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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
4A_644/2014  
   
   
 
 
 
Arrêt du 27 avril 2015  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, présidente, 
Kolly et Niquille. 
Greffière : Mme Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Philippe Rossy, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________ SA, représentée par Me Rémy Wyler, 
intimée. 
 
Objet 
contrat d'assurance; prescription, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu 
le 22 août 2014 par la Cour d'appel civile du 
Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, employé auprès de la société C.________ SA, circulait le 14 août 1996 au guidon d'une motocyclette lorsqu'une voiture conduite par une personne sous l'emprise de l'alcool lui a coupé la route. Il a été grièvement blessé, subissant notamment une fracture des poignets, un traumatisme cranio-cérébral, un traumatisme abdominal avec rupture de la vessie et brèche sigmoïdienne, une fracture du bassin et une fracture de l'omoplate gauche.  
Le salaire annuel brut de l'employé était à l'époque de 70'930 francs. L'employeur avait contracté en faveur de son personnel une police d'assurance-accidents obligatoire LAA auprès de X.________, ultérieurement reprise par B.________ SA (ci-après: la compagnie d'assurance). L'employeur était également signataire d'une police d'assurance-accidents complémentaire LAA auprès de la même compagnie; cette police renvoyait expressément aux conditions générales pour l'assurance complémentaire (CGA) et aux conditions complémentaires à celles-ci (CCA). 
L'assurance complémentaire prévoyait notamment la prestation suivante: "invalidité: 4 x le salaire annuel LAA en capital constant - progression B". Selon l'art. 28 let. b ch. 3 CGA, la somme d'invalidité était calculée selon la variante de progression choisie et selon le tableau intitulé "prestations en % de la somme d'assurance"; celui-ci indiquait que pour un taux d'invalidité de 85% dans la variante B, la somme d'invalidité correspondait à 275% de la somme assurée. Sous le titre "Paiement des prestations", l'art. 28 let. b ch. 5 CGA énonçait la règle suivante: "La somme d'invalidité ou la rente est payée dès que l'importance de l'invalidité permanente peut être déterminée, mais au plus tard cinq ans après le jour de l'accident". 
Par courrier du 10 juillet 1998, la compagnie d'assurance a attiré l'attention du conseil de l'employé quant à l'existence d'une police d'assurance complémentaire en précisant: "Nous joignons également à notre envoi un exemplaire des Conditions générales pour l'assurance complémentaire LAA. Vous trouverez à l'art. 28 les dispositions relatives à l'indemnité pour invalidité." 
 
A.b. L'état de santé de l'employé a fluctué durant les années qui ont suivi l'accident. De nombreuses expertises ont été effectuées.  
Par décision du 8 décembre 2003, l'Office cantonal de l'assurance-invalidité a retenu une incapacité de travail totale à partir du 14 mai 2003, date à laquelle l'employé avait cessé toute activité professionnelle de façon définitive. En conséquence, l'office lui a alloué une demi-rente à partir du 28 avril 2003 (date de la demande de révision) et une rente entière à partir du 1 er août 2003.  
Le 30 décembre 2003, la compagnie d'assurance a statué sur l'opposition de l'employé dirigée contre une décision qu'elle avait rendue en matière d'assurance obligatoire; elle a constaté que l'état de santé de l'employé n'était pas stabilisé et que les conditions d'octroi d'une rente n'étaient pas encore réunies. La compagnie d'assurance a requis une expertise médicale pluridisciplinaire; le rapport déposé le 23 septembre 2004 a retenu une atteinte à l'intégrité de 85%. Le 25 novembre 2004, la compagnie d'assurance a informé l'employé qu'elle allait passer au régime de la rente dès lors que son état de santé s'était stabilisé aux dires des experts; par mesure de simplification, elle proposait de faire débuter la rente d'invalidité au 1 er janvier 2005 et de verser les indemnités journalières jusqu'au 31 décembre 2004.  
Par décision du 14 juin 2005, la compagnie d'assurance a alloué à l'employé une indemnité LAA de 82'620 fr. pour atteinte à l'intégrité sur la base d'un taux de 85%. 
 
