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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_620/2022  
 
 
Arrêt du 30 mars 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Juge présidant, Muschietti, van de Graaf, Koch et Hurni. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Laïla Batou, avocate, 
intimé. 
 
Objet 
Fixation de la peine (mise au bénéfice des 
circonstances atténuantes du mobile honorable, 
de la détresse profonde et d'un état de profond 
désarroi); dommages à la propriété, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre pénale d'appel et de révision, 
du 31 mars 2022 (AARP/77/2022 P/24123/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 20 février 2020, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a condamné A.________ pour dommages à la propriété (art. 144 CP) à une peine pécuniaire de 10 jours-amende, à 30 fr., avec sursis pendant 3 ans. Il a, en outre, condamné l'intéressé à payer un montant de 2'252 fr. à B.________ SA à titre de réparation du dommage matériel. 
 
B.  
Par arrêt du 14 octobre 2020, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a admis l'appel formé par A.________ contre le jugement du 20 février 2020. Elle a en conséquence acquitté A.________ du chef d'accusation de dommages à la propriété et renvoyé B.________ SA à agir par la voie civile pour faire valoir ses prétentions. 
Le Tribunal fédéral a admis, par arrêt du 28 septembre 2021, les recours formés par le Ministère public de la République et canton de Genève (cause 6B_1298/2020) et par B.________ SA (cause 6B_1310/2020) contre l'arrêt du 14 octobre 2020. Celui-ci a été annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
C.  
Statuant par arrêt du 31 mars 2022, ensuite du renvoi opéré par le Tribunal fédéral, la Chambre pénale d'appel et de révision a partiellement admis l'appel formé par A.________ contre le jugement du 20 février 2020. Celui-ci a été réformé en ce sens que A.________ était condamné pour dommages à la propriété à une amende de 100 fr. et qu'il était astreint, en outre, à payer un montant de 409 fr. 28 à B.________ SA à titre de réparation du dommage matériel. 
En substance, la cour cantonale a retenu les faits suivants. 
En tant que membre du collectif C.________, A.________ a participé à la marche pour le climat, qui a eu lieu à U.________ (GE) le 13 octobre 2018. Lors de cette marche, plusieurs manifestants, dont A.________ et une femme demeurée non identifiée, se sont extraits du cortège et ont maculé de peinture et de tracts la façade du bâtiment de la banque B.________, sis à V.________. De très nombreuses mains, formées de peinture rouge, ont été apposées sur les murs, les rideaux métalliques et les plaques d'identification du bâtiment.  
Selon les manifestants, ces mains rouges symbolisaient le sang des différentes victimes du réchauffement climatique et l'apposition de celles-ci sur le bâtiment de la banque devait permettre de désigner les coupables. Par cette action, A.________ et les autres manifestants entendaient amener B.________ SA à réduire ses investissements dans les énergies fossiles. 
 
D.  
Le ministère public forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 31 mars 2022. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que A.________ est condamné pour dommages à la propriété à une peine pécuniaire de 10 jours-amende, à 30 fr., avec sursis pendant 3 ans. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
Invité à se déterminer sur le recours, A.________ conclut à son rejet. La cour cantonale renonce à présenter des observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant conteste l'amende de 100 fr. infligée à l'intimé, peine qu'il estime excessivement clémente. 
 
