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[AZA 1/2] 
1P.52/2001 
 
Ie COUR DE DROIT PUBLIC 
********************************************** 
 
Séance du 29 mars 2001 
 
Présidence de M. Aemisegger, Président de la Cour et Vice- président du Tribunal fédéral; 
Présents: MM. les Juges Nay, Aeschlimann, Féraud, Catenazzi, Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante. 
 
Greffier: M. Parmelin. 
____________ 
 
Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
Isabelle C h e v a l l e y , à Saint-George, et DenisR a m e l e t , à Epalinges, tous deux représentés par Me Malek Buffat Reymond, avocate à Lausanne, 
 
contre 
le décret adopté le 6 décembre 2000 par le Grand Conseil du canton de Vaud, représenté par M. Andreas Auer, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Genève; 
(art. 85 let. a OJ; droits politiques; référendum financier; 
budget de fonctionnement de l'Université de Lausanne) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Dans une déclaration commune d'intention signée le 30 juin 2000, le Conseil fédéral, le Conseil d'Etat du canton de Vaud (ci-après: le Conseil d'Etat) et le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève ont manifesté leur soutien au projet d'innovation et de coordination "Sciences, Vie, Société" élaboré le 20 octobre 1998 par la direction de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et les rectorats des Universités de Lausanne et de Genève. 
 
Ce projet comporte un volet d'innovation comprenant le développement d'un pôle de génomique fonctionnelle et d'un pôle de sciences humaines et sociales sur l'arc lémanique. Il prévoit également un volet de coordination de différentes disciplines, destiné à renforcer la complémentarité des trois Hautes Ecoles, qui implique le transfert des sections de mathématiques, de physique et de chimie de l'Université de Lausanne aux domaines correspondants de l'EPFL, le déplacement subséquent des laboratoires de physique nucléaire et d'astronomie de l'EPFL à l'Université de Genève et le regroupement de l'Ecole romande de pharmacie dans ce dernier établissement. 
 
La Confédération s'engageait à mettre à disposition de l'EPFL un montant de l'ordre de 60 à 70 millions de francs, en addition des ressources internes, afin de réaliser les objectifs du projet. Les gouvernements des cantons de Vaud et de Genève prenaient pour leur part l'engagement de soutenir durablement, au travers de leur Université, les pôles de génomique fonctionnelle et de sciences humaines et sociales du projet lémanique. A ce titre, le Conseil d'Etat vaudois s'obligeait à demander au Grand Conseil de maintenir durablement dans le budget de l'Université de Lausanne les montants consacrés jusqu'ici aux sections de mathématiques, de physique et de chimie (32, 8 millions, valeur 1999) après leur transfert progressif à l'EPFL, les sommes et les infrastructures libérées étant réaffectées dans le projet lémanique. 
Il s'obligeait en outre à demander au Grand Conseil de garantir au canton de Genève le transfert des ressources annuelles nécessaires au fonctionnement de l'Ecole romande de pharmacie (estimation entre 4 et 5 millions, valeur 1999). 
Quant au Conseil d'Etat genevois, il s'engageait, avec l'aide financière de la Confédération, à entreprendre la construction de la deuxième étape de Sciences III, afin de pouvoir accueillir l'Ecole romande de pharmacie dans les locaux libérés à Sciences II, et à mettre à disposition les locaux nécessaires au déplacement subséquent à Genève des laboratoires de physique nucléaire et d'astronomie de l'EPFL. 
 
B.- Le 3 juillet 2000, le Conseil d'Etat a présenté au Grand Conseil vaudois (ci-après: le Grand Conseil) un rapport sur le projet d'innovation et de coordination "Sciences, Vie, Société" entre les Universités de Genève et de Lausanne et l'EPFL, dit "projet triangulaire", un projet de décret concernant sa mise en oeuvre et ses conséquences sur le budget de fonctionnement de l'Université de Lausanne, un exposé des motifs et un projet de loi modifiant la loi vaudoise du 6 décembre 1977 sur l'Université de Lausanne (LUL). Le projet de décret prévoyait le maintien au budget de l'Université de Lausanne des montants libérés par le regroupement des sections de mathématiques, de physique et de chimie à l'EPFL, à hauteur de 32,8 millions de francs, afin de permettre le développement des sciences de la vie et de nouveaux projets en sciences humaines (art. 2), le rétablissement des crédits de fonctionnement du budget de l'Université de Lausanne, groupe 31, à leur niveau 1999 fixé à 38,15 millions de francs (art. 3) et le transfert annuel d'un montant de 4,6 millions de francs du Département de la formation et de la jeunesse du canton de Vaud au Département de l'instruction publique du canton de Genève afin de garantir le financement de l'Ecole romande de pharmacie dès 2003 (art. 4). 
 