A.c. Dans un document intitulé "compte-rendu de visite", le représentant de la compagnie d'assurance a fait état d'un entretien avec le conseil de l'employé en date du 23 mars 2005. Il exposait avoir abordé la question de l'assurance complémentaire et avoir dit que l'indemnité n'était due que dans les cinq ans suivant l'accident; le conseil de l'employé aurait alors demandé "un geste à titre exceptionnel".  
Le 4 août 2005, l'employé a fait notifier à la compagnie d'assurance un commandement de payer pour la somme de 1'092'000 fr. plus intérêts. Sous rubrique "cause de l'obligation", il était mentionné "contrat d'assurance LAA complémentaire". 
Par courrier du 26 septembre 2005, la compagnie d'assurance a refusé toute indemnisation de l'invalidité au sens de l'art. 28 CGA, au motif que la prétention de l'employé était périmée faute d'avoir été réclamée dans les cinq ans (art. 28 let. b ch. 5 CGA) et, au surplus, prescrite (art. 46 LCA; RS 221.229.1). Elle relevait que par lettre du 10 juillet 1998, elle avait attiré l'attention du conseil de l'employé sur l'assurance complémentaire et sur l'art. 28 CGA, et que toutes les discussions ultérieures avaient concerné l'assurance obligatoire; elle n'avait jamais été sollicitée en tant qu'assureur privé avant un entretien au mois de mars 2005. 
L'employé a fait notifier deux autres commandements de payer les 13 juillet 2006 et 3 juillet 2007. Le 18 juin 2008, la compagnie d'assurance a déclaré renoncer à son droit d'invoquer la prescription dans la mesure où celle-ci n'était pas déjà acquise; elle précisait que le "délai en question" était de son point de vue un délai de péremption. 
 
B.  
 
B.a. Le 28 avril 2009, l'employé a ouvert action devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, concluant à ce que la compagnie d'assurance soit condamnée à lui payer 877'726 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 23 septembre 2004. Ce montant se décompose comme il suit: 858'000 fr. à titre d'indemnité pour invalidité (salaire annuel 2004 de 78'000 fr. x 4 x 275%) et 19'726 fr. 50 de frais d'avocat avant procès. La compagnie d'assurance a conclu au rejet de la demande, invoquant l'exception de prescription et se prévalant de la péremption.  
Par jugement du 20 août 2013, la Cour civile a rejeté les conclusions de l'employé. Elle a retenu que le délai de péremption (art. 28 let. b ch. 5 CGA) était arrivé à échéance le 14 août 2001, mais ne s'appliquait pas tant que le délai légal de prescription (art. 46 LCA) n'était pas échu. La prescription avait commencé à courir au moment où l'invalidité avait été constatée et son taux déterminé, à savoir le 14 mai 2003, jour où l'employé avait définitivement cessé toute activité professionnelle; la prescription de deux ans était donc acquise le 14 mai 2005. La Cour a enfin nié que l'employé ait été empêché sans faute de sa part d'agir dans le délai (art. 45 al. 3 LCA). 
 
B.b. Par arrêt du 22 août 2014, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel de l'employé. Contrairement à la Cour civile, elle a estimé que la prescription avait commencé à courir le 23 septembre 2004 seulement, date à laquelle les trois experts mandatés par la compagnie d'assurance avaient déposé leur rapport concluant à une atteinte à l'intégrité de 85%. Comme l'instance précédente, elle a retenu que le délai de péremption (art. 28 CGA) ne pouvait pas venir à échéance tant que la prescription était exclue. Elle a donc admis que la péremption était intervenue à l'échéance du délai légal de prescription de deux ans à dater du fait d'où naît l'obligation (art. 46 LCA), soit le 23 septembre 2006.  
 
C.   
L'employé (ci-après: le recourant) a interjeté un recours en matière civile en reprenant les mêmes conclusions au fond qu'en première instance. Il soutient que la clause de péremption est nulle et que de toute façon, le délai de péremption ne saurait commencer à courir avant le délai de prescription; à titre subsidiaire, il se prévaut d'un abus de droit de la compagnie d'assurance (ci-après: l'intimée) qui l'aurait incité à ne pas agir. 
L'intimée conclut au rejet. Elle objecte notamment que le délai de prescription a commencé à courir au plus tard le 14 mai 2003, si bien que la prescription serait acquise. 
Le recourant a déposé des observations sur la réponse de l'intimée. Cette dernière n'a pas réagi. 
Quant à l'autorité précédente, elle s'est référée à son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recourant conteste qu'il y ait péremption de son droit à toucher la somme d'invalidité en vertu de l'assurance-accidents complémentaire. Il objecte que la clause de péremption est nulle. A titre subsidiaire, il soutient que le délai de péremption de cinq ans ne pouvait pas commencer à courir avant la prescription et qu'il est venu à échéance le 23 septembre 2009, après l'ouverture d'action. 
 
