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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4A_339/2009 
 
Arrêt du 17 novembre 2009 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss. 
Greffier: M. Ramelet. 
 
Parties 
Banque X.________ SA, recourante, 
représentée par Me Christian Luscher, 
 
contre 
 
Fondation Y.________, intimée, 
représentée par Me Pierre Schifferli. 
 
Objet 
Droit international privé, loi d'application immédiate du for, capacité d'ester en justice d'une fondation de droit étranger, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 28 mai 2009 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
Faits: 
 
A. 
A.a La Fondation Y.________, dont le siège est à Vaduz (Liechtenstein), est une fondation constituée le 4 mai 1987 selon le droit liechtensteinois, titulaire de la personnalité juridique au regard de ses statuts; son but est le placement et l'administration de la fortune de la fondation et la distribution aux bénéficiaires. Le conseil de fondation, composé par A.________, B.________ et C.________, assume la gérance et la représentation de celle-ci à l'égard des tiers et de toute autorité judiciaire et administrative. 
 
Selon le règlement de la Fondation Y.________, la première bénéficiaire en est D.________, puis, après son décès, en deuxième position et par parts égales, E.________, F.________ et G.________, puis les enfants nés ou à naître de E.________ ainsi que ceux de F.________, à parts égales. Lors de la constitution de ladite fondation, les bénéficiaires étaient domiciliés en Suisse. 
 
D'après l'art. 12 des statuts de la Fondation Y.________, « le conseil de fondation peut attribuer en tout temps soit la fortune soit le revenu de la fondation en totalité ou en partie, à son gré, à l'un ou l'autre des bénéficiaires ou à plusieurs » (al. 1); « la distribution à un ou aux bénéficiaires désignés, ainsi que la date et l'importance de la distribution, sont à déterminer par le conseil de fondation. Il n'a cependant aucune obligation de faire une distribution dans une période fixe; il peut plutôt accumuler les revenus comme il le juge approprié » (al. 2). 
 
Le 10 mars 1993, la Fondation Y.________ a ouvert un compte auprès de X.________ SA (ci-après: X.________ ou la banque), qui est un établissement bancaire de droit suisse dont le siège est à Genève. 
A.b De novembre 1989 à janvier 2005, E.________ a travaillé au service de la banque X.________ en qualité de membre de la direction. Elle s'est en particulier occupée de la gestion du compte ouvert par la Fondation Y.________ dans cette banque. 
 
En janvier 2005, X.________ a déposé plainte pénale à l'encontre de E.________ pour faux dans les titres et abus de confiance après avoir constaté qu'elle avait procédé à de nombreux prélèvements illicites sur les comptes de clients de la banque. 
Le 20 avril 2007, la Fondation Y.________, D.________, F.________ et G.________ ont adressé chacun à X.________ des commandements de payer la somme de 4'700'000 fr. en capital; la banque a fait opposition à ces poursuites. 
 
Le 4 février 2008, la fiduciaire G.________ & Associés, mandatée par la Fondation Y.________, a rédigé un rapport d'expertise ayant trait aux sorties de fonds advenues entre 1998 et 2005 sur les comptes de la fondation auprès de X.________; selon ce rapport, le dommage subi par la Fondation Y.________ se monte à 2'916'000 fr. 
 
Par arrêt du 4 mars 2008, la Cour correctionnelle sans jury du canton de Genève a condamné E.________ à trois ans de réclusion, dont huit mois fermes, pour avoir détourné entre 1998 et 2005 plus de 5 millions de francs. 
 
B. 
B.a Le 18 mars 2008, la Fondation Y.________ a ouvert action contre X.________ devant les autorités genevoises, concluant au paiement de 2'916'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 26 janvier 2005. La fondation a soutenu que les détournements opérés par E.________ au préjudice de la fondation avaient été rendus possibles et facilités par le défaut de surveillance et le manque d'organisation de la banque, laquelle avait ainsi engagé sa responsabilité tant contractuelle que délictuelle. 
 
Lors de l'audience d'introduction tenue le 8 mai 2008, X.________ a soulevé divers incidents, soutenant que l'assignation était nulle, que la fondation demanderesse n'avait pas la légitimation active, la qualité pour agir et la qualité d'être partie à la procédure. 
 