1.1. L'art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1; 141 IV 61 consid. 6.1.1).  
Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans le cadre de la fixation de la peine. Le Tribunal fédéral n'intervient que lorsque l'autorité cantonale a fixé une peine en dehors du cadre légal, si elle s'est fondée sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si des éléments d'appréciation importants n'ont pas été pris en compte ou, enfin, si la peine prononcée est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 144 IV 313 consid. 1.2; 136 IV 55 consid. 5.6; arrêt 6B_182/2022 du 25 janvier 2023 consid. 4.1). L'exercice de ce contrôle suppose que le juge exprime, dans sa décision, les éléments essentiels relatifs à l'acte ou à l'auteur dont il tient compte, de manière à ce que l'on puisse constater que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens aggravant ou atténuant (art. 50 CP; ATF 144 IV 313 consid. 1.2). Le juge peut passer sous silence les éléments qui, sans abus du pouvoir d'appréciation, lui apparaissent non pertinents ou d'une importance mineure. La motivation doit justifier la peine prononcée, en permettant de suivre le raisonnement adopté. Un recours ne saurait toutefois être admis simplement pour améliorer ou compléter un considérant lorsque la décision rendue apparaît conforme au droit (ATF 144 IV 313 consid. 1.2; 136 IV 55 consid. 5.6). 
 
1.2.  
 
1.2.1. En l'espèce, la cour cantonale a relevé que l'intimé, reconnu coupable de dommages à la propriété en raison des actes commis au préjudice de la banque B.________, avait agi essentiellement pour des motifs altruistes, visant à attirer l'attention du public sur les enjeux climatiques et, en particulier, sur les investissements de la banque précitée dans les énergies fossiles.  
Les moyens choisis par l'intimé avaient par ailleurs porté une atteinte limitée au patrimoine de la banque, étant observé qu'il avait pris les précautions nécessaires pour n'occasionner qu'un dommage temporaire et s'était assuré que tel serait le cas. Il avait agi de façon mesurée, réfléchie, assumée et revendiquée, sans se soustraire à ses responsabilités, notamment en fournissant immédiatement ses coordonnées aux services de police, contrairement à d'autres participants, qui n'avaient pas pu être identifiés. 
La situation personnelle et professionnelle de l'intimé, actif dans le maraîchage, soit un domaine particulièrement concerné par les impacts des changements climatiques, expliquait en partie ses actes, sans les excuser totalement. La peine à fixer devait de même tenir compte de sa relative précarité (cf. arrêt attaqué, consid. 2.5.1 et 2.5.2 p. 10 s.). 
 
1.2.2. Au regard de l'ensemble de ces éléments, au nombre desquels il fallait également prendre en considération les circonstances atténuantes décrites à l'art. 48 let. a ch. 1 CP ("mobile honorable"), à l'art. 48 let. a ch. 2 CP ("détresse profonde") et à l'art. 48 let. c CP ("état de profond désarroi"), de même que l'impact de la longue procédure sur l'intimé, la cour cantonale a estimé, en application de l'art. 48a CP, qu'une amende était suffisante eu égard aux agissements en cause, lesquels se situaient à la limite inférieure de la gravité du délit.  
Le montant de cette amende, fixé en tenant compte de la situation financière obérée de l'intimé, devait ainsi être arrêté à 100 fr. (cf. arrêt attaqué, consid. 2.5.2 p. 11). 
 
1.3. Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir considéré que le mobile de l'intimé pouvait être qualifié d'honorable au sens de l'art. 48 let. a ch. 1 CP.  
 
1.3.1. L'art. 48 let. a ch. 1 CP prévoit que le juge atténue la peine si l'auteur a agi en cédant à un mobile honorable.  
Déterminer les mobiles de l'auteur, comme tout ce qui a trait au contenu de la pensée, est une question de fait (ATF 128 IV 53 consid. 3 et la référence citée). Savoir si les mobiles retenus sont honorables est une question de droit fédéral (ATF 128 IV 53 consid. 3). 
 