 
Le 10 octobre 2000, le Grand Conseil a voté l'entrée en matière sur le rapport du 3 juillet 2000. 
 
Le 30 octobre 2000, la Commission du Grand Conseil chargée d'étudier ce rapport (ci-après: la Commission parlementaire) a pris acte d'un avis de droit établi le 24 octobre 2000 par Etienne Grisel, professeur de droit à la Faculté de droit de l'Université de Lausanne, à la demande de la Société vaudoise de pharmacie, selon lequel le projet de décret du 3 juillet 2000 relatif au "projet triangulaire" est assujetti au référendum financier obligatoire selon l'art. 27 ch. 2bis de la Constitution vaudoise du 1er mars 1885 (Cst. vaud.). De même, elle a pris acte de l'accord de principe sur l'avenir de l'Ecole romande de pharmacie, passé le 13 octobre 2000 entre les rectorats des Universités de Genève et de Lausanne et approuvé par les autorités exécutives des cantons concernés. 
Enfin, elle a proposé le report des débats jusqu'au dépôt de l'avis de droit complémentaire que le Conseil d'Etat avait requis le même jour du professeur à la Faculté de droit de l'Université de Genève, Andreas Auer. 
 
Ce dernier a remis son rapport le 13 novembre 2000. 
Au terme de celui-ci, il conclut en substance que le projet de décret du 3 juillet 2000 n'est pas soumis au référendum financier obligatoire, mais au référendum administratif, respectivement au référendum financier facultatif prévu à l'art. 27 ch. 2 let. b Cst. vaud. , sous réserve des dépenses engagées à l'art. 4. 
 
 
Fort des conclusions de cet avis de droit, le Conseil d'Etat a, le 22 novembre 2000, proposé au Grand Conseil de voter deux décrets, l'un concernant le transfert des sections de mathématiques, de physique et de chimie de l'Université de Lausanne à l'EPFL, soumis au référendum facultatif, l'autre concernant le regroupement de l'Ecole romande de pharmacie à Genève et son financement, soumis au référendum financier obligatoire. 
 
Dans sa séance du 6 décembre 2000, le Grand Conseil a adopté en deuxième débat le décret sur le regroupement de l'Ecole romande de pharmacie à Genève ainsi que la loi modifiant celle sur l'Université de Lausanne. Il a aussi adopté le décret pour la mise en oeuvre du "projet triangulaire" et ses conséquences sur le budget de fonctionnement de l'Université de Lausanne, dans la teneur proposée par la Commission parlementaire, à savoir: 
 
"Article premier. - Le Grand Conseil prend acte du 
rapport du Conseil d'Etat relatif à la réalisation 
du projet d'innovation et de coordination, Sciences, 
Vie, Société, entre l'Université de Genève, 
l'Université de Lausanne et l'Ecole polytechnique 
fédérale de Lausanne, dit "projet triangulaire". 
 
Art. 2. - Les montants du budget de fonctionnement 
de l'Université de Lausanne pour les sections de 
mathématiques, de physique et de chimie, regroupées 
à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, soit 
au total Fr. 32.8 millions, sont maintenus au budget 
de l'Université de Lausanne, afin de permettre 
le développement des sciences de la vie et de nouveaux 
projet en sciences humaines, conformément au 
projet mentionné à l'article premier. 
 