Dans ses conclusions sur incident du 29 août 2008, la banque a invoqué la nullité de la Fondation Y.________ et conclu à ce que le défaut de qualité d'être partie au procès de celle-ci soit constaté, la demande devant être déclarée irrecevable. Selon X.________, la demanderesse constituait un fidéicommis de famille prohibé en droit suisse par l'art. 335 al. 2 CC, norme devant s'appliquer impérativement au regard de l'art. 18 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291). 
Par jugement sur incident du 6 novembre 2008, le Tribunal de première instance de Genève a débouté X.________ de toutes ses conclusions. Il a retenu que la Fondation Y.________, en vertu des règles de conflit de la LDIP, est régie par le droit du Liechtenstein qui lui reconnaît la personnalité juridique, qu'aucune règle d'application immédiate du droit suisse ne paralyse cette règle de conflit, de sorte que la demanderesse a l'exercice des droits civils et peut agir en justice contre la banque. 
B.b Saisie d'un appel de X.________, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 28 mai 2009, a admis que la Fondation Y.________ a été valablement constituée et qu'elle a la capacité d'être partie au procès qu'elle a intenté à X.________. L'autorité cantonale a donc confirmé le jugement sur incident précité. 
 
Les motifs de cette décision seront exposés ci-dessous dans la mesure utile. 
 
C. 
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal. Elle conclut à ce que cet arrêt soit annulé et, cela fait, à ce que la Fondation Y.________ soit déclarée nulle au regard du droit suisse et que soit ainsi constaté le défaut de capacité d'être partie à la procédure de ladite fondation, la demande de cette dernière étant déclarée irrecevable. 
 
La recourante sollicite encore l'octroi de l'effet suspensif. 
 
L'intimée propose le rejet du recours et la confirmation de l'arrêt attaqué. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 L'arrêt déféré, qui a confirmé que l'intimée avait la capacité d'être partie au procès ouvert contre la recourante le 18 mars 2008 à Genève, est une décision incidente, puisqu'elle ne met pas fin à la procédure (art. 90 LTF a contrario). 
A l'évidence, il ne s'agit pas d'une décision incidente qui porte sur la compétence ou sur une demande de récusation, susceptible de recours immédiat au Tribunal fédéral (cf. art. 92 LTF). 
 
A teneur de l'art. 93 al. 1 let. b LTF, les autres décisions incidentes notifiées séparément - à l'instar de l'arrêt critiqué - peuvent faire l'objet d'un recours à deux conditions: si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale et si cette décision permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. 
 
Les deux conditions posées par la norme susrappelée sont reprises de l'art. 50 al. 1 OJ (cf. ATF 134 II 142 consid. 1.2.3). Il s'agit maintenant de vérifier si ces conditions, qui sont cumulatives (ATF 132 III 785 consid. 4.1 p. 791), sont réalisées, comme le soutient la recourante. Le Tribunal fédéral procède librement à cet examen (ATF 134 II 142 consid. 1.2.3). 
1.1.1 Il sied tout d'abord de contrôler si le Tribunal fédéral peut mettre fin une fois pour toutes à la procédure en statuant dans le sens inverse de la cour cantonale (ATF 133 III 629 consid. 2.4.1). Cette condition n'est pas satisfaite si le Tribunal fédéral, en jugeant différemment la question tranchée dans la décision incidente déférée, devrait renvoyer la cause à l'autorité précédente pour compléter l'état de fait (ATF 127 III 433 consid. 1c/aa p. 436; pour le nouveau droit: BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, Berne 2009, n° 21 ad art. 93 LTF). 
 
Il n'est pas contestable que l'intimée, en raison notamment du cercle de ses bénéficiaires unis par des liens de parenté, constitue une fondation de famille (cf. ATF 133 III 167 consid. 4 p. 171). 
 
Le but de l'intimée est reproduit de manière complète dans l'arrêt attaqué au considérant B/a in fine de la partie « En fait ». D'après l'art. 12 des statuts de la demanderesse, le conseil de fondation peut attribuer en tout temps soit la fortune soit le revenu de la fondation, en tout ou partie et à son gré, à un ou plusieurs bénéficiaires; il n'a aucune obligation de procéder à une distribution « dans une période fixe ». 
 
A considérer lesdits statuts, il n'appert pas que les biens composant les avoirs de la fondation ne peuvent être versés que dans les buts limitatifs prévus par l'art. 335 al. 1 CC, à savoir pour subvenir aux frais d'éducation, d'établissement et d'assistance et autres frais analogues des membres de la famille. Le but de la fondation, qui relève des constatations de fait, permet au contraire d'affirmer qu'il s'agit d'une fondation de famille destinée à assurer à ses bénéficiaires un meilleur train de vie. Cela caractérise les fondations dites d'entretien, prohibées en droit suisse (cf. art. 335 al. 2 CC), dont il sera question ci-dessous. 
 