1.3.2. D'une manière générale, le caractère honorable des mobiles s'apprécie d'après l'échelle des valeurs éthiques reconnues par la collectivité dans son ensemble (ATF 128 IV 53 consid. 3 et la référence citée). Pour être qualifié d'honorable, il ne suffit pas que le mobile ne soit pas critiquable sur le plan moral, il faut encore qu'il se situe dans la partie supérieure des valeurs éthiques, reposant sur des convictions dignes d'estime (ATF 128 IV 53 consid. 3a; arrêts 6B_1061/2021 du 9 mai 2022 consid. 7.1; 6B_145/2021 du 3 janvier 2022 consid. 6.2; MARC PELLET, Commentaire romand, Code pénal I, 2e éd., 2021, n° 6 ad art. 48 CP; WIPRÄCHTIGER/KELLER, Basler Kommentar, Strafrecht I, 4e éd., 2019, n° 10 ad art. 48 CP).  
En soi, les motifs politiques poursuivis par l'auteur de l'acte incriminé ne consacrent pas nécessairement un mobile honorable; selon leur nature, ils peuvent ainsi être considérés soit comme respectables, comme neutres du point de vue éthique ou même constituer un facteur aggravant (ATF 128 IV 53 consid. 3a; ATF 107 IV 29 consid. 2a; ATF 104 IV 238 consid. 3b). Ce ne sont en effet pas les convictions "subjectives" de l'auteur qui sont déterminantes, mais bien uniquement les normes socio-éthiques "objectives" qui prévalent dans notre société (STRATENWERTH/BOMMER, Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil II: Strafen und Massnahmen, 3e éd., 2020, § 5 n° 98). 
En tout état, le mobile honorable n'est qu'un des éléments, parmi d'autres, susceptibles d'être pertinents dans l'appréciation de la peine; il peut être mis complètement dans l'ombre par les autres circonstances de l'infraction comme, notamment, la manière dont celle-ci a été commise, le but visé ou la perversité particulière (ATF 128 IV 53 consid. 3a; arrêts 6B_1061/2021 précité consid. 7.1; 6B_145/2021 précité consid. 6.2). C'est ainsi notamment le cas lorsque les dangers provoqués par l'acte incriminé, ou les conséquences de celui-ci, dénotent un manque particulier d'égards de l'auteur ou lorsque l'acte porte atteinte à un bien juridique protégé qui n'a aucun rapport ou aucun lien raisonnable avec les motivations de l'auteur (STRATENWERTH/BOMMER, op. cit., § 5 n° 97; JOSITSCH/EGE/ SCHWARZENEGGER, Strafrecht II, Strafen und Massnahmen, 9e éd., 2018, p. 87). 
 
1.3.3. La jurisprudence se montre généralement restrictive quant à l'existence d'un mobile honorable lorsque l'auteur agit en étant mû par des motifs politiques.  
Il a ainsi été jugé, en 1981, que des actes de violence d'inspiration anarchiste visant à transformer ou à détruire l'ordre établi, pour l'instauration d'un monde prétendument meilleur, n'étaient pas considérés par la collectivité comme moralement admissibles, quelle que fût l'idéologie dont se réclamaient les auteurs. Il a été observé à cet égard que l'État de droit, dans sa conception en vigueur en Suisse, donnait à chacun la possibilité de se battre démocratiquement et par des moyens licites pour un changement de société (ATF 107 IV 29 consid. 2c). 
A la fin du siècle passé, l'existence d'un mobile honorable avait également été déniée à l'égard de personnes qui refusaient de s'acquitter de la taxe d'exemption au service militaire pour le motif qu'elles ne voulaient apporter aucune contribution à la violence et à la guerre, ni à la destruction de l'environnement et au massacre d'êtres humains. Il fallait en particulier prendre en considération que cette contribution alimentait la trésorerie générale de la Confédération, sans être affectée directement et exclusivement aux dépenses de l'armée (ATF 118 IV 74 consid. 3b; ATF 115 IV 65 consid. 2b). De même, celui qui refusait de servir dans la protection civile ne pouvait invoquer à sa décharge un grave conflit de conscience, né de ses convictions religieuses ou morales, dès lors que la protection civile n'avait pas de tâches de combat. Un mobile honorable devait également être exclu dans ce contexte (ATF 112 IV 129 consid. 2). 
Par ailleurs, il a été jugé que les convictions politiques, et également religieuses, des auteurs d'une campagne d'affichage contre l'avortement ne justifiaient pas de les mettre au bénéfice d'une circonstance atténuante. En l'occurrence, leur façon d'agir, par laquelle, procédant anonymement, ils n'avaient laissé aucune possibilité aux personnes diffamées de se défendre, reléguait à l'arrière-plan le mobile éventuellement honorable de la défense de la "vie prénatale" (ATF 128 IV 53 consid. 3c). 
Dans l'arrêt 6S.337/1998 du 17 juin 1998, le Tribunal fédéral a en revanche admis qu'un mobile honorable puisse être retenu à l'égard d'un participant à une action de Greenpeace, qui avait pénétré sans autorisation sur un site d'entreposage temporaire de déchets radioactifs (centre Zwilag) pour y monter sur une grue et y dérouler une grande banderole munie d'un slogan. Il avait été considéré en substance que, si la manifestation politique avait certes clairement porté atteinte à des biens juridiquement protégés, de manière punissable, aucun acte de violence n'avait néanmoins été commis contre des personnes, ni aucun dommage matériel, l'intéressé ayant agi uniquement dans une perspective de protection de l'environnement (arrêt 6S.337/1998 précité consid. 3b).  
 
