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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
9C_859/2010 
 
Arrêt du 9 août 2011 
IIe Cour de droit social 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges U. Meyer, Président, Borella et Pfiffner Rauber. 
Greffier: M. Wagner. 
 
Participants à la procédure 
Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité, Rue de Lyon 97, 1203 Genève, 
recourant, 
 
contre 
 
V.________, 
représenté par la Fédération suisse pour l'intégration des handicapés, Service juridique, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève du 2 septembre 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
V.________ est atteint d'une baisse bilatérale de l'audition et a bénéficié de la prise en charge par l'assurance-invalidité des coûts de remise de deux appareils acoustiques (communication du 9 mars 2007). 
Le 4 février 2009, V.________ a présenté une demande tendant à l'octroi par l'assurance-invalidité d'une aide au placement. Relevant qu'il était au bénéfice d'un certificat fédéral de capacité d'employé de commerce et d'une maturité et qu'il travaillait à 40 % en qualité de responsable de la base de données auprès du Bureau X.________, activité organisée par le Service du revenu minimum cantonal d'aide sociale (RMCAS), il faisait valoir qu'il était à la recherche d'un emploi fixe à 100 % et qu'il subissait du fait de la diminution de l'acuité auditive des restrictions sur le marché du travail (lettre de l'Association Genevoise des Malentendants). 
Dans un questionnaire pour l'employeur du 14 février 2009, le Bureau X.________ a indiqué à propos de V.________ qu'il n'y avait pas d'absences du travail liées à la maladie. Le docteur P.________, spécialiste FMH en médecine interne et médecin traitant de l'assuré, a posé le diagnostic de surdité "appareillée" dans un rapport du 10 février 2009, où il a attesté que le patient n'était pas en incapacité de travail. Dans un questionnaire (en annexe au rapport) relatif aux travaux pouvant encore être exigés de la part de l'assuré dans le cadre d'une activité adaptée, il a déclaré qu'il n'y avait pas de limitation particulière dans le cas du patient. Dans un rapport du 10 mars 2009, la doctoresse O.________, médecin-adjoint du Service ORL-CCF de l'Hôpital Y.________, a posé le diagnostic avec effet sur la capacité de travail de surdité légère. Elle indiquait que le patient ne présentait aucune incapacité de travail ni restriction en ce qui concerne l'activité exercée jusque-là, exigible à 100 % sans diminution de rendement, et que l'on pouvait s'attendre à ce qu'il exerce une activité à 100 % à partir de "maintenant". Dans un questionnaire (en annexe au rapport), elle a apposé une croix dans la case "oui" pour l'ensemble des travaux énumérés pouvant encore être exigés de la part de l'assuré dans le cadre d'une activité adaptée, en relevant que ces indications étaient valables depuis toujours en ce qui concerne V.________. Sur le vu de ces documents, la doctoresse U.________, médecin SMR, niant dans un avis du 4 septembre 2009 que l'assuré ait présenté une atteinte à la santé ayant des répercussions sur sa capacité de travail, a considéré que celui-ci n'arrivait pas à trouver du travail pour des raisons qui n'étaient pas d'ordre médical. 
Dans un préavis du 24 novembre 2009, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève a informé V.________ qu'il ne présentait aucune atteinte à la santé ayant des répercussions sur sa capacité de travail et n'avait dès lors pas droit à des prestations de l'assurance-invalidité. Le 11 décembre 2009, l'assuré a fait part à l'office AI de ses observations. Par décision du 19 janvier 2010, l'office AI, réfutant les arguments de V.________, a rejeté la demande tendant à l'octroi d'une aide au placement. 
 
B. 
Le 18 février 2010, V.________ a formé recours contre cette décision devant le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève (aujourd'hui: Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales), en concluant au renvoi de la cause à l'office AI pour qu'il rende une décision lui octroyant une aide au placement. A titre préalable, il requérait la mise en oeuvre d'une audience de comparution personnelle. 
Le 22 avril 2010, la juridiction cantonale a tenu une audience de comparution personnelle des parties, au cours de laquelle V.________, par sa mandataire, a déclaré que bien qu'il puisse sans nul doute travailler à plein temps, il rencontrait toutefois des difficultés à accéder au marché du travail du fait qu'il lui fallait travailler dans un environnement non bruyant et que cela impliquait une contrainte pour ses collègues et donc un effort de leur part. L'Association Genevoise des Malentendants avait déjà obtenu de bons résultats lors de placements par l'assurance-invalidité, car les employeurs étaient alors informés et "jouaient le jeu". 
Par arrêt du 2 septembre 2010, la juridiction cantonale a admis le recours et annulé la décision de l'office AI du 19 janvier 2010 (ch. 2 du dispositif) et dit que V.________ avait droit à l'aide au placement (ch. 3 du dispositif). Il a condamné l'office AI à verser à V.________ une indemnité de 1'250 fr. à titre de dépens (ch. 4 du dispositif) et mis à sa charge un émolument de 500 fr. (ch. 5 du dispositif). 
 