Il s'ensuit que si le Tribunal fédéral devait admettre, contrairement à la Cour de justice, que l'art. 335 al. 2 CC est une loi d'application immédiate au sens de l'art. 18 LDIP, il pourrait juger, sans probatoires à effectuer, que la fondation intimée, illicite en droit suisse (même si elle est licite en droit du Liechtenstein), n'a pas la capacité d'ester en justice, ce qui mettrait immédiatement un terme au procès ouvert le 18 mars 2008. 
 
La première condition de l'art. 93 al. 1 let. b LTF est réalisée. 
1.1.2 En ce qui concerne la seconde condition, il faut observer que la procédure probatoire portera sur le montant du dommage subi par la fondation demanderesse du fait des agissements illicites commis par une directrice de la banque défenderesse dans le cadre de ses fonctions. Elle nécessitera une expertise judiciaire complexe portant sur des années, du moment que l'intimée a ouvert un compte auprès de la recourante en mars 1993, que les malversations de la directrice ont duré sept ans pour ne se terminer qu'en janvier 2005 et que celles-ci ont porté sur plusieurs millions et touché de nombreux comptes de divers clients de la défenderesse. La seconde condition de l'art. 93 al. 1 let. b LTF est donc satisfaite. 
 
La possibilité de former un recours immédiat contre la décision incidente attaquée doit être admise. 
 
1.2 Interjeté au surplus par la partie défenderesse qui a entièrement succombé dans ses conclusions en invalidation de l'instance et qui a ainsi la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre un arrêt rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse, calculée d'après l'art. 51 al. 1 let. c LTF, dépasse très largement le seuil de 30'000 fr. de l'art. 74 al. 1 let. b LTF, le recours est par principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. 
 
1.3 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 134 III 379 consid. 1.2 p. 382). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est pas limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut ainsi admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité). Il s'en tient cependant d'ordinaire aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 105). Il n'examine la violation de droits constitutionnels que s'il est saisi d'un grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 in fine). 
 
1.4 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les constatations factuelles de l'autorité cantonale ont été établies de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 135 III 397 consid. 1.5 p. 401) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée. Le recourant ne peut de toute manière demander une correction de l'état de fait que si celle-ci est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). 
 
Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF). 
 
2. 
Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale, revêtue d'un plein pouvoir d'examen, a examiné d'office la question de la capacité d'ester en justice de la fondation intimée, pendant procédural de l'exercice des droits civils de la personne morale. Elle a jugé que ladite fondation est régie par le droit du Liechtenstein, car elle a été valablement organisée au regard des exigences de ce droit. Le droit liechtensteinois ainsi désigné est notamment applicable à l'exercice des droits civils de la société, et ainsi à sa capacité de mener elle-même un procès. Or le droit du Liechtenstein déclare valide, sans restriction particulière, les fondations de famille et leur octroie la personnalité juridique. 
 
Puis la Cour de justice a vérifié si des normes impératives du droit suisse, d'application immédiate au sens de l'art. 18 LDIP, pouvaient néanmoins entraîner la déclaration de nullité de la fondation intimée et donc son défaut de qualité d'être partie à une procédure judiciaire. Elle a examiné la question sous l'angle de l'art. 335 al. 2 CC, qui prohibe la constitution des fidéicommis de famille. Constatant qu'il n'y a pas de jurisprudence fédérale sur ce point et qu'il existe une large controverse doctrinale à ce propos, la cour cantonale a retenu que l'art. 335 al. 2 CC n'est pas une norme d'application immédiate, cela même si les bénéficiaires de la fondation étaient domiciliés en Suisse au moment où celle-ci a été créée. Comme la demanderesse a été valablement constituée d'après les réquisits du droit liechtensteinois, les magistrats genevois en ont déduit que cette dernière avait la capacité d'être partie à la procédure litigieuse. 
 
3. 
La recourante soutient tout d'abord que les faits ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF. Elle prétend que l'autorité cantonale devait prendre en considération les mouvements de fonds en provenance et à destination du compte de l'intimée et ainsi retenir que de nombreux débits étaient destinés à l'entretien courant des bénéficiaires de la fondation, leur permettant singulièrement de payer leurs impôts, assurances, dépenses par cartes de crédit ou frais de carburant. Si la Cour de justice avait retenu ces faits pertinents, elle serait arrivée à la conclusion que la demanderesse, dont le patrimoine est utilisé dans le seul but de faire mener un meilleur train de vie aux bénéficiaires, constitue un fidéicommis de famille prohibé par le droit suisse, dont la nullité doit être déclarée. 
 