1.1. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation du jugement attaqué. Il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en substituant son argumentation à celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400).  
 
1.2. Les instances précédentes et les parties discutent d'un délai de péremption de cinq ans. Elles se réfèrent à ce propos uniquement à l'art. 28 let. b ch. 5 CGA qui, sous le titre "Paiement des prestations", précise ce qui suit: "La somme d'invalidité ou la rente est payée dès que l'importance de l'invalidité permanente peut être déterminée, mais au plus tard cinq ans après le jour de l'accident".  
Lorsque l'assureur, au moment de conclure, présente des conditions générales, il manifeste la volonté de s'engager selon les termes de ces conditions. Si une volonté réelle concordante n'a pas été constatée, il faut se demander comment le destinataire de cette manifestation de volonté pouvait la comprendre de bonne foi; il faut donc procéder à une interprétation objective des termes contenus dans les conditions générales, qui peut ne pas correspondre à la volonté intime de l'assureur. Dans le domaine particulier du contrat d'assurance, l'art. 33 LCA précise d'ailleurs que l'assureur répond de tous les événements qui présentent le caractère du risque contre les conséquences duquel l'assurance a été conclue, à moins que le contrat n'exclue certains événements d'une manière précise, non équivoque; il en résulte que le preneur d'assurance est couvert contre le risque tel qu'il peut le comprendre de bonne foi à la lecture du contrat et des conditions générales incorporées à celui-ci. Si l'assureur entend apporter des restrictions ou des exceptions, il lui incombe de le dire clairement. Conformément au principe de la confiance, c'est à l'assureur qu'il appartient de délimiter la portée de l'engagement qu'il entend prendre et le preneur n'a pas à supposer des restrictions qui ne lui ont pas été clairement présentées (ATF 133 III 675 consid. 3.3; 135 III 410 consid. 3.2). 
 
1.3. L'autorité précédente n'a pas constaté que les parties au contrat d'assurance complémentaire auraient eu une volonté concordante portant sur une péremption du droit aux prestations après cinq ans. Il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que les parties au contrat, à savoir l'intimée en tant qu'assureur et l'employeur du recourant en tant que preneur d'assurance, voulaient, au moment de conclure la police, que les prestations assurées se périment après cinq ans.  
Le recourant, qui n'est pas partie au contrat mais uniquement tiers bénéficiaire, admet certes implicitement que l'art. 28 let. b ch. 5 CGA entend fixer un délai de péremption. Ce faisant, il n'admet pas pour autant que les parties au contrat avaient la volonté subjective de stipuler un tel délai. Un tel aveu du recourant n'a pas été constaté; il semble bien plutôt que le recourant reprenne simplement l'interprétation de la norme par l'intimée, norme dont il conteste toutefois la validité. Il ne saurait donc être lié par un aveu au sujet d'une supposée volonté concordante des parties. 
 
