement prévisible que les investissements soient perdus au moment où la demanderesse a prêté de l'argent à C.________ (sentence finale, n. 595-666).  
S'agissant du prêt consenti en décembre 2003, la formation arbitrale considère que, lors de la conclusion de celui-ci, le risque pour la demanderesse de ne pas être remboursée n'était pas raisonnablement prévisible (sentence finale, n. 669-672). Elle souligne que la situation a évolué rapidement au cours du premier semestre de l'année 2004. Elle considère qu'un risque raisonnablement prévisible pour la demanderesse de perdre son investissement s'est matérialisé le 27 mai 2004, date à laquelle C.________ a, pour la première fois, publiquement évoqué la possibilité de faire faillite en raison des mesures prises à son encontre par les autorités... (sentence finale, n. 673-677). Selon les termes du contrat conclu en décembre 2003, le montant du prêt devait être versé en plusieurs traites, sur demande de l'emprunteuse, jusqu'à concurrence de la somme maximale convenue (sentence finale, n. 679). L'art. 2.4.1 dudit contrat autorisait par ailleurs la prêteuse à réclamer le remboursement du prêt avant l'échéance convenue si elle avait des raisons suffisantes de penser que la situation financière de l'emprunteuse ne lui permettrait pas d'obtenir le remboursement du prêt dans les délais convenus (sentence finale, n. 680). Le Tribunal arbitral considère que la demanderesse s'est montrée négligente dans la sauvegarde de ses propres intérêts, dans la mesure où la déclaration publique du 27 mai 2004 représentait une raison suffisante, au sens de l'art. 2.4.1 du contrat de prêt, de douter de la capacité de C.________ à rembourser sa dette (sentence finale, n. 682 s.). Il estime dès lors que la demanderesse a contribué à la survenance de son propre dommage à raison de 50 % s'agissant des sommes qui ont été remises à C.________ après le 27 mai 2004, soit les 16, 22 et 28 juin 2004, en vertu du contrat de prêt de décembre 2003 (sentence finale, n. 684 s.). 
En ce qui concerne le prêt conclu en août 2004, la formation arbitrale considère que c'est le choix délibéré de la demanderesse de prêter de l'argent à C.________, dans des circonstances où il était raisonnablement prévisible qu'elle perdrait son investissement, qui était la cause directe du dommage subi par l'intéressée, raison pour laquelle celle-ci ne peut pas prétendre au remboursement des montants versés sur la base dudit prêt (sentence finale, n. 686-699). 
 
B.f.g. Dans une partie de sa sentence intitulée " Compensation " (sentence finale, n. 700-863), le Tribunal arbitral examine différentes questions ayant trait notamment à la fixation du dommage subi par la demanderesse. Il arrête le montant du préjudice subi en lien avec le capital investi et règle, dans la foulée, la question des intérêts dus à la demanderesse, avant de se prononcer sur le montant et la répartition des frais et dépens.  
 
C.  
Le 14 septembre 2021, la Fédération A.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile, assorti d'une requête d'effet suspensif, aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence incidente sur compétence du 18 janvier 2017 ainsi que de la sentence finale rendue le 23 juillet 2021. Elle demande également au Tribunal fédéral de constater l'incompétence du Tribunal arbitral. 
La requête d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance du 1er novembre 2021. 
Dans sa réponse du 10 décembre 2021, B.________ (ci-après: l'intimée) a conclu à l'irrecevabilité de certaines pièces produites par la recourante à l'appui de son mémoire, et, sur le fond, au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
Invité à se prononcer sur le recours, le Tribunal arbitral a déclaré se référer à sa sentence. 
La recourante, dans sa réplique du 13 janvier 2022, et l'intimée, dans sa duplique du 18 février 2022, ont maintenu leurs conclusions initiales. 
Le 11 avril 2022, le conseil de la recourante a indiqué qu'il cessait d'assurer la défense des intérêts de cette dernière dans le cadre de la présente procédure. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé le français. Conformément à sa pratique (cf. ATF 142 III 521 consid. 1), le Tribunal fédéral rendra son arrêt dans la langue du recours, c'est-à-dire le français. 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile est recevable contre les sentences touchant l'arbitrage international aux conditions fixées par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF.  
 
2.2. Le siège du Tribunal arbitral se trouve à Genève. Aucune des parties n'avait son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont dès lors applicables (art. 176 al. 1 LDIP).  
 
3.  
Le recours en matière civile prévu à l'art. 77 al. 1 LTF n'a généralement qu'un caractère cassatoire (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 107 al. 2 LTF dans la mesure où cette dernière disposition permet au Tribunal fédéral de statuer sur le fond de l'affaire). Cependant, exception est faite à ce caractère-là lorsque le litige porte sur la compétence du Tribunal arbitral. En pareille hypothèse, le Tribunal fédéral, s'il admet le recours, peut constater lui-même la compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral (ATF 136 III 605 consid. 3.3.4). La conclusion par laquelle la recourante invite la Cour de céans à constater elle-même l'incompétence du Tribunal arbitral est, dès lors, recevable. 
Pour le reste, qu'il s'agisse de l'objet du recours (sentence incidente du 18 janvier 2017 et sentence finale du 23 juillet 2021), de la qualité pour recourir, du délai de recours ou encore des grief soulevés par l'intéressée, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen de la recevabilité, sous l'angle de leur motivation, des différents moyens invoqués par la recourante. 
 
4.  
 
4.1. Un mémoire de recours visant une sentence arbitrale doit satisfaire à l'exigence de motivation telle qu'elle découle de l'art. 77 al. 3 LTF en liaison avec l'art. 42 al. 2 LTF et la jurisprudence relative à cette dernière disposition (ATF 140 III 86 consid. 2 et les références citées). Cela suppose que la partie recourante discute les motifs de la sentence entreprise et indique précisément en quoi elle estime que l'auteur de celle-ci a méconnu le droit. La recourante ne pourra le faire que dans les limites des moyens admissibles contre ladite sentence, à savoir au regard des seuls griefs énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP lorsque l'arbitrage revêt un caractère international. Au demeurant, comme cette motivation doit être contenue dans l'acte de recours, la partie recourante ne saurait user du procédé consistant à prier le Tribunal fédéral de bien vouloir se référer aux allégués, preuves et offres de preuve contenus dans les écritures versées au dossier de l'arbitrage. De même se servirait-elle en vain de la réplique pour invoquer des moyens, de fait ou de droit, qu'elle n'avait pas présentés en temps utile, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de recours non prolongeable (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 47 al. 1 LTF) ou pour compléter, hors délai, une motivation insuffisante (arrêt 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 2.2 et les références citées).  
 
4.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Sa mission, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage. Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (arrêt 4A_478/2017, précité, consid. 2.2).  
 
5.  
 
5.1. L'art. 99 al. 1 LTF, qui s'applique aussi en matière d'arbitrage international (art. 77 al. 2 LTF a contrario), proscrit en principe la présentation de faits nouveaux et de preuves nouvelles devant le Tribunal fédéral. L'interdiction des nova concerne l'état de fait (ATF 134 V 208 consid. 3.6.1; arrêt 4A_80/2018 du 7 février 2020 consid. 2.4.1 et les références citées).  
A contrario, cette disposition n'interdit pas les moyens de droit nouveaux. Aussi la production d'avis de droit, d'extraits doctrinaux ou de jurisprudence échappe-t-elle en principe à l'interdiction des nova, en tant que ces éléments visent à consolider l'argumentation juridique du recourant (ATF 138 II 217 consid. 2.4; 108 II 167 consid. 5; 105 II 1 consid. 1; arrêts 4A_80/2018, précité, consid. 2.4.1 et les références citées; 4A_500/2015 du 18 janvier 2017 consid. 2.2). Encore faut-il les produire en temps utile, soit dans le délai de recours (ATF 138 II 217 consid. 2.5; 108 II 69 consid. 1).  
 
5.2. Divers tempéraments et nuances doivent toutefois être apportés. Ainsi, une expertise sur le droit étranger, des extraits de doctrine ou encore des décisions d'autorités judiciaires étrangères peuvent avoir, partiellement au moins, le caractère d'un moyen de preuve, dans la mesure où les parties doivent contribuer à faire constater le droit étranger (cf. art. 16 al. 1 LDIP; ATF 138 II 217 consid. 2.3; arrêt 4A_80/2018, précité, consid. 2.4.1 et les références citées). Il arrive également qu'une partie produise un jugement ayant un lien avec la cause, pour étayer des faits (cf. par ex. arrêt 4A_247/2017 du 18 avril 2018 consid. 3). En outre, la production de jugements postérieurs à la décision entreprise heurte en soi le postulat sous-jacent à l'art. 99 LTF, à savoir que l'autorité de céans contrôle l'application du droit sur la base de la situation prévalant au moment du jugement attaqué; l'expression " précédents " (cf. arrêt 4A_190/2007 du 10 octobre 2007 consid. 5.1), caractérisant le poids que peut conférer la jurisprudence, est suffisamment parlante à cet égard (arrêt 4A_80/2018, précité, consid. 2.4.1).  
En matière d'arbitrage international, la Cour de céans a ainsi, par exemple, déclaré irrecevables une décision judiciaire française, une opinion de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi qu'une loi étrangère en relevant que ces éléments postérieurs à la date de reddition de la sentence attaquée étaient des pièces nouvelles irrecevables, tout comme les allégations s'y rapportant (arrêt 4A_157/2017 du 14 décembre 2017 consid. 3.3.1). La présentation d'une sentence arbitrale postérieure à la décision attaquée s'est heurtée au même écueil d'irrecevabilité (arrêt 4P.104/2004 du 18 octobre 2004 consid. 3.3 in fine).  
 
5.3. Lorsqu'un recours en matière d'arbitrage international est dirigé simultanément, comme en l'espèce, contre une sentence incidente écartant certains griefs d'incompétence et contre une sentence finale, le moment décisif pour apprécier la recevabilité des pièces nouvellement produites dépend de la date à laquelle a été rendue la sentence visée par le grief au soutien duquel les moyens de preuve en question sont invoqués.  
En l'occurrence, la recourante produit toute une série de pièces nouvelles pour étayer ses exceptions d'incompétence ayant été rejetées par le Tribunal arbitral dans sa sentence incidente du 18 janvier 2017, raison pour laquelle ladite date est décisive pour apprécier leur recevabilité et contrôler l'application du droit faite par la formation arbitrale sur la base de la situation qui prévalait au moment où elle a écarté lesdites exceptions. 
En l'espèce, la recourante n'a pas fourni d'explications circonstanciées, dans son mémoire de recours, visant à démontrer que les pièces nouvelles qu'elle a produites ne constituaient pas de nouveaux développements par rapport à la situation juridique qui prévalait au jour du prononcé de la sentence incidente mais ne faisaient que refléter l'état du droit qui existait à ce moment-là. Sa tentative d'y remédier dans le cadre de sa réplique n'est pas admissible. L'intéressée concède, par ailleurs, que les décisions rendues postérieurement à ladite sentence n'ont pas de portée dans le cadre du présent recours et que seuls les jugements antérieurs au prononcé de celle-ci sont en principe recevables à titre de moyens de droit nouveaux (recours, n. 8 et 257). Quant aux sentences arbitrales, l'autorité de céans a déjà souligné, dans le domaine de la protection internationale des investissements notamment, qu'on ne saurait voir dans la jurisprudence arbitrale une source à proprement parler du droit de l'arbitrage (arrêt 4A_80/2018, précité, consid. 2.4.3 et les références citées). Toutes les décisions judiciaires, notamment la résolution n. 2867-O-P de la Cour constitutionnelle... du 24 décembre 2020 (ci-après: la résolution n. 2867-O-P), et les actes de procédure y relatifs ou documents en lien avec de telles procédures, ainsi que les sentences arbitrales rendues dans d'autres procédures postérieurement à la date de reddition de la sentence incidente (18 janvier 2017) sont dès lors irrecevables (pièces n. 10, 16 à 22, 31, 38, 57, 62, 81 à 90, 98, 104, 105 et 129 de la recourante et n. 12, 26, 33 et 38 de l'intimée). Les rapports de la Commission du droit international des Nations Unies sur le projet de Guide de l'application à titre provisoire des traités ainsi que les commentaires y relatifs émanant de la part de certains États sont également irrecevables car postérieurs à la date de reddition de la sentence incidente (pièces n. 43 à 47 de la recourante). Les documents établis en 2019 et 2020 par les institutions de l'Union européenne au sujet du projet de modernisation du TCE sont aussi irrecevables (pièces n. 106 à 108 de la recourante). Les allégations se rapportant aux pièces susmentionnées sont dès lors irrecevables. En revanche, bien qu'ils aient été établis eux aussi après que la sentence déférée eut été rendue, les avis de droit produits par la recourante (pièces n. 28 et 30) et par l'intimée (pièce n. 19) aux fins de consolider leur argumentation juridique ne seront pas écartés du dossier. 
 
6.  
Dans un premier moyen, la recourante, invoquant l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, reproche au Tribunal arbitral d'avoir écarté la première objection préliminaire qu'elle avait soulevée selon laquelle l'application provisoire de l'art. 26 TCE est incompatible avec le droit interne... Pour mieux saisir le sens des critiques émises par la recourante, il convient d'exposer les motifs par lesquels la formation arbitrale a écarté ladite objection. Avant toute chose, il sied toutefois de reproduire le texte des dispositions topiques du TCE pour une meilleure compréhension des explications qui vont suivre. 
 
6.1. Les art. 26 et 45 TCE ont la teneur suivante:  
 
" Art. 26 TCE  
1. Les différends qui opposent une partie contractante et un investisseur d'une autre partie contractante au sujet d'un investissement réalisé par ce dernier dans la zone de la première et qui portent sur un manquement allégué à une obligation de la première partie contractante au titre de la partie III sont, dans la mesure du possible, réglés à l'amiable. 
2. Si un différend de ce type n'a pu être réglé conformément aux dispositions du paragraphe 1 dans un délai de trois mois à compter du moment où l'une des parties au différend a sollicité un règlement à l'amiable, l'investisseur partie au différend peut choisir de le soumettre, en vue de son règlement: 
a) aux juridictions judiciaires ou administratives de la partie contractante qui est partie au différend; ou 
b) conformément à toute procédure de règlement des différends applicable préalablement convenue; ou 
c) conformément aux paragraphes suivants du présent article. 
3. 
a) Sous réserve des seuls points b) et c), chaque partie contractante donne son consentement inconditionnel à la soumission de tout différend à une procédure d'arbitrage ou de conciliation internationale, conformément aux dispositions du présent article. 
b) 
i) Les parties contractantes énumérées à l'annexe ID ne donnent pas ce consentement inconditionnel si l'investisseur a, au préalable, soumis ce différend selon les procédures prévues au par. 2) points a) ou b). 
ii) Pour des raisons de transparence, chaque partie contractante qui est indiquée à l'annexe ID communique par écrit ses politiques, pratiques et conditions en la matière au Secrétariat au plus tard à la date de dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation conformément à l'art. 39 ou au dépôt de son instrument d'adhésion conformément à l'art. 41. 
c) Les parties contractantes énumérées à l'annexe IA ne donnent pas ce consentement inconditionnel pour les différends survenant au sujet de la disposition contenue dans la dernière phrase de l'art. 10, par. 1. 
4. Si un investisseur choisit de soumettre le différend en vue de son règlement, conformément au par. 2, point c), il donne son consentement par écrit pour que le différend soit porté devant: 
a) 
i) le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, créé en application de la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États, du 18 mars 1965, ci-après dénommée «convention CIRDI», si la partie contractante de l'investisseur et la partie contractante partie au différend sont toutes deux parties à la convention CIRDI; ou 
ii) le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, créé en application de la convention visée au point a), sur la base du règlement du mécanisme supplémentaire pour l'administration des procédures par le Secrétariat du Centre, ci-après dénommé «règlement du mécanisme supplémentaire», si la partie contractante de l'investisseur ou la partie contractante partie au différend, mais non les deux, est partie à la convention CIRDI; 
b) à un arbitre unique ou à un tribunal d'arbitrage ad hoc constitué sur la base du règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI); ou 
c) à une procédure d'arbitrage sous l'égide de l'Institut d'arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm. 
5. 
a) Le consentement prévu au par. 3, ainsi que le consentement écrit de l'investisseur donné en application du par. 4, sont considérés comme satisfaisant aux exigences suivantes: 
i) l'existence d'un consentement écrit des parties à un différend aux fins du chap. II de la convention CIRDI et du règlement du mécanisme supplémentaire; 
ii) l'existence d'un accord par écrit aux fins de l'art. II de la Convention des Nations Unies pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, faite à New York le 10 juin 1958, ci-après dénommée «convention de New York»; et 
iii) l'existence d'un accord par écrit des parties à un contrat aux fins de l'article 1er du règlement d'arbitrage de la CNUDCI. 
b) Tout arbitrage effectué en vertu du présent article se déroule à la demande de l'une des parties au différend dans un État qui est partie à la convention de New York. Les réclamations soumises à l'arbitrage conformément aux présentes dispositions sont considérées comme découlant d'une relation ou d'une transaction commerciale aux fins de l'art. 1 de ladite convention. 
6. Un tribunal constitué selon les dispositions du par. 4 statue sur les questions litigieuses conformément au présent traité et aux règles et principes applicables de droit international. 
7. (...) 
8. (...). 
Art. 45 TCE  
1. Les signataires conviennent d'appliquer le présent traité à titre provisoire, en attendant son entrée en vigueur pour ces signataires conformément à l'art. 44, dans la mesure où cette application provisoire n'est pas incompatible avec leur Constitution ou leurs lois et règlements. 
2. 
a) Nonobstant le par. 1, tout signataire peut, lors de la signature, déposer auprès du dépositaire une déclaration selon laquelle il n'est pas en mesure d'accepter l'application provisoire. L'obligation énoncée au par. 1 ne s'applique pas au signataire qui a procédé à cette déclaration. Tout signataire de ce type peut à tout moment retirer cette déclaration par notification écrite au dépositaire. 
b) Ni un signataire qui procède à une déclaration telle que visée au point a) ni des investisseurs de ce signataire ne peuvent se prévaloir du bénéfice de l'application provisoire au titre du par. 1. 
c) Nonobstant le point a), tout signataire qui procède à une déclaration telle que visée à ce point applique à titre provisoire la partie VII, en attendant l'entrée en vigueur du présent traité pour ledit signataire conformément à l'art. 44, dans la mesure où cette application provisoire n'est pas incompatible avec ses lois et règlements. 
3. 
a) Tout signataire peut mettre un terme à son application provisoire du présent traité en notifiant par écrit au dépositaire son intention de ne pas devenir partie contractante au présent traité. La fin de l'application provisoire prend effet, pour tout signataire, à l'expiration d'un délai de 60 jours à compter du jour où le dépositaire reçoit la notification écrite du signataire. 
b) Lorsqu'un signataire met fin à son application provisoire en vertu du point a), l'obligation qu'il a, en vertu du par. 1, d'appliquer les parties III et V à tout investissement réalisé dans sa zone au cours de l'application provisoire par des investisseurs des autres signataires reste néanmoins valable, en ce qui concerne ces investissements, pendant vingt ans à compter de la date effective de fin d'application, sauf disposition contraire du point c). 
c) Le point b) ne s'applique pas aux signataires énumérés à l'annexe PA. Tout signataire est retiré de la liste figurant à cette annexe dès qu'il a adressé une demande à cet effet au dépositaire. 
4. (...) 
5. (...) 
6. (...) 
7. (...). " 
 
6.2.  
 
6.2.1. Après avoir exposé les arguments des parties concernant le problème considéré (sentence incidente, n. 50-173), le Tribunal arbitral précise que la question qu'il doit résoudre est celle de savoir si, en vertu de l'art. 45 par. 1 TCE, l'application provisoire du TCE vaut soumission de la recourante à la procédure d'arbitrage selon l'art. 26 par. 3 point a) TCE (sentence incidente, n. 174). Cela suppose de déterminer si l'application provisoire de l'art. 26 TCE n'est pas incompatible avec la Constitution, les lois ou les règlements de la recourante (sentence incidente, n. 175).  
Le Tribunal arbitral relève, dans la foulée, que les solutions retenues par diverses formations arbitrales concernant le problème litigieux sont contrastées. Tout en soulignant qu'il gardera à l'esprit le raisonnement tenu sur ce point par d'autres arbitres ainsi que les avis doctrinaux cités par eux, il indique qu'il examinera librement sa propre compétence sur la base du droit applicable au moment où la procédure d'arbitrage divisant les parties a été initiée, à savoir le 15 février 2013 (sentence incidente, n. 176 s.). 
 