La recourante reproche ensuite aux magistrats genevois d'avoir violé le droit fédéral en n'appliquant pas l'art. 335 al. 2 CC, au motif que cette norme ne pouvait pas être qualifiée de loi d'application immédiate au sens de l'art. 18 LDIP. Elle fait valoir que plusieurs auteurs sont d'avis que l'art. 335 al. 2 CC doit être taxé de loi de police. Elle relève que le Conseil fédéral n'a entrepris aucune démarche pour modifier ou abroger cette disposition. Elle se réfère enfin au débat juridique apparu depuis l'adoption par la Suisse de la Convention de La Haye relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance (RS 0.221.371), qui aurait démontré que cette norme revêt la qualité de loi d'application immédiate du moment qu'elle pose problème quand cette convention est mise en oeuvre. 
 
4. 
4.1 
4.1.1 Le procès au fond ouvert par la demande du 18 mars 2008 présente un caractère international puisqu'il oppose une fondation de droit privé ayant son siège à Vaduz, capitale du Liechtenstein, à une banque sise à Genève, défenderesse, dont sont mises en cause la responsabilité délictuelle du fait des agissements illicites d'un membre de sa direction et la responsabilité contractuelle du fait de la violation alléguée de contrats de dépôt et de mandat qui liaient la banque à la fondation. 
 
La banque recourante a contesté la qualité pour ester en justice de la fondation intimée. C'est uniquement cette question, tranchée par la Cour de justice dans l'arrêt déféré, qui est soumise au Tribunal fédéral. Ce n'est donc pas le droit qui régit la responsabilité de la banque pour les actes illicites commis par un de ses organes ou auxiliaires qui doit être déterminé, pas plus que le droit qui gouverne les relations contractuelles internationales nouées entre les plaideurs. Il s'agit bien plutôt de dire quel est le droit qui est applicable au statut personnel de la fondation demanderesse en droit international privé. Dès l'instant où aucun traité international n'entre en ligne de compte à ce propos, cet examen se fera au regard des règles de conflit de la LDIP (cf. art. 1 al. 2 LDIP; ATF 133 III 323 consid. 2.1), en particulier à la lumière des art. 150 ss LDIP. En effet, l'art. 150 al. 1 LDIP englobe dans la notion de société, outre la « société de personne organisée », « tout patrimoine organisé », dont font partie notamment les fondations (ANDREAS VON PLANTA/STEFAN EBERHARD, in Commentaire bâlois, Internationales Privatrecht, 2e éd., 2007, n° 10 ad art. 150 LDIP; BERNARD DUTOIT, Droit international privé suisse, 4e éd, Bâle 2005, n° 5 ad art. 150 LDIP). 
4.1.2 Comme l'a précisé la jurisprudence dans un arrêt de principe (ATF 117 II 494 consid. 4b), la LDIP a consacré la théorie de l'incorporation. A teneur de l'art. 154 al. 1 LDIP, les sociétés sont régies par le droit en vertu duquel elles sont organisées si elles répondent aux conditions de publicité ou d'enregistrement prescrites par ce droit ou, dans le cas où ces prescriptions n'existent pas, si elles se sont organisées selon le droit de cet Etat. A supposer que la société ne remplisse pas les conditions précitées, elle sera régie par le droit de l'Etat dans lequel elle est administrée en fait (art. 154 al. 2 LDIP). Le droit désigné de la sorte est applicable à de larges domaines juridiques [cf. la liste exemplative de l'art. 155 let. a-i LDIP; ATF 128 III 346 consid. 3.1.3], sous réserve des art. 156 à 161 LDIP. 
4.1.3 En l'espèce, il n'a jamais été contesté que la fondation intimée a été valablement constituée, le 4 mai 1987, selon les art. 552 ss de la loi liechtensteinoise du 20 janvier 1926 sur les personnes et les sociétés (Personen- und Gesellschaftsrecht; ci-après: PGR). 
 
En application de la norme de conflit ancrée à l'art. 154 al. 1 LDIP, dont il a été question ci-dessus, ladite fondation est en conséquence gouvernée par le droit du Liechtenstein d'après lequel elle s'est dûment organisée. 
 