1.3.4. Plus récemment, en 2022, le Tribunal fédéral a jugé que la juridiction d'appel vaudoise n'avait pas violé le droit fédéral en excluant tout mobile honorable, s'agissant d'un militant pour le climat reconnu coupable en instance cantonale notamment d'entrave aux services d'intérêt général, pour avoir participé à plusieurs reprises au blocage de voies de circulation, à Lausanne. Ainsi, même à retenir que la défense du climat constituait un mobile se situant dans la partie supérieure des valeurs éthiques, il était occulté en l'occurrence par le caractère répétitif des actes punissables du militant et leur gravité croissante, laquelle avait culminé lorsque lui et ses acolytes avaient cherché la confrontation physique avec les forces de l'ordre et tenté d'ameuter les participants à une manifestation qui se voulait pacifique (arrêt 6B_1061/2021 du 9 mai 2022 consid. 7.4).  
Dans l'arrêt 6B_282/2022 du 13 janvier 2023, il était question d'un groupe de militants de 20 à 30 personnes qui avait occupé, le 22 novembre 2018, durant environ une heure, le hall d'entrée d'une succursale de la banque B.________, à Lausanne, dans le but de manifester contre les investissements opérés par cette banque dans les énergies fossiles et d'attirer l'attention de l'opinion publique sur ces questions (ces faits avaient également été l'objet de l'arrêt 6B_1295/2020 du 26 mai 2021, publié aux ATF 147 IV 297). La cour cantonale avait estimé, dans son jugement rendu le 6 décembre 2021, après renvoi du Tribunal fédéral, que les manifestants, finalement condamnés pour violation de domicile, devaient être mis au bénéfice de la circonstance atténuante du mobile honorable dès lors qu'ils avaient agi dans le but de préserver le monde et ses habitants des conséquences délétères liées au réchauffement climatique et qu'ils l'avaient fait sur un mode humoristique, sans la moindre violence (cf. arrêt 6B_282/2022 précité consid. 2.2). Cela étant, compte tenu des griefs développés dans le recours, le Tribunal fédéral n'avait pas eu à examiner plus avant le bien-fondé de ce raisonnement. 
 