6.2.2. La formation arbitrale procède ensuite à l'interprétation de l'art. 45 par. 1 TCE conformément à l'art. 31 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111; ci-après: CV) en prêtant une attention particulière à la clause d'incompatibilité avec le droit interne (" Domestic Law Consistency Clause "; ci-après: la clause d'incompatibilité), en vertu de laquelle les signataires du TCE s'engagent à appliquer ledit traité à titre provisoire " dans la mesure où cette application provisoire n'est pas incompatible avec leur Constitution ou leurs lois et règlements " (sentence incidente, n. 180-212). Soulignant l'usage d'une double " négation " (" pas " et " incompatible ") dans la formulation de la clause d'incompatibilité, elle observe que celle-ci vise à éviter un conflit entre l'application provisoire des dispositions du TCE et le droit interne de l'État concerné. Cela ne signifie cependant pas que les règles prévues par ledit traité ou le droit interne doivent avoir un contenu similaire. Celles-ci peuvent en effet coexister, même si elles divergent. Le Tribunal arbitral déduit en outre de la double forme négative qu'il incombe à la partie qui allègue l'existence d'une telle incompatibilité d'en faire la démonstration. En outre, le degré requis pour déterminer si les deux corps de règles juridiques peuvent coexister est celui qui permet d'éviter les conflits normatifs (sentence incidente, n. 207-211).  
Poursuivant son analyse, le Tribunal arbitral relève que le régime de l'application provisoire d'un traité est largement reconnu en droit international public puisqu'il est notamment codifié à l'art. 25 CV (sentence incidente, n. 213-231). Cette disposition prévoit qu'un traité peut s'appliquer à titre provisoire en attendant son entrée en vigueur si le traité lui-même en dispose ainsi (art. 25 par. 1 let. a CV) ou si les États ayant participé à la négociation en étaient ainsi convenus d'une autre manière (art. 25 par. 1 let. b CV). 
La formation arbitrale observe, ensuite, que la recourante n'a jamais formulé de déclaration visant à limiter l'application provisoire du TCE jusqu'à la ratification de celui-ci, alors même que les signataires du TCE avaient été rendus attentifs à l'existence de cette possibilité et que plusieurs d'entre eux ont expressément manifesté leur intention de ne pas appliquer ledit traité à titre provisoire (sentence incidente, n. 232 s.). Une décision relative à l'application provisoire du TCE n'était pas nécessaire puisqu'une telle institution était bien connue en droit... et qu'elle était expressément prévue par une disposition dudit traité. La formation arbitrale relève aussi que, lorsqu'il a soumis le TCE à la Chambre basse du parlement national en vue de sa ratification, le Gouvernement de la recourante a notamment indiqué, dans une note explicative, que la disposition prévoyant l'application provisoire dudit traité était conforme à la législation... ("... At the time of signing of the ECT, the provision on provisional application was in conformity with the... legal acts... "). Elle constate que la recourante a maintenu pareille position depuis la signature du traité en décembre 1994 jusqu'en août 2009, soit durant près de quinze ans, lorsqu'elle a manifesté son intention de ne pas devenir partie contractante au TCE (sentence incidente, n. 234-242). Le Tribunal arbitral précise toutefois que l'obligation d'appliquer le TCE à titre provisoire, que la recourante a volontairement assumée depuis la signature du traité en question, ne vaut que " dans la mesure où cette application provisoire n'est pas incompatible avec [sa] Constitution ou [ses] lois et règlements " (sentence incidente, n. 243).  
 
6.2.3. Poursuivant son examen de la clause d'incompatibilité prévue par l'art. 45 par. 1 TCE au regard du droit interne de la recourante (sentence incidente, n. 243-294), la formation arbitrale souligne que le principe même de l'application provisoire d'un traité international mais aussi le domaine visé par celui-ci peuvent se révéler contraires à la législation interne de l'État concerné, raison pour laquelle elle examinera ces deux aspects (sentence incidente, n. 246 s.). Elle se penche, dans la foulée, sur les dispositions topiques du droit interne... A cet égard, elle observe qu'il n'est pas contesté par les parties que, selon l'art. 15 al. 4 de la Constitution de la Fédération A.________ (ci-après: la Constitution...), les dispositions d'un traité international - y compris lorsque celui-ci n'est applicable qu'à titre provisoire - priment le droit interne... (" Article 15[4] of the Constitution applies equally to provisionally applicable treaties "; sentence incidente, n. 249 [c]). Le Tribunal arbitral constate que la Loi de la Fédération A.________ de 1995 sur les traités internationaux (" Federal Law on International Treaties of the... "; ci-après: FLIT) opère une distinction entre la ratification des traités internationaux, laquelle nécessite en principe l'adoption d'une loi fédérale (art. 14 s. FLIT), et l'application provisoire de ceux-ci (art. 23 FLIT). Ensuite de quoi, il s'attarde sur l'art. 23 FLIT, lequel prévoit ce qui suit:  
 
" Article 23 - Provisional application of international treaties by the... Federation  
1. An international treaty or a part of a treaty may, prior to its entry into force, be applied by the... Federation provisionally if the treaty itself so provides or if an agreement to that effect has been reached with the parties that have signed the treaty. 
2. Decisions on the provisional application of a treaty or a part thereof by the... shall be made by the body that has taken the decision to sign the international treaty according to the procedure set out in Article 11 of this Federal Law. 
If an international treaty - the decision on the consent to the binding character of which for the... is, under this federal law, to be taken in the form of a federal law - provides for the provisional application of the treaty or a part thereof, or if an agreement to that effect was reached among the parties in some other manner, then this treaty shall be submitted to the... within six months from the start of its provisional application. The term of provisional application may be prolonged by way of a decision taken in the form of a federal law according to the procedure set out in Article 17 of this Federal Law for the ratification of international treaties. 
3. Unless the international treaty provides otherwise, or the respective States otherwise agree, the provisional application by the... of a treaty or a part thereof shall be terminated upon notification to the other States that apply the treaty provisionally of the intention of the... not to become a party to the treaty. " 
Se référant à l'avis des experts en droit... cités par les parties, la formation arbitrale observe que le régime prévu par l'art. 23 al. 1 et 2, premier paragraphe, FLIT correspond à celui applicable lors de la signature du TCE. Elle constate que, selon le droit..., les traités nécessitant une ratification sont aussi susceptibles d'être appliqués à titre provisoire (sentence incidente, n. 252). Elle souligne que l'exigence procédurale, ancrée à l'art. 23 al. 2, second paragraphe, FLIT, selon laquelle un traité doit être soumis à la Chambre basse du parlement de la recourante dans les six mois à compter du début de l'application provisoire du traité, a été introduite en 1995 et ne saurait déployer des effets rétroactifs. En tout état de cause, le non-respect de cette nouvelle exigence n'entraînerait pas automatiquement la fin de l'application provisoire d'un traité (sentence incidente, n. 253). 
Se référant ensuite aux considérations émises par la Cour constitutionnelle... dans sa résolution n. 8-P du 27 mars 2012 (ci-après: la résolution n. 8-P), le Tribunal arbitral relève que ladite Cour a confirmé la constitutionnalité de l'art. 23 al. 1 FLIT (sentence incidente, n. 254-259). A cet égard, il souligne que la Cour constitutionnelle a notamment indiqué ce qui suit: 
 
" provisions of a provisionally applied international treaty become part of the legal system of the... and, like international treaties of the... that have entered into force, have priority over... laws " (sentence incidente, n. 256). 
Selon la Cour constitutionnelle..., l'application provisoire d'un traité est admissible, même lorsque celui-ci contient des règles s'écartant de celles prévues par la législation interne (sentence incidente, n. 257). Le Tribunal arbitral souligne que les dispositions d'un traité faisant l'objet d'une application provisoire font partie intégrante de l'ordre juridique... et, à l'instar des autres traités internationaux ratifiés par la Fédération A.________ et entrés en force, priment les lois nationales... Il relève certes que, dans l'affaire examinée par la Cour constitutionnelle, le traité appliqué à titre provisoire ne contenait aucune clause d'incompatibilité avec le droit interne. Cela étant, la formation arbitrale considère qu'il n'existe aucun obstacle, sous l'angle du droit constitutionnel..., à l'application provisoire d'un traité international établissant des règles s'écartant de celles prévues par le droit interne, et ce, indépendamment du point de savoir si ledit traité contient ou non une telle clause d'incompatibilité (sentence incidente, n. 258). 
Le Tribunal arbitral estime que l'art. 15 al. 1 FLIT, selon lequel les traités internationaux établissant des règles différentes de celles prévues par la législation interne doivent faire l'objet d'une ratification, régit une question distincte de celle ayant trait à l'application provisoire d'un traité jusqu'à son entrée en force. Le but d'une telle application provisoire est d'attribuer un effet contraignant à des traités qui doivent encore être ratifiés pour déployer leurs effets au sein de l'ordre juridique... La législation... n'interdit pas l'application provisoire de tels traités jusqu'à leur ratification puisqu'elle réserve expressément cette possibilité (sentence incidente, n. 260). 
Le Tribunal arbitral considère en outre que l'application provisoire du TCE jusqu'à sa ratification n'est pas contraire au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. A cet égard, il relève que l'application provisoire d'un traité international est une institution réglée dans une loi fédérale (FLIT) adoptée par le Parlement... C'est par l'effet de cette loi que le pouvoir législatif a conféré au Gouvernement... le droit de consentir à l'application provisoire d'un traité avant sa ratification, étant précisé que, selon les art. 11 et 23 al. 2 FLIT, la décision relative à l'éventuelle application provisoire d'un traité est du ressort du pouvoir exécutif et non du parlement national (sentence incidente, n. 261-272). 
Au terme de son analyse, le Tribunal arbitral estime que la décision prise par le Gouvernement... d'appliquer de manière provisoire le TCE n'était pas inconstitutionnelle (sentence incidente, n. 273). 
 
6.2.4. Les arbitres examinent, dans la foulée, si l'application provisoire de l'art. 26 TCE n'est pas incompatible avec les lois... (sentence incidente, n. 274-294). La seule question à trancher est celle de savoir si, au moment de la saisine du Tribunal arbitral en date du 15 février 2013, l'application provisoire de la disposition précitée contrevenait à des normes impératives de la législation... auxquelles le Gouvernement... ne pouvait, expressément ou implicitement, pas déroger par le truchement d'une application provisoire du traité en question (sentence incidente, n. 274 s.).  
La formation arbitrale précise que de nombreux éléments ont été avancés en vue de démontrer l'inarbitrabilité des litiges de droit public opposant des personnes privées à l'État selon le droit interne..., y compris ceux relevant du domaine de la faillite ou du droit fiscal. A son avis, cela n'a toutefois aucune incidence sur le problème qu'elle doit résoudre, lequel consiste à savoir s'il existe une interdiction de conclure, au niveau international, un accord visant à soumettre à l'arbitrage des différends mettant aux prises un État et un investisseur étranger. Que les éléments qui sous-tendent la demande d'arbitrage puissent concerner, par exemple, l'application de la législation sur la faillite ne modifie pas la nature de ladite demande (sentence incidente, n. 277). 
Le Tribunal arbitral observe que le droit... permet de prévoir, dans le cadre de traités internationaux, le recours à la voie de l'arbitrage pour régler des litiges en matière d'investissements. Cependant, le simple fait que la Fédération A.________ a accepté de soumettre des litiges en matière d'investissements à des tribunaux arbitraux sur la base d'engagements pris dans des traités ratifiés n'est, à lui seul, pas suffisant pour démontrer que l'application provisoire de l'art. 26 TCE n'est pas incompatible avec la législation... (sentence incidente, n. 278 s.). 
Poursuivant son analyse, la formation arbitrale relève que l'art. 10 de la Loi de 1999 sur les investissements étrangers en... (" 1999 Law on Foreign Investments in the... "; ci-après: LFIR 1999), en vigueur au moment où le Tribunal arbitral a été saisi, énonce ce qui suit:  
 
" A dispute of a foreign investor arising in connection with its investments and business activity conducted in the territory of the... shall be resolved in accordance with international treaties of the... and federal law in courts, arbitrazh courts or through international arbitration (arbitral tribunal) ". 
Interprétant les termes " international treaties of the... ", le Tribunal arbitral estime que les traités visés sont ceux qui sont susceptibles de créer des obligations au sein de l'ordre juridique... Il constate que la LFIR 1999 ne fait plus référence, contrairement à la précédente version de ladite loi, aux traités internationaux entrés en force (" in force "). Il estime que l'art. 10 LFIR 1999 englobe également les traités appliqués à titre provisoire, puisque, selon la Cour constitutionnelle..., de tels traités sont appliqués de la même manière que les traités entrés en force. La formation arbitrale aboutit dès lors à la conclusion que la législation... relative au règlement des différends en matière d'investissements n'interdisait pas au Gouvernement... d'appliquer de manière provisoire un traité contenant une clause réglant semblable question (sentence incidente, n. 284).  
Après avoir exposé les raisons pour lesquelles elle ne se rallie pas à l'interprétation faite de l'art. 45 TCE dans le Jugement de La Haye, la formation arbitrale conclut que la recourante, en signant le TCE, a accepté d'appliquer provisoirement l'art. 26 TCE (sentence incidente, n. 285-294). 
 
6.3. Les motifs qui étayent le rejet par le Tribunal arbitral de la première objection préliminaire d'incompétence ayant été exposés ci-dessus, il convient d'indiquer maintenant les arguments avancés de part et d'autre sur le problème controversé.  
 
6.3.1. Avant de présenter, sur plus de soixante pages, son argumentation détaillée sur la question litigieuse, la recourante commence par résumer ses principaux arguments (recours, n. 75-78). En bref, elle fait valoir que l'application provisoire de l'art. 26 TCE est incompatible avec le droit..., dès lors que celui-ci ne permet pas de soumettre des litiges en matière d'investissements à des tribunaux arbitraux, à moins que cela ne soit prévu dans un traité international ratifié et entré en force. Par ailleurs, le droit interne... institue une présomption selon laquelle les litiges de droit public, en particulier ceux ayant trait au domaine de la faillite, ne sont pas arbitrables. Des dérogations sont certes possibles, mais seulement si elles sont ancrées dans une loi adoptée par le pouvoir législatif ou un traité international ayant un rang supérieur à une loi au sens formel. Or, selon la recourante, seul un traité ratifié par l'organe législatif prime les lois internes adoptées par ce dernier.  
La recourante commence sa démonstration en soutenant que la question à résoudre est celle de savoir si, en sa qualité d'État souverain, elle a valablement renoncé à l'immunité de juridiction dont elle bénéficie en vertu du droit international public. A cet égard, elle soutient que la possibilité octroyée à un investisseur étranger de faire valoir ses prétentions à l'encontre d'un État par la voie de l'arbitrage constitue un mécanisme exceptionnel, raison pour laquelle l'État doit avoir exprimé de manière claire et non équivoque son accord de soumettre de tels litiges aux tribunaux arbitraux. En cas de doute à cet égard, il convient de privilégier une approche restrictive. L'intéressée prétend que son consentement à l'arbitrage ne saurait être déduit du seul art. 26 TCE, dans la mesure où celui-ci fait uniquement référence aux " parties contractantes " et non aux simples " signataires " dudit traité. Elle avance en outre que l'exigence d'un consentement clair et non équivoque n'est pas satisfaite en l'occurrence, eu égard notamment aux " solutions diamétralement opposées " retenues par les diverses autorités ayant été amenées à se pencher sur la question litigieuse (recours, n. 87-97). 
Après un bref rappel des principes gouvernant l'interprétation des traités internationaux, l'intéressée formule quelques remarques générales relatives à l'application provisoire de ceux-ci et à la notion de clause d'incompatibilité. Sur ce point, elle indique que, lorsqu'un traité prévoit une telle clause, il contient en réalité un renvoi au droit interne, raison pour laquelle ce dernier l'emporte en cas de conflit. Dans la mesure où la réglementation interne de nombreux États se réfère elle-même au droit international et pose, comme en l'espèce, le principe de la primauté du droit international, ce double renvoi semble créer une forme de circularité, laquelle n'est toutefois, aux yeux de la recourante, qu'apparente. Se fondant notamment sur la première opinion dissidente émise par A1.________, la recourante soutient que le droit interne l'emporte sur le traité international, lorsque celui-ci contient une clause d'incompatibilité. Admettre le contraire reviendrait à faire fi de ladite clause (sentence incidente, n. 100-116). 
La recourante se livre ensuite à sa propre interprétation de l'art. 45 par. 1 TCE et s'en prend à celle opérée par le Tribunal arbitral. En premier lieu, elle lui reproche d'avoir assimilé, à tort, un traité appliqué de manière provisoire à un traité ratifié et entré en force. A l'en croire, la formation arbitrale aurait erré en considérant qu'un traité appliqué à titre provisoire, assorti d'une clause d'incompatibilité, équivalait à un traité en force susceptible de déroger à une loi adoptée par le pouvoir législatif... En second lieu, l'intéressée fait grief au Tribunal arbitral d'avoir, de manière incompréhensible, fait volte-face au moment d'interpréter la clause d'incompatibilité prévue par l'art. 45 par. 1 TCE, vidant ainsi celle-ci de sa substance. A cet égard, elle indique que la formation arbitrale, après avoir correctement exposé que la notion d'incompatibilité visée par l'art. 45 par. 1 TCE implique d'examiner s'il existe un conflit entre une disposition du TCE et le droit interne..., s'est ensuite complètement écartée de son raisonnement initial, pour retenir un sens diamétralement opposé à celui retenu précédemment, en exigeant une " absence d'interdiction ". En d'autres termes, le Tribunal arbitral se serait contenté de rechercher s'il existait une norme, en droit interne..., interdisant au pouvoir exécutif d'appliquer provisoirement l'art. 26 TCE. La recourante insiste sur le fait que le terme " compatible " n'est pas synonyme de " non interdit ". 
L'intéressée reproche, par ailleurs, au Tribunal arbitral d'avoir tiré une conclusion erronée sous l'angle des règles du fardeau de la preuve, en retenant qu'il incombait à la partie alléguant l'existence d'une incompatibilité avec le droit interne d'en apporter la preuve. A son avis, il appartenait à la demanderesse de démontrer que les conditions fondant la compétence du Tribunal arbitral étaient remplies. Poursuivant son raisonnement, la recourante prétend que l'approche suivie par la formation arbitrale revient à inverser le système prévu par l'art. 45 par. 1 TCE, puisqu'elle ne cherche pas à déterminer si l'art. 26 TCE peut s'appliquer à titre provisoire en vertu du droit interne, mais part, au contraire, du principe que l'art. 26 TCE s'applique avant d'examiner si des règles de droit interne en empêcheraient expressément l'application. Il s'agit là au mieux, selon la recourante, d'une erreur logique et, au pire, d'un raisonnement fallacieux orienté vers un résultat précis. L'erreur commise par la formation arbitrale consiste à retenir que la clause d'incompatibilité prévue par l'art. 45 par. 1 TCE ne vise que les dispositions dudit traité dont l' application provisoire serait incompatible avec le droit interne et non pas celles qui seraient matériellement incompatibles avec le droit interne. Aussi, en exigeant que le droit... prévoie une disposition interdisant expressément de soumettre à la voie de l'arbitrage les litiges visés par l'art. 26 TCE sur la base d'un traité international appliqué à titre provisoire, la formation arbitrale aurait fixé un seuil impossible à atteindre dans un ordre juridique comme celui de la recourante où l'inarbitrabilité des litiges de droit public est la règle et, partant, aurait restreint la portée de la clause d'incompatibilité prévue par l'art. 45 par. 1 TCE de manière contraire à la lettre claire et à l'esprit de ladite disposition (recours, n. 125-142).  
A partir de là, l'intéressée cherche à établir que l'application provisoire de l'art. 26 TCE est incompatible avec son droit interne. Elle s'emploie, tout d'abord, à démontrer que, contrairement à ce qu'a retenu la formation arbitrale, le droit... opère une nette distinction entre les traités ratifiés et ceux appliqués à titre provisoire. Elle rappelle, à cet égard, que l'ordre juridique... connaît des principes constitutionnels similaires à ceux du droit suisse, à savoir ceux de la séparation des pouvoirs et de la hiérarchie des normes. La prérogative d'adopter des lois au sens formel est du ressort exclusif de l'organe législatif, raison pour laquelle le pouvoir exécutif ne peut pas édicter des règles de droit incompatibles avec celles figurant dans une loi au sens formel. Selon la Constitution..., le Gouvernement ou le Président conduit les négociations et signe les traités internationaux. Dans les hypothèses prévues par l'art. 15 FLIT, qui correspondent à celles visées par la précédente loi applicable au moment de la signature du TCE, le pouvoir législatif ratifie les traités en adoptant une loi au sens formel. Tel est notamment le cas lorsque le traité en question établit des règles s'écartant de celles prévues par le droit interne. Le Président signe ensuite l'instrument de ratification élaboré sur cette base. Conformément au principe de la hiérarchie des normes, la Constitution... l'emporte sur les lois adoptées par le pouvoir législatif, ces dernières primant les actes édictés par le Gouvernement. La recourante se réfère, ensuite, à l'art. 15 al. 4 de la Constitution..., lequel consacre le principe de la primauté des traités internationaux sur le droit interne de la manière suivante: 
 