A teneur de l'art. 155 LDIP, hormis les rattachements spéciaux des art. 156 à 161 LDIP (qui ne jouent aucun rôle dans le cas présent), le droit applicable à l'intimée régit notamment la nature juridique de la société (let. a) - ainsi le point de savoir si elle possède la personnalité juridique (FRANK VISCHER, in Zürcher Kommentar zum IPRG, 2e éd., Zurich 2004, n° 2 ad art. 155 LDIP; ANDREAS BUCHER/ANDREA BONOMI, Droit international privé, 2e éd., Bâle 2004, ch. 1177 p. 317) - et l'exercice des droits civils par la société (let. c). 
 
L'art. 106, 1, al. 1 PGR dispose ce qui suit: 
 
« Die körperschaftlich organisierten Personenverbindungen (Körperschaften oder Korporationen) und die einem besonderen Zwecke gewidmeten und selbständigen Anstalten einschliesslich Stiftungen erlangen das Recht der Persönlichkeit durch die Eintragung in das Öffentlichkeitsregister (Inkorporierung), und zwar mangels abweichender Gesetzesvorschrift selbst dann, wenn die Voraussetzungen der Eintragung tatsächlich nicht vorhanden waren, vorbehältlich des Vernichtbarkeitsverfahrens ». 
 
Pour sa part, l'art. 552 § 1, 1, al. 1 PGR a le contenu suivant: 
 
« Eine Stiftung im Sinne dieses Abschnittes ist ein rechtlich und wirtschaftlich verselbständigtes Zweckvermögen, welches als Verbandsperson (juristische Person) durch die einseitige Willenserklärung des Stifters errichtet wird. Der Stifter widmet das bestimmt bezeichnete Stiftungsvermögen und legt den unmittelbar nach aussen gerichteten, bestimmt bezeichneten Stiftungszweck sowie Begünstigte fest ». 
 
D'après le libellé de ces deux normes de droit étranger, qui ne peuvent être interprétées que sous l'angle restreint de l'arbitraire (cf. art. 96 let. b LTF a contrario), il n'est en tout cas pas indéfendable de reconnaître que le droit du Liechtenstein octroie aux fondations (Stiftungen) la personnalité juridique. 
 
Quant à l'art. 109, III, al. 1 in initio PGR, il prescrit ce qui suit: 
 
« Die Verbandspersonen (ou juristischen Personen, cf. titre de la « 2. Abteilung » PGR) sind von Gesetzes wegen gleich natürlichen Personen aller Rechte .... ... fähig, soweit diese Rechte oder Pflichten nicht die natürlichen Zustände oder Eigenschaften des Menschen, wie das Geschlecht, das Alter oder die Verwandtschaft zur notwendigen Voraussetzung haben ». 
 
Il n'est assurément pas injustifié d'admettre que ce texte légal accorde les mêmes droits aux personnes juridiques que ceux appartenant aux personnes physiques, à l'exception de ceux qui sont inhérents à la personne humaine; on peut en inférer que les fondations ont l'exercice des droits civils en droit liechtensteinois. 
 
4.2 Il résulte du rattachement principal au droit de l'incorporation adopté par l'art. 154 al. 1 LDIP que la fondation intimée, constituée conformément au droit du Liechtenstein et munie par ce droit de tous les attributs de la personnalité juridique, a en principe automatiquement l'exercice des droits civils en Suisse, et, partant, la capacité d'ester en justice (cf. VON PLANTA/EBERHARD, op. cit., n° 4 ad art. 154 LDIP; DUTOIT, op. cit, n° 5bis ad art. 154 LDIP). 
 
Toutefois, les rattachements opérés en vertu de la LDIP sont soumis aux restrictions instituées par la partie générale de la loi (art. 15 et 17 à 19 LDIP). 
 
Ainsi, la clause d'exception de l'art. 15 al. 1 LDIP, qui n'est pas applicable en cas d'élection de droit (art. 15 al. 2 LDIP), écarte le droit étranger désigné par la LDIP si, au regard de l'ensemble des circonstances, il est manifeste que la cause n'a qu'un lien très lâche avec ce droit et qu'elle se trouve dans une relation beaucoup plus étroite avec un autre droit (cf. ATF 121 III 246 consid. 3c). 
Le renvoi au droit étranger ne doit pas non plus être contraire à l'art. 17 LDIP, qui se rapporte à la réserve dite négative de l'ordre public suisse; cette disposition permet au juge de ne pas faire appel au droit (matériel) étranger, si cela a pour résultat de heurter de façon insupportable les moeurs et le sentiment du droit suisse (cf. ATF 128 III 201 consid. 1b; 125 III 443 consid. 3d p. 447). 
 