1.3.5. Il n'est pas contestable que les enjeux liés aux effets néfastes des dérèglements climatiques et à la nécessité d'adopter rapidement des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, doivent être reconnus, de nos jours, comme une préoccupation des plus respectables dans notre société démocratique.  
Par la signature et la ratification de l'Accord de Paris, conclu le 12 décembre 2015 (Accord sur le climat; RS 0.814.012; ci-après: l'Accord), la Suisse s'est d'ailleurs engagée, aux côtés de nombreux autres États, à fournir des efforts ambitieux en vue de parvenir dans les meilleurs délais au plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre (cf. not. art. 3 et 4). Outre les objectifs tendant à contenir l'élévation de la température moyenne de la planète et à renforcer les capacités d'adaptation aux effets néfastes des changements climatiques par la promotion d'un développement à faible émission de gaz à effet de serre, l'Accord vise également à rendre les flux financiers compatibles avec un profil d'évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques (cf. art. 2 ch. 1, en particulier art. 2 ch. 1 let. c). 
A ce dernier égard, il est observé que, dans son Message relatif à la révision totale de la loi sur le CO2 pour la période postérieure à 2020, du 1er décembre 2017 (cf. FF 2018 229), le Conseil fédéral avait relevé que le comportement en matière d'investissements et de financement adopté en Suisse ne tenait alors pas encore suffisamment compte des objectifs fixés par l'Accord de Paris. On comprend que, dans ce contexte, il avait lui-même tenu pour pertinente, afin d'atteindre cet objectif, une sensibilisation accrue des clients des établissements financiers quant à l'exposition de ces établissements aux risques climatiques et à leur réduction (cf. FF 2018 229, spéc. p. 252 s.). 
 
1.3.6. Aussi, d'une manière générale, il convient de reconnaître un caractère idéaliste, altruiste et partant respectable sur le plan éthique aux actions politiques menées par les militants du climat, en tant qu'elles visent à sensibiliser la population sur les conséquences néfastes des dérèglements climatiques et sur la nécessité d'y faire face par l'adoption de mesures nouvelles, y compris sur le plan de la réglementation bancaire et financière.  
Il n'en demeure pas moins qu'au regard notamment de la radicalité des slogans utilisés et des messages énoncés, mais également du choix des établissements visés, les actions mises en oeuvre par les collectifs de militants pour le climat sont, bien souvent, également susceptibles de refléter, outre une préoccupation écologique légitime de leurs auteurs, une critique peu nuancée de la liberté économique ou encore du droit de propriété privée, dans une approche teintée d'anticapitalisme. Les appels à la désobéissance civile qui y sont parfois formulés tendent pour leur part à traduire une remise en cause de la légitimité démocratique du droit, pénal en particulier, ainsi que des autorités chargées de son application, que la cause climatique ne saurait à elle seule justifier. 
A ces derniers égards, les actions des militants pour le climat ne sauraient dès lors d'emblée être considérées comme s'inscrivant dans la promotion de valeurs éthiques reconnues par l'ensemble de la population, ou du moins par la majorité de celle-ci. Elles dénotent bien plutôt, sur ce plan, un activisme purement idéologique, qui, en tant que tel, doit être tenu pour neutre sur l'échelle des valeurs. 
Il apparaît dès lors exclu de reconnaître, en toute circonstance, aux militants pour le climat pénalement condamnés pour leurs actes, un mobile honorable au sens de l'art. 48 let. a ch. 1 CP
 
1.3.7. Cela étant relevé, en cohérence avec ce qui précède, un mobile honorable, conduisant à une atténuation libre de la peine (art. 48a CP), est susceptible d'entrer en considération à l'égard de militants pour le climat en tant qu'ils agissent dans une perspective de sensibilisation écologique, ou d'éveil des consciences face à l'insuffisance de l'action politique sur ce plan.  
Tel peut être le cas par exemple lorsque, sans commettre de violences ou de dégâts, les militants occupent durant une courte période des locaux commerciaux accessibles au public, voire des sites privés, pour y déployer des banderoles ou y délivrer un message par une action spécifiquement conçue. Tel peut aussi être le cas d'un bref sit-in opéré sur la voie publique, en tant qu'il n'entraîne pas de perturbations à la circulation routière ou au bon fonctionnement des services d'intérêt général et, plus généralement, à la sécurité publique. Selon les circonstances, le mobile honorable peut également être retenu lorsque l'acte provoque, d'une manière modeste et contrôlée ainsi que limitée dans le temps, des atteintes à la liberté d'action d'autrui.  
En revanche, un mobile honorable doit en tout état être dénié lorsque les actes des militants, par leur violence, conduisent à des déprédations ou à un risque d'atteinte à l'intégrité corporelle d'autrui. Dans un État de droit tel que la Suisse, qui offre de larges garanties en termes de droits politiques et de liberté d'expression notamment, des actes de telle nature ne sauraient en effet être rendus excusables par la volonté de promouvoir quelque idéal politique, aussi respectable soit-il. 
 