" The universally-recognised norms of international law and international treaties and agreements of the... shall be a component part of its legal system. If an international treaty of the... established other rules than those envisaged by law, the rules of the international agreement shall be applied. " 
Selon la recourante, la règle énoncée à l'art. 15 al. 4 de la Constitution... ne s'applique toutefois pas aux traités internationaux appliqués à titre provisoire, en particulier lorsque ceux-ci sont assortis comme en l'espèce d'une clause d'incompatibilité, mais uniquement à ceux qui ont été ratifiés par le pouvoir législatif. L'organe national compétent pour la ratification du traité détermine en effet le rang du traité dans la hiérarchie des normes. Se fondant sur l'opinion émise par deux de ses experts et citant la résolution n. 5 de la Cour suprême... du 10 octobre 2003, l'intéressée prétend qu'un traité international prévaut sur une loi fédérale... uniquement s'il a été ratifié par le Parlement. Selon elle, toute autre solution irait à l'encontre du principe de la séparation des pouvoirs, dès lors qu'elle permettrait au pouvoir exécutif, en décidant d'appliquer un traité international à titre provisoire, de déroger à des règles de droit adoptées par l'organe législatif. La recourante assoit notamment cette opinion sur les considérations émises par la Cour suprême... dans son arrêt de cassation rendu le 29 décembre 2009 dans la cause n. 59-O09 35. A son avis, la formation arbitrale a considéré, à tort, que cette jurisprudence n'était pas pertinente en raison du fait que l'affaire concernait un traité international non ratifié ne contenant aucune disposition sur l'application provisoire de celui-ci. La recourante juge cette conclusion erronée, puisque celle-ci fait fi des principes de la hiérarchie des normes et de la séparation des pouvoirs. Le raisonnement de la formation arbitrale reviendrait, ainsi, à faire des traités appliqués de manière provisoire une sorte de " trou noir constitutionnel " échappant aux principes fondamentaux de l'ordre juridique... L'intéressée souligne, enfin, que la Cour constitutionnelle..., dans sa résolution n. 2867-O-P, a confirmé que les " traités internationaux " mentionnés à l'art. 15 al. 4 de la Constitution... ne visaient pas ceux appliqués à titre provisoire mais uniquement ceux entrés en force (recours, n. 143-171). 
La recourante s'en prend ensuite à l'argumentation du Tribunal arbitral l'ayant conduit, sur la base de l'art. 15 al. 4 de la Constitution... et de l'art. 23 FLIT - lequel règle la question de l'application provisoire d'un traité international -, à assimiler un traité appliqué provisoirement à un traité entré en force. Elle estime ce raisonnement erroné à plusieurs égards. Premièrement, la formation arbitrale s'est fondée sur l'art. 23 FLIT, alors même que ladite loi n'existait pas lors de la signature du TCE en 1994 et qu'elle ne déploie pas d'effet rétroactif. Deuxièmement, à supposer même que la disposition légale précitée puisse trouver application, celle-ci ne donne pas un blanc-seing au Gouvernement pour engager la Fédération A.________ à appliquer de manière provisoire des traités internationaux, y compris en violation de normes de rang supérieur, sans égard aux principes de la séparation des pouvoirs et de la hiérarchie des normes. La possibilité conférée au Gouvernement... de consentir à l'application provisoire de traités internationaux, ancrée à l'art. 23 al. 2 FLIT, ne signifie ainsi pas que le pouvoir exécutif pouvait valablement convenir, au nom de l'État..., d'appliquer le TCE de manière provisoire au même titre qu'un traité entré en force sans que le TCE n'ait été ratifié par l'organe législatif. Enfin, troisièmement, la formation arbitrale a interprété de manière erronée les dispositions topiques de la FLIT (recours, n. 172-181). 
Dans la foulée, la recourante expose les raisons pour lesquelles le Tribunal arbitral n'aurait pas dû attacher de l'importance à la résolution n. 8-P de la Cour constitutionnelle... pour aboutir à la solution qu'il a retenue. En premier lieu, elle souligne que la question soumise à la Cour constitutionnelle... dans cette affaire se limitait à celle de savoir s'il était possible d'appliquer provisoirement un traité international n'ayant pas été publié officiellement. En deuxième lieu, ladite Cour n'a jamais remis en cause les principes de la séparation des pouvoirs et de la hiérarchie des normes. En troisième lieu, la Cour constitutionnelle s'est penchée, dans le cadre de cette résolution, sur l'application provisoire d'un traité international ne contenant pas de clause d'incompatibilité avec le droit interne. La conclusion de la formation arbitrale selon laquelle la solution dégagée par la Cour constitutionnelle... serait a fortiori applicable à un traité prévoyant une telle clause est incompréhensible et manifestement erronée. En quatrième et dernier lieu, la Cour constitutionnelle a été amenée, dans sa résolution n. 2867-O-P, à clarifier la portée de la résolution n. 8-P. Or, elle a clairement considéré que l'art. 23 FLIT ne permet pas qu'un traité international appliqué à titre provisoire puisse déroger à des règles adoptées par le pouvoir législatif (recours, n. 182-191).  
Dans la suite de son mémoire, la recourante s'évertue à démontrer que les litiges de droit public ne sont en principe pas arbitrables en droit... A l'en croire, cette question, que le Tribunal arbitral a décidé d'ignorer, est décisive puisque le présent litige mettant aux prises un État et un investisseur relève d'un rapport de droit public, dès lors que les prétentions élevées par la partie demanderesse sont en lien avec une procédure de faillite et des prétendues mesures d'expropriation. A cet égard, l'intéressée souligne que diverses normes du droit... excluent le recours à l'arbitrage dans le domaine de la faillite, les autorités étatiques jouissant d'une compétence exclusive en la matière. Se référant à l'opinion émise par l'un de ses experts, elle fait valoir que le droit... institue une présomption générale selon laquelle les litiges de droit public ne sont pas arbitrables; ainsi, selon l'art. 4 al. 6 du Code... de procédure d'arbitrazh du 24 juillet 2002 et l'art. 3 al. 3 du Code... de procédure civile du 14 novembre 2002, seuls les litiges portant sur des rapports de droit privé peuvent être résolus par la voie de l'arbitrage. La recourante rappelle ensuite que cette présomption d'inarbitrabilité des litiges de droit public a été confirmée à plusieurs reprises par les instances judiciaires..., y compris par la Cour constitutionnelle. Détaillant ensuite les critères jurisprudentiels posés par ladite Cour aux fins de qualifier un litige comme relevant du droit public, elle est d'avis que ceux-ci doivent conduire à retenir que le litige divisant les parties n'est pas arbitrable selon le droit... (recours, n. 192-204). 
Après quoi, la recourante s'attache à démontrer que les conditions permettant de déroger à la règle d'inarbitrabilité des litiges de droit public ne sont pas remplies. Selon l'expert de la recourante, une telle dérogation suppose que celle-ci soit prévue par une loi fédérale adoptée par le pouvoir législatif (ou un acte de rang supérieur) et qu'elle soit expresse et dépourvue d'ambiguïté. Or, de telles conditions ne sont pas remplies en l'espèce. L'intéressée reproche, en particulier, au Tribunal arbitral d'avoir jugé, en substance, que l'art. 10 LFIR 1999, qu'elle qualifie de " norme en blanc ", permettait d'établir l'arbitrabilité du présent litige. S'appuyant sur l'opinion professée par son expert, elle fait valoir que les " traités internationaux " visés par la disposition légale précitée ne concernent que les traités ratifiés ou entrés en force, et non ceux appliqués de manière provisoire. Selon elle, l'art. 10 LFIR 1999 ne constitue pas une délégation de compétence expresse, claire et délimitée qui permettrait au pouvoir exécutif de déroger à la règle de non-arbitrabilité des litiges de droit public et de priver ainsi les tribunaux étatiques de la compétence ordinaire que leur confère la Constitution... Cette interprétation serait en outre corroborée par l'ancienne loi sur les investissements étrangers en vigueur lors de la signature du TCE (" 1991 Law on Foreign Investments in the... "; ci-après: LFIR 1991), laquelle faisait expressément référence aux traités internationaux " en force ". Elle serait en outre confirmée par la résolution n. 2867-OP de la Cour constitutionnelle... (recours, n. 205-223).  
La recourante reproche ensuite à la formation arbitrale d'avoir attaché de l'importance à une note explicative du Gouvernement... préparée en 1996 à l'attention du pouvoir législatif lorsqu'il lui a soumis le TCE en vue de sa ratification. Selon elle, le document en question est dénué de toute pertinence quant au point de savoir si l'application provisoire de l'art. 26 TCE est compatible avec le droit... A son avis, le Gouvernement cherchait, en rédigeant ladite note, à persuader l'organe législatif de ratifier le TCE. Il ne s'agissait pas d'une " photographie de l'état du droit au moment de la rédaction de la note " mais d'une explication visant à démontrer que le TCE, une fois ratifié, ne nécessiterait aucune modification du droit interne. La recourante expose, à cet égard, que le document précité contient deux parties distinctes. La première vise à décrire le TCE au moment de sa signature, tandis que la seconde analyse les effets et les conséquences d'une éventuelle ratification dudit traité. Aussi est-ce à tort que la formation arbitrale a retenu que ladite note portait sur la compatibilité entre le droit... et le TCE avant l'éventuelle ratification de celui-ci (recours, n. 224-232). 
Au terme de son analyse, l'intéressée estime que la mise en oeuvre par le Tribunal arbitral du " critère de l'incompatibilité avec le droit... relève d'une succession d'erreurs ", raison pour laquelle sa conclusion ne pouvait qu'être erronée. En somme, la formation arbitrale aurait simplement dû examiner si la soumission à un tribunal arbitral de litiges relevant du droit de la faillite opposant un investisseur étranger à la Fédération A.________ sur la base de l'art. 26 TCE, applicable à titre provisoire par la seule signature dudit traité opérée par le pouvoir exécutif, était compatible avec le droit... (recours, n. 233-240). 
La recourante achève sa démonstration en prétendant que la question de savoir si l'application provisoire de l'art. 26 TCE est ou non incompatible avec le droit interne... a donné lieu à des solutions très contrastées au sein de la jurisprudence et de la doctrine. Elle n'hésite du reste pas à qualifier la situation de " cacophonie arbitrale et judiciaire ". Après avoir livré un aperçu des décisions rendues en la matière, elle estime que les conclusions divergentes retenues par les autorités qui se sont prononcées sur la question démontrent qu'on ne saurait retenir qu'elle a consenti de manière claire et non équivoque à l'application de la clause d'arbitrage ancrée à l'art. 26 TCE (recours, n. 241-268). 
 
6.3.2. Dans sa réponse, l'intimée s'inscrit en faux contre la thèse soutenue par son adversaire. A titre liminaire, elle fait valoir que la longueur de l'argumentation développée dans le mémoire de recours n'est que le reflet d'un grief dénué de toute substance, la recourante se bornant à multiplier les généralités et à se référer indûment aux décisions rendues dans d'autres procédures ou à la première opinion dissidente émise par A1.________.  
L'intéressée soutient que les considérations de la recourante sur l'exigence d'un consentement " clair et non équivoque " sont dénuées de pertinence car la recourante a consenti à l'application provisoire de la clause arbitrale prévue par le TCE. Le problème litigieux porte, en réalité, uniquement sur les conséquences résultant de la signature du TCE en l'absence de ratification dudit traité de la part de la recourante (réponse, n. 41-49). 
L'intimée s'emploie ensuite à démontrer que la recourante n'a jamais démontré en quoi l'interprétation qu'elle défendait de l'art. 45 par. 1 TCE serait conforme aux règles de la CV. Elle se livre, dans la foulée, à sa propre interprétation de l'art. 45 par. 1 TCE sur la base des règles déduites de l'art. 31 CV, en examinant le sens des termes utilisés, le contexte dans lequel s'inscrit ladite disposition, l'objet et le but du TCE et la pratique suivie par la recourante à la suite de la signature dudit traité. Elle se penche, à titre superfétatoire, sur les moyens complémentaires d'interprétation prévus par l'art. 32 CV. Selon l'intimée, la clause d'incompatibilité, ancrée à l'art. 45 par. 1 TCE, vise uniquement à déterminer si l'application provisoire dudit traité est incompatible avec le droit..., et non pas à subordonner l'application de celui-ci au droit... A son avis, le Tribunal arbitral n'a pas, contrairement à ce que prétend la recourante, " changé de paradigme ", en retenant que le critère décisif pour apprécier la portée de la clause d'incompatibilité était celui d'une " absence d'interdiction ". Le critère retenu a immuablement été celui de savoir si l'application provisoire du TCE et le droit interne... pouvaient coexister, raison pour laquelle la formation arbitrale s'est demandée s'il existait une norme impérative, dans l'ordre juridique de la recourante, empêchant le pouvoir exécutif d'appliquer provisoirement l'art. 26 TCE. Par ailleurs, il ne s'agit pas de déterminer si les dispositions du TCE sont compatibles avec le droit interne mais uniquement de savoir si leur application provisoire n'est pas incompatible avec celui-ci. A son avis, la recourante restreint indûment la portée de l'application provisoire du TCE en remplaçant les termes " pas incompatible " par " compatible ", la notion de compatibilité impliquant un véritable alignement entre les normes du TCE et celles du droit interne. L'intimée fait en outre valoir que l'usage de la double négation à l'art. 45 par. 1 TCE indique que l'application provisoire dudit traité est la règle, tandis que la mise en oeuvre de la clause d'incompatibilité est l'exception, raison pour laquelle il appartient à la partie qui s'en prévaut d'apporter la preuve d'une telle incompatibilité (réponse, n. 50-108). 
A l'encontre de l'argumentation développée par la recourante visant à établir l'incompatibilité de l'application provisoire de l'art. 26 TCE avec le droit..., l'intimée objecte que les critiques émises par son adversaire sont infondées et témoignent du glissement interprétatif sibyllin auquel l'intéressée s'adonne tout au long de son recours. A son avis, la recourante procède à une substitution pure et simple du TCE par le droit..., alors qu'une telle démarche ne trouve aucune assise. L'intimée fait valoir que la recourante a échoué à faire la démonstration de ce que l'application provisoire de l'art. 26 TCE ne pouvait pas coexister avec le droit... A l'en croire, la recourante aurait dû, par exemple, se prévaloir d'une norme qui, à l'instar de ce que prévoit l'art. 80 de la Constitution italienne, soumettrait obligatoirement les traités internationaux comprenant une clause compromissoire à la ratification des chambres parlementaires. Or, une telle règle n'existe pas dans l'ordre juridique... L'intimée, s'appuyant notamment sur les considérations émises par son propre expert, consacre la suite de son mémoire à démontrer que l'application provisoire de l'art. 26 TCE n'est pas incompatible avec le droit... Elle souligne, notamment, que l'art. 10 LFIR 1999 prévoit expressément le recours à l'arbitrage international comme mode de règlement des différends. Elle s'emploie ensuite à contredire les arguments avancés par la recourante aux fins de soutenir que la disposition légale précitée serait inapplicable en l'espèce. 
Dans le chapitre suivant de son mémoire, l'intéressée s'évertue à démontrer que la violation dénoncée par la recourante des principes de la hiérarchie des normes et de la séparation des pouvoirs est infondée. Elle fait valoir, dans la foulée, que l'argument de la recourante concernant la prétendue inarbitrabilité des litiges de droit public dans l'ordre juridique interne... est hors de propos. En effet, le renvoi au droit..., prévu par l'art. 45 par. 1 TCE, n'a pas pour effet de modifier le type des litiges que les investisseurs peuvent soumettre à l'arbitrage en vertu de l'art. 26 TCE. Sous réserve de l'art. 21 TCE, ledit traité ne pose aucune limite à l'arbitrabilité des litiges. L'art. 26 TCE vise du reste expressément les litiges relevant de la partie III du traité, soit notamment ceux ayant trait, comme en l'espèce, à une éventuelle expropriation (réponse, n. 109-154). 
L'intimée rappelle enfin que les sentences arbitrales ou les décisions étrangères citées par la recourante ne lient pas le Tribunal fédéral. En tout état de cause, elle observe que la thèse prônée par son adversaire a été écartée dans six des sept affaires auxquelles celle-ci fait allusion. Seul le Jugement de La Haye a donné raison, sur le problème litigieux, à la recourante. Cette décision a toutefois été annulée par la Cour d'appel de La Haye dont la solution a du reste été, sur ce point, confirmée par la juridiction suprême des Pays-Bas (réponse, n. 155-159). 
 
6.3.3. Dans sa réplique, la recourante fait grief à son adversaire de vouloir semer la confusion en présentant une argumentation délibérément ambiguë et de déformer le raisonnement tenu par le Tribunal arbitral. Elle maintient qu'elle n'a pas consenti de manière claire et non équivoque à l'application provisoire de l'art. 26 TCE. Elle s'emploie ensuite à démontrer que l'interprétation proposée par l'intimée de l'art. 45 par. 1 TCE n'est pas convaincante et revient à vider la clause d'incompatibilité de toute portée. Elle lui reproche notamment de vouloir effacer toute nuance entre un traité international appliqué à titre provisoire, assorti d'une clause d'incompatibilité, et un traité dépourvu d'une telle clause. A son avis, il convient, en l'espèce, d'accorder la priorité au droit interne, vu le renvoi à celui-ci opéré par l'art. 45 par. 1 TCE. Dès lors, selon la recourante, de deux choses l'une: soit l'application provisoire d'une disposition du TCE est compatible avec le droit..., auquel cas elle n'est " pas incompatible " et s'applique en vertu de l'art. 45 par. 1 TCE, soit elle n'est pas compatible et donc incompatible avec le droit interne de la recourante, raison pour laquelle l'application provisoire de l'art. 26 TCE est exclue. La recourante martèle que l'existence d'une incompatibilité entre une disposition du TCE et une règle de droit interne revient à déterminer s'il existe un conflit ou une contradiction entre elles, ce qui ne signifie toutefois pas qu'il doit y avoir, en droit interne, une norme empêchant le pouvoir exécutif d'autoriser l'application provisoire d'une disposition d'un traité international. Elle rappelle, en outre, que la clause d'incompatibilité vise à instaurer un certain équilibre entre des intérêts opposés, en favorisant, d'une part, une application provisoire aussi large que possible des dispositions d'un traité international, tout en assurant, d'autre part, le respect du droit national des États signataires (réplique, n. 20-83).  
La recourante revient à la charge en expliquant que les traités ratifiés et ceux qui ne sont qu'appliqués à titre provisoire n'occupent pas le même rang dans la hiérarchie des normes selon l'ordre constitutionnel... et que l'application provisoire de l'art. 26 TCE est exclue car elle est incompatible avec le droit interne... (réplique, n. 84-108). 
L'intéressée souligne, enfin, que la présentation qu'elle a faite des autres décisions rendues sur le problème controversé visait uniquement à donner au Tribunal fédéral une image aussi claire que possible des différentes solutions retenues en la matière. Si elle ne conteste pas véritablement l'affirmation selon laquelle elle n'a pas obtenu gain de cause dans six des sept décisions citées par ses soins, elle rappelle, toutefois, que le raisonnement adopté dans chacune de ces affaires a différé, ce qui démontre qu'aucune solution uniforme ne se dégage (réplique, n. 109-112). 
 
6.3.4. Dans sa duplique, l'intimée s'emploie à réfuter les principaux arguments avancés par la recourante dans sa réplique. Elle fait notamment valoir que la recourante cherche uniquement à se retrancher derrière la clause d'incompatibilité prévue par l'art. 45 par. 1 TCE, dont elle détourne l'objet et les effets (duplique, n. 16-99).  
 
6.4. Les arguments avancés par les parties ayant été exposés ci-dessus, il convient d'en examiner les mérites.  
 
6.4.1. Saisi du grief d'incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les questions de droit, y compris les questions préalables, qui déterminent la compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral (ATF 146 III 142 consid. 3.4.1; 133 III 139 consid. 5; arrêt 4A_618/2019 du 17 septembre 2020 consid. 4.1). Il en va de même lorsqu'il est amené à interpréter le sens que revêtent certains termes utilisés dans un traité bilatéral ou multilatéral d'investissement, étant précisé que pareille interprétation s'effectuera, dans un tel cas, conformément aux règles de la CV (ATF 144 III 559 consid. 4.1; 141 III 495 consid. 3.2 et 3.5.1; arrêt 4A_65/2018 du 11 décembre 2018 consid. 2.4.1 et les références citées). Ainsi la Cour de céans a-t-elle par exemple été amenée à définir les notions de contract claims, de treaty claims et de clause parapluie au regard de certaines dispositions du TCE (ATF 141 III 495 consid. 3.2) ou encore à déterminer le sens que revêtait le terme " investissement " utilisé dans un traité bilatéral d'investissement et à rechercher si l'activité déployée par le soi-disant investisseur entrait dans la définition de cette notion (arrêt 4A_616/2015 du 20 septembre 2016 consid. 3). Même si elle n'ignore pas la place importante que les sentences arbitrales rendues dans le domaine de la protection internationale des investissements occupent dans les ouvrages spécialisés, la Cour de céans s'attachera à déterminer elle-même le sens à donner à certains termes d'un traité international, en tenant compte le cas échéant de la doctrine et en s'inspirant, éventuellement, des solutions dégagées par les tribunaux arbitraux en la matière, étant précisé que les solutions rendues dans certaines causes arbitrales ne lient ni les autres tribunaux arbitraux ni le Tribunal fédéral, de sorte qu'on ne saurait voir dans la jurisprudence arbitrale une source à proprement parler du droit de l'arbitrage (ATF 144 III 559 consid. 4.4.2; arrêt 4A_80/2018, précité, consid. 2.4.3 et les références citées).  
Le Tribunal fédéral ne revoit cependant l'état de fait à la base de la sentence attaquée - même s'il s'agit de la question de la compétence - que si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux (cf. art. 99 al. 1 LTF) sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 144 III 559 consid. 4.1; 142 III 220 consid. 3.1; 140 III 477 consid. 3.1; 138 III 29 consid. 2.2.1). 
 
6.4.2. L'interprétation du TCE doit s'effectuer conformément aux art. 31 ss CV, qui codifient en substance le droit coutumier international (ATF 145 II 339 consid. 4.4.1; 122 II 234 consid. 4c; arrêt 4A_80/2018, précité, consid. 3.1.2).  
L'art. 31 par. 1 CV prévoit qu'un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. En plus du contexte (cf. art. 31 par. 2 CV), il sera tenu compte, selon l'art. 31 par. 3 CV, de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions (let. a); de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité (let. b) et de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties (let. c). Les travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles le traité a été conclu constituent des moyens complémentaires d'interprétation lorsque l'interprétation donnée conformément à l'art. 31 CV laisse le sens ambigu ou obscur ou conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable (cf. art. 32 CV). 
L'art. 31 par. 1 CV fixe un ordre de prise en compte des éléments de l'interprétation, sans toutefois établir une hiérarchie juridique obligatoire entre eux. Le sens ordinaire du texte du traité constitue le point de départ de l'interprétation. Ce sens ordinaire des termes doit être dégagé de bonne foi, en tenant compte de leur contexte et à la lumière de l'objet et du but du traité. L'objet et le but du traité correspondent à ce que les parties voulaient atteindre par le traité. L'interprétation téléologique garantit, en lien avec l'interprétation selon la bonne foi, l' " effet utile " du traité. Lorsque plusieurs significations sont possibles, il faut choisir celle qui permet l'application effective de la clause dont on recherche le sens, en évitant d'aboutir à une interprétation en contradiction avec la lettre ou l'esprit des engagements pris. Un État contractant doit partant proscrire tout comportement et toute interprétation qui aboutiraient à éluder ses engagements internationaux ou à détourner le traité de son sens et de son but (ATF 144 II 130 consid. 8.2.1 et les références citées; arrêts 4A_80/2018, précité, consid. 3.1.2; 4A_65/2018, précité, consid. 2.4). 
 