Pour les années 2001 à 2004 et afin de faciliter la 
réalisation du projet, la gestion budgétaire de ce 
montant n'est pas liée au respect strict des principes 
de la conduite budgétaire par groupes (décret 
du 31 octobre 2000). Des transferts entièrement 
compensés entre les montants budgétisés sont possibles 
entre les groupes 30 et 31. L'Université rend 
compte semestriellement à la Commission des finances 
du Grand Conseil de l'usage qu'elle fait de 
cette compétence. 
Art. 3. - Les crédits de fonctionnement du budget 
de l'Université de Lausanne, groupe 31, sont rétablis 
au moins à leur niveau 1999, dès 2001, afin de 
garantir la mise en oeuvre du projet mentionné à 
l'article premier, soit à Fr. 38.15 mios. 
 
Art. 4. - Le Conseil d'Etat est chargé de l'exécution 
du présent décret. Il en publiera le texte 
conformément à l'article 27, chiffre 2, de la 
Constitution cantonale et en fixera, par voie 
d'arrêté, la date d'entrée en vigueur.. " 
 
Les décrets et la loi ont été publiés dans la Feuille des avis officiels du canton de Vaud du 15 décembre 2000, avec l'indication suivant laquelle le délai référendaire, pour déposer une demande de référendum facultatif, venait à échéance le 24 janvier 2001. 
 
C.- Agissant par la voie du recours de droit public pour violation des droits politiques, Isabelle Chevalley et Denis Ramelet demandent au Tribunal fédéral d'annuler le décret pour la mise en oeuvre du "projet triangulaire" et ses conséquences sur le budget de fonctionnement de l'Université de Lausanne, au motif qu'il aurait dû être soumis au référendum obligatoire en vertu de l'art. 27 ch. 2bis Cst. vaud. 
 
Le Grand Conseil conclut au rejet du recours. Invités à répliquer, les recourants ont produit un mémoire complétif le 1er mars 2001. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- a) Le recours de droit public pour violation des droits politiques selon l'art. 85 let. a OJ permet aux citoyens de se plaindre du fait qu'un décret cantonal aurait été soustrait à tort au référendum financier obligatoire (ATF 118 Ia 184 consid. 1a p. 187, 422 consid. 1e p. 424; 111 Ia 201 consid. 2 p. 202). Titulaires des droits politiques dans le canton de Vaud, Isabelle Chevalley et Denis Ramelet ont qualité pour recourir (ATF 123 I 41 consid. 6a p. 46 et les arrêts cités). Leur recours respecte par ailleurs les exigences de recevabilité des art. 86 al. 1, 89 et 90 OJ, de sorte qu'il convient d'entrer en matière sur le fond. 
 
b) Saisi d'un recours de droit public fondé sur l'art. 85 let. a OJ, le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit constitutionnel, ainsi que des dispositions de rang inférieur qui règlent le contenu et l'étendue du droit de vote ou qui sont en relation étroite avec celui-ci; il n'examine en revanche que sous l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation d'autres règles du droit cantonal (ATF 123 I 175 consid. 2d/aa p. 178; 121 I 1 consid. 2 p. 3, 334 consid. 2b p. 338, 357 consid. 3 p. 360 et les arrêts cités). En présence de deux interprétations également défendables, il s'en tient à celle retenue par la plus haute autorité cantonale (ATF 121 I 334 consid. 2c p. 339; sur l'évolution du pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, ATF 111 Ia 201 consid. 4 p. 206-208). 
 
 
2.- Les recourants prétendent ignorer les motifs exacts qui auraient conduit les parlementaires vaudois à refuser de soumettre le décret attaqué au référendum obligatoire. 
Ils dénoncent à cet égard une violation de leur droit d'être entendus garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. , qui justifierait l'annulation du décret et le renvoi de la cause à l'autorité intimée. 
 
Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. , qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause sous l'angle de l'art. 29 al. 2 Cst. , le citoyen ne peut en principe se prévaloir d'aucun droit d'être entendu dans une procédure législative (ATF 123 I 63 consid. 2a p. 67 et les arrêts cités). Partant, les recourants ne sauraient tirer de cette disposition l'obligation pour le Grand Conseil d'indiquer dans le décret portant sur une dépense ou sur l'octroi d'un crédit les motifs pour lesquels il estime devoir assujettir celui-ci au référendum facultatif plutôt qu'au référendum financier obligatoire. Il suffit que les raisons de cette décision ressortent de l'exposé des motifs ou des débats parlementaires. L'arrêt non publié du Tribunal fédéral du 12 février 1998, dans la cause A. contre Grand Conseil du canton de Genève, auquel se réfèrent les recourants, est à cet égard dénué de pertinence puisque le droit constitutionnel cantonal prévoyait expressément l'obligation pour le Grand Conseil de rendre une décision motivée sur la conformité au droit d'une initiative populaire. 
 