1.4. Selon son titre et son libellé, l'art. 28 let. b ch. 5 CGA détermine simplement le moment auquel la somme d'invalidité est payée par l'assureur, et rien d'autre. Le terme "péremption" ne s'y trouve pas, et il n'y est d'aucune façon dit que l'assuré serait déchu de ses droits cinq ans après l'accident. On ne saurait dès lors soutenir que le lecteur de cette clause devait de bonne foi en déduire que les droits de l'assuré s'éteignaient automatiquement après cinq ans; l'on ne comprend du reste pas pourquoi l'assuré devrait perdre ses droits à une somme d'invalidité du simple fait que son état de santé met plus de cinq ans à se stabiliser ou que l'assureur tarde à payer son dû. Si la clause avait le sens que lui donne l'intimée, la péremption pourrait intervenir même après l'ouverture d'une éventuelle procédure en paiement de la somme d'invalidité. La règle des cinq ans doit dès lors être comprise dans le sens qu'elle détermine le moment à partir duquel l'assureur a la possibilité de régler le cas même si l'importance de l'invalidité permanente de l'assuré ne peut pas encore être définitivement déterminée. Elle permet à l'assureur de ne pas devoir garder un dossier indéfiniment ouvert en lui ménageant la possibilité de liquider le cas après cinq ans, sur la base de l'état de fait tel qu'il se présente à ce moment-là, et à l'assuré ou au tiers bénéficiaire d'exiger le versement des prestations cinq ans après l'accident. L'art. 28 let. b ch. 5 CGA ne fixe pas de délai de péremption.  
L'intimée, dans sa réponse, évoque divers arrêts où la péremption de créances de l'assuré a été admise. Ces arrêts sont sans pertinence, car les clauses prévoyant la péremption avaient une teneur tout-à-fait autre que celle du cas d'espèce: "Les droits contre l'assureur s'éteignent si on ne les fait pas valoir en justice dans les deux ans qui suivent la survenance du sinistre" (ATF 126 III 278 consid. 7c p. 282); "Entschädigungsansprüche, die von der Gesellschaft abgelehnt und nicht binnen zwei Jahren, vom Eintritt des Schadens an gerechnet, durch Klageerhebung gerichtlich geltend gemacht werden, sind erloschen" (ATF 74 II 97); "Les demandes d'indemnité qui ont été rejetées et qui n'ont pas fait l'objet d'une action en justice dans les deux ans qui suivent le sinistre sont frappées de déchéance" (arrêt 4A_200/2008 du 18 août 2008). Dans toutes ces clauses, la péremption du droit à l'indemnité est exprimée sans aucune ambiguïté, et elle est en outre liée à l'inobservation d'un délai pour ouvrir action en justice; rien de tel ne se retrouve à l'art. 28 let. b ch. 5 CGA. 
 
1.5. La question d'une péremption ne se pose donc pas en l'espèce. L'arrêt rendu par la Cour d'appel est dans cette mesure erroné.  
 
2.   
L'intimée soutient qu'elle peut se prévaloir de l'exception de prescription. 
 
2.1. La Cour d'appel a jugé que le délai de prescription de deux ans avait commencé à courir le 23 septembre 2004. Il s'agit de la date à laquelle les trois experts mandatés par l'intimée ont déposé le rapport dans lequel ils retiennent une atteinte à l'intégrité de 85%. Si cette date est la bonne, le délai de prescription a été interrompu par le commandement de payer du 4 août 2005, puis par les commandements de payer des 13 juillet 2006 et 3 juillet 2007, avant que l'intimée ne renonce le 18 juin 2008 à se prévaloir de la prescription. Il en découlerait que l'intimée ne peut pas invoquer l'exception de prescription.  
L'intimée conteste le point de départ de la prescription retenu par la Cour d'appel. A son avis, celui-ci doit être fixé à la fin de l'année 1999 (moment où l'impuissance post-traumatique invalidante était clairement avérée), éventuellement au 15 août 2001 (date où l'existence d'une atteinte à l'intégrité physique et d'une invalidité anatomique pouvait être tenue pour acquise), en toute hypothèse pas à une date ultérieure au 14 mai 2003 (jour depuis lequel le recourant est en incapacité de travail totale, selon la décision rendue le 8 décembre 2003 par l'Office de l'assurance-invalidité). L'intimée objecte qu'elle a requis l'expertise rendue le 23 septembre 2004 en sa qualité d'assureur-accidents obligatoire LAA et non en sa qualité d'assureur privé, ce afin de déterminer si l'état de santé du recourant était suffisamment stabilisé pour octroyer une rente de l'assurance-accidents obligatoire LAA. Une stabilisation de l'état de santé de l'assuré ne serait en revanche pas une condition d'octroi de prestations dans le régime de l'assurance complémentaire; le moment déterminant serait celui où l'invalidité peut être tenue pour acquise, soit lorsqu'elle est permanente et durable, mais pas nécessairement stabilisée. Le fait d'avoir été tant assureur obligatoire que complémentaire ne saurait entraîner une uniformisation des conditions d'octroi de prestations différentes. 
 
2.2. Les prestations litigieuses sont déduites de l'assurance-accidents complémentaire, à savoir d'une assurance privée. Les règles de la LCA s'appliquent.  
Dans l'assurance privée contre les accidents, l'invalidité se définit, si les parties n'ont rien convenu d'autre, comme une atteinte définitive à l'intégrité corporelle diminuant la capacité de travail, sans qu'il soit nécessaire que l'assuré éprouve effectivement un préjudice économique ensuite de l'accident (cf. art. 88 LCA; ATF 118 II 447 consid. 2b p. 455; arrêt 5C.61/2003 du 23 octobre 2003 consid. 3.5). L'invalidité correspond, sauf clauses contractuelles particulières, à une incapacité de travail théorique et abstraite, établie pour la moyenne des cas, sans tenir compte de la profession de l'assuré et des circonstances du cas concret (arrêt 5C.19/2006 du 21 avril 2006 consid. 2.2 et les réf. citées; arrêt C.457/1982 du 2 juin 1983 consid. 3b/aa in RBA XV n° 96 p. 516 s.); c'est bel et bien la notion d'invalidité médico-théorique, indépendante de la perte de gain effective, qui trouve application dans le cas d'espèce. 
 