6.4.3. En l'occurrence, la convention d'arbitrage résulte d'un mécanisme particulier puisque son point d'ancrage se situe directement dans un traité multilatéral signé par des États pour la protection des investissements, traité dont l'art. 26 prévoit le recours à l'arbitrage pour régler les différends relatifs aux prétendues violations de ses clauses matérielles (appelées aussi substantielles). La pratique arbitrale assimile pareille disposition à une offre de chacun des États contractants de résoudre par l'arbitrage les litiges qui pourraient l'opposer aux investisseurs (non parties au traité) des autres États contractants. La convention d'arbitrage n'est conclue qu'au moment où l'investisseur accepte l'offre de l'État, ce qu'il fera le plus souvent par l'acte concluant que constitue le dépôt d'une requête d'arbitrage. Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que le mécanisme particulier visé par l'art. 26 TCE constitue une convention d'arbitrage formellement valable (ATF 141 III 495 consid. 3.4.2).  
 
6.4.4. A titre liminaire, il sied de préciser que les considérations émises par la recourante au sujet de l'absence d'un consentement clair et non équivoque de sa part à la voie de l'arbitrage sont dénuées de pertinence. Il est en effet incontesté que l'intéressée a consenti, sans la moindre réserve, à l'application provisoire des dispositions du TCE, conformément à l'art. 45 par. 1 dudit traité. Or, l'art. 26 par. 3 point a) TCE prévoit expressément et sans la moindre ambiguïté que chaque partie contractante donne son consentement inconditionnel à la soumission de tout différend à une procédure d'arbitrage. Au demeurant, la recourante ne saurait se réfugier derrière les termes " partie contractante " pour en conclure qu'elle ne serait pas visée par ladite disposition faute de ratification du TCE, dès lors que l'art. 45 TCE tend précisément à assimiler, en principe, l'État signataire dudit traité, qui consent sans réserve à son application provisoire, à une partie contractante jusqu'au terme de ce régime provisoire. La question litigieuse n'est dès lors pas celle de savoir si la recourante a consenti aux modes de règlement des différends prévus par l'art. 26 TCE, ce qui ne fait guère de doute vu sa décision claire d'appliquer provisoirement le TCE, mais uniquement de déterminer si l'intéressée pouvait légitimement s'opposer à l'application provisoire de l'art. 26 TCE en vertu de la clause d'incompatibilité ancrée à l'art. 45 par. 1 TCE. Pour y répondre, il convient, tout d'abord, de se pencher plus avant sur le mécanisme de l'application provisoire d'un traité international, ce qui implique d'interpréter l'art. 45 TCE, puis d'examiner, dans un second temps, si l'application provisoire des dispositions du TCE était ou non incompatible avec le droit interne...  
 
6.4.5. Un traité international ne déploie en principe pas d'effet juridique avant son entrée en vigueur (art. 24 CV). L'art. 25 par. 1 CV dispose toutefois qu'un traité ou une partie d'un traité peut s'appliquer à titre provisoire en attendant son entrée en vigueur si le traité lui-même en dispose ainsi ou si les États ayant participé à la négociation en étaient ainsi convenus d'une autre manière. L'application provisoire d'un traité vise, ainsi, à permettre à celui-ci de produire des effets juridiques dès sa signature, et non à compter de sa ratification par l'État concerné, avant même que ne soient achevées les procédures d'approbation du traité en question (CLAUDE SCHENKER, L'application provisoire des traités: droit et pratique suisses, in RSDIE 2015 p. 218; ANNELIESE QUAST MERTSCH, Provisionally Applied Treaties: Their Binding Force and Legal Nature, 2012, p. 7 s.; MATTHEW BELZ, Provisional Application of the Energy Charter Treaty: Kardassopoulos v. Georgia and Improving Provisional Application in Multilateral Treaties, in Emory International Law Review 2008 p. 729; ALBANE GESLIN, La mise en application provisoire des traités, 2005, p. 23; GERHARD HAFNER, Provisional Application of Treaties, in Austrian Review of International and European Law 2019 p. 72; TOMOKO ISHIKAWA, Provisional Application of Treaties at the Crossroads between International and Domestic Law, in ICSID Review 31/2 p. 270). Un État qui consent à l'application provisoire d'un traité international est dès lors tenu de respecter les obligations énoncées dans le traité dans la mesure et selon les termes prévus par la clause afférente à l'application provisoire dudit traité (SCHENKER, op. cit., p. 228 et les références citées; ISHIKAWA, op. cit, p. 276 s.; FENGHUA LI, The Yukos cases and the provisional application of the Energy Charter Treaty, in Cambridge International Law Journal 2017 p. 84 s.). Il ne faut toutefois pas perdre de vue que l'application provisoire d'un traité et la ratification de celui-ci obéissent à des règles distinctes. L'application provisoire d'un traité international n'est ainsi pas synonyme d'entrée en vigueur provisoire de celui-ci, même si l'application provisoire d'un traité tend précisément à ce que celui-ci déploie immédiatement des effets juridiques (GESLIN, op. cit., p. 127 ss; ARSANJANI/REISMAN, Provisional Application of Treaties in International Law: The Energy Charter Awards, in Cannizzaro E. [édit.], The law of treaties beyond the Vienna Convention, 2011, p. 87; CRINA BALTAG, The Energy Charter Treaty, The notion of Investor, 2012, p. 34; KAJ HÓBER, The Energy Charter Treaty, A commentary, 2020, p. 515; PETER LAIDLAW, Provisional Application of the Energy Charter As Seen in the Yukos Dispute, in Santa Clara Law Review 2012 p. 658 s.; MERTSCH, op. cit., p. 142). Ainsi, on relèvera, à titre d'exemple, qu'un État peut, en principe, plus facilement renoncer à l'application provisoire d'un traité que se départir de celui-ci une fois qu'il l'a ratifié.  
 
6.4.6. Ces précisions faites, il convient de souligner que le TCE opère une nette distinction entre l'entrée en vigueur dudit traité et son application provisoire, laquelle est régie par l'art. 45 TCE. Avant de pousser plus avant l'examen de cette disposition, il sied d'en rappeler la teneur des deux premiers paragraphes, afin de faciliter la compréhension des explications qui vont suivre:  
 
1. Les signataires conviennent d'appliquer le présent traité à titre provisoire, en attendant son entrée en vigueur pour ces signataires conformément à l'art. 44, dans la mesure où cette application provisoire n'est pas incompatible avec leur Constitution ou leurs lois et règlements. 
2. 
a) Nonobstant le par. 1, tout signataire peut, lors de la signature, déposer auprès du dépositaire une déclaration selon laquelle il n'est pas en mesure d'accepter l'application provisoire. L'obligation énoncée au par. 1 ne s'applique pas au signataire qui a procédé à cette déclaration. Tout signataire de ce type peut à tout moment retirer cette déclaration par notification écrite au dépositaire. 
b) Ni un signataire qui procède à une déclaration telle que visée au point a) ni des investisseurs de ce signataire ne peuvent se prévaloir du bénéfice de l'application provisoire au titre du par. 1. 
c) Nonobstant le point a), tout signataire qui procède à une déclaration telle que visée à ce point applique à titre provisoire la partie VII, en attendant l'entrée en vigueur du présent traité pour ledit signataire conformément à l'art. 44, dans la mesure où cette application provisoire n'est pas incompatible avec ses lois et règlements. " 
Il ressort de la formulation de l'art. 45 par. 1 et 2 TCE que l'État signataire s'engage à appliquer provisoirement les dispositions du TCE, dès la signature de celui-ci, dans les limites de la clause d'incompatibilité. Il s'agit d'un engagement contraignant, comme l'illustrent les termes utilisés à l'art. 45 par. 2 point a) TCE (" L'obligation énoncée au par. 1 "). En d'autres termes, un signataire est en principe tenu, conformément à l'art. 45 TCE, d'appliquer immédiatement les dispositions du TCE, comme si celui-ci était déjà entré en force. Si le signataire s'abstient de formuler une déclaration visée par l'art. 45 par. 2 TCE, la seule limite à l'application provisoire des dispositions du traité réside dans la clause d'incompatibilité. 
Avant d'examiner plus attentivement le sens et la portée qu'il convient de donner à la clause d'incompatibilité, il y a lieu de se pencher sur la structure de l'art. 45 TCE, et, singulièrement, sur l'articulation de ses deux premiers paragraphes. L'art. 45 par. 2 de ladite disposition prévoit que tout signataire peut, lors de la signature, déposer auprès du dépositaire une déclaration selon laquelle il n'est pas en mesure d'accepter l'application provisoire du TCE. Comme le démontre le terme " Nonobstant " figurant en tête de l'art. 45 par. 2 point a) TCE, il n'existe aucune corrélation entre les deux premiers paragraphes de ladite disposition. Ainsi, un signataire peut parfaitement renoncer à appliquer provisoirement les dispositions du TCE, en formulant une déclaration au sens de l'art. 45 par. 2 point a) TCE, quand bien même l'application provisoire dudit traité ne se révèle pas incompatible avec son droit interne. A l'inverse, l'engagement pris par un signataire d'appliquer provisoirement les dispositions du TCE dans les limites de la clause d'incompatibilité ne présuppose pas que l'État concerné ait formulé une déclaration en ce sens, puisqu'une telle exigence ne ressort pas de l'art. 45 par. 1 TCE (TARCISIO GAZZINI, Provisional Application of the ECT in the Yukos Case, in ICSID Review 2015/2 p. 295 s.; GERHARD HAFNER, The " Provisional Application " of the Energy Charter Treaty, in Binder C. et al. [édit.], International Investment Law 2009, p. 602 ss; HÓBER, op. cit., p. 526; PIOTR SZWEDO, Case Comment: (Former) Yukos v. Russian Federation before the Permanent Court of Arbitration, in Journal of International Cooperation Studies 2010 p. 59 s.). En l'occurrence, il est constant que la recourante n'a pas effectué de déclaration sur la base de l'art. 45 par. 2 point a) TCE aux fins de manifester son intention de ne pas appliquer provisoirement ledit traité. Cela ne saurait toutefois la priver de la possibilité de se prévaloir de la clause d'incompatibilité ancrée à l'art. 45 par. 1 TCE. 
 
6.4.7. Aux termes de l'art. 45 par. 1 TCE, les signataires conviennent d'appliquer le TCE à titre provisoire en attendant son entrée en vigueur, " dans la mesure où cette application provisoire n'est pas incompatible avec leur Constitution ou leurs lois et règlements ". Si l'on procède à l'interprétation de bonne foi de la clause d'incompatibilité suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but, force est de constater que deux interprétations sont a priori possibles relativement à la portée à donner à ladite clause (MERTSCH, op. cit., p. 99; BORJA ALVAREZ SANZ, The Yukos Saga Reloaded: further developments in the interplay between domestic legislations and provisionally applied treaties, in International Law and Politics 2017 p. 593 s.).  
D'une part, il est soutenable de retenir que les termes " cette application provisoire " font référence au principe même de l'application provisoire du TCE dans son ensemble. Le déterminant " cette " tendrait ainsi à démontrer qu'un État pourrait refuser d'appliquer provisoirement le TCE uniquement si le principe même d'une telle application provisoire est incompatible avec son droit interne. C'est l'approche dit du " tout ou rien " (cf. BALTAG, op. cit., p. 39 ss; SOPHIE LEMAIRE, Chronique de jurisprudence arbitrale en droit des investissements, in Revue de l'arbitrage 2016/2 p. 627 s.; ALEX NIEBRUEGGE, Provisional Application of the Energy Charter Treaty: The Yukos Arbitration and the Future Place of Provisional Application in International Law, in Chicago Journal of International Law vol. 8/1 p. 369; LENA SERHAN, Arbitration Unbound: How the Yukos Oil Decision Yields Uncertainty for International-Investment arbitration, in Texas Law Review 2016 p. 119). En d'autres termes, une application provisoire partielle du TCE serait inadmissible, puisque ledit traité serait considéré dans sa globalité.  
D'autre part, il est aussi envisageable d'interpréter la clause d'incompatibilité, en ce sens qu'un État signataire pourrait appliquer provisoirement certaines dispositions du TCE, mais non celles qui se révéleraient incompatibles avec son droit interne. Une telle interprétation trouve une assise dans les termes utilisés à l'art. 45 par. 1 TCE (" dans la mesure où "), lesquels expriment l'idée d'une gradation ou d'une variation au niveau de la portée de l'application provisoire. Une telle approche impliquerait dès lors d'examiner au cas par cas (" piecemeal approach ") si l'application provisoire des différentes dispositions du TCE est ou non incompatible avec le droit interne de l'État concerné (cf. dans ce sens: SEBASTIAN PRITZKOW, Das völkerrechtliche Verhältnis zwischen der EU und Russland im Energiesektor, Eine Untersuchung unter Berücksichtigung der vorläufigen Anwendung des Energiecharta-Vertrages durch Russland, 2011, p. 64; ARSANJANI/REISMAN, op. cit., p. 92 s.; MERTSCH, op. cit., p. 102 et les références citées; GAZZINI, op. cit., p. 298 ss; ROE/HAPPOLD, Settlement of Investment Disputes under the Energy Charter Treaty, 2011, p. 73; ISHIKAWA, op. cit., p. 281).  
En l'occurrence, le Tribunal arbitral a considéré qu'il n'y avait pas lieu de trancher cette question, dans la mesure où l'application provisoire de l'art. 26 TCE n'était de toute manière pas incompatible avec le droit interne... (sentence incidente, n. 294). Il y a lieu d'adopter une démarche similaire, puisque si le Tribunal fédéral aboutissait à la même conclusion que celle retenue par la formation arbitrale, la question litigieuse pourrait souffrir de demeurer indécise. 
 
6.4.8. A la lumière des règles d'interprétation prévues par l'art. 31 CV, la Cour de céans juge que l'interprétation faite par le Tribunal arbitral de la clause d'incompatibilité et, singulièrement, des termes " pas incompatible ", résiste aux critiques dont elle est l'objet de la part de la recourante. Interprétés de bonne foi, les termes précités visent à éviter un conflit entre l'application provisoire des dispositions du TCE et le droit interne de l'État concerné. La clause d'incompatibilité permet, en effet, de ménager un certain équilibre entre des intérêts opposés tendant, d'une part, à l'application la plus large et la plus rapide possible des dispositions du TCE au profit de tous les acteurs du secteur de l'énergie, et singulièrement des investisseurs étrangers, tout en évitant, d'autre part, que cela ne se traduise par un conflit insurmontable avec l'ordre juridique interne d'un État signataire. L'absence d'incompatibilité entre les dispositions du TCE et celles de l'ordre juridique... ne signifie en revanche pas que les deux corps de règles devraient avoir un contenu similaire. Il suffit que ces normes puissent coexister. Qu'une règle prévue par le TCE ne trouve pas son pendant dans l'ordre juridique... ne permet pas, en soi, de conclure à l'existence d'une incompatibilité. Point n'est davantage besoin que le droit interne... autorise formellement l'application provisoire de telle ou telle disposition du traité en question. A l'inverse, il n'est pas nécessaire qu'une règle de droit interne interdise expressément l'application provisoire d'une disposition du TCE pour retenir la présence d'une incompatibilité. La notion d'incompatibilité suppose toutefois l'existence d'une norme de droit interne s'opposant à l'application provisoire d'une disposition du TCE. Ceci correspond du reste, dans une très large mesure, à l'interprétation proposée par la recourante dans ses écritures, puisque celle-ci indique, en effet, que la question qui se pose est celle de savoir s'il existe un conflit entre une disposition du TCE, d'une part, et une norme de droit interne, d'autre part (recours, n. 126; réplique, n. 57). En définitive, la clause d'incompatibilité suppose de déterminer si une norme de droit... s'oppose à l'application provisoire des dispositions dudit traité.  
Il résulte, par ailleurs, de la formulation de la clause d'incompatibilité, et singulièrement de l'usage des termes " pas incompatible ", qu'il incombe à la partie qui allègue l'existence d'une incompatibilité entre l'application provisoire des dispositions du TCE et le droit interne de l'État concerné d'en faire la démonstration. Il découle de la structure de l'art. 45 TCE et d'une interprétation de bonne foi des termes qui y sont utilisés que l'application provisoire dudit traité est considérée comme étant la règle, la clause d'incompatibilité étant manifestement conçue comme une exception visant à fixer certaines limites au régime de l'application provisoire du traité en question, comme le souligne de façon convaincante l'intimée dans sa réponse, sous n. 74-75, sans être véritablement contredite sur ce point par son adverse partie. Aussi n'est-ce pas à la partie demanderesse d'établir que l'application provisoire d'une disposition du TCE est en l'espèce possible dans la mesure où elle n'est pas incompatible avec le droit interne de l'État concerné. Une telle interprétation ne trouve en effet aucune assise dans le texte de l'art. 45 par. 1 TCE. 
L'intimée souligne du reste, à juste titre, que les termes " compatible " et " pas incompatible " ne sont pas interchangeables et qu'il n'est pas possible de substituer la première formulation à la seconde tournure, sans modifier la portée de l'art. 45 par. 1 TCE. Par conséquent, il incombe à la partie qui prétend que le droit interne de l'État concerné est incompatible avec l'application provisoire d'une disposition du TCE d'en faire la démonstration et de fournir tous les éléments permettant d'aboutir à pareille conclusion. La tentative de la recourante visant à démontrer le contraire ne saurait prospérer. Il ressort, en effet, de la sentence incidente que les parties étaient toutes deux d'avis que le fardeau de la preuve d'une incompatibilité avec le droit interne incombait à l'État défendeur (sentence incidente, p. 77 note infrapaginale 434: " It is common ground between the Parties that the burden of establishing inconsistency rests upon the Respondent "). Aussi, la recourante est-elle malvenue de venir soutenir pour la première fois, devant le Tribunal fédéral, qu'il appartiendrait à son adverse partie de faire la démonstration d'une telle incompatibilité, alors qu'elle a admis le contraire lors de la procédure arbitrale. En tout état de cause, on ne saurait suivre la thèse défendue par la recourante puisque cela reviendrait à exiger de l'intimée qu'elle fournisse une preuve négative, c'est-à-dire l'absence d'incompatibilité entre l'application provisoire des dispositions du TCE et les normes du droit interne... Enfin, l'argument de la recourante selon lequel les parties contractantes n'auraient pas fait usage d'une double négation à l'art. 45 par. 1 TCE, dans les six langues officielles dudit traité (cf. art. 50 TCE) - étant précisé que le texte d'un traité authentifié en plusieurs langues fait en principe foi dans chacune de ces langues (art. 33 par. 1 CV) -, ne lui est d'aucun secours, comme le démontre de façon pertinente l'intimée dans sa duplique (n. 37).  
Au vu de ce qui précède, le recours aux moyens complémentaires d'interprétation selon l'art. 32 CV n'est pas nécessaire, dès lors que la seule application des principes d'interprétation posés à l'art. 31 CV ne conduit pas à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable et a permis de donner un sens aux termes " pas incompatible ". 
 
6.4.9. Il convient, dès lors, d'examiner si l'application provisoire de l'art. 26 TCE est incompatible ou non avec le droit interne... et, partant, de déterminer si la recourante a établi, à satisfaction de droit, qu'une norme de son ordre juridique s'opposait à l'application provisoire de la disposition précitée. D'un point de vue temporel, il convient en principe de se focaliser sur les normes du droit... qui existaient lors de la signature du TCE par le Gouvernement de la recourante, soit le 17 décembre 1994 (cf. dans le même sens: BALTAG, op. cit., p. 39; GAZZINI, op. cit., p. 297 s.).  
Cela étant, il ne faut pas perdre de vue que le problème litigieux a des répercussions directes sur la compétence du Tribunal arbitral, raison pour laquelle il y a lieu de prendre en considération la situation juridique qui prévalait lors de l'introduction de la procédure d'arbitrage en date du 15 février 2013. L'ordre juridique d'un État étant, par essence, en constante mutation, il se peut en effet qu'une incompatibilité initiale existant entre l'application provisoire de l'art. 26 TCE et une norme de droit interne puisse disparaître à la suite d'une réforme constitutionnelle ou législative entreprise dans l'État concerné postérieurement à la signature du traité en question. Dans un tel cas de figure, rien ne justifierait de priver un investisseur étranger de la possibilité de saisir un tribunal arbitral en se fondant sur l'art. 26 TCE, dès lors qu'il n'existerait plus d'incompatibilité entre l'application provisoire de la disposition précitée et le droit interne. Une telle approche garantit, en lien avec l'interprétation selon la bonne foi, l' " effet utile " du traité en question. La formation arbitrale a ainsi jugé à bon droit que le moment déterminant pour apprécier si l'application provisoire de l'art. 26 TCE était ou non incompatible avec le droit interne... était celui de la saisine du Tribunal arbitral (sentence incidente, n. 178). 
Il sied toutefois de préciser que la recourante ne saurait se prévaloir de normes, adoptées postérieurement à la date de sa signature du TCE, aux fins de démontrer une incompatibilité entre l'application provisoire de l'art. 26 TCE et son droit interne, qui n'existait pas à l'origine. Admettre le contraire reviendrait à permettre à l'État de restreindre unilatéralement la portée de l'art. 45 par. 1 TCE au détriment des investisseurs étrangers, en les privant de la possibilité de pouvoir saisir des tribunaux arbitraux. Une telle démarche irait en outre à l'encontre de l'art. 27 CV, lequel prévoit qu'une partie ne peut pas invoquer les dispositions de son droit interne pour justifier la non-exécution d'un traité, puisque, dans un tel cas, l'État concerné limiterait l'obligation qui lui est faite d'appliquer provisoirement les dispositions du traité en vertu de l'art. 45 par. 1 TCE en se prévalant de modifications de son droit interne postérieures à la signature dudit traité. 
 