En l'espèce, le Conseil d'Etat a, dans le cadre de l'exposé des motifs complémentaire du 22 novembre 2000 à l'appui d'un nouveau décret sur le regroupement de l'Ecole romande de pharmacie, déclaré pleinement adhérer à l'avis de droit établi par le professeur Andreas Auer le 13 novembre 2000, suivant lequel les montants libérés par le transfert des sections de mathématiques, de physique et de chimie de l'Université de Lausanne à l'EPFL et réaffectés au développement des sciences de la vie et des sciences humaines constitueraient des dépenses liées, car elles entreraient dans le cadre de l'autonomie reconnue par la loi vaudoise sur l'Université de Lausanne à cet établissement, ce qui ne serait pas le cas de la contribution annuelle de 4,6 millions de francs versée par l'Etat de Vaud au canton de Genève afin de garantir le financement de l'Ecole romande de pharmacie. Les députés en ont fait de même, puisqu'ils ont refusé un amendement du décret litigieux visant à soumettre ses art. 2 et 3 au référendum financier obligatoire, pour se ranger à l'avis du Conseil d'Etat. Les recourants étaient donc en mesure de connaître les raisons pour lesquelles les parlementaires vaudois considéraient que le décret pour la mise en oeuvre du "projet triangulaire" et ses conséquences sur le budget de fonctionnement de l'Université de Lausanne n'était pas soumis au référendum financier obligatoire et l'attaquer en toute connaissance de cause. 
 
Enfin, s'il pouvait encore subsister un doute à ce sujet, il a définitivement été levé dans le cadre de la présente procédure puisque le Grand Conseil a confirmé, dans ses observations, avoir fait sienne la motivation de l'avis de droit du professeur Andreas Auer du 13 novembre 2000. Conformément à l'art. 93 al. 2 OJ, les recourants ont été invités à déposer un mémoire complétif; ils ont ainsi été en mesure de présenter leurs arguments à satisfaction de droit. Il est à cet égard indifférent que le Grand Conseil n'ait pas écarté tous les moyens qu'ils avaient invoqués dans leur mémoire de recours, voire même qu'il n'ait développé aucune motivation subsidiaire pour le cas où les dépenses litigieuses ne devraient pas être considérées comme liées. 
 
Pour autant qu'il soit recevable, le moyen tiré d'une prétendue violation du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. est ainsi mal fondé. 
 
3.- Sur le fond, les recourants reprochent au Grand Conseil d'avoir soustrait indûment le décret attaqué au référendum financier obligatoire prévu à l'art. 27 ch. 2bis Cst. 
vaud. 
 
a) L'art. 27 ch. 2 Cst. vaud. soumet au référendum facultatif les lois (let. a), les décrets (let. b) ainsi que toute décision du Grand Conseil entraînant une dépense unique de plus de deux millions de francs ou une dépense de plus de 200'000 francs annuellement pour dix ans (let. c). L'art. 27 ch. 2bis Cst. vaud. , tel qu'il a été adopté par le peuple vaudois en date du 29 novembre 1998 (cf. Recueil annuel des lois vaudoises 1998, p. 358 et 498), prévoit le référendum obligatoire pour toute décision du Grand Conseil entraînant une dépense unique de plus de 20 millions de francs ou une dépense de plus de 2 millions de francs annuellement pour dix ans. L'art. 27 ch. 2ter Cst. vaud. exclut toutefois du référendum les décrets portant sur le budget dans son ensemble (let. c) et les dépenses liées (let. e). 
 