1.3.8. En l'espèce, il est constant que l'intimé, ainsi qu'au moins une autre membre du collectif C.________, non identifiée, avaient maculé de peinture rouge et de tracts la façade du bâtiment de la banque B.________, cela dans le but d'attirer l'attention du public, et de la banque, sur l'impact néfaste sur le plan climatique des investissements opérés dans le secteur des énergies fossiles. Les mains tracées au moyen de la peinture rouge étaient ainsi censées symboliser le sang des victimes du réchauffement climatique et l'apposition de ces marques sur le bâtiment occupé par la banque visait à en désigner les responsables.  
Il est tout aussi constant que ces actes, ayant valu à l'intimé d'être condamné pour dommages à la propriété (art. 144 CP), avaient amené la banque à engager des frais de remplacement liés à deux plaques en métal inoxydable endommagées ainsi que des frais de nettoyage de la façade et de conciergerie pour un total de 2'252 fr. 03, dont un montant de 409 fr. 28 (frais de nettoyage) devait être personnellement imputé à l'intimé et mis à sa charge, à titre de réparation du dommage matériel. 
Si les dégâts commis et leurs conséquences économiques ne sont certes pas d'une ampleur considérable, il n'en demeure pas moins que, comme l'a relevé la cour cantonale, les dommages personnellement imputés à l'intimé dépassent le seuil jurisprudentiel de 300 fr., pertinent sous l'angle de l'art. 172ter CP pour une qualification de dommage de moindre importance (cf. ATF 142 IV 129 consid. 3.1). Au demeurant, en tant que l'intimé avait soutenu avoir pris soin, pour sa part, de sélectionner une peinture qui n'était pas indélébile et qui pouvait être effacée facilement au moyen d'un nettoyeur à haute pression, il ne ressort pas pour autant de l'arrêt attaqué que l'intimé avait envisagé de procéder lui-même au nettoyage, ni qu'il avait proposé à la banque de le faire. 
Cela étant, comme relevé ci-avant, la commission de déprédations est propre à ôter tout caractère honorable au mobile poursuivi par l'intimé, de sorte que la peine ne saurait être atténuée en application de l'art. 48 let. a ch. 1 CP
Le grief du recourant est dès lors bien fondé. 
 
1.4. Le recourant reproche également à la cour cantonale d'avoir pris en considération, à titre de circonstances atténuantes, que l'intimé avait agi tant dans une détresse profonde (art. 48 let. a ch. 2 CP) que dans un état de profond désarroi (art. 48 let. c CP).  
 