6.4.10. Il n'est pas contesté, ni contestable du reste, que le principe même de l'application provisoire d'un traité international, jusqu'à son éventuelle ratification, n'est pas incompatible avec la Constitution, les lois et les règlements de la recourante. En effet, la législation... n'interdit pas l'application provisoire de traités internationaux puisqu'elle consacre expressément cette possibilité à l'art. 23 al. 1 FLIT, lequel n'était certes pas encore entré en vigueur lors de la signature du TCE par la recourante mais reflète l'état du droit applicable à cette époque-là (sentence incidente, n. 252).  
 
6.4.11. Contrairement à ce qu'affirme la recourante, les principes constitutionnels... de la hiérarchie des normes et de la séparation des pouvoirs ne permettent pas d'aboutir à la conclusion selon laquelle un traité international appliqué à titre provisoire ne pourrait pas déroger à une loi au sens formel au motif qu'il occuperait prétendument un rang juridiquement inférieur à celle-ci.  
A cet égard, force est tout d'abord de relever que l'art. 15 al. 4 de la Constitution..., lequel consacre la règle fondamentale de la hiérarchie des normes, prévoit, sans autres précisions, que les dispositions d'un traité international priment celles du droit interne. Rien n'indique ainsi, à la lecture de la disposition précitée, qu'un traité international appliqué à titre provisoire ne l'emporterait pas sur une loi au sens formel. La thèse de la recourante selon laquelle l'organe compétent en vertu du droit interne pour ratifier le traité en question déterminerait le rang de celui-ci dans la hiérarchie des normes de l'ordre juridique... ne trouve aucune assise dans le texte de l'art. 15 al. 4 de la Constitution... Au demeurant, la formation arbitrale a constaté, en se référant au témoignage de l'expert en droit... T.________ cité par la recourante, que l'art. 15 al. 4 de la Constitution... vise également les traités appliqués à titre provisoire (sentence incidente, n. 249 [c]). 
Il sied en outre de souligner que la Cour constitutionnelle... a elle-même considéré, dans sa résolution n. 8-P, qu'un traité international applicable à titre provisoire prévoyant d'autres règles que celles prévues par la législation interne primait les lois... à l'instar des traités internationaux ratifiés par la recourante. Celle-ci tente, en vain, de soutenir que ladite résolution serait dénuée de pertinence en l'espèce. Elle prétend, certes, que cette résolution visait à régler un autre problème que celui afférent au rang occupé par un traité international appliqué à titre provisoire dans la hiérarchie des normes. Cela étant, il n'en demeure pas moins que la Cour constitutionnelle... a décidé de se saisir de cette question. Par ailleurs, il n'apparaît pas que les considérations émises par la Cour constitutionnelle... auraient été sorties de leur contexte par la formation arbitrale. C'est également, à tort, que l'intéressée tente de minimiser la portée de cette résolution en tirant argument du fait que la Cour constitutionnelle s'est prononcée, dans cette affaire, sur l'existence d'un potentiel conflit entre un traité international applicable à titre provisoire, dépourvu de clause d'incompatibilité, et un décret gouvernemental. La Cour constitutionnelle a en effet souligné que le traité en question primait les " lois... " ("... Laws "), à l'image des autres traités ratifiés. La seule existence d'une clause d'incompatibilité ne permet pas de conclure que celle-ci exclurait, ipso facto, l'application provisoire de dispositions d'un traité international ayant un contenu différent de normes législatives internes.  
Les autres sources citées par la recourante ne lui sont d'aucun secours. Ainsi, la résolution n. 5 de la Cour suprême... du 10 octobre 2003 ne fait que confirmer que les traités internationaux ratifiés l'emportent sur les autres normes du droit interne..., mais ne dit rien quant à la place qu'occupe un traité international appliqué à titre provisoire. Quant à l'arrêt n. 59-O09-35 rendu le 29 décembre 2009, il n'est rien possible d'en tirer puisqu'il concernait un traité international qui n'était ni ratifié ni appliqué de manière provisoire. S'agissant par ailleurs de l'opinion doctrinale émise par le Prof. U.________ sur laquelle se fonde aussi la recourante, aucun élément ne permet de retenir qu'elle refléterait effectivement le courant majoritaire de la doctrine... relativement au rang qu'occupe un traité appliqué provisoirement dans la hiérarchie des normes. 
La recourante se réfère encore à la résolution n. 2867-O-P dans laquelle la Cour constitutionnelle... a été amenée à clarifier la portée de sa résolution n. 8-P. Elle fait valoir que ladite Cour a répondu par la négative à la question de savoir si l'art. 23 al. 1 FLIT permettait l'application provisoire d'un mécanisme d'arbitrage prévu par un traité international qui avait fait l'objet d'une publication officielle mais n'avait pas été ratifié. Cette résolution, qui date du 24 décembre 2020, ainsi que les allégations s'y rapportant ne sauraient toutefois être prises en considération, puisque cette décision judiciaire, postérieure à la sentence incidente du 18 janvier 2017, est irrecevable au regard de l'art. 99 LTF (cf. consid. 5.3 supra). Au demeurant, il est tout à fait concevable que la Cour constitutionnelle... ait décidé, après avoir réexaminé la question, de revenir sur la position qu'elle avait auparavant adoptée dans sa précédente résolution sur le problème controversé. Rien n'indique, ainsi, que la nouvelle interprétation préconisée par la Cour constitutionnelle, dans sa résolution n. 2867-O-P, refléterait l'état du droit... au moment de l'introduction de la présente procédure d'arbitrage.  
On relèvera enfin que, selon la législation..., la compétence pour autoriser l'application provisoire d'un traité international incombe à l'organe étatique ayant pris la décision de signer ledit traité (art. 23 al. 2 et 11 al. 2 FLIT), soit en l'occurrence au Gouvernement de la recourante. La répartition des compétences en la matière n'est pas contraire au principe de la séparation des pouvoirs garanti par la Constitution... C'est en effet le pouvoir législatif, lequel est compétent pour adopter des lois au sens formel et ratifier des traités internationaux établissant des règles différentes de celles prévues par la législation interne, qui a, en édictant l'art. 23 FLIT, investi l'organe exécutif de la compétence de consentir à l'application provisoire des dispositions d'un traité international. L'art. 23 FLIT ne contient, par ailleurs, aucune règle restreignant les possibilités pour le Gouvernement... de consentir à l'application provisoire de certains types de règles prévues par un traité international. En particulier, il ne prévoit nullement que le pouvoir exécutif ne pourrait pas valablement autoriser l'application provisoire d'un traité international dont l'entrée en force nécessiterait sa ratification par l'organe législatif. Aussi rien n'indique que l'art. 23 FLIT ne constituerait pas une clause de délégation de pouvoirs suffisante permettant au Gouvernement... de consentir à l'application provisoire de dispositions d'un traité international divergeant de normes prévues par des lois au sens formel. 
C'est également, en vain, que la recourante allègue l'existence d'un " trou noir constitutionnel " au motif que le Gouvernement... pourrait, en autorisant l'application provisoire d'un traité international, s'écarter des règles adoptées par le pouvoir législatif. En raisonnant de la sorte, l'intéressée perd de vue que le Gouvernement tire sa compétence de consentir à l'application provisoire d'un traité international de l'art. 23 FLIT, c'est-à-dire d'une loi au sens formel adoptée par le législateur... Il est ainsi loisible à ce dernier de retirer, en tout temps, pareille compétence au pouvoir exécutif ou d'en restreindre la portée. En tout état de cause, il y a lieu de souligner que le pouvoir conféré à l'organe exécutif n'est pas illimité. En effet, ce dernier ne peut consentir à l'application provisoire d'un traité que si celui-ci le prévoit expressément (art. 23 al. 1 FLIT). En outre, la législation... prévoit un garde-fou puisqu'elle oblige le pouvoir exécutif à soumettre un traité international à la Chambre basse du parlement national dans les six mois à compter du début de l'application provisoire dudit traité. Si on se ralliait à la thèse de la recourante selon laquelle un traité international appliqué à titre provisoire ne pourrait pas déroger à une loi interne, on discernerait alors mal l'utilité d'une telle procédure. 
Au vu de ce qui précède, force est d'admettre que la recourante n'a pas démontré, à satisfaction de droit, que le pouvoir conféré par l'organe législatif au Gouvernement..., par le truchement de l'art. 23 FLIT, de consentir à l'application provisoire d'un traité international serait incompatible avec les principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs et de la hiérarchie des normes et empêcherait l'organe exécutif de consentir à l'application provisoire de normes d'un traité international. En d'autres termes, ni le principe même de l'application provisoire d'un traité international ni la procédure prévue à cet effet ni même la délégation de compétences en faveur du pouvoir exécutif... ne sont incompatibles avec les règles constitutionnelles de la recourante. 
 
6.4.12. Ces précisions faites, il sied toutefois de ne pas perdre de vue que l'art. 45 par. 1 TCE contient une clause d'incompatibilité. Il convient dès lors de déterminer si l'application provisoire de l'art. 26 TCE est ou non incompatible avec la législation..., en ce sens qu'il existerait un conflit entre une norme de l'ordre juridique de la recourante et la disposition précitée faisant obstacle à son application provisoire.  
Pour tenter de démontrer semblable incompatibilité, la recourante se fonde sur l'existence d'une présomption en droit... selon laquelle les litiges de droit public ne sont pas arbitrables. Or, à son avis, il n'existerait, en l'occurrence, aucune règle permettant de renverser cette présomption et d'appliquer à titre provisoire l'art. 26 TCE. 
On peut d'emblée s'interroger sur le point de savoir si la qualification d'un litige né en raison de la prétendue violation de dispositions substantielles du TCE et l'arbitrabilité d'un tel différend sont régies par les règles dudit traité ou par celles du droit interne de l'État concerné. A cet égard, force est de relever que le TCE ne pose, sous réserve de l'art. 21 TCE, aucune limite à l'arbitrabilité des litiges pouvant naître entre un investisseur étranger et un État. En particulier, l'art. 26 TCE dispose que les différends liés au non-respect des obligations prévues par la partie III du TCE - et notamment ceux ayant trait à l'expropriation d'investissements protégés ou à l'adoption de mesures ayant des effets équivalents à celle-ci (art. 13 TCE) - sont arbitrables. La démarche de la recourante revient, ainsi, à assimiler un litige à caractère international découlant d'une potentielle violation des dispositions substantielles dudit traité à un différend purement interne obéissant exclusivement aux règles du droit... Une telle approche n'est pas conforme aux règles du TCE et ne correspond pas au but poursuivi par la clause d'incompatibilité ancrée à l'art. 45 par. 1 TCE. En tout état de cause, on ne saurait admettre l'existence d'une incompatibilité entre l'application provisoire de l'art. 26 TCE et le droit interne du seul fait que l'ordre juridique... ne prévoit pas la possibilité de soumettre aux tribunaux arbitraux un litige de droit public présentant un caractère purement interne. Contrairement à ce que laisse entendre la recourante, la question à résoudre n'est pas de savoir s'il existe une base légale dans l'ordre juridique... " permettant qu'un litige entre un investisseur étranger et la Fédération A.________ soit soumis à l'arbitrage sur la base d'un traité appliqué de manière provisoire " (réplique, n. 105), mais bel et bien de déterminer si une règle de droit interne s'oppose à l'application provisoire de l'art. 26 TCE. Il n'y a ainsi pas lieu d'inverser le mécanisme prévu par l'art. 45 par. 1 TCE en partant de la présomption selon laquelle le présent litige n'est pas arbitrable, et, partant, que l'art. 26 TCE ne s'applique pas, à moins qu'une base légale suffisante en droit... ne le permette. 
En tout état de cause, la tentative de la recourante de démontrer que le litige divisant les parties ne serait pas arbitrable selon le droit... n'apparaît pas convaincante. Les lois successives sur les investissements étrangers en..., à savoir la LFIR 1991 et la LFIR 1999, reconnaissent expressément l'arbitrage comme un mode de règlement des différends pouvant surgir entre un investisseur étranger et l'État. L'art. 10 LFIR 1999 dispose, en effet, ce qui suit: 
 
" A dispute of a foreign investor arising in connection with its investments and business activity conducted in the territory of the... shall be resolved in accordance with international treaties of the... and federal law in courts, arbitrazh courts or through international arbitration (arbitral tribunal) ". 
La recourante soutient, certes, que les termes " international treaties of the... ", ne viseraient que les traités ratifiés et non ceux appliqués à titre provisoire. Une telle affirmation péremptoire ne trouve toutefois aucun ancrage dans le texte. De plus, l'intéressée a échoué à établir que les traités appliqués à titre provisoire n'occuperaient pas le même rang qu'un traité international ratifié dans la hiérarchie des normes de l'ordre juridique... 
La recourante fait aussi fausse route lorsqu'elle soutient que l'art. 10 LFIR 1999 ne constitue qu'une " norme en blanc " ne permettant pas de déroger au principe de la non-arbitrabilité des litiges de droit public. D'une part, la seule question à résoudre est celle de savoir si l'application provisoire d'une clause d'arbitrage prévue par un traité international est incompatible ou non avec l'ordre juridique interne de la recourante. D'autre part, l'intéressée concède elle-même que l'art. 10 LFIR 1999 exige que le recours à la voie de l'arbitrage soit prévu dans une loi fédérale ou un traité international. Or, tel est précisément le cas en l'espèce puisque l'art. 26 TCE prévoit un tel mode de règlement des différends. 
C'est également en vain que l'intéressée tente de tirer argument du fait que la précédente loi sur les investissements étrangers, soit la LFIR 1991, laquelle était en vigueur au moment de la signature du TCE par la recourante, prévoyait, en substance, à son art. 9, que les différends opposant un investisseur étranger à l'État seraient résolus par les tribunaux étatiques, sauf si le recours à l'arbitrage était prévu par " un traité international en force ". Ce faisant, la recourante perd de vue que le Tribunal arbitral était tenu d'examiner sa compétence à l'aune du droit applicable au moment où il était saisi. De plus, vu le caractère évolutif de la législation interne des États signataires du TCE, ceux-ci pouvaient parfaitement supprimer toute éventuelle incompatibilité avec leur propre ordre juridique durant la période d'application provisoire dudit traité. En l'occurrence, le Tribunal arbitral a souligné que l'art. 10 LFIR 1999 ne faisait plus référence aux traités internationaux " en force ", raison pour laquelle il en a déduit que la disposition légale précitée visait également les traités internationaux appliqués à titre provisoire. La recourante soutient certes que si le législateur avait voulu inclure les traités internationaux appliqués de manière provisoire dans le champ d'application de l'art. 10 LFIR 1999 en supprimant les termes " en force ", cela aurait constitué un " changement de paradigme " qui aurait suscité de nombreuses discussions. Cette affirmation ne permet toutefois pas de retenir que la solution à laquelle a abouti la formation arbitrale serait erronée. 
En tout état de cause, il est légitimement permis de douter que l'art. 9 LFIR 1991 s'opposait nécessairement à l'application provisoire de l'art. 26 TCE. C'est le lieu, en effet, de rappeler que, dans sa note explicative, établie en 1996, relative au projet de loi sur la ratification du TCE, le Gouvernement... avait clairement indiqué que la disposition prévoyant l'application provisoire dudit traité était conforme à la législation... et que le TCE était compatible avec le droit existant (" consistent with the provisions of the existing Law "; sentence incidente, n. 241 [c]). Le Tribunal arbitral a considéré que le document en question n'analysait pas la situation juridique postérieure à l'éventuelle ratification du TCE mais la relation entre le droit... et ledit traité au moment de la rédaction de ladite note. En outre, il a constaté que la recourante avait, nonobstant le report de la ratification du TCE, continué d'indiquer qu'elle appliquait ledit traité de manière provisoire sans jamais suggérer qu'une telle application serait limitée (sentence incidente, n. 241 [d]). La recourante tente certes de nier toute force probante à la note en question en opposant sa propre lecture dudit document à l'interprétation qu'en a faite la formation arbitrale. Elle affirme que le Gouvernement... cherchait à persuader le pouvoir législatif de ratifier le TCE. Rien n'indique cependant que l'organe exécutif aurait procédé à une analyse juridique délibérément orientée et erronée à cette fin. Par ailleurs, la conclusion de la formation arbitrale selon laquelle la note en question reflétait l'état de la relation entre l'application provisoire du TCE et le droit... au moment de la rédaction dudit document apparaît tout à fait concevable. On ne saurait, ainsi, dénier toute valeur aux considérations émises par le Gouvernement... dans ladite note, étant rappelé que, selon l'ordre juridique..., la compétence de consentir à l'application provisoire d'un traité international lui incombait.  
Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'admettre que la recourante n'a pas établi que l'application provisoire de l'art. 26 TCE était incompatible avec son droit interne. A cet égard, il y a lieu de rappeler que l'ordre juridique... ne contient aucune disposition s'opposant à l'application provisoire d'une clause d'arbitrage insérée dans un traité international en matière d'investissements. En outre, l'art. 10 LFIR 1999 envisage expressément l'arbitrage comme mode de règlement des différends opposant un investisseur étranger à l'État. Les considérations qui précèdent conduisent dès lors au rejet du premier moyen. 
 
7.  
Dans un deuxième grief fondé également sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, la recourante conteste que l'intimée ait effectué des investissements protégés par le TCE, raison pour laquelle le Tribunal arbitral aurait dû admettre la deuxième objection préliminaire qu'elle avait soulevée et, partant, décliner sa compétence. La bonne compréhension des motifs retenus par le Tribunal arbitral pour admettre sa compétence et des arguments avancés par les parties, qui pour la lui dénier, qui pour cautionner sa décision, nécessite, au préalable, d'énoncer certaines définitions figurant à l'art. 1 TCE. 
 
7.1. L'art. 1 ch. 6 TCE définit l'investissement en ces termes:  
 
" 6. «Investissement» désigne tout type d'avoir détenu ou contrôlé directement ou indirectement par un investisseur et comprenant: 
a) les biens matériels et immatériels, mobiliers et immobiliers, et tous droits de propriété tels que location, hypothèques, créances privilégiées et gages; 
b) une société ou entreprise commerciale ou les actions, capitaux ou toute autre forme de participation au capital dans une société ou entreprise commerciale, ainsi que les obligations, titres ou autres dettes d'une société ou d'une entreprise commerciale; 
(...) 
La modification de la forme sous laquelle les avoirs sont investis n'affecte pas leur caractère d'investissement, et le terme «investissement» couvre tous les investissements, qu'ils existent à la date d'entrée en vigueur ou qu'ils soient réalisés postérieurement à la date d'entrée en vigueur du présent traité pour la partie contractante d'où provient l'investisseur ou pour la partie contractante dans la zone de laquelle l'investissement est réalisé, ci-après appelée «date effective», à condition que le traité ne s'applique qu'aux matières affectant ces investissements après la date effective. 
Le terme «investissement» vise tout investissement associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie et tout investissement ou toute catégorie d'investissements réalisés dans sa zone par une partie contractante, désignés par elle comme des «projets d'efficacité de la Charte», et notifiées en tant que tels au Secrétariat ". 
L'art. 1 TCE énonce en outre les définitions suivantes: 
 
5. «Activité économique du secteur de l'énergie» désigne toute activité économique relative à l'exploitation, à l'extraction, au raffinage, à la production, au stockage, au transport terrestre, à la transmission, à la distribution, à l'échange, à la commercialisation et à la vente de matières ou de produits énergétiques, exceptés ceux qui figurent à l'annexe Nl, ou relative à la diffusion de chaleur dans des locaux multiples. 
7. «Investisseur» désigne: 
a) en ce qui concerne une partie contractante: 
i) toute personne physique jouissant de la citoyenneté ou de la nationalité de cette partie contractante, ou résidant en permanence sur son territoire conformément à sa législation applicable; 
ii) toute entreprise ou autre organisation organisée conformément à la législation applicable sur le territoire de cette partie contractante; 
b) en ce qui concerne un «État tiers», toute personne physique, entreprise ou organisation qui remplit, mutatis mutandis, les conditions énoncées au point a) pour une partie contractante. 
8. «Investir» ou «réaliser des investissements» désigne le fait de réaliser de nouveaux investissements, en acquérant tout ou partie des investissements existants ou en se tournant vers d'autres domaines d'activités d'investissement ". 
 
7.2.  
 
7.2.1. Dans sa sentence incidente du 18 janvier 2017, le Tribunal arbitral débute son examen du deuxième motif d'incompétence soulevé par la recourante en commençant par rappeler ce que recouvre la notion d'investissement visée par l'art. 1 ch. 6 TCE (sentence incidente, n. 298). Il fait ensuite référence à une série de définitions figurant dans le TCE (sentence incidente, n. 299-302).  
 