Le droit étranger indiqué par la règle de conflit du for peut être également mis à l'écart lorsque des lois suisses impératives dites d'application immédiate doivent être prises en compte (art. 18 LDIP; aspect dit positif de l'ordre public suisse). Les lois d'application immédiate telles que l'entend cette norme sont, en règle générale, des dispositions impératives qui répondent le plus souvent à des intérêts essentiels d'ordre social, politique ou économique (cf. ATF 128 III 201 consid. 1b et les références). Du moment que, dans un Etat de droit comme l'est la Confédération suisse (cf. art. 5 Cst.), il est rarissime qu'une norme ne puisse trouver un fondement, même indirect, qui ne soit pas en phase avec la défense d'intérêts sociaux, politiques ou économiques, les lois d'application immédiate doivent correspondre aux seules valeurs fondamentales de l'ordre juridiques (cf. FRANÇOIS KNOEPFLER ET AL., Droit international privé suisse, 3e éd., Berne 2005, ch. 376c, p. 189/190). Il est de jurisprudence que la réserve de l'ordre public, dans ses conceptions tant positive que négative, doit être admise avec une retenue particulière lorsque la cause à juger ne présente pratiquement pas de lien avec la Suisse (exigence dite de la « Binnenbeziehung »; ATF 128 III 201 consid. 1b p. 205 et les références doctrinales). 
 
4.3 Il sied conséquemment, à ce stade du raisonnement, d'analyser si l'interdiction de la constitution de fidéicommis de famille posée par l'art. 335 al. 2 CC appartient aux dispositions impératives du droit suisse au sens de l'art. 18 LDIP, comme le prétend la recourante. Dans l'affirmative, la règle de conflit de l'art. 154 al. 1 LDIP serait alors mise en échec. 
4.3.1 D'après l'art. 335 al. 2 CC, la constitution de fidéicommis de famille est prohibée. 
 
Par fidéicommis de famille dans le sens de cette disposition, il faut entendre un patrimoine spécial (Sondervermögen), lié à une certaine famille de manière inaliénable par une disposition de droit privé, dont les membres de cette famille peuvent jouir en fonction d'un ordre de succession déterminé. Ce lien patrimonial doit augmenter la conscience de l'unité et la considération de la famille, tout en garantissant le niveau de vie des membres de celle-ci. Le fidéicommis de famille n'est pas une personne juridique à l'inverse de la fondation de famille; il s'agit bien plutôt d'un patrimoine séparé qui est en mains des personnes qui en sont bénéficiaires; il ne peut pas être mis en gage ni en principe être aliéné (arrêt 5C.9/2001 du 18 mai 2001 consid. 3a, non publié in ATF 127 III 337, mais in SJ 2002 I p. 199; HAROLD GRÜNINGER, Commentaire bâlois, Zivilgesetzbuch I, 3e éd., 2006, n° 14a ad art. 335 CC). 
 
Contreviennent à l'interdiction des fidéicommis de famille les fondations de famille dites d'entretien ou de jouissance qui accordent à leurs destinataires des avantages provenant des biens de la fondation simplement pour leur permettre de mener un plus grand train de vie ou de vivre plus agréablement, sans que soient posées des conditions spéciales liées à une situation de vie déterminée (arrêt 5C.68/2006 du 30 novembre 2006 consid. 5.1, non publié in ATF 133 III 167, mais in Pra 2007 no 103 p. 677 et in FamPra.ch 2007 p. 359; ATF 108 II 393 consid. 6a, 398 consid. 4). 
 
Sont en revanche licites les fondations de famille qui sont constituées selon les buts exhaustivement énumérés à l'art. 335 al. 1 CC. Ces buts consistent à fournir aux membres de la famille faisant partie du cercle des destinataires, à certains moments de leur vie (pendant leur jeunesse, lorsqu'ils se créent une existence indépendante, quand ils sont dans une situation difficile), l'aide matérielle nécessaire pour faire face aux besoins particuliers nécessités par ces situations (ATF 108 II 393 consid. 6a; GRÜNINGER, op. cit., n° 10 ss ad art. 335 CC; PETER TUOR ET AL., Das Schweizerische Zivilgesetzbuch, 13e éd., Zurich-Bâle-Genève 2009, § 48, ch. 2, p. 538/539). 
 