1.4.1. Selon la jurisprudence, il y a détresse profonde au sens de l'art. 48 let. a ch. 2 CP lorsque l'auteur est poussé à transgresser la loi pénale par une situation proche de l'état de nécessité (art. 17 s. CP), c'est-à-dire que, sous la pression d'une détresse particulièrement grave, il croit ne pouvoir trouver d'autre issue que la commission de l'infraction (ATF 147 IV 249 consid. 2.1; ATF 110 IV 9 consid. 2; ATF 107 IV 94 consid. 4a). En outre, le bénéfice de cette circonstance atténuante ne peut être accordé que si l'auteur a respecté une certaine proportionnalité entre les motifs qui le poussent à agir et l'importance du bien qu'il lèse (ATF 147 IV 249 consid. 2.1; ATF 110 IV 9 consid. 2; ATF 107 IV 94 consid. 4c; arrêt 6B_1431/2020 du 8 juillet 2021 consid. 4.2).  
Quant à l'état de profond désarroi mentionné à l'art. 48 let. c CP, il vise un état d'émotion qui mûrit progressivement pendant une longue période, qui couve pendant longtemps jusqu'à ce que l'auteur soit complètement désespéré et ne voie d'autre issue que d'agir ainsi qu'il le fait (ATF 147 IV 249 consid. 2.3; ATF 119 IV 202 consid. 2a; ATF 118 IV 233 consid. 2a). Il doit être rendu excusable par les circonstances (ATF 119 IV 203 consid. 2a; ATF 118 IV 233 consid. 2a). Le plus souvent, il est rendu excusable par le comportement blâmable de la victime à l'égard de l'auteur, mais il peut aussi l'être par le comportement d'un tiers ou par des circonstances objectives (ATF 147 IV 249 consid. 2.3; ATF 119 V 202 consid. 2a; arrêt 6B_533/2019 du 3 juillet 2019 consid. 4.4.1). Il faut procéder à une appréciation objective de la cause de cet état et se demander si un tiers raisonnable, placé dans la même situation que l'auteur, se serait trouvé dans le même état (ATF 108 IV 99 consid. 3b; ATF 107 IV 103 consid. 2b/bb; arrêt 6B_1431/2020 du 8 juillet 2021 consid. 4.2; cf. arrêt 6B_600/2014 du 23 janvier 2015 consid. 3.1.2 non publié in ATF 141 IV 61). 
 
1.4.2. Même si les notions sont similaires en tant qu'elles se rapportent toutes deux à un sentiment d'impuissance de l'auteur, celles-ci ne visent toutefois pas précisément les mêmes situations (cf. en ce sens: PELLET, op. cit., n° 16 ad art. 48 CP; RAPHAËL MAHAIM, La fixation de la peine, in KUHN ET AL. [éd.], La nouvelle partie générale du CP, 2006, p. 240 s.; ANDREAS J. KELLER, in HANSJAKOB/SCHMITT/SOLLBERGER [éd.], Kommentierte Textausgabe zum revidierten Strafgesetzbuch, 2e éd., 2006, p. 44 s.).  
Ainsi, comme on l'a vu, la détresse profonde nécessite le respect d'une certaine proportionnalité entre les motifs qui poussent l'auteur à agir et l'importance des biens juridiques lésés. En d'autres termes, c'est ici avant tout la représentation subjective de l'auteur qui est privilégiée, celui-ci devant avoir choisi, devant la détresse ressentie, la solution la moins préjudiciable pour autrui. Cette exigence de proportionnalité amène du reste à considérer que la circonstance atténuante concerne principalement les infractions les moins graves. Avec PELLET (cf. loc. cit.), il peut être relevé, à titre d'exemple, qu'un vol de nourriture, commis à l'étalage d'un supermarché, est susceptible d'être réalisé dans un état de détresse profonde, lié à une absence totale de ressources financières, lors même qu'objectivement, il existe, du moins en Suisse, d'autres moyens pour sortir du dénuement; en revanche, le même état de détresse financière ne saurait certainement pas justifier la commission d'un brigandage. 
Pour sa part, l'état de profond désarroi, notion reprise dans les mêmes termes que ceux relatifs aux éléments constitutifs du meurtre passionnel (cf. art. 113 CP), décrit un état psychologique de désespoir qui est en lui-même excusable, en tant qu'il est susceptible d'être ressenti par chacun dans une situation donnée et qu'il est fondé sur des éléments éthiques objectifs. C'est ainsi bien l'état psychologique, et non l'acte en lui-même, qui doit être excusable, ce qui permet d'envisager la circonstance atténuante même pour des infractions objectivement très graves, tel par exemple le cas d'un meurtre, par son parent, d'un enfant lourdement handicapé (cf. PELLET, MAHAIM, KELLER, loc. cit.). 
 