7.2.2. Après avoir brièvement exposé les thèses des parties quant à la nature exacte des transactions litigieuses passées entre la demanderesse et C.________, le Tribunal arbitral examine plus avant les circonstances factuelles pertinentes de la cause en litige (sentence incidente, n. 317-341). Il détaille les conditions applicables aux prêts consentis en décembre 2003 et en août 2004 par la demanderesse à C.________. A cet égard, il observe que les deux prêts portaient intérêts et que l'emprunteuse était tenue de payer des pénalités en cas de non-remboursement à l'échéance convenue.  
La formation arbitrale constate que les montants versés à C.________ ont été financés au moyen de deux prêts, non garantis, qui ont été accordés à la demanderesse par deux sociétés entièrement détenues, indirectement, par C.________, à savoir J.________ et K.________. Les contrats de prêt consentis par ces dernières désignaient la demanderesse en tant que " sous-prêteuse " et fixaient notamment le montant du prêt pouvant être accordé par celle-ci à C.________, l'échéance ainsi que le taux d'intérêts applicable auxdits prêts. Dans les deux cas, il existait une marge spécifique (" spread ") entre le taux d'intérêts dû selon les prêts accordés à la demanderesse et celui prévu par les contrats de prêt conclus par cette dernière avec C.________. Ainsi, le taux d'intérêts était fixé à 9 % dans le contrat de prêt de décembre 2003 passé entre C.________ et la demanderesse, alors que le taux prévu dans le prêt accordé par J.________ à cette dernière était de 8,9375 %, soit une marge de 0,0625 %. S'agissant de l'autre prêt, la marge était de 0,03125 %. Les contrats passés entre J.________ et K.________, d'une part, et la demanderesse, d'autre part, stipulaient que cette dernière n'était pas tenue de leur restituer les sommes prêtées aussi longtemps que C.________ ne lui aurait pas remboursé les montants qu'elle lui devait sur la base des prêts concédés en décembre 2003 et en août 2004. Ils prévoyaient en outre que J.________ et K.________ supporteraient tous les risques associés aux prêts consentis par la demanderesse à C.________ (sentence incidente, n. 319-329).  
Examinant ensuite l'origine des fonds prêtés à C.________, le Tribunal arbitral relève qu'il n'est pas contesté que les profits générés par les activités de négoce de pétrole au sein du groupe E.________ ont constitué l'une des sources de financement du prêt accordé en décembre 2003 par la demanderesse à C.________. Des sociétés... d'extraction de pétrole, entièrement contrôlées par C.________, en vendaient à différentes sociétés du groupe qui s'échangeaient, à leur tour, le pétrole entre elles. En l'occurrence, les profits ont été accumulés dans deux sociétés..., V.________ et W.________, lesquelles étaient détenues par C.________, par l'entremise de plusieurs sociétés sises dans divers États. Les profits accumulés par V.________ et W.________ ont été transférés sous la forme de dividendes à leurs sociétés mères chypriotes, lesquelles les ont remis à leur tour à la sous-holding J.________, qui contrôlait les sociétés chypriotes en question via d'autres entités sises aux Iles Vierges britanniques. Les fonds ont ensuite été remis par J.________ à la demanderesse, laquelle les a prêtés dans la foulée à C.________. La formation arbitrale relève qu'il n'existe pas suffisamment de preuves permettant de déterminer précisément l'origine de tous les fonds reçus par J.________ qui ont ensuite été affectés au contrat de prêt consenti à la demanderesse. 
Tout en reconnaissant qu'au moins une partie des sommes prêtées à la demanderesse provenait de profits générés à l'origine par des sociétés... subalternes de C.________, le Tribunal arbitral estime qu'il n'est pas possible d'assimiler simplement les fonds qui ont été prêtés en décembre 2003 à C.________ à ceux qui ont été transférés sous la forme de dividendes par V.________ et W.________ jusqu'en juin 2003, étant donné que l'argent est une chose fongible et qu'il s'est écoulé six mois entre le versement de tels dividendes et la conclusion du premier contrat de prêt (sentence incidente, n. 330-332). 
Quant aux fonds avancés sur la base du prêt conclu en août 2004, le Tribunal arbitral constate que ceux-ci provenaient de la vente par K.________ de 56 % du capital-actions de l'entité... X.________. C.________ contrôlait indirectement K.________ via la holding C1.________. Les fonds destinés à C.________ n'ont ainsi pas transité sous la forme d'un versement de dividendes mais ont été prêtés par K.________ à la demanderesse, laquelle les a prêtés à son tour à C.________ (sentence incidente, n. 333). 
Le Tribunal arbitral précise, dans la foulée, qu'il se penchera sur les questions afférentes au contrôle des fonds prêtés et au rôle exercé par la demanderesse dans les opérations de prêt lorsqu'il examinera la substance économique de celles-ci (sentence incidente, n. 334-341). 
 
7.2.3. Après avoir détaillé les arguments antagonistes des parties (sentence incidente, n. 342-418), le Tribunal arbitral en vient à l'examen des mérites du deuxième motif d'incompétence.  
La formation arbitrale considère, à titre liminaire, qu'un prêt " associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie " peut constituer un investissement couvert par le TCE car il entre dans la notion d' " autres dettes d'une société " au sens de l'art. 1 ch. 6 point b) TCE (sentence incidente, n. 430-437). Selon elle, il est suffisant que le prêt soit destiné à une société déployant une activité économique dans le secteur de l'énergie au sens de l'art. 1 ch. 5 TCE - ce qui est le cas de C.________ - et non que le prêt soit affecté à la réalisation d'une telle activité pour qu'il puisse être qualifié d'investissement " associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie " (sentence incidente, n. 438-445). 
Le Tribunal arbitral souligne ensuite que la notion d'investissement comprend non seulement un aspect juridique mais également une dimension économique. La matérialisation économique d'un investissement suppose que l'investisseur ait effectivement engagé des ressources financières (sentence incidente, n. 446-454). En l'occurrence, la formation arbitrale observe que la recourante ne conteste pas la validité juridique des prêts mais soutient que la composante économique, inhérente à la notion d'investissement, est absente. La recourante fait valoir que les notions de contribution et de risque sont au coeur du concept d'investissement et que leur prise en compte suppose d'examiner la substance économique de la transaction concernée (sentence incidente, n. 455). En termes économiques, elle prétend que les fonds prêtés provenaient à l'origine du territoire... et qu'ils ont circulé depuis cet État à destination de celui-ci à la demande de la société mère... Aussi le retour des mêmes fonds vers la Fédération A.________ ne constitue-t-il pas une contribution associée à une activité économique sur le territoire... La recourante soutient également que les prêts consentis à C.________ tendaient, d'un point de vue économique, à la distribution de dividendes au profit de cette dernière (sentence incidente, n. 456 s.). 
Procédant à l'examen, sous l'angle économique, des transactions passées entre la demanderesse et C.________, le Tribunal arbitral souligne, à titre liminaire, que la provenance des fonds utilisés par un investisseur pour réaliser ses investissements n'est pas pertinente (sentence incidente, n. 460-465). Il estime, en outre, qu'un prêt consenti par une société à une entité appartenant au même groupe et déployant une activité économique dans le secteur de l'énergie peut constituer un investissement au sens de l'art. 1 ch. 6 TCE (sentence incidente, n. 466-474). En l'espèce, les sociétés... V.________ et W.________ ont, dans un premier temps, versé des dividendes à d'autres sociétés du groupe E.________ sises à Chypre. Ces versements ont été taxés fiscalement en application des règles de la Convention de double imposition conclue entre la Fédération A.________ et Chypre. Les fonds ont, par la suite, transité vers la demanderesse qui les a transférés, sous forme de prêts, à C.________. Le choix de rapatrier vers la Fédération A.________, sous cette forme juridique, le produit généré par les activités de trading de pétrole au sein du groupe E.________ ainsi que les fonds provenant de la vente de la participation majoritaire de K.________ dans la société X.________ reposait sur des motifs fiscaux, car des impôts auraient été prélevés si les montants en question avaient été versés à C.________ sous la forme de dividendes. Le Tribunal arbitral relève que les prêts consentis par la demanderesse à C.________ n'étaient ni invalides ni simulés. Sur la base des preuves à sa disposition, il estime que C.________ a considéré les transactions passées avec la demanderesse comme des prêts et qu'elle avait l'intention de la rembourser. Cette conclusion n'est pas infirmée par le fait que C.________ a utilisé une partie des fonds qu'elle a reçus pour distribuer des dividendes à ses actionnaires (sentence incidente, n. 475-487). 
Poursuivant son analyse économique en termes de risques encourus par la demanderesse dans le cadre des transactions litigieuses, la formation arbitrale estime, à la majorité de ses membres, que la demanderesse supportait le risque opérationnel de ne pas être remboursée par C.________, et ce, indépendamment des propres arrangements passés entre elle et d'autres sociétés du groupe comme J.________ et K.________. Au terme de son examen, elle aboutit à la conclusion que la demanderesse a effectué un investissement au sens de l'art. 1 ch. 6 TCE puisque celle-ci détenait un avoir, sous forme d' " autres dettes d'une société ", associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie déployée dans la zone de la recourante (sentence incidente, n. 489-513). 
 
7.3.  
 
7.3.1. Après avoir exposé sa propre version des faits pertinents sur près de vingt pages (recours, n. 271-309), la recourante fait valoir que le Tribunal arbitral a ignoré la réalité économico-juridique dans laquelle s'inscrivaient les prêts consentis à C.________, raison pour laquelle il a considéré, à tort, que la demanderesse avait effectué des investissements protégés au sens de l'art. 1 ch. 6 TCE. A son avis, il ne suffit pas qu'un avoir rentre dans l'une des catégories mentionnées à l'art. 1 ch. 6 TCE pour qu'il puisse constituer un investissement protégé au sens dudit traité. L'intéressée soutient, en se référant notamment à l'opinion professée par un auteur (ZACHARY DOUGLAS, The International Law of Investment Claims, 2009, règle 23, p. 191), qu'il ne saurait en effet être question d'un investissement en l'absence d'une contribution (i), d'une certaine durée (ii) entraînant un certain risque pour l'investisseur (iii). Elle considère que le Tribunal arbitral a bien souligné la pertinence des critères relatifs à l'existence d'une contribution et d'un risque pour déterminer s'il y avait eu un investissement au sens de l'art. 1 ch. 6 TCE, mais lui reproche d'avoir apprécié de manière erronée lesdits critères. A l'en croire, la formation arbitrale a perdu de vue la réalité des transactions litigieuses en découpant les questions qu'elle estimait devoir résoudre en une série de micro-problèmes juridiques. En d'autres termes, elle aurait " fini par perdre de vue la forêt " " à force d'analyser (...) les millimètres carrés d'écorce " (recours, n. 310-357).  
La recourante s'emploie ensuite à démontrer que les exigences précitées inhérentes à la notion d'investissement ne sont pas satisfaites en l'espèce. Ainsi, l'intimée n'a, selon elle, réalisé aucune contribution, puisque les fonds remis à C.________, qui provenaient à l'origine des profits réalisés par diverses entités du groupe E.________, n'ont fait que transiter par l'intimée, laquelle n'assumait qu'un rôle d'intermédiaire financier ou de société-relais. Ce circuit de flux financiers avait pour seul et unique objectif d'expatrier, dans un premier temps, vers des paradis fiscaux, les profits générés par des sociétés..., puis, dans un second temps, de rapatrier ces fonds sur le territoire... grâce à une multitude de sociétés offshore contrôlées indirectement par C.________. La recourante souligne que l'intimée n'était qu'une société-relais dans cette boucle financière, un véhicule dont le seul et unique rôle consistait à se voir prêter des sommes qu'elle avait ensuite l'obligation de prêter, à son tour, à C.________. Les prêts litigieux ne visaient, par ailleurs, qu'à permettre à C.________ d'échapper aux impôts qu'elle aurait dû payer en... si les montants concernés avaient été directement versés sous la forme de dividendes. La recourante fait valoir que le TCE n'a pas vocation à protéger des opérations circulaires consistant à expatrier des profits générés dans un État contractant puis à les rapatrier dans celui-ci après les avoir fait transiter par d'autres entités appartenant au même groupe sises dans un autre État pour des motifs fiscaux. Elle soutient, par ailleurs, que l'intimée n'encourait aucun risque lorsqu'elle a consenti des prêts à C.________ puisque ceux-ci étaient adossés aux prêts que lui avaient accordés J.________ et K.________, étant précisé que les deux sociétés précitées n'avaient aucun droit de recours vis-à-vis de l'intimée aussi longtemps que cette dernière n'aurait pas été remboursée par C.________. En d'autres termes, l'intimée ne supportait pas le risque d'un défaut de remboursement de la part de C.________, ce d'autant qu'elle n'avait pas effectué des prêts avec ses fonds propres mais avec des sommes empruntées. Le risque était dès lors supporté exclusivement par J.________ et K.________ dans la mesure où l'intimée n'avait aucune obligation de les rembourser en cas de défaut de paiement de la part de C.________ (recours, n. 358-380).  
La recourante prétend, ensuite, que les prêts consentis par J.________ et K.________ à l'intimée, d'une part, et ceux accordés par cette dernière à C.________, d'autre part, ne constituaient pas deux opérations distinctes mais une seule et même transaction, de sorte que J.________ et K.________ étaient les véritables détentrices économiques des fonds prêtés à C.________ (recours, n. 381-390). 
L'intéressée s'emploie, enfin, à démontrer que le spread, à savoir la différence entre les taux d'intérêts dus selon les prêts consentis à l'intimée et ceux accordés par cette dernière à C.________, ne constitue pas davantage, à lui seul, un investissement protégé au sens de l'art. 1 ch. 6 TCE (recours, n. 391-398).  
 
7.3.2. Dans sa réponse, l'intimée objecte que les arguments avancés par son adverse partie ne trouvent aucune assise dans les constatations de fait opérées par le Tribunal arbitral et sont, partant, irrecevables (n. 160-185). Elle soutient ensuite que les prêts litigieux constituent un investissement protégé au sens de l'art. 1 ch. 6 TCE. A cet égard, elle observe que les critères de " contribution " et de " risque " ne ressortent pas du texte de la disposition précitée. Elle estime en outre que ceux-ci ne sont pas inhérents au concept même d'investissement, ladite notion étant du reste loin de faire l'unanimité en droit international public. En tout état de cause, elle est d'avis que la recourante donne une définition de la contribution et du risque beaucoup plus restrictive que celle adoptée par la formation arbitrale, au point de rendre l'application du TCE pratiquement impossible. Elle réfute en outre la thèse selon laquelle elle ne serait pas la véritable détentrice des prêts consentis à C.________. Elle fait enfin valoir que le Tribunal arbitral n'a pas jugé nécessaire d'examiner si le spread, considéré isolément, pouvait constituer un investissement au sens de l'art. 1 ch. 6 TCE (réponse, n. 186-222).  
 
7.3.3. Dans sa réplique, la recourante rétorque qu'elle s'est fondée exclusivement sur les faits constatés par la formation arbitrale et expose une nouvelle fois les raisons pour lesquelles les prêts accordés par l'intimée à C.________ ne sauraient être qualifiés d'investissements au regard de l'art. 1 ch. 6 TCE (n. 116-159).  
 
7.3.4. L'intimée, dans sa duplique, maintient sa position et relève, à nouveau, que les concepts de contribution et de risque sont étrangers à la définition de l'investissement selon l'art. 1 ch. 6 TCE. Elle rappelle aussi que seule la détention juridique - et non pas économique - des sommes prêtées à C.________ est décisive (duplique, n. 102-136).  
 
7.4. Il convient à présent d'examiner les arguments ainsi développés par les parties à la lumière des principes juridiques gouvernant l'interprétation des traités.  
 
7.4.1. Pour introduire une requête d'arbitrage sur la base de l'art. 26 TCE, la partie demanderesse doit avoir effectué un investissement au sens de l'art. 1 ch. 6 TCE.  
Il n'existe, à ce jour, aucune définition abstraite, définitive et unanimement acceptée de la notion d'investissement dans les traités internationaux à caractère bilatéral ou multilatéral relatifs à la protection et à la promotion des investissements. Les tribunaux arbitraux, eux aussi, n'ont pas tous la même approche de ladite notion (cf. ZACHARY DOUGLAS, Property, Investment and the Scope of Investment Protection Obligations, in Zachary Douglas et al. [édit.], The Foundations of International Investment Law, 2014, p. 405 [cité ci-après: DOUGLAS, Property]). L'investissement n'a du reste pas nécessairement la même signification sous l'angle du droit et sous celui de l'économie. Qui plus est, sa définition juridique varie d'un tribunal arbitral à l'autre, sans parler des multiples opinions doctrinales professées à son sujet (arrêts 4A_65/2018, précité, consid. 3.2.1.2.3; 4A_616/2015, précité, consid. 3.4.1 et les références citées). Il convient donc de privilégier une approche pragmatique de la question et, à partir du texte du traité examiné, interpréter cette notion de bonne foi suivant le sens ordinaire des termes pertinents considérés dans leur contexte ainsi qu'à la lumière de l'objet et du but du traité considéré (arrêt 4A_65/2018, précité, consid. 3.2.1.2.3). 
 
7.4.2. D'après l'art. 1 ch. 6 TCE, le terme investissement désigne tout type d'avoir détenu ou contrôlé directement ou indirectement par un investisseur (" every kind of asset, owned or controlled directly or indirectly by an Investor "), toute entreprise ou autre organisation organisée conformément à la législation applicable sur le territoire d'une partie contractante étant considérée comme un investisseur selon l'art. 1 ch. 7 TCE. L'art. 1 ch. 6 TCE dresse une liste des investissements protégés parmi lesquels figurent notamment les obligations, titres ou autres dettes d'une société ou d'une entreprise commerciale (point b). L'art. 1 ch. 6 par. 3 TCE précise que le terme «investissement» vise tout investissement associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie. Selon l'art. 1 ch. 6 par. 2 TCE, la modification de la forme sous laquelle les avoirs sont investis n'affecte pas leur caractère d'investissement, et le terme «investissement» couvre tous les investissements.  
Il sied de souligner que les parties contractantes, dans le préambule du TCE, ont notamment mis l'accent sur leur souhait de mettre en oeuvre le concept de base de l'initiative de la Charte européenne de l'énergie qui est de " catalyser la croissance économique par des mesures destinées à libéraliser les investissements et les échanges en matière d'énergie " et ont insisté sur l'objectif tendant à la " libéralisation progressive des échanges internationaux ". 
Il appert du texte de l'art. 1 ch. 6 TCE et du préambule dudit traité, qui constituent tous deux des éléments du contexte (cf. art. 31 par. 2 CV), que ceux-ci ne comportent rien de restrictif mais illustrent, au contraire, la volonté commune des parties contractantes de favoriser et de stimuler, dans toute la mesure du possible, les investissements dans le secteur énergétique. L'art. 1 ch. 6 TCE ne fournit pas de critères distinctifs à respecter ni de caractéristiques à remplir pour qu'un avoir détenu ou contrôlé directement ou indirectement puisse être qualifié d'investissement, si ce n'est que celui-ci doit être " associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie ". La définition de l'investissement est centrée sur la notion d'actif. Elle comprend une clause générale (" tout type d'avoir "; " any kind of assets ") ainsi qu'une liste non exhaustive des investissements à prendre en compte (HÓBER, op. cit., p. 68; GERAETS/REINS, in Rafael Leal-Arcas [édit.], Commentary on the Energy Charter Treaty, 2018, n. 1.28; GAILLARD/MCNEILL, The Energy Charter Treaty, in Katia Yannaca-Small [édit.], Arbitration Under International Investment Agreements, A Guide To The Key Issues, 2010, n. 2.11; BALTAG, op. cit., p. 168; BENSON ET AL., The Energy Charter Treaty, in William Rowley et al. [édit.], The Guide to Energy Arbitrations, 4e éd. 2020, p. 23.). Ladite liste est formulée de manière extrêmement large et rien dans le texte du traité en question ne vient donner l'impression que les parties contractantes aient cherché à y restreindre d'une quelconque manière la portée de la notion d'investissement. Ainsi, l'art. 1 ch. 6 TCE énonce notamment que ce concept englobe " tout investissement associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie " et " couvre tous les investissements " (termes mis en évidence par la Cour de céans). Force est ainsi de souligner que la définition de l'investissement prévue par l'art. 1 ch. 6 TCE est des plus larges comme l'ont relevé, à juste titre, divers auteurs (HÓBER, op. cit., p. 68; GERAETS/REINS, op. cit., n. 1.28; GAILLARD/MCNEILL, op. cit., n. 2.11; BALTAG, op. cit., p. 168; BENSON ET AL., op. cit., p. 23.).  
 
7.4.3. Il n'est pas rare que des traités d'investissement contiennent des clauses visant à restreindre leur champ de protection. Les parties contractantes peuvent notamment agir sur la définition de l'investisseur et de l'investissement et sur le critère déterminant la nationalité de la personne morale. Elles peuvent en outre exiger un certain lien effectif avec l'État national et permettre de refuser " le bénéfice " du traité protecteur (" denial of benefits clause ") à une entité contrôlée par le ressortissant d'un État tiers, voire de l'État hôte. Elles peuvent également imposer des exigences quant à la provenance des fonds investis et prévoir notamment que les investissements doivent impérativement avoir été effectués avec des moyens de provenance étrangère ou les fonds propres de l'investisseur protégé afin que l'investissement jouisse de la protection du traité (ATF 146 III 142 consid. 3.4.2.6).  
En l'occurrence, le TCE permet certes aux parties contractantes de refuser le bénéfice du traité (" denial of benefits clause ") selon la personne de l'investisseur aux conditions cumulatives fixées à l'art. 17 dudit traité. Il ne contient, en revanche, aucune disposition visant à fixer certaines règles à respecter s'agissant de l'origine des fonds investis. Il résulte, ainsi, du texte et de la systématique du TCE que c'est bien dans la personne de l'investisseur - et non dans les investissements - que se traduit l'exigence d'extranéité par rapport à l'État hôte (arrêt 4A_80/2018, précité, consid. 4.6.2). Certes, la recourante souligne que le TCE vise à promouvoir les flux internationaux, respectivement à " catalyser la croissance économique par des mesures destinées à libéraliser les investissements et les échanges en matière d'énergie ", selon les termes de son préambule. Que les investissements revêtent un trait d'extranéité est d'ailleurs inhérent à ce type de conventions. Tout dépend toutefois de la manière dont l'accord en cause définit l'extranéité. Or, le TCE a placé ce poids sur l'investisseur et a défini la nationalité des personnes morales selon un critère formaliste (arrêt 4A_80/2018, précité, consid. 4.6.4). Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'interroger sur la provenance des fonds investis et sur le mode de financement utilisé par l'investisseur pour déterminer si un avoir détenu ou contrôlé par ce dernier doit être qualifié d'investissement selon l'art. 1 ch. 6 TCE (dans le même sens, BALTAG, op. cit., p. 199 s.).  
 