2.3. Aux termes de l'art. 46 al. 1 LCA, les créances qui dérivent du contrat d'assurance se prescrivent par deux ans à dater du fait d'où naît l'obligation. La LCA renvoie par ailleurs au Code des obligations pour toutes les questions qu'elle ne règle pas (art. 100 al. 1 LCA).  
Au terme d'une évolution, la jurisprudence a précisé que le "fait d'où naît l'obligation" ne se confond pas nécessairement avec la survenance du sinistre, même s'il s'agit de la cause première de l'obligation d'indemnisation. Selon le type d'assurance envisagée, la prestation de l'assureur n'est due que si le sinistre engendre un autre fait précis. Ainsi, en matière d'assurance-accidents, le contrat peut prévoir une couverture en cas d'invalidité; ce n'est alors pas l'accident comme tel, mais la survenance de l'invalidité qui donne lieu à l'obligation de payer des prestations. La prescription commence donc à courir avec le fait qui donne naissance à l'obligation de base (grundsätzliche Leistungspflicht) de l'assureur de verser des prestations. S'agissant d'une indemnité pour invalidité, la prescription court dès le jour où il est acquis qu'il existe une invalidité, à savoir généralement lorsqu'il faut admettre que les mesures thérapeutiques destinées à conjurer le mal ou, du moins, à limiter les effets de l'atteinte dommageable ont échoué. Par contre, il n'est pas nécessaire que le taux d'invalidité soit définitivement déterminé; c'est l'invalidité dans son principe, et non dans son ampleur, qui doit être acquise, à moins que le contrat d'assurance ne prévoie par exemple qu'un taux minimal d'invalidité doit être atteint pour que le cas d'assurance soit réalisé. Peu importe, enfin, le moment où l'assuré a eu connaissance de son invalidité; contrairement aux art. 60 CO et 83 al. 1 LCR, le point de départ du délai de prescription de l'art. 46 al. 1 LCA est fixé de manière objective (ATF 139 III 263 consid. 1.2; 127 III 268 consid. 2b p. 270 et 2c p. 272; 118 II 447 consid. 3b et 4c; arrêt 5C.61/2003 précité consid. 3.3 et 3.5; Commentaire bâlois, Versicherungsvertragsgesetz, Nachführungsband, 2012, p. 163 [ CHRISTOPH K. GRABER ] et p. 259 [ ILERI/SCHMID, critiques]). 
Le point de départ de la prescription n'est pas lié à l'exigibilité de la créance. En effet, dans la LCA, l'exigibilité dépend des renseignements donnés par l'assuré (art. 41 LCA), et le législateur ne voulait pas que celui-ci puisse influer sur le départ de la prescription. La prescription peut ainsi courir avant que la prestation ne soit devenue exigible (ATF 139 III 263 consid. 1.2; arrêt 4A_122/2014 du 16 décembre 2014 consid. 3.4.2). En revanche, une fois la prestation d'assurance devenue exigible, la prescription, bien évidemment, court (art. 130 al. 1 CO). 
 