b) Par l'art. 2 du décret attaqué, le Grand Conseil s'oblige à maintenir au budget de l'Université de Lausanne une somme de 32,8 millions de francs pour le développement des sciences de la vie et des sciences humaines, affectée jusqu'alors au fonctionnement des sections de mathématiques, de physique et de chimie, qui devraient être intégrées à l'EPFL dans le cadre du "projet triangulaire". Quant à l'art. 3 du décret litigieux, il impose au Grand Conseil de rétablir, dès 2001, les crédits de fonctionnement du budget de l'Université de Lausanne, groupe 31, à hauteur de 38,15 millions de francs, afin de garantir la mise en oeuvre du "projet triangulaire". Dans l'un et l'autre cas, le Grand Conseil s'engage à affecter chaque année une somme fixe en faveur de l'Université de Lausanne pour un but déterminé. De ce point de vue, les art. 2 et 3 du décret attaqué doivent être assimilés au vote d'une dépense (ATF 108 Ia 234 consid. 2b p. 236/237 et l'arrêt cité), suivant la définition qu'en donnent l'art. 5 al. 1 de la loi vaudoise sur les finances et la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de référendum financier (ATF 123 I 78 consid. 3b p. 81). Nul ne le conteste d'ailleurs. 
 
 
 
Il reste ainsi à examiner s'il s'agit de dépenses liées, soustraites au référendum financier selon l'art. 27 ch. 2ter let. e Cst. vaud. , ou de dépenses nouvelles qui y sont soumises, de manière facultative ou obligatoire. 
 
c) Suivant la jurisprudence du Tribunal fédéral, une dépense est liée lorsque son principe et son étendue sont fixés par une norme légale, lorsqu'elle est absolument nécessaire à l'accomplissement d'une tâche ordonnée par la loi, ou encore lorsqu'il faut admettre que le peuple, en adoptant précédemment le texte de base, a aussi approuvé la dépense qui en découle, soit qu'il s'agit de répondre à un besoin prévisible, soit que le choix des moyens à mettre en oeuvre est indifférent. Une dépense est en revanche nouvelle lorsqu'elle se rapporte à une tâche qui sort du champ d'activité antérieur de l'administration ou lorsqu'elle découle d'un acte normatif qui laisse à l'autorité une marge de manoeuvre relativement importante, quant à l'étendue de cette dépense, quant au moment où elle sera engagée ou quant à d'autres modalités (ATF 125 I 87 consid. 3b p. 90/91). Les notions de dépenses liées et nouvelles dégagées par la jurisprudence fédérale ne s'imposent pas nécessairement aux cantons; il peut y être dérogé lorsque le droit cantonal ou une pratique bien établie des autorités compétentes consacrent une autre approche (ATF 125 I 87 consid. 3b p. 91 et les arrêts cités). Une telle pratique divergente n'est pas alléguée en l'espèce et ne ressort pas des travaux préparatoires consacrés à l'art. 27ter Cst. vaud. (cf. Bulletin du Grand Conseil du canton de Vaud, printemps 1977, p. 345). 
 
 
d) De l'avis du professeur Auer, que l'autorité intimée a fait sien, la décision de développer l'enseignement et la recherche dans le domaine des sciences de la vie et des sciences humaines de même que la réaffectation des moyens financiers qu'elle implique relèveraient de l'autonomie reconnue à l'Université de Lausanne aux art. 7 et 9 LUL et le Grand Conseil n'aurait à cet égard aucune véritable latitude de décision. Aussi, en adoptant la loi sur l'Université de Lausanne, respectivement en s'abstenant de faire usage de son droit de référendum, le législateur et le peuple vaudois auraient également accepté les dépenses résultant d'un tel choix, de sorte que les sommes consacrées au développement et au renforcement des sciences de la vie et des sciences humaines constitueraient des dépenses liées échappant au référendum financier en vertu de l'art. 27ter Cst. vaud. 
 