7.4.4. Selon l'art. 1 ch. 6 TCE, le terme investissement vise tout type d'avoir détenu ou contrôlé (" owned or controlled "; termes mis en évidence par la Cour de céans) directement ou indirectement par un investisseur. Il appert ainsi du texte de la disposition précitée que celle-ci instaure une exigence alternative à savoir la détention par un investisseur d'un actif ou le contrôle de celui-ci. Il en découle qu'un investisseur peut être au bénéfice d'un investissement protégé soit lorsqu'il détient un avoir, c'est-à-dire lorsqu'il en est le titulaire, soit quand il en a la maîtrise de fait (cf. à cet égard la clause interprétative n. 3 figurant à la fin du TCE précisant la notion de " contrôle "). Aussi, celui qui détient juridiquement un avoir peut-il également être considéré comme étant au bénéfice d'un investissement protégé au sens de l'art. 1 ch. 6 TCE. Rien n'indique, en effet, que les parties contractantes auraient voulu limiter la protection offerte par le TCE aux seuls ayants droit économiques d'un avoir (GAILLARD/MCNEILL, op. cit., n. 2.15).  
 
7.4.5. En l'occurrence, il n'est pas contesté ni contestable du reste que l'intimée revêt la qualité d'investisseur au sens de l'art. 1 ch. 7 TCE, dès lors qu'il s'agit d'une société qui était organisée conformément à la législation d'une partie contractante au TCE (Luxembourg) lorsqu'elle a prêté des fonds à C.________. La recourante n'invoque par ailleurs pas l'art. 17 TCE devant le Tribunal fédéral, ce qui épargne toute discussion sur ce point.  
Il est en outre établi que l'intimée a consenti deux prêts à la société de droit... C.________. La formation arbitrale a considéré, à bon droit, que des prêts " associés à une activité économique dans le secteur de l'énergie " pouvaient constituer des investissements couverts par le TCE puisqu'ils entraient dans la notion d' " autres dettes d'une société " au sens de l'art. 1 ch. 6 point b). Elle a également souligné, à juste titre, qu'il suffit qu'un prêt soit effectué en faveur d'une société déployant une activité économique dans le secteur de l'énergie, au sens de l'art. 1 ch. 5 TCE, - ce qui est manifestement le cas de C.________ - et non que le prêt soit destiné à la réalisation d'une telle activité pour qu'il puisse être qualifié d'investissement " associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie ". En l'espèce, l'intimée a accordé des prêts à C.________ en lui remettant des sommes d'argent dont elle était juridiquement la détentrice. Elle a certes financé ces opérations au moyen de fonds qu'elle a empruntés auprès d'autres sociétés du groupe E.________. Cela étant, la provenance des fonds est dénuée de pertinence au moment de se prononcer sur l'existence d'un investissement protégé au sens de l'art. 1 ch. 6 TCE. Il s'ensuit que l'intimée détenait juridiquement les sommes d'argent qu'elle a prêtées à une société... déployant une activité économique dans le secteur de l'énergie. La recourante ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient qu'il convient de faire abstraction de la titularité juridique des avoirs prêtés et de privilégier une approche visant à déterminer l'ayant droit économique de ceux-ci. Une telle interprétation ne trouve aucun ancrage dans le texte de l'art. 1 ch. 6 TCE lequel opère une distinction entre la détention et le contrôle d'un avoir. La détention (" ownership ") fait manifestement référence à la relation juridique existant entre une personne et une chose ou des valeurs patrimoniales. Si tel n'était pas le cas, on ne discernerait alors pas les raisons pour lesquelles les parties contractantes auraient choisi de préciser qu'un investisseur pouvait soit détenir soit contrôler un avoir. C'est également en vain que la recourante se réfère à la clause interprétative n. 3 puisque celle-ci tend indubitablement à préciser la portée du terme " contrôle " et non celui de détention. La recourante ne peut pas davantage être suivie lorsqu'elle affirme, en citant une sentence arbitrale rendue dans le cadre d'un arbitrage CIRDI et l'avis de quelques auteurs isolés, qu'il existerait un principe établi en droit international en vertu duquel seul l'ayant droit économique et non le bénéficiaire nominal d'un droit aurait qualité pour agir.  
Au vu de ce qui précède, force est d'admettre que les prêts consentis par l'intimée à C.________ remplissent les exigences mentionnées à l'art. 1 ch. 6 TCE, puisqu'il s'agit d'actifs détenus par un investisseur, visés par la liste d'investissements figurant à l'art. 1 ch. 6 TCE, associés à une activité économique dans le secteur de l'énergie. 
 
7.4.6. La formation arbitrale ne s'est toutefois pas arrêtée là, puisqu'elle a examiné si l'intimée, en accomplissant les opérations litigieuses, avait bel et bien effectué une contribution et assumé un risque (sentence incidente, n. 456-513). La recourante soutient elle aussi que ces deux exigences seraient inhérentes à la notion même d'investissement. L'intimée le conteste vivement.  
Il est vrai que les opinions émises par les formations arbitrales et les auteurs qui se sont penchés sur la question apparaissent contrastées, certains estimant que les critères de la contribution et du risque sont inhérents à la notion même d'investissement au sens de l'art. 1 ch. 6 TCE, d'autres préconisant en revanche la solution contraire (cf. sur cette question: HÓBER, op. cit., p. 71 ss et les références citées; BENSON ET AL., op. cit., p. 24 et les références citées; GAILLARD/MCNEILL, op. cit., n. 2.16; Douglas, Property, p. 189 ss). C'est le lieu en outre de rappeler que le sens ordinaire du concept d'investissement demeure l'un des plus controversés à ce jour dans le contentieux des investissements internationaux, et l'on ne compte plus les tentatives qui ont été faites par les tribunaux arbitraux appliquant les règles du CIRDI, de la CNUDCI ou d'autres institutions d'arbitrage pour en délimiter les contours. L'existence d'une signification inhérente au concept d'investissement est ainsi loin de faire l'unanimité en droit international public. 
En l'occurrence, les exigences de " contribution " et de " risque " ne ressortent pas des termes de l'art. 1 ch. 6 TCE. On peut donc s'interroger sur le point de savoir si la notion d'investissement protégé au sens de l'art. 1 ch. 6 TCE suppose nécessairement le respect de ces deux critères. Cela étant, point n'est besoin de pousser plus avant l'examen de cette question, dès lors que le grief examiné se révèle de toute façon mal fondé. 
 
7.4.7. A supposer même qu'une contribution et un risque fussent inhérents au concept même d'investissement visé par l'art. 1 ch. 6 TCE, il appert, en effet, que le raisonnement tenu par la formation arbitrale lors de l'examen de ces deux éléments résiste aux critiques dont il est l'objet de la part de la recourante.  
En l'occurrence, la formation arbitrale a estimé que l'exigence d'une contribution de la part de l'investisseur était satisfaite, puisque l'intimée avait effectivement engagé des ressources financières en concédant des prêts à la société... C.________. Il y avait dès lors eu transfert de valeurs patrimoniales entre une société étrangère et une entité sise sur le territoire... Autrement dit, il existait un flux financier international. La recourante fait valoir que les prêts en question étaient dépourvus de réelle substance économique. Ce faisant, elle perd de vue que les parties concernées ont bel et bien considéré les opérations litigieuses comme des prêts. L'emprunteuse C.________ a, en effet, fait figurer ceux-ci dans sa comptabilité et a effectué des remboursements jusqu'à ce que ses comptes bancaires soient gelés. Aussi ne saurait-on dénier toute substance économique aux contrats de prêt, puisque ceux-ci avaient vocation à être remboursés. Ainsi, les fonds prêtés à C.________ étaient voués à ressortir du territoire..., ce qui met à mal l'existence alléguée par la recourante d'une " boucle financière ". 
L'intéressée ne peut pas davantage être suivie lorsqu'elle affirme qu'une opération visant à expatrier des profits réalisés sur le territoire... puis à les rapatrier vers celui-ci, par un " tour de passe-passe ", pour des raisons fiscales ne saurait être considérée comme une véritable contribution. Force est tout d'abord de relever que le Tribunal arbitral a constaté que le prêt litigieux de décembre 2003 avait été financé pour une part importante par des profits générés par des filiales... de C.________ mais n'a jamais retenu que l'intégralité des fonds utilisés provenait du territoire... (sentence incidente, n. 330-332 et sentence finale, n. 111[i]). Ensuite, lorsqu'elle fait grand cas de ce que les fonds utilisés dans le cadre des prêts litigieux provenaient essentiellement du territoire..., la recourante fait fi de ce que le TCE ne fixe aucune règle quant à l'origine des fonds servant à financer un investissement, alors même que l'intéressée concède elle-même que ledit traité ne pose aucune restriction concernant la provenance des fonds. Le Tribunal arbitral a du reste considéré, à juste titre, que la notion de contribution ne requiert pas de l'investisseur qu'il finance lui-même son investissement au moyen de ses fonds propres, ces derniers pouvant parfaitement être empruntés auprès de banques ou d'autres sociétés du même groupe (sentence incidente, n. 460-464). Rien n'indique, par ailleurs, qu'un prêt consenti par une société à une entité appartenant au même groupe pour des raisons fiscales ne pourrait pas être qualifié d'investissement au sens de l'art. 1 ch. 6 TCE. A cet égard, il convient de garder à l'esprit que les investisseurs sont souvent des groupes de sociétés comprenant de nombreuses entités sises dans divers États, ce qui donne nécessairement lieu à de fréquents transferts de valeurs patrimoniales internationaux entre celles-ci, y compris pour des motifs fiscaux. Il s'agit dès lors d'une réalité économique connue et répandue. Or, aucun élément dans le texte du TCE ou dans le préambule dudit traité ne permet de retenir que les parties contractantes auraient cherché à limiter le champ de protection de certains investissements en fonction du but poursuivi par l'investisseur. C'est le lieu du reste de rappeler que l'investissement doit être " associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie " mais qu'il ne doit, en revanche, pas être destiné ou affecté à la réalisation d'un tel but. Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que la formation arbitrale a conclu que les prêts litigieux octroyés par l'intimée à C.________ remplissaient bien le critère de la contribution. 
S'agissant du risque lié aux prêts litigieux, la recourante soutient que l'intimée n'en supportait aucun, puisque l'intimée, en cas de non-remboursement de la part de C.________, n'avait aucune obligation de rembourser les prêts que lui avaient consentis J.________ et K.________. Ce faisant, elle fait l'amalgame entre la notion juridique de risque et les conséquences économiques de sa survenance. En l'occurrence, le Tribunal arbitral a en effet considéré, à bon droit, que le risque inhérent à un contrat de prêt réside dans le défaut de remboursement du prêteur par l'emprunteur. Sur le plan juridique, c'est donc bel et bien l'intimée qui assumait le risque de ne pas obtenir le remboursement des fonds prêtés à C.________. Les sociétés J.________ et K.________ n'étaient, en effet, pas parties aux contrats conclus entre l'intimée et C.________ et ne pouvaient dès lors rien exiger de cette dernière. Que l'intimée se soit prémunie contre la survenance d'un tel risque en négociant des solutions visant à en réduire respectivement à en supprimer les conséquences dommageables, sur le plan économique, n'y change rien. On ne saurait, en d'autres termes, apprécier l'existence d'un risque inhérent à une opération juridique déterminée à l'aune d'éventuels autres engagements passés par l'une des parties avec des tiers. Aussi est-ce à juste titre que le Tribunal arbitral a considéré que l'intimée encourait bel et bien un risque opérationnel lié au non-remboursement des prêts consentis à C.________. 
 
7.4.8. En conclusion, c'est à bon droit que le Tribunal arbitral a qualifié les prêts accordés par l'intimée à C.________ d'investissements au sens de l'art. 1 ch. 6 TCE, en tant qu'ils constituaient des dettes d'une société associées à une activité économique dans le secteur de l'énergie. Quoi que soutienne la recourante, la même conclusion s'impose en ce qui concerne le spread, lequel ne constitue qu'une modalité des prêts octroyés par l'intimée à C.________.  
 
8.  
Dans un autre moyen fondé lui aussi sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, la recourante soutient que l'intimée ne saurait réclamer la protection offerte par le TCE, puisque le comportement qu'elle a adopté serait constitutif d'un abus de droit. 
 
8.1. L'absence de clauses limitatives dans un traité d'investissement ne signifie pas que des pratiques visant à bénéficier de manière abusive de la protection d'un tel traité devraient être tolérées par les États contractants (ATF 146 III 142 consid. 3.4.2.8; arrêt 4A_398/2021 du 20 mai 2022 consid. 5.2.2 destiné à la publication).  
Le Tribunal fédéral a ainsi souligné qu'un investisseur peut, suivant les circonstances, commettre un abus de droit, lequel constitue un principe général reconnu internationalement et faisant partie de l'ordre public matériel suisse (ATF 138 III 322 consid. 4; 132 III 389 consid. 2.2.1), en réclamant une protection offerte par un traité d'investissement (ATF 146 III 142 consid. 3.4.2.8; arrêts 4A_398/2021, précité, consid. 5.2.2 destiné à la publication; 4A_80/2018, précité, consid. 4.8). 
La Cour de céans a en particulier été amenée à poser certains principes permettant de tracer la limite entre planification légitime d'acquisition de nationalité (" legitimate nationality planning ") et changement abusif de nationalité d'un investisseur aux fins de bénéficier de la protection de traité, procédé parfois qualifié d'abus de traité (" treaty abuse "). Elle a précisé que le facteur temporel joue en principe un rôle déterminant. La protection d'un traité d'investissement doit ainsi en principe être refusée à un investisseur lorsque celui-ci opère une restructuration en vue d'un litige spécifique à un moment où la survenance de celui-ci était prévisible. Dans la mesure où le recours à l'abus de droit vise à limiter les manoeuvres ne méritant objectivement aucune protection, il convient ainsi de se demander si un litige spécifique aurait été prévisible pour un investisseur raisonnable placé dans la même situation que l'investisseur concerné au moment de la restructuration de l'investissement à la lumière de l'ensemble des circonstances particulières de chaque affaire (arrêt 4A_398/2021, précité, consid. 5.2.4 destiné à la publication).  
Le Tribunal fédéral a précisé que l'abus de droit est un correctif exceptionnel, raison pour laquelle il y a lieu d'apprécier de manière restrictive le critère de la prévisibilité du litige. Il appartient à la partie qui se prévaut de l'existence d'un abus de droit d'alléguer et de prouver les faits permettant d'établir la prévisibilité du litige lors de la restructuration de l'investissement. Si cette preuve est rapportée, la réorganisation de la structure de l'investissement sera présumée avoir été opérée en vue dudit litige, et, partant, considérée comme abusive. L'investisseur concerné conserve toutefois la possibilité de renverser cette présomption en démontrant que la restructuration, opérée à un moment où le litige était prévisible, a en réalité été principalement entreprise pour d'autres motifs que celui visant à bénéficier de la protection offerte par un traité d'investissement (arrêt 4A_398/2021, précité, consid. 5.2.4 destiné à la publication). 
 
8.2. Pour étayer son grief, la recourante affirme, tout d'abord, que le but du TCE est de promouvoir et de protéger les " véritables investissements " dans le secteur énergétique, et non des opérations circulaires ou d'autres mécanismes fiscaux artificiels visant uniquement à éviter le paiement d'impôts dans l'État concerné, raison pour laquelle le Tribunal fédéral ne saurait cautionner un tel usage abusif dudit traité de la part de l'intimée (recours, n. 405). Son ébauche de démonstration ne permet toutefois pas d'établir qu'un investisseur agirait de façon abusive sous prétexte qu'il aurait réalisé un investissement mû par des considérations fiscales.  
D'emblée, il sied de rappeler que l'abus de droit est un correctif exceptionnel, raison pour laquelle il ne peut pas être admis trop aisément. Ensuite, rien n'indique qu'un investissement associé à une activité économique dans le secteur énergétique, justifié par des motivations d'ordre fiscal, serait incompatible avec le but poursuivi par le TCE et la notion large d'investissement au sens dudit traité. Une telle interprétation ne trouve aucune assise dans le texte du traité en question, lequel vise à promouvoir tous les investissements associés à une activité économique dans le secteur de l'énergie. Il sied une nouvelle fois d'insister sur le fait qu'un investissement ne doit pas nécessairement être lui-même affecté à la réalisation d'une activité économique dans le secteur de l'énergie pour bénéficier de la protection offerte par le TCE. Aussi rien ne permet d'affirmer que les prêts accordés à C.________ ne constitueraient pas de " véritables investissements ". Certes, le choix de rapatrier des avoirs vers la Fédération A.________, sous la forme de prêts, reposait sur des motifs fiscaux, puisque des impôts auraient été prélevés si des dividendes avaient été versés à C.________. Cela étant, on ne discerne pas en quoi l'intimée se serait rendue coupable d'un abus de droit en choisissant de rapatrier certains avoirs vers la Fédération A.________ sous une certaine forme juridique aux fins d'éviter que des fonds ayant déjà été taxés conformément à la Convention de double imposition conclue entre la recourante et Chypre ne soient imposés une nouvelle fois. 
La recourante fait encore valoir que l'intimée se prévaut abusivement de la protection offerte par le TCE, puisque lorsque cette dernière a accordé, le 2 décembre 2003, un prêt à C.________, il était raisonnablement prévisible qu'elle n'en obtiendrait jamais le remboursement compte tenu des investigations fiscales et pénales qui avaient été initiées à l'encontre de C.________ et de ses dirigeants. Elle estime, dès lors, que la survenance d'un litige était raisonnablement prévisible lorsque l'investissement a été réalisé (recours, n. 408-412). 
Il est douteux que le grief considéré relève véritablement de la problématique relative à l'existence éventuelle d'un abus de traité. A cet égard, la formation arbitrale a considéré, de manière convaincante, que le point de savoir si le risque pour l'investisseur de ne pas pouvoir obtenir le remboursement de ses prêts était objectivement prévisible au moment où ceux-ci ont été accordés par l'intimée ne ressortissait ni à la compétence du Tribunal arbitral ni à la recevabilité de la demande. Elle a ainsi souligné que la question à résoudre se distinguait notamment de celle ayant trait à l'éventuel changement stratégique de nationalité opéré par un investisseur en vue de bénéficier de la protection d'un traité (sentence finale, n. 597 ss). Examinant la question litigieuse sous l'angle de la causalité et de la contribution de la demanderesse à la survenance de son propre préjudice, le Tribunal arbitral a estimé que l'intimée avait contribué à la survenance de son propre dommage à raison de 50 % s'agissant des sommes qui avaient été remises à C.________ après le 27 mai 2004, soit les 16, 22 et 28 juin 2004, en vertu du contrat de prêt de décembre 2003. En ce qui concerne le prêt accordé en août 2004, il a considéré que c'est le choix délibéré de la demanderesse de prêter de l'argent à C.________, dans des circonstances où il était raisonnablement prévisible qu'elle perdrait son investissement, qui était la cause directe du dommage subi par l'intéressée, raison pour laquelle celle-ci ne pouvait pas prétendre au remboursement des montants versés sur la base dudit prêt (sentence finale, n. 666 ss). 
Force est ainsi de relever que, sous le couvert d'un prétendu abus de droit imputable à l'intimée, la recourante cherche en réalité, par ce biais, à entraîner la Cour de céans sur le terrain de l'application du droit matériel et à l'inciter indirectement à se prononcer sur la motivation juridique retenue par les arbitres. Or, telle n'est pas la tâche du Tribunal fédéral lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence rendue dans le cadre d'un arbitrage international. Quoi qu'il en soit, il n'est pas possible de retenir, sur la base des faits constatés par le Tribunal arbitral, qu'un litige spécifique aurait été prévisible pour un investisseur raisonnable placé dans la même situation que l'intimée au moment où celle-ci a consenti un prêt à C.________ en décembre 2003. Certes, comme pour n'importe quel contrat de prêt, il existait la possibilité que l'emprunteuse ne restitue pas les sommes qui lui avaient été avancées. Cela ne permet toutefois pas d'en conclure qu'un tel risque était raisonnablement prévisible lorsque l'investissement a été réalisé. De plus, la formation arbitrale a soigneusement exposé les raisons pour lesquelles le risque pour l'intimée de ne pas obtenir le remboursement de son prêt n'était pas objectivement prévisible lorsqu'elle a accordé celui-ci à C.________ en décembre 2003 (sentence finale, n. 669 ss). L'arrestation de certains dirigeants de C.________ et la perquisition de ses bureaux constituaient certes des signaux inquiétants. Cela ne suffisait toutefois pas à rendre objectivement vraisemblable que la société mère d'un groupe extrêmement florissant serait amenée à tomber en faillite et qu'elle se trouverait dans l'impossibilité de rembourser ses créanciers. Qui plus est, un audit interne au sein de C.________ avait conclu en juillet et en septembre 2003 que les affaires suivaient leur cours habituel, nonobstant les actions entreprises à l'encontre de sa direction. Tel était également l'avis des analystes financiers rapporté dans la presse. Le Ministère... des impôts avait du reste publié, le 17 septembre 2003, des documents confirmant que C.________ n'avait pas de dettes fiscales impayées. Par ailleurs, il n'avait, à ce stade, pas entamé de nouveaux contrôles fiscaux visant C.________ ni procédé à la révision de décisions de taxation concernant ladite société. Dans ces conditions, force est d'admettre que le risque de ne pas obtenir le remboursement des montants prêtés à C.________ n'était pas objectivement prévisible lors de la conclusion du prêt en décembre 2003. 
Au vu de ce qui précède, le grief tiré d'un prétendu abus de droit commis par l'intimée ne peut qu'être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
9.  
Dans un autre moyen fondé également sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, la recourante reproche au Tribunal arbitral d'avoir indûment limité son examen de l'illégalité du prêt accordé à C.________ par l'intimée en décembre 2003 en se demandant uniquement si celle-ci avait eu une intention criminelle. 
A cet égard, l'intéressée indique qu'elle avait allégué, dans le cadre de la procédure arbitrale, que les prêts consentis par l'intimée à C.________ s'inscrivaient dans un système complexe d'évasion fiscale mis en place par le groupe E.________. Elle rappelle aussi qu'elle avait fait valoir que l'intimée s'était rendue coupable d'évasion fiscale criminelle, et, à tout le moins d'une violation des lois fiscales... ainsi que d'un abus de la Convention de double imposition conclue entre la recourante et le Luxembourg, puisqu'elle avait évité le paiement d'impôts en... sur les intérêts dus en vertu desdits contrats de prêt. A en croire l'intéressée, le Tribunal arbitral aurait limité son examen à la question de savoir si une intention criminelle pouvait être établie, ce qu'il a nié. Partant, il se serait dispensé d'analyser les arguments avancés par la recourante ayant trait à la nature illicite, abusive et/ou simulée des contrats de prêt et n'aurait en particulier pas examiné s'il y avait eu violation des lois fiscales... ou abus de la Convention de double imposition précitée (recours, n. 413-444; réplique, n. 162-170). 
 