C. 
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, en concluant à son annulation. Sa requête d'effet suspensif a été admise par ordonnance du 12 janvier 2011. 
V.________ conclut au rejet du recours. Dans un préavis du 10 janvier 2011, l'Office fédéral des assurances sociales propose l'admission du recours. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Le recourant ne peut critiquer la constatation de faits importants pour le jugement en cause que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), c'est-à-dire insoutenable, voire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. La violation peut consister en un état de fait incomplet, car l'autorité précédente viole le droit matériel en n'établissant pas tous les faits pertinents pour l'application de celui-ci. L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, en contradiction avec le dossier, ou contraire au sens de la justice et de l'équité ou lorsque l'autorité ne tient pas compte, sans raison sérieuse, d'un élément propre à modifier la décision, se trompe sur le sens et la portée de celui-ci ou, se fondant sur les éléments recueillis, en tire des constatations insoutenables (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62 et les références). 
 
2. 
2.1 L'art. 18 al. 1 première phrase LAI, dans sa teneur selon la novelle du 21 mars 2003 ([4e révision de l'AI], en vigueur du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2007), disposait que les assurés invalides qui sont susceptibles d'être réadaptés ont droit à un soutien actif dans la recherche d'un emploi approprié, et, s'ils en ont déjà un, à un conseil suivi afin de le conserver. 
 
Aux termes de l'art. 18 al. 1 LAI (nouvelle teneur selon la novelle du 6 octobre 2006 [5e révision de l'AI], en vigueur depuis le 1er janvier 2008), l'assuré présentant une incapacité de travail (art. 6 LPGA) et susceptible d'être réadapté a droit: 
a. à un soutien actif dans la recherche d'un emploi approprié; 
b. à un conseil suivi afin de conserver un emploi. 
Du message du Conseil fédéral du 22 juin 2005 concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité (5e révision de l'AI), il ressort que les assurés présentant une incapacité de travail complète ou partielle doivent avoir droit à un soutien actif dans la recherche d'un emploi approprié et, s'ils en ont déjà un, à un conseil suivi afin de le conserver (FF 2005 4279). Il résulte du message précité de l'autorité exécutive (FF 2005 4319) que l'art. 18 al. 1 LAI nouvelle teneur depuis le 1er janvier 2008 formule les conditions d'octroi de manière plus large qu'auparavant, de façon que toute personne en incapacité de travail, mais apte à la réadaptation, puisse profiter du placement. 
 
2.2 Selon la jurisprudence, les raisons de santé pour lesquelles l'assuré rencontre des difficultés dans la recherche d'un emploi approprié entrent dans la notion d'invalidité propre à l'aide au placement si l'atteinte à la santé occasionne des difficultés dans la recherche d'un emploi au sens large (ATF 116 V 80 consid. 6a p. 81). Tel est le cas par exemple si, en raison de sa surdité ou de son manque de mobilité, l'assuré ne peut avoir un entretien d'embauche ou est dans l'incapacité d'expliquer à un employeur potentiel ses possibilités réelles et ses limites (par ex. les activités qu'il peut encore exécuter en dépit de son atteinte visuelle), de sorte qu'il n'aura aucune chance d'obtenir l'emploi souhaité (arrêt [du Tribunal fédéral des assurances] I 421/01 du 15 juillet 2002, consid. 2c in VSI 2003 p. 274 s.). 
 
3. 
La juridiction cantonale, relevant que les médecins traitants de l'intimé attestaient d'une pleine capacité de travail de ce dernier et mentionnaient qu'il ne souffrait d'aucune limitation fonctionnelle, a nié que cela soit un critère justifiant le refus de l'aide au placement. Considérant que l'absence de limitations fonctionnelles relevée par ces praticiens était peu convaincante, compte tenu des incohérences dans leurs rapports, l'autorité précédente a retenu que l'appareillage bilatéral dont le port était nécessité par la surdité ne permettait pas de pallier complètement le défaut d'audition et que l'intimé éprouvait des difficultés à communiquer par téléphone, peinait à suivre des conversations impliquant plusieurs personnes ou à discuter avec une personne qui ne lui faisait pas face, type de situation dont les éléments constituaient autant d'obstacles pouvant l'empêcher de décrocher un poste. 
 
3.1 L'office AI reproche à la juridiction cantonale d'avoir procédé à une appréciation arbitraire des preuves en ce qui concerne les rapports du docteur P.________ du 10 février 2009 et de la doctoresse O.________ du 10 mars 2009 et lui fait grief de n'avoir pas indiqué sur quel document elle s'était fondée pour retenir les limitations dont elle a admis l'existence à propos de l'intimé. 
 