2.4. En vertu de l'art. 28 let. b ch. 5 CGA, la somme d'invalidité est payée au plus tard cinq ans après le jour de l'accident, en l'espèce donc le 14 août 2001; en vertu de cette clause, la prestation est ainsi devenue exigible à cette date et la prescription a commencé à courir. Le délai de deux ans est dès lors venu à terme le 14 août 2003. L'on peut certes s'interroger sur la compatibilité de cette clause avec les règles semi-impératives (art. 98 LCA) que sont l'art. 46 LCA et l'art. 88 al. 1 LCA, en vertu duquel l'indemnité d'invalidité sous forme de capital doit être calculée et payée, d'après la somme assurée, dès que les conséquences probablement permanentes de l'accident ont été définitivement constatées (sur l'art. 88 LCA, cf. ROLAND BREHM, L'assurance privée contre les accidents, 2001, n os 436 s., 442-444 et 782 s.). Cette question peut toutefois rester indécise, car l'on arrive à la même solution en appliquant le régime légal. A défaut de l'art. 28 CGA, il faudrait retenir que l'invalidité permanente était acquise au plus tard le 14 mai 2003, jour où le recourant a cessé toute activité professionnelle et s'est trouvé en incapacité de travail totale, selon l'Office de l'assurance-invalidité. Le délai de prescription de deux ans serait alors venu à terme le 14 mai 2005. Dans les deux cas, le délai était échu avant le premier acte interruptif de prescription, intervenu le 4 août 2005 par notification d'un commandement de payer.  
Le rapport d'expertise du 23 septembre 2004, jugé déterminant par la Cour d'appel, a été requis dans le cadre de la procédure relative aux prestations de l'assurance obligatoire LAA, auxquelles s'appliquent d'autres règles qu'en matière d'assurance complémentaire. La lettre de l'intimée du 25 novembre 2004 fixant le passage du versement d'indemnités journalières au versement de prestations d'invalidité est une décision au sens de l'art. 19 LAA (RS 832.20), sans relation avec l'assurance complémentaire. Ces éléments ne sont pas pertinents pour le cours de la prescription des prestations de l'assurance complémentaire. 
 
3.   
Le recourant invoque à titre subsidiaire l'art. 45 al. 3 LCA, dont il ressort que lorsque le contrat ou la loi fait dépendre de l'observation d'un délai un droit qui découle de l'assurance, le preneur ou l'ayant droit qui est en demeure sans faute de sa part peut, aussitôt l'empêchement disparu, accomplir l'acte retardé. Il plaide également l'abus de droit. 
 
3.1. Selon la jurisprudence relative à l'art. 45 al. 3 LCA, un délai est écoulé sans la faute du preneur d'assurance ou de l'ayant droit lorsque des circonstances dont il ne répond pas l'ont empêché d'agir dans le délai, ou encore lorsque, bien qu'il lui eût été possible d'agir dans le délai, cela ne pouvait être raisonnablement exigé de lui selon les règles de la bonne foi, compte tenu des circonstances. Ainsi, on ne saurait en règle générale exiger du créancier qu'il ouvre action aussi longtemps que les parties discutent sérieusement un règlement transactionnel du différend; l'omission d'agir dans le délai doit donc être considérée comme non fautive lorsque les parties ont mené sérieusement des pourparlers transactionnels au-delà de l'expiration du délai. Le preneur d'assurance ou l'ayant droit doit néanmoins ouvrir action "aussitôt l'empêchement disparu", c'est-à-dire aussitôt que possible après la rupture des pourparlers (ATF 74 II 97 consid. 4a; 49 II 121 consid. 6 p. 135 s.; arrêt 4A_200/2008 précité consid. 2.2.3).  
A teneur de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. La règle prohibant l'abus de droit permet au juge de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. L'existence d'un abus de droit se détermine selon les circonstances de l'espèce, en s'inspirant des diverses catégories mises en évidence par la jurisprudence et la doctrine. Les cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire (ATF 135 III 162 consid. 3.3.1 p. 169). Le recours à la règle prohibant l'abus de droit doit se concilier avec la finalité, telle que l'a voulue le législateur, de la norme matérielle applicable au cas concret (ATF 107 Ia 206 consid. 3b p. 211). Selon la jurisprudence, le débiteur commet un abus de droit en se prévalant de la prescription, non seulement lorsqu'il amène astucieusement le créancier à ne pas agir en temps utile, mais également lorsque, sans mauvaise intention, il a un comportement qui incite le créancier à renoncer à entreprendre des démarches juridiques pendant le délai de prescription et que, selon une appréciation raisonnable, fondée sur des critères objectifs, ce retard apparaît compréhensible. Le comportement du débiteur doit être en relation de causalité avec le retard à agir du créancier (ATF 131 III 430 consid. 2; 128 V 236 consid. 4a). En revanche, si, une fois la prescription acquise, le débiteur a adopté une attitude propre à dissuader le créancier d'agir, ce dernier ne saurait invoquer l'abus de droit ( PASCAL PICHONNAZ, in Commentaire romand, 2 e éd. 2012, n° 13 ad art. 142 CO); en effet, le comportement du débiteur ne joue plus aucun rôle après l'écoulement du délai de prescription, sauf s'il en ressort qu'il renonce au droit de soulever l'exception de prescription (ATF 113 II 264 consid. 2e).  
 