9.1. Tel qu'il est présenté, le grief apparaît irrecevable dès lors qu'il ne s'inscrit, en réalité, pas dans le cadre tracé par l'art. 190 al. 2 let. b LDIP.  
 
9.1.1. Au consid. 4.3.1 de son arrêt 4A_65/2018 rendu le 11 décembre 2018, le Tribunal fédéral a relevé qu'un grand nombre de traités d'investissement modernes contiennent une clause, dénommée " compliance clause " par la doctrine de langue anglaise (en français: " clause de conformité ") - laquelle figure généralement, mais pas nécessairement, dans la disposition du traité qui définit l'investissement -, prévoyant que l'investissement étranger doit être effectué conformément aux lois et règlements de l'État hôte (" in accordance with the laws and regulations of the host State "). Il a souligné qu'une telle clause soulève un problème délicat qui est de déterminer si la conformité d'un investissement donné au regard de la législation de l'État hôte relève de la compétence du tribunal arbitral ou du mérite de la demande. La Cour de céans a précisé que la réponse à cette question n'est pas de nature purement académique, car elle influe sur les droits de l'investisseur et le sort du différend arbitral de deux manières: d'abord, au niveau du tribunal arbitral, seules deux solutions apparaissent possibles si l'on tient le point litigieux pour une question de compétence, à savoir l'admission ou le rejet entier de la compétence du tribunal arbitral, la seconde solution ayant pour effet de dénier à l'investisseur toute protection au titre du traité d'investissement devant un for international neutre; en revanche, si l'on y voit une question de fond, le tribunal arbitral, n'étant alors plus placé devant cette alternative, pourra apprécier de manière différenciée les circonstances du cas concret et, singulièrement, les conséquences de l'inobservation, par l'investisseur, de la réglementation de l'État hôte. Ensuite, au niveau du Tribunal fédéral, la Ire Cour de droit civil, saisie d'un recours en matière civile au sens de l'art. 77 al. 1 let. a LTF, ne pourra revoir que sous l'angle restreint de l'incompatibilité de la sentence avec l'ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP) la décision prise par le tribunal arbitral, au cas où la clause de conformité relèverait du mérite de l'action, tandis qu'elle la reverra librement en droit si elle ressortit à sa compétence de jugement (arrêt 4A_65/2018, précité, consid. 4.3.2).  
Le Tribunal fédéral a ensuite constaté que certains tribunaux arbitraux avaient fait le lien entre la clause de conformité et la compétence du tribunal arbitral au motif que ladite clause constituerait une limite fixée par l'État hôte au consentement donné par lui à ce que le différend issu de l'application du traité d'investissement soit soumis au tribunal arbitral prévu par ce traité, tandis que d'autres formations arbitrales avaient rattaché la clause de conformité au mérite de l'action. La Cour de céans a indiqué, dans la foulée, que les clauses de conformité expresses sont la plupart du temps considérées comme une restriction apportée à la compétence du tribunal arbitral, tandis qu'une condition posée implicitement à cet égard est plutôt reliée au mérite de l'action (arrêt 4A_65/2018, précité, consid. 4.3.2). Elle a précisé qu'il n'en demeure pas moins difficile de faire le départ entre les investissements dont le vice qui les affecte doit entraîner l'incompétence du tribunal arbitral et ceux, entachés d'un défaut de moindre gravité, qui ne sauraient sortir un tel effet. Elle a jugé, en définitive, que pour savoir si un État hôte avait voulu restreindre son consentement à l'arbitrage aux investissements respectant sa législation, en insérant une clause de conformité dans le traité d'investissement pertinent, il convenait de rechercher quelles avaient été ses intentions à ce propos en tenant compte de l'ensemble des circonstances du cas concret, en particulier du texte de ladite clause, de la place de celle-ci dans le traité, voire, le cas échéant, des conditions dans lesquelles elle avait été adoptée, telles qu'elles pourraient ressortir des travaux préparatoires (arrêt 4A_65/2018, précité, consid. 4.3.2). 
 
9.1.2. La recourante fait certes remarquer que le Tribunal fédéral a renoncé à pousser plus avant l'examen de ces questions dans l'arrêt précité. Il n'en demeure pas moins que la Cour de céans a clairement indiqué, dans l'arrêt précité, qu'une condition posée implicitement s'agissant de la légalité d'un investissement donné relève plutôt du fond de l'action. En l'occurrence, la formation arbitrale a examiné ce point lorsqu'elle s'est prononcée sur le fond du litige, même si elle a expressément renoncé à trancher la question de savoir si la conformité de l'investissement au regard de la législation de l'État hôte relevait de la compétence du tribunal arbitral ou du mérite de la demande.  
Quoi qu'il en soit, force est d'observer que le TCE ne contient aucune clause de conformité. Au demeurant, l'intéressée n'a fourni aucun élément démontrant que les États parties au TCE auraient effectivement voulu restreindre leur consentement à l'arbitrage en ce sens que seuls les investissements respectant leur législation interne pourraient être soumis à un Tribunal arbitral. Tout au plus se limite-t-elle à faire référence à quelques sentences arbitrales et à affirmer, de manière péremptoire, " qu'aucun État contractant ou signataire du TCE (...) n'a pu raisonnablement donner son consentement à l'arbitrage à l'art. 26 TCE pour la résolution de litiges impliquant un investissement illégal " (réplique, n. 164). En l'absence de clause de conformité expresse et de toute indication permettant de démontrer que la légalité d'un investissement donné au regard de la législation interne d'un État signataire du TCE aurait une incidence sur la notion même d'investissement protégé selon l'art. 1 ch. 6 TCE et, partant, aurait des répercussions directes sur la compétence du tribunal arbitral, il n'est pas possible de retenir que la prétendue illicéité d'un investissement donné sous l'angle du droit national de l'État concerné serait susceptible d'affecter la compétence même du tribunal arbitral saisi (cf. dans le même sens: HÓBER, op. cit., p. 99; BALTAG, op. cit., p. 198). 
 
9.1.3. En tout état de cause, les critiques formulées par la recourante apparaissent irrecevables pour un autre motif. Pour étayer son grief, l'intéressée reproche, en substance, à la formation arbitrale d'avoir indûment restreint son pouvoir d'examen et de n'avoir pas traité certains arguments qu'elle avait avancés aux fins de démontrer l'illégalité des prêts litigieux. Or, le Tribunal fédéral a déjà souligné, à plusieurs reprises, qu'une limitation inadmissible du pouvoir d'examen pouvait tout au plus constituer une atteinte au droit d'être entendu de la partie concernée (arrêts 4A_248/2019 du 25 août 2020 consid. 7 non publié aux ATF 147 III 49; 4A_474/2018 du 27 novembre 2018 consid. 3.2). En outre, lorsque la recourante se plaint de ce que le Tribunal arbitral n'aurait pas traité certains de ses arguments, elle dénonce en réalité une violation de son droit d'être entendue. Or, elle ne soulève à aucun moment ni ne motive à satisfaction de droit le moyen pris de la violation de son droit d'être entendue au sens de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP. Le grief d'incompétence invoqué par l'intéressée manque dès lors sa cible.  
 
9.2. A titre superfétatoire, on relèvera que le grief examiné, s'il avait été recevable ce qui n'est pas le cas, ne saurait de toute manière prospérer.  
Le Tribunal arbitral a en effet examiné et tranché la question de savoir si une violation du droit interne... respectivement du droit international était, en l'occurrence, susceptible de remettre en cause la légalité des prêts litigieux. Il y a répondu par la négative. 
Contrairement à ce que sous-entend l'intéressée, la formation arbitrale ne s'est pas limitée à examiner s'il y avait eu une intention criminelle de la part de l'intimée lorsque celle-ci avait consenti des prêts à C.________. Dans un premier temps, elle a correctement résumé les arguments formulés par les parties, sous n. 308 ss de sa sentence finale, comme le reconnaît elle-même la recourante (recours, n. 419). Cette dernière soutenait, à titre principal, que l'intimée s'était rendue coupable d'un crime d'évasion fiscale en omettant de payer des impôts en... sur les intérêts fixés dans les contrats de prêt litigieux. Subsidiairement, elle avançait que les prêts visaient à blanchir le produit d'une évasion fiscale criminelle commise en... Plus subsidiairement encore, elle prétendait que les prêts litigieux devaient être considérés comme nuls, même en l'absence d'une quelconque intention criminelle, dès lors que ceux-ci contrevenaient à diverses règles du droit interne... ainsi qu'à certaines dispositions du droit international (sentence finale, n. 489 s.). 
Le Tribunal arbitral a examiné si, comme le soutenait la recourante, en l'absence d'une telle intention criminelle, la violation de la législation en matière fiscale pouvait suffire, au regard du droit interne... ou du droit international, à priver les investissements considérés de toute protection (sentence finale, n. 497 ss). A cet égard, il a observé que l'intéressée, qui se fondait sur un rapport d'expertise établi par le Professeur Y.________, faisait notamment valoir que les transactions litigieuses étaient nulles au regard du droit... car elles visaient, d'une part, à faciliter le transfert de valeurs patrimoniales illicites, ce qui était incompatible avec le principe de l'interdiction de l'abus de droit, et n'étaient, d'autre part, que des conventions simulées destinées à déguiser une évasion fiscale criminelle (sentence finale, n. 506). La formation arbitrale a notamment constaté que l'expert précité avait reçu l'instruction de la recourante de partir du présupposé que les prêts litigieux s'inscrivaient dans un schéma à large échelle de blanchiment d'argent et que les fonds prêtés à C.________ appartenaient, d'un point de vue économique, à cette dernière et provenaient d'actes criminels (sentence finale, n. 507). Au terme de son analyse, elle a ainsi abouti à la conclusion suivante qu'il convient de reproduire ici (sentence finale, n. 510 s.) : 
 
" 510. The Tribunal finds nothing exceptional in these general principles of civil law,... as embodied in the... Civil Code... Their common feature is that they all require a deliberate intent to commit a criminal act or fraud. Indeed this was the explicit premise on which Professor Y.________ was instructed to opine. The result is that they do not on analysis add a materially different set of legal considerations to those that the Tribunal will have to consider when analysing the Respondent's principal ground on which it bases its case. The national laws invoked do not support the proposition that, absent criminal intent, a regulatory breach suffices to render the Loans void. 
511. Illegality under international law? Nor is the position different if the nature of the Respondent's allegations is considered under the public international law doctrines of public policy or unclean hands. "  
Force est ainsi de constater que le Tribunal arbitral n'a pas ignoré l'argumentation de la recourante selon laquelle les prêts litigieux seraient nuls selon le droit... ou en vertu du droit international même s'il n'y avait eu aucune intention criminelle. La formation arbitrale a simplement écarté cette thèse, en estimant que la législation... respectivement le droit international exigeaient une intention délibérée de la partie concernée de commettre un acte criminel ou une fraude pour que les prêts puissent en l'occurrence être frappés de nullité. En l'espèce, elle a estimé qu'une telle intention supposait que l'intimée ait voulu frauder le fisc..., sans qu'il importe qu'elle ait eu conscience de commettre un type spécifique d'infraction (sentence finale, n. 528). Or, le Tribunal arbitral a considéré qu'une telle intention n'était pas établie en l'espèce (sentence finale, n. 558). 
Par sa critique au ton appellatoire marqué, la recourante ne fait rien d'autre que d'opposer sa propre vision des choses à celle de la formation arbitrale. Elle affirme ainsi, sans toutefois étayer suffisamment ses critiques, qu'il n'existerait aucun support en droit... à l'appui de la solution retenue par le Tribunal arbitral et fait valoir que ce dernier aurait confondu les notions de mauvaise foi au sens du droit civil et d'intention criminelle au sens du droit pénal. Or, comme le relève l'intimée, sans être véritablement contredite sur ce point par son adverse partie, les fondements juridiques invoqués par la recourante pour conclure à la nullité des prêts litigieux supposaient tous de démontrer une intention délictueuse de la part de l'intimée. La recourante soutient de manière péremptoire que la notion d'intention criminelle retenue par le Tribunal arbitral différait de l'intention délictueuse visée par le droit civil... mais ne fournit pas d'éléments suffisants permettant d'étayer pareille allégation. En l'occurrence, la formation arbitrale a recherché si l'intimée avait eu l'intention de frauder le fisc..., thèse qu'elle n'a pas retenue faute de preuves. Aussi la Cour de céans estime-t-elle que la formation arbitrale a ainsi rejeté, à tout le moins de manière implicite, toute intention délictueuse, sur le plan civil, de la part de l'intimée. 
C'est également, à tort, que la recourante se plaint de ce que le Tribunal arbitral se serait abstenu d'examiner la question de savoir si les investissements donnés ne méritaient aucune protection au motif que l'intimée aurait abusé de la Convention de double imposition conclue entre la recourante et le Luxembourg. La formation arbitrale a, en effet, souligné qu'il fallait plus qu'une simple violation du droit international pour priver un investissement de toute protection et qu'il convenait, là aussi, de démontrer, en substance, l'existence d'une intention de frauder le fisc... (sentence finale, n. 511 ss). L'intéressée se contente de soutenir qu'une telle appréciation juridique serait erronée mais n'en fait nullement la démonstration. Le grief de la recourante devrait dès lors de toute manière être rejeté, même s'il avait été recevable. 
 
10.  
Dans un ultime moyen, la recourante soutient que la sentence finale serait incompatible avec l'ordre public matériel (art. 190 al. 2 let. e LDIP). 
 
10.1. Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 132 III 389 consid. 2.2.3). Tel est le cas lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants (ATF 144 III 120 consid. 5.1). Qu'un motif retenu par un tribunal arbitral heurte l'ordre public n'est pas suffisant; c'est le résultat auquel la sentence aboutit qui doit être incompatible avec l'ordre public (ATF 144 III 120 consid. 5.1). Pour qu'il y ait incompatibilité avec l'ordre public, il ne suffit pas que les preuves aient été mal appréciées, qu'une constatation de fait soit manifestement fausse ou encore qu'une règle de droit ait été clairement violée (arrêts 4A_116/2016 du 13 décembre 2016 consid. 4.1; 4A_304/2013 du 3 mars 2014 consid. 5.1.1; 4A_458/2009 du 10 juin 2010 consid. 4.1). L'annulation d'une sentence arbitrale internationale pour ce motif de recours est chose rarissime (ATF 132 III 389 consid. 2.1).  
Pour juger si la sentence est compatible avec l'ordre public, le Tribunal fédéral ne revoit pas à sa guise l'appréciation juridique à laquelle le Tribunal arbitral s'est livré sur la base des faits constatés dans sa sentence. Seul importe, en effet, pour la décision à rendre sous l'angle de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, le point de savoir si le résultat de cette appréciation juridique faite souverainement par le Tribunal arbitral est compatible ou non avec la définition jurisprudentielle de l'ordre public matériel (arrêt 4A_157/2017, précité, consid. 3.3.3). 
 
10.2. Pour étayer son grief, la recourante fait valoir que la sentence attaquée est contraire au principe selon lequel l'indemnisation du préjudice subi par le lésé ne doit pas conduire à l'enrichissement de ce dernier. Elle observe que, selon les contrats de prêt conclus par l'intimée avec J.________ et K.________, l'intimée était tenue de restituer à ces dernières les montants que lui aurait restitués C.________. Ainsi, l'intimée ne pouvait conserver que le spread et rien d'autre. Selon la recourante, la sentence finale serait contraire à l'ordre public car la formation arbitrale aurait accordé à l'intimée une indemnisation correspondant à la perte du capital et des intérêts dus selon le prêt consenti à C.________ en décembre 2003, réduite de 50 % afin de tenir compte de la contribution de la lésée à la survenance de son propre préjudice, alors que le dommage subi par cette dernière était très nettement inférieur, puisqu'il correspondait uniquement à la perte du spread (recours, n. 445-459; réplique, n. 171-175).  
 
10.3. Force est d'emblée de relever que le Tribunal fédéral n'a encore jamais tranché la question de savoir si le principe indemnitaire dans la réparation du dommage, selon lequel l'allocation de dommages-intérêts ne doit jamais conduire à l'enrichissement du lésé, fait ou non partie de l'ordre public matériel visé par l'art. 190 al. 2 let. e LDIP. Dans un arrêt 4P.7/1998 rendu le 17 juillet 1998, la Cour de céans a laissé cette question indécise. Elle a certes indiqué que l'interdiction de l'enrichissement du lésé constituait un principe fondamental de l'ordre juridique suisse et relevait de l'ordre public suisse (consid. 3c/aa). Elle a toutefois observé que la doctrine ne considérait pas l'interdiction de l'enrichissement du lésé comme un concept appartenant à l'ordre public international (consid. 3c/aa). Au demeurant, qu'un principe juridique relève de l'ordre public suisse n'implique pas nécessairement que la violation dudit principe contreviendrait à l'ordre public de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP (arrêt 4A_536/2016 du 26 octobre 2016 consid. 4.3.2 et les références citées). Le Tribunal fédéral a du reste observé - même s'il a laissé au final la question indécise - que la doctrine majoritaire tendrait plutôt à nier qu'une sentence soit contraire à l'ordre public matériel du simple fait qu'elle condamne une partie au paiement de dommages-intérêts punitifs, alors même qu'un tel système n'est pas compatible avec le principe indemnitaire prévu par le droit suisse (arrêt 4A_536/2016, précité, consid. 4.3.2 et les références citées). Point n'est toutefois besoin de pousser plus avant l'examen du problème considéré puisque le grief examiné ne saurait de toute manière prospérer comme on va le voir.  
 
10.4. Il est très douteux que la manière dont la recourante formule son grief respecte l'exigence de motivation telle qu'elle découle de l'art. 77 al. 3 LTF en liaison avec l'art. 42 al. 2 LTF et la jurisprudence relative à cette dernière disposition (ATF 140 III 86 consid. 2 et les références citées). Pour satisfaire à son obligation de motiver, la partie recourante doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi elle estime que l'auteur de cette décision a méconnu le droit. Or, en l'espèce, la recourante ne fait nullement état des motifs sur lesquels le Tribunal arbitral s'est fondé pour aboutir à la solution retenue par lui ni même référence au chapitre de la sentence finale consacré à l'examen de la question du dommage subi par l'intimée. Elle se borne à faire allusion à quelques considérations émises dans la seconde opinion dissidente de l'arbitre qu'elle a désignée. Pour le reste, elle se contente de soutenir sa propre thèse sans expliquer, de manière circonstanciée, en partant de la sentence finale attaquée, en quoi le résultat auquel a abouti la formation arbitrale serait incompatible avec l'ordre public.  
En tout état de cause, la recourante échoue à démontrer que la sentence attaquée serait contraire à l'ordre public matériel. En l'espèce, le Tribunal arbitral a jugé que seule l'intimée, à l'exclusion de J.________, était titulaire des avoirs prêtés à C.________ (sentence finale, n. 732). L'intimée était simplement tenue, en vertu de son propre engagement passé avec J.________, de lui restituer les sommes remboursées par C.________. Elle était ainsi l'unique créancière de C.________ et la seule à pouvoir lui réclamer le remboursement du prêt qu'elle lui avait consenti en décembre 2003. En argumentant comme elle le fait, la recourante fait fi de ce que l'intimée aurait reçu l'intégralité du capital prêté et des intérêts y afférents, et pas uniquement le spread, si C.________ l'avait remboursée. Que l'intimée se soit contractuellement engagée à transférer les fonds reçus de la part de C.________ à J.________ ne modifie en rien la conclusion selon laquelle seule l'intimée avait droit au recouvrement des montants prêtés à C.________. L'indemnisation allouée par le Tribunal arbitral visait dès lors à dédommager la seule détentrice, sur le plan juridique, de l'investissement exproprié. En arrêtant le montant du dommage à la valeur nominale du capital prêté et des intérêts y relatifs, et non au profit que l'intimée était censée retirer d'une telle opération, la formation arbitrale n'a pas rendu une sentence dont le résultat serait contraire à l'ordre public matériel, c'est-à-dire aux valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique. A le supposer recevable, le moyen considéré tombe, dès lors, à faux.  
 
11.  
En conclusion, le présent recours ne peut qu'être rejeté, dans la mesure où il est recevable, pour les motifs sus-indiqués. 
 
12.  
La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 200'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 250'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal arbitral avec siège à Genève. 
 
 
Lausanne, le 24 août 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
Le Greffier : O. Carruzzo