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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_561/2019  
 
 
Arrêt du 12 février 2020  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Fonjallaz et Jametti. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Frédéric Hainard, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Présidente de la Cour pénale, rue du Pommier 1, 2000 Neuchâtel. 
 
Objet 
procédure pénale; assistance judiciaire gratuite pour la partie plaignante, 
 
recours contre l'ordonnance du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Présidente de la Cour pénale, du 16 octobre 2019 (CPEN.2019.61/ca). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par jugement du 25 juin 2019, le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz a reconnu B.________ coupable d'abus d'autorité au sens de l'art. 312 CP et a renvoyé le plaignant A.________ à agir au plan civil concernant ses conclusions civiles. En substance, le Tribunal de police a reproché à B.________ d'avoir outrepassé les prérogatives de sa charge de conseiller communal, en conditionnant l'octroi des permis de construire requis par le plaignant au paiement de ses arriérés fiscaux. 
Le 12 juillet 2019, B.________ a formé appel contre ce jugement. 
 
B.   
Par ordonnance du 16 octobre 2019, la Présidente de la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a rejeté la demande d'assistance judiciaire présentée par A.________ pour la procédure de seconde instance. 
 
C.   
Par acte du 21 novembre 2019, A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant en substance à l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de seconde instance et, à titre subsidiaire, au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Il requiert aussi l'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
Invité à se déterminer, le Tribunal cantonal renonce à déposer des observations et se réfère à l'ordonnance attaquée. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière pénale est ouvert contre une décision incidente par laquelle l'assistance judiciaire est refusée à une partie à la procédure pénale (art. 78 al. 1 LTF). Un tel refus est susceptible de causer un préjudice irréparable à son destinataire, au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, de sorte qu'il peut faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral (ATF 140 IV 202 consid. 2.2 p. 205; 133 IV 335 consid. 4 p. 338; arrêt 1B_357/2017 du 15 novembre 2017 consid. 1). 
Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 ch. 5 ou 6 LTF, la partie plaignante est habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5). Il en va notamment ainsi du droit à l'assistance judiciaire (arrêts 1B_357/2017 précité consid. 1; 1B_245/2017 du 23 août 2017 consid. 1 et les arrêts cités). 
Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 LTF). En outre, les conclusions qui y sont prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Le recourant se plaint d'une violation de son droit à l'assistance judiciaire (art. 29 al. 3 Cst.). Il soutient que l'intervention d'un avocat dans la procédure de seconde instance serait nécessaire pour sauvegarder ses prétentions civiles. Il précise avoir formulé des conclusions civiles représentant non seulement le dommage subi en raison du blocage de ses dossiers et les frais non couverts générés par la demande de permis de construire, mais également une somme à titre de réparation morale; selon lui, le tort subi était particulièrement grave puisque le conseiller municipal l'avait sérieusement entravé dans sa liberté d'action en l'obligeant - alors que sa situation financière était gravement obérée - à s'acquitter de ses arriérés fiscaux pour obtenir le permis de construire sollicité. 
 
2.1. A teneur de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.  
Selon l'art. 136 al. 1 CPP - qui concrétise la disposition constitutionnelle -, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante indigente pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles si l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec. L'assistance judiciaire comprend l'exonération d'avances de frais et de sûretés (art. 136 al. 2 let. a CPP), l'exonération des frais de procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP) et/ou la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante l'exige (art. 136 al. 2 let. c CPP). 
Au regard de la teneur de cette disposition, le législateur fédéral a ainsi sciemment limité l'octroi de l'assistance judiciaire aux cas où le plaignant peut faire valoir des prétentions civiles (cf. Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 p. 1160; arrêt 6B_122/2013 du 11 juillet 2013 consid. 4.1). 
 
2.2. Le recourant affirme que l'intervention d'un avocat dans la procédure de seconde instance serait nécessaire pour sauvegarder ses droits découlant de ses prétentions civiles qu'il fera valoir dans un procès civil.  
Ce faisant, le recourant méconnaît que la procédure pénale porte uniquement sur l'existence d'un acte d'abus d'autorité au sens de l'art. 312 CP - contesté en l'espèce par le conseiller municipal condamné en première instance - et qu'il ne peut donc pas faire valoir de prétentions civiles directement contre cet agent de l'Etat. En effet, sous réserve des cas où le droit fédéral prévoit une responsabilité primaire de l'agent, la loi cantonale du 26 juin 1989 sur la responsabilité des collectivités publiques et de leurs agents (LResp; RS/NE 150.10) institue une responsabilité exclusive des collectivités publiques pour les dommages causés de manière illicite à un tiers par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions; le lésé n'a pas d'action contre l'agent (cf. art. 1 et 9 LResp; cf. arrêt 6B_615/2015 du 29 octobre 2015 consid. 2.1 non publié aux ATF 141 IV 444 mais in Pra 2016/9 p. 698; ALAIN BAUER, La responsabilité des collectivités publiques et de leurs agents, RJN 2005 p. 14 ss). Faute de pouvoir invoquer dans la procédure pénale des conclusions civiles en raison de l'intervention du conseiller municipal, le recourant ne peut pas se prévaloir du droit à l'assistance judiciaire sur la base de l'art. 136 al. 1 CPP. Comme relevé par l'instance précédente, le fait que le juge du fond a, dans son jugement, renvoyé le plaignant à agir au civil, perdant ainsi de vue la LResp, ne permet pas de modifier cette appréciation. 
Lorsqu'une action civile n'est pas possible, la jurisprudence reconnaît dans certains cas à la partie plaignante le droit d'obtenir l'assistance judiciaire sur la base de l'art. 29 al. 3 Cst., lorsque les actes dénoncés sont susceptibles de tomber sous le coup des dispositions prohibant les actes de torture et autres peines ou traitements cruels ou dégradants (cf. art. 3 CEDH, 10 al. 3 Cst. et Convention des Nations Unies du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants [RS 0.105]; cf. ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1 p. 88 s.; cf. arrêts 1B_245/2017 du 23 août 2017 consid. 2.1; 1B_32/2014 du 24 février 2014 consid. 3.1; 1B_729/2012 du 28 mai 2013 consid. 2.1 et les arrêts cités). Pour tomber sous le coup de ces dispositions, le traitement dénoncé doit en principe être intentionnel et atteindre un minimum de gravité (arrêts 1B_771/2012 du 20 août 2013 consid. 1.2.2 publié in PJA 2013 1688; 1B_729/2012 précité consid. 2.1 et les arrêts cités). 
Tel n'est cependant manifestement pas le cas en l'espèce. Si le recourant prétend certes que la contrainte exercée par le conseiller communal a porté une atteinte sérieuse à sa liberté d'action, il ne soutient toutefois pas que les faits dénoncés constitueraient un traitement inhumain ou dégradant au sens notamment des art. 10 al. 3 Cst. et 3 CEDH. 
 
2.3. Au regard de ces considérations, il apparaît que l'instance précédente n'a pas violé le droit fédéral en confirmant le rejet de la demande d'assistance judiciaire déposée par le recourant.  
 
3.   
Le recours est rejeté. 
Le recourant a demandé l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. Les conditions posées à l'art. 64 al. 1 LTF étant réunies, il convient de mettre le recourant au bénéfice de l'assistance judiciaire, de lui désigner Me Frédéric Hainard comme avocat d'office et d'allouer à celui-ci une indemnité à titre d'honoraires, qui seront supportés par la caisse du tribunal. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
La requête d'assistance judiciaire est admise. Me Frédéric Hainard    est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant et au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Présidente de la Cour pénale. 
 
 
Lausanne, le 12 février 2020 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
La Greffière : Arn