3.2 Les raisons pour lesquelles l'autorité précédente s'est écartée des rapports du docteur P.________ du 10 février 2009 et de la doctoresse O.________ du 10 mars 2009 ne résistent pas à l'examen. 
Dans son rapport du 10 février 2009, le docteur P.________ a attesté que l'intimé n'était pas en incapacité de travail. Dans le questionnaire en annexe au rapport, relatif aux travaux pouvant encore être exigés de la part de l'assuré dans le cadre d'une activité adaptée, ce médecin a déclaré qu'il n'y avait pas de limitation particulière dans le cas de l'intimé. Le rapport mentionné ci-dessus et le questionnaire qui lui est en annexe ne contiennent aucune incohérence. A partir du moment où le docteur P.________ a posé dans le rapport du 10 février 2009 le diagnostic de surdité "appareillée" et nié toute incapacité de travail, le fait que dans le questionnaire en annexe ce médecin a apposé une croix dans la case "non" en regard de la question "Y a-t-il besoin d'utiliser des moyens auxiliaires" n'apparaît pas en contradiction avec le fait qu'il a déclaré qu'il n'y avait pas de limitation particulière (en ce qui concerne les travaux pouvant encore être exigés de la part de l'intimé dans le cadre d'une activité adaptée). En tant que rapport médical pour l'examen du droit à des mesures pour une réadaptation professionnelle, le rapport mentionné ci-dessus du 10 février 2009 (y compris le questionnaire qui lui est en annexe) du docteur P.________ a ainsi pleine valeur probante en ce qui concerne l'absence d'incapacité de travail et de limitations fonctionnelles dans le cas de l'intimé. 
Même si la doctoresse O.________, dans son rapport du 10 mars 2009, a mentionné le diagnostic de surdité légère sous la rubrique réservée au diagnostic avec effet sur la capacité de travail, ce rapport et le questionnaire en annexe ne contiennent aucune incohérence. On ne saurait faire abstraction de la réponse de ce médecin, selon laquelle l'intimé ne présentait aucune incapacité de travail ni restriction en ce qui concerne l'activité exercée jusque-là, exigible à 100 % sans diminution de rendement, et l'on pouvait s'attendre à ce qu'il exerce une activité à 100 % à partir de "maintenant". Il n'y a aucune contradiction entre cette réponse-ci dans le rapport mentionné ci-dessus du 10 mars 2009 et le fait que la doctoresse O.________ a nié toute limitation fonctionnelle dans le questionnaire en annexe, en apposant une croix dans la case "non limitée" relative à la capacité de concentration, celle relative à la capacité de compréhension, celle relative à la capacité d'adaptation et celle relative à la résistance. En tant que rapport médical pour l'examen du droit à des mesures pour une réadaptation professionnelle, le rapport de la doctoresse O.________ du 10 mars 2009 (y compris le questionnaire en annexe) a lui aussi pleine valeur probante en ce qui concerne l'absence d'incapacité de travail et de limitations fonctionnelles dans le cas de l'intimé. 
 
3.3 Du jugement entrepris, il ressort que la juridiction cantonale s'est fondée pour l'essentiel sur les affirmations de l'intimé dans son recours du 18 février 2010 pour retenir que l'appareillage bilatéral dont le port était nécessité par la surdité ne permettait pas de pallier complètement le défaut d'audition et que l'intimé éprouvait des difficultés à communiquer par téléphone, peinait à suivre des conversations impliquant plusieurs personnes ou à discuter avec une personne qui ne lui faisait pas face, type de situation dont les éléments constituaient autant d'obstacles pouvant l'empêcher de décrocher un poste. On relèvera que les affirmations de l'intimé du 18 février 2010 émanent de l'Association Genevoise des Malentendants et qu'il était tout loisible à l'office AI de s'exprimer à ce propos dans sa réponse du 8 mars 2010 et lors de la comparution personnelle des parties du 22 avril 2010. 
Toutefois, les faits ci-dessus retenus par l'autorité précédente ne sont pas prouvés et relèvent davantage de l'expérience générale dans le type de situation caractérisé par un défaut d'audition. Il n'est nullement attesté par les médecins que le port de deux appareils acoustiques n'ait pas permis de pallier complètement le défaut d'audition dans le cas de l'intimé, ni que l'assuré ait rencontré des problèmes dans la recherche d'un emploi en raison de la baisse bilatérale de l'audition. Sur le vu des rapports du docteur P.________ du 10 février 2009 et de la doctoresse O.________ du 10 mars 2009, sur lesquels se fonde l'avis de la doctoresse U.________ du 4 septembre 2009, il y a lieu de considérer que les faits mentionnés plus haut retenus par la juridiction cantonale ont été établis de façon manifestement inexacte (supra, consid. 1), dans la mesure où ils sont démentis par les conclusions de ces médecins dont il résulte que l'intimé ne présente pas d'incapacité de travail ni aucune limitation en ce qui concerne la capacité de concentration, la capacité de compréhension, la capacité d'adaptation et la résistance. Au regard de ces rapports médicaux, il apparaît que déjà en mars 2009 l'intimé était parfaitement en mesure d'exercer à 100 % une activité adaptée et qu'il ne présentait aucune limitation, en particulier en ce qui concerne la capacité de compréhension et la capacité d'adaptation, et qu'à cette époque-là la recherche d'un emploi à 100 % n'exigeait donc pas l'aide au placement de l'assurance-invalidité. Attendu que l'intimé ne présentait aucune incapacité de travail au moment déterminant, soit lors de la décision administrative du 19 janvier 2010, les conditions d'octroi de l'aide au placement n'étaient pas réalisées, de sorte que le jugement entrepris est contraire