1.4.3. En l'espèce, la cour cantonale a justifié l'application de la circonstance atténuante du profond désarroi (art. 48 let. c CP) par le fait que l'intimé était affecté par les causes et les conséquences largement décrites du changement climatique, partageant sincèrement la peur et le sentiment d'impuissance décrits par la professeure d'université entendue comme témoin aux premiers débats d'appel. Ce désarroi n'était pas imputable à une quelconque faute de sa part, mais bien à des circonstances externes objectives, qui pouvaient être déduites des déclarations du témoin précité tout comme des différents textes scientifiques en la matière (cf. arrêt attaqué, consid. 2.5.2 p. 10).  
S'il doit certes être déduit des déclarations de l'intimé qu'au regard du caractère alarmant des rapports publiés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) en particulier, il était effectivement angoissé face aux menaces des dérèglements climatiques, la cour cantonale ne relève pas pour autant en quoi il devait être retenu qu'il se trouvait au comble du désespoir, dans une mesure propre à justifier d'une quelconque manière la commission d'infractions. Aussi, l'arrêt attaqué ne décrit pas dans quelle mesure l'état psychologique de l'intimé se distinguerait de celui de toute personne, agissant dans la légalité, susceptible de ressentir de manière légitime des inquiétudes à la lecture des écrits scientifiques mettant en exergue les conséquences de l'inaction politique face aux causes des dérèglements climatiques. 
A tout le moins, on ne voit pas non plus que les menaces pesant sur les activités professionnelles de l'intimé dans le domaine du maraîchage, qui seraient mises en danger par les impacts du réchauffement climatique, suffisent à considérer qu'il se trouvait dans une situation personnelle désespérée. Bien plutôt, les faits ressortant de l'arrêt attaqué dénotent avant tout une volonté de l'intimé de défendre ses idéaux, de manière mûrement réfléchie, anticipée et contrôlée. 
Au vu de ce qui précède, il est exclu que l'intimé puisse être mis au bénéfice de la circonstance atténuante décrite à l'art. 48 let. c CP. 
 
1.4.4. Il doit également être dénié que l'intimé a agi dans une situation de détresse profonde au sens de l'art. 48 let. a ch. 2 CP.  
En effet, au-delà des angoisses ressenties par l'intimé face à l'inaction de la banque et, plus largement, des autorités, il n'apparaît pas que la commission de déprédations au préjudice d'une banque consacre un acte nécessaire au but de sensibilisation recherché, dès lors que, comme on l'a vu sous l'angle de la circonstance atténuante du mobile honorable (cf. consid. 1.3.7 supra), d'autres démarches, portant des atteintes moindres, étaient envisageables pour atteindre ce but.  
 
1.5. Dès lors, au regard des développements qui précèdent, la cour cantonale ne pouvait pas, sauf à violer les art. 48 et 48a CP, procéder à une atténuation libre de la peine à infliger à l'intimé.  
 
1.6. Pour le reste, le recourant ne remet pas en cause qu'à titre d'éléments d'appréciation au regard de l'art. 47 CP, il se justifiait de tenir compte en particulier de la situation financière précaire de l'intimé, de la gravité toute relative des faits ainsi que de l'impact de la longue procédure pénale sur sa personne. Il ne prétend pas non plus que la cour cantonale a omis de prendre en considération d'autres éléments qui devaient être tenus pour pertinents.  
 
2.  
Le recours doit donc être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision quant à la peine à infliger à l'intimé ainsi qu'à la répartition des frais et dépens de la procédure cantonale. 
L'intimé, qui succombe, supporte les frais judiciaires. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 30 mars 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
Le Greffier : Tinguely