A teneur des art. 1er et 2 al. 1 LUL, l'Université de Lausanne est un établissement autonome de droit public dont la tâche principale consiste à concourir à la transmission et au développement de la science, par l'enseignement et la recherche. Elle est dotée de la personnalité morale (art. 1er LUL), gère les biens dont elle est propriétaire (art. 5 al. 1 LUL) et s'organise elle-même dans le cadre fixé par la loi (art. 7). Elle comprend sept facultés énumérées à l'art. 9 al. 1 LUL, dont en particulier la Faculté des sciences à laquelle sont rattachées les sections de mathématiques, de physique et de chimie. L'enseignement universitaire se donne dans le cadre de la faculté, qui groupe les enseignements et les recherches de son ressort (art. 11). Les organes chargés de la gestion sont libres de créer des subdivisions au sein des facultés (art. 12 à 15 LUL). 
 
 
 
L'Etat assume la charge financière de l'Université (art. 4 LUL). Le Rectorat élabore un plan de développement sur la base des propositions des facultés, qu'il transmet pour détermination au Département cantonal de l'instruction publique et des cultes (DIPC) après approbation du Sénat (art. 97). Il élabore en outre un projet de budget, sur la base des propositions des facultés et conformément aux directives générales ou particulières édictées chaque année par le Conseil d'Etat, qu'il transmet pour détermination au DIPC après approbation du Sénat (art. 98 al. 1). Lorsque le Conseil d'Etat modifie les moyens financiers mis à la disposition de l'Université, celle-ci adapte son projet de budget (art. 98 al. 2). Le budget de l'Université constitue un chapitre du budget de l'Etat. Il est adopté par le Grand Conseil, selon les dispositions applicables en la matière (art. 99). 
 
L'Université de Lausanne bénéficie d'un régime financier provisoire dit de "conduite budgétaire par groupes", institué par décret du 25 septembre 1996 et reconduit pour une période de quatre ans par décret du 31 octobre 2000; ce régime lui permet d'élaborer un budget par groupes de comptes, en dérogation au système ordinaire mis en place par la loi sur les finances, qui lui donne la possibilité d'effectuer des transferts budgétaires entre comptes d'un même groupe de comptes et de reporter les soldes inexploités sur l'exercice suivant (Bulletins du Grand Conseil du canton de Vaud, séance du 23 septembre 1996, p. 3544 ss, et séance du 10 octobre 2000, p. 3390 ss, spéc. p. 3395; cf. voir aussi à ce sujet, Thomas Fleiner-Gerster, Entwicklung im Bereich von Hochschulrecht und Forschungsrecht in der Schweiz in den letzten fünfzehn Jahren, in: Rapport annuel de l'Institut du fédéralisme, Université de Fribourg, décembre 1998, p. 59). 
 
e) L'Université de Lausanne jouit ainsi d'une très large autonomie dans son organisation interne, sous réserve de l'énumération, par la loi, des facultés ainsi que des écoles et instituts qui leur sont rattachés en vertu de l'art. 9 al. 3 LUL, dans sa gestion ainsi que dans la conception de l'enseignement et de la recherche (voir, de manière générale, sur l'autonomie des Hautes Ecoles en Suisse, Matthias Schnyder, Die Universität Basel als öffentlich-rechtliche Anstalt, Bâle 1985, p. 63; Nicole Florio, La liberté d'expression et la liberté académique dans les universités en droits allemand, français et suisse, thèse Lausanne 1979, p. 76; Rolf Deppeler, Staat und Universität, Berne 1969, p. 9). 
Dans la mesure où l'Etat assume la charge financière de l'Université (art. 4 LUL), on doit admettre que les dépenses affectées à l'accomplissement des tâches universitaires, telles qu'elles sont définies à l'art. 2 LUL, sont des dépenses liées (cf. Walter Haller, Die Forschungsfreiheit, in: Festschrift zum 70. Geburtstag von Hans Nef, Zurich 1981, p. 145, pour qui il appartient aux instances politiques de mettre à disposition de l'Université les moyens financiers nécessaires à la réalisation de ses objectifs). L'assujettissement du décret litigieux au référendum financier obligatoire dépend ainsi essentiellement du point de savoir si les dépenses engagées à la mise en oeuvre du "projet triangulaire" sont consacrées à des tâches dévolues à l'Université de Lausanne. 
 