3.2. L'autorité précédente a exclu l'application de l'art. 45 al. 3 LCA pour les motifs suivants: la compagnie d'assurance a fait savoir par courrier du 7 juillet 2005 qu'elle n'entendait allouer aucune indemnité pour invalidité en vertu de l'assurance complémentaire, refus qu'elle a encore confirmé le 26 septembre 2005. Or, le demandeur n'a nullement établi que les parties auraient ensuite mené sérieusement des pourparlers transactionnels.  
Le recourant objecte que les négociations ont continué après 2005. Il fonde son argumentation sur des discussions qui auraient eu lieu le 17 juillet 2008, discussions qui ne ressortent toutefois pas de l'arrêt attaqué; à titre de preuve, il a retranscrit dans son mémoire de recours les notes que son avocat aurait prises à cette occasion, notes qu'il n'avait pas produites plus tôt. Le recourant se réfère en outre à diverses pièces produites en première instance; il se limite à donner les numéros de ces pièces, sans la moindre indication quant à leur date, contenu et pertinence. 
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF); en tant que cour suprême, il est instance de révision du droit et non pas juge du fait. Il peut certes, à titre exceptionnel, rectifier ou compléter les faits qui ont été établis de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitraire - ou en violation du droit et ce, pour autant que la correction soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 et art. 105 al. 2 LTF). Néanmoins, la partie recourante qui entend s'écarter des faits retenus dans l'arrêt attaqué doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions pour ce faire seraient réalisées; lorsque le grief a trait au caractère arbitraire de l'établissement des faits, les exigences de motivation sont celles, plus strictes, de l'art. 106 al. 2 LTF. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire à l'encontre de l'état de fait ou de l'appréciation des preuves (ATF 137 II 353 consid. 5.1; 133 II 249 consid. 1.4.3). La motivation doit être présentée dans l'acte de recours même; un renvoi au contenu d'écritures antérieures ou de pièces du dossier n'est pas licite (ATF 133 II 396 consid. 3.2; sous l'OJ, ATF 131 III 384 consid. 2.3 et 126 III 198 consid. 1d; FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 2 e éd. 2014, n° 33 ad art. 42 LTF).  
En outre, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté devant le Tribunal fédéral, à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). Selon les textes allemand et italien, plus précis que la formulation française sur ce point, la décision même de l'autorité précédente doit donner matière à présenter des faits ou moyens de preuve nouveaux; en d'autres termes, c'est la décision de l'autorité précédente qui, pour la première fois, rend pertinents ces faits ou moyens de preuve. Cette exception couvre notamment des faits ayant trait à la recevabilité du recours ou des irrégularités de procédure qui ne pouvaient être dénoncées avant que la décision attaquée ne soit rendue ( BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, op. cit., n° 19 ss ad art. 99 LTF). En revanche, la possibilité de présenter des faits ou des moyens de preuve nouveaux en instance de recours fédérale ne doit pas servir à corriger des omissions antérieures. Sont donc irrecevables les faits et preuves que le recourant a négligé de soumettre aux autorités cantonales (ATF 139 III 120 consid. 3.1.2; 136 III 123 consid. 4.4.3; arrêts 4A_18/2010 du 15 mars 2010 consid. 2.1 et 4A_36/2008 du 18 février 2008 consid. 4.1). 
La motivation du recours ne satisfait pas à ces exigences. Il n'y a donc pas à entrer en matière. 
 
3.3. Sur la base des faits retenus par la Cour d'appel, on ne saurait admettre que l'intimée a retenu le recourant d'agir avant le moment où la prescription est intervenue, à savoir avant le 14 août 2003, ou au plus tard avant le 14 mai 2005. La première prétention du recourant a été articulée le 23 mars 2005. Le recourant n'a pas contesté le contenu du compte-rendu que le représentant de l'intimée a établi et il ne prétend pas qu'à cette occasion, l'intimée lui aurait laissé miroiter la possibilité d'un règlement transactionnel. Cela scelle le sort du grief.  
 
4.   
Le recours doit dès lors être rejeté. Le recourant supporte les frais et dépens de la présente procédure (art. 66 et 68 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 12'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 27 avril 2015 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
La Greffière : Monti