A considérer le libellé de l'art. 335 CC, qui pose des règles de droit strictes en délimitant ce qui est autorisé, tout d'abord positivement à son al. 1 et puis négativement à son al. 2, il est incontestable que cette norme est de droit impératif (cf. ATF 108 II 398 consid 4 in fine p. 403/404; JUSTIN THORENS, L'article 335 CCS et le trust de common law, Mélanges en l'honneur de Henri-Robert Schüpbach, 2000, p. 161; GRÜNINGER, op. cit., n° 6 ad art. 335 CC; LUC THÉVENOZ, Créer et gérer des trusts en Suisse après l'adoption de la Convention de La Haye, in Journée 2006 de droit bancaire et financier, p. 68). 
4.3.2 A ce jour, le Tribunal fédéral ne s'est pas prononcé sur le point de savoir si l'art. 335 al. 2 CC peut être considéré comme une loi d'application immédiate d'après l'art. 18 LDIP
Dans un arrêt du 22 août 1985, publié in SJZ 82/1986 p. 245, l'Obergericht de Zurich devait juger si une « Anstalt » de droit liechtensteinois, qui avait placé l'essentiel de sa fortune en Suisse et était administrée partiellement par des Suisses qui y étaient domiciliés, avait la capacité pour actionner en Suisse un de ses anciens administrateurs. Examinant si l'interdiction des fidéicommis de famille de l'art. 335 al. 2 CC était une norme faisant partie de l'ordre public suisse, il a tranché négativement ce point. Il a considéré que l'art. 335 al. 2 CC devait être mis en relation avec l'art. 488 al. 2 CC, qui prohibe, en droit successoral, la substitution fidéicommissaire successive. Admettant que cette dernière disposition - à l'instar des dispositions sur la réserve héréditaire des art. 470 ss CC - n'avait aucun caractère d'ordre public en Suisse, il devait en aller a fortiori de même de l'art. 335 al. 2 CC
 
Si la jurisprudence sur la question est très pauvre, la doctrine est au contraire abondante. Elle se divise en deux courants, d'une importance inégale. 
 
Un premier courant, minoritaire, est d'avis que l'interdiction des fidéicommis de famille a un caractère d'ordre public en Suisse, car elle a été édictée pour préserver les bénéficiaires de la fondation de l'oisiveté. Cette prohibition doit par conséquent être assimilée à une loi d'application immédiate lorsque la fondation a un rapport particulier avec la Suisse, par exemple si, au moment de sa création, ses bénéficiaires avaient leur domicile en Suisse ou si la fortune de la fondation se trouve dans cet Etat (VON PLANTA/EBERHARD, op. cit., n° 18 ad art. 154 LDIP; VISCHER, op. cit., n° 34 ad art. 154 LDIP; ANTON K. SCHNYDER, Trust, Pflichtteilsrecht, Familienfideikommiss, in Festschrift für Hans Michael Riemer, Berne 2007, p. 347 ss, spéc. p. 348; THOMAS M. MAYER, Die organisierte Vermögenseinheit gemäss Art. 150 des Bundesgesetzes über das Internationale Privatrecht : unter besonderer Berücksichtigung des Trust, 1994, p. 37 ss, spéc. p. 47/48; ANDREAS BUCHER, Droit international privé suisse, tome II: Personnes, Famille, Successions, Bâle 1992, ch. 987, p. 317). 
 
Un second courant, très largement majoritaire, affirme que l'interdiction de fidéicommis de famille instituée par l'art. 335 al. 2 CC, faute d'être l'expression d'un principe fondamental de l'ordre juridique suisse, ne saurait être assimilée à une loi d'application immédiate comme l'entend l'art. 18 LDIP (DUTOIT, op. cit, n° 9 ad art. 154 LDIP; GRÜNINGER, op. cit., n° 16/17 ad art. 335 CC; NEDIM PETER VOGT, in Basler Kommentar, Internationales Privatrecht, 2e éd, n° 96 ad Vorbemerkungen zu Art. 149a-e LDIP; PETER MAX GUTZWILLER, Schweizerisches Internationales Trustrecht, Bâle 2007, Allgemeine Einleitung, n° 47-48, p. 11/12; THORENS, op. cit., p. 164-166; THÉVENOZ, op. cit., p. 68-70; SIMON OTHENIN-GIRARD, La réserve d'ordre public en droit international privé suisse, Zurich 1999, ch. 951, p. 593; DOMINIQUE JAKOB, Entwicklungen im Vereins- und Stiftungsrecht, SJZ 104/2008, p. 539; FLORENCE GUILLAUME, Trust, réserves héréditaires et immeubles, AJP 1/2009, p. 36; JULIEN PERRIN, Le trust à l'épreuve du droit successoral en Suisse, en France et au Luxembourg, Genève 2006, p. 225/226; DENIS PIOTET, Les inefficacités des dispositions à cause de mort en droit suisse, in Quelques actions en annulation, Neuchâtel 2007, ch. 27/28, p. 62-63; YVES BONNARD/SOPHIE CIOLA-DUTOIT, Trusts internes suisses: objectifs recherchés et obstacles juridiques, AJP 12/2007, p. 1511/1512; DAVID WALLACE WILSON, Planification immobilière autour du trust, in La planification du patrimoine, Journée de droit civil 2008 en l'honneur du Professeur Bucher, Genève 2009, p. 130/131). 
4.3.3 L'opinion des auteurs majoritaires emporte la conviction pour les raisons qui suivent. 
 
Sur le plan historique, il appert que l'introduction dans le Code civil de l'interdiction de la constitution de fidéicommis de famille est le résultat d'un compromis. Dans ses avant-projets du Code civil de 1896 et 1900, Eugen Huber avait placé le fidéicommis de famille sur le même pied que la fondation de famille et laissé aux cantons le pouvoir de limiter ou d'interdire ces deux institutions juridiques. Toutefois, la Commission d'experts a voté contre le maintien du fidéicommis proposé par Eugen Huber. Un arrangement fut alors trouvé, en ce sens qu'il était interdit de constituer de nouveaux fidéicommis, mais que ceux qui existaient déjà dans les cantons, tous alémaniques, pouvaient subsister. Cette proposition fut reprise dans l'avant-projet publié par le Département fédéral de justice et police et finalement adoptée telle quelle dans le Code civil du 10 décembre 1907 (cf. à propos de l'arrière-plan historique de l'art. 335 al. 2 CC, RENÉ PAHUD DE MORTANGES, Gegenwartslösungen für ein historisches Rechtsinstitut: Das Familienfideikommiss, in Familie und Recht, Festgabe für Bernhard Schnyder, Fribourg 1995, p. 500 et 503-505). 
On doit tirer de cette mise en perspective que si le législateur a autorisé la persistance des fidéicommis de famille qui existaient avant l'entrée en vigueur du Code civil, c'est bien parce qu'il estimait que cette institution ne heurtait pas de façon insupportable les moeurs et le sentiment du droit prévalant en Suisse. 
En outre, les considérations sur la base desquelles a été introduit l'art. 335 al. 2 CC, qui sont d'une part morales, voire puritaines (il s'agissait de combattre l'oisiveté) et, d'autre part économiques (il s'agissait d'empêcher la prolifération de biens de mainmorte), sont aujourd'hui dépassées (cf. Message du 2 décembre 2005 concernant l'approbation et l'exécution de la Convention de La Haye relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, FF 2006 561 ss ch. 1.4.1.7 in fine). En effet, à l'époque actuelle, c'est bien plutôt la lutte contre le chômage que celle contre le désoeuvrement qui représente une tâche étatique prioritaire en Suisse; autrement dit, le combat contre l'oisiveté n'a plus rien à voir avec la sauvegarde d'intérêts supérieurs. Quant aux biens de mainmorte, ils se rapportent à l'ancien régime et sont totalement étrangers au système économique de la Suisse moderne. 
 
On ne voit donc pas que l'existence d'un quelconque rapport particulier avec la Suisse puisse justifier la non-reconnaissance en Suisse de fondations de famille dites d'entretien valablement organisées selon le droit étranger. 
 
Dans ces conditions, il y a lieu d'admettre que l'art. 335 al. 2 CC n'est pas une norme d'application immédiate. 
 
C'est donc sans violer le droit fédéral que la cour cantonale a jugé que l'intimée avait la capacité procédurale d'ouvrir action contre la recourante devant les autorités genevoises, par demande du 18 mars 2008. 
 
4.4 Ce résultat dispense le Tribunal fédéral d'examiner le second moyen de la recourante, fondé sur une appréciation arbitraire des preuves administrées quant aux mouvements de fonds survenus sur le compte de l'intimée ouvert auprès de la banque. 
 
5. 
En définitive, le recours doit être rejeté. 
 
Les frais judiciaires et les dépens seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). 
La décision sur le fond rend sans objet la requête d'effet suspensif. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 9'000 fr. à titre de dépens. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 17 novembre 2009 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
La Présidente: Le Greffier: 
 
Klett Ramelet