L'autonomie dont jouit le Grand Conseil dans la fixation du budget ne joue en effet aucun rôle s'agissant de déterminer si une dépense est liée du point de vue du référendum financier (cf. Peter Saile, Das Recht der Ausgabenbewilligung der zürcherischen Gemeinden, St-Gall 1991, p. 72; Adrian Hungerbühler, Zum Verhältnis zwischen grossrätlicher Budgetkompetenz und regierungsrätlicher Verordnungskompetenz, in: 
Festschrift für Dr. Kurt Eichenberger, Aarau 1990, p. 260). 
 
En l'espèce, le projet "Science, Vie, Société" implique pour l'Université de Lausanne une nouvelle orientation de la recherche et de l'enseignement dans les domaines des sciences humaines et des sciences de la vie, qui s'inscrit dans le cadre des missions générales de cet établissement définies à l'art. 2 al. 1 LUL et de la coopération interuniversitaire prévue par l'art. 6 LUL. Sans doute, lorsque la loi sur l'Université de Lausanne a été adoptée, ses concepteurs n'imaginaient pas l'importance que prendraient les sciences humaines au début du XXIème siècle. Peu importe cependant. On ne saurait se fonder sur une conception figée du rôle des Hautes Ecoles. Les universités ne rempliraient en effet pas leur mission si elles n'adaptaient pas l'enseignement et la recherche aux développements de la science et de la technique. 
En s'abstenant de définir plus précisément dans la loi les tâches de l'Université, le législateur vaudois a admis les changements dans l'orientation de l'enseignement et de la recherche que postulent ces développements. Il convient par conséquent d'admettre qu'en décidant de transférer les sections de mathématiques, de physique et de chimie à l'EPFL pour axer l'enseignement et la recherche dans les domaines des sciences de la vie et des sciences humaines, l'Université de Lausanne a agi dans le cadre de sa tâche principale définie à l'art. 2 al. 1 LUL et que les dépenses qui en découlent répondaient à un besoin prévisible au sens de la jurisprudence citée au considérant 3c ci-dessus. 
 
Dans ces conditions, les sommes prévues aux art. 2 et 3 du décret attaqué doivent être considérées comme des dépenses liées au sens de l'art. 27 ch. 2ter Cst. vaud. et échappent ainsi au référendum financier obligatoire. 
 
4.- Les recourants prétendent enfin que le décret litigieux porterait une atteinte inadmissible au principe de l'annualité du budget ancré aux art. 46 Cst. vaud. et 3 de la loi vaudoise sur les finances en tant qu'il contraint le Grand Conseil à "garantir" et à "maintenir" chaque année au budget de l'Etat une somme de près de 70 millions de francs. 
 
Ce grief n'a pas trait directement à une violation des droits politiques susceptible de faire l'objet d'un recours de droit public fondé sur l'art. 85 let. a OJ. Seule la voie du recours de droit public pour violation des droits constitutionnels des citoyens entre en considération (ATF 123 I 41 consid. 6b p. 46 et les références citées). Or, un tel recours n'a pas été formé dans le cas particulier. Au demeurant, l'art. 88 OJ ne reconnaît la qualité pour agir par cette voie qu'à celui qui est touché dans un intérêt juridiquement protégé. Tel n'est pas le cas de celui qui attaque les dispositions de la loi cantonale sur les finances publiques définissant les modalités de la tenue d'un budget car elles ne servent pas à la protection de ses intérêts (cf. ATF 114 Ia 267 consid. 3 p. 271; 112 Ia 221 consid. 1d in fine p. 225 et les références citées). 
Le recours est donc irrecevable sous cet angle. 
 
 
5.-Il résulte des considérants qui précèdent que le décret attaqué n'a pas été soustrait indûment au référendum financier obligatoire prévu par l'art. 27 ch. 2bis Cst. vaud. 
 
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
Suivant la pratique qui prévaut en matière de recours de droit public pour violation des droits politiques, il n'y a pas lieu de percevoir d'émolument judiciaire. L'Etat de Vaud n'a par ailleurs pas droit à des dépens (art. 159 al. 2 OJ). 
 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours, dans la mesure où il est recevable; 
 
2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens; 
 
3. Communique le présent arrêt en copie aux représentants des parties. 
_______________ 
Lausanne, le 29 mars 2001 PMN/col 
Au nom de la Ie Cour de droit public 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, Le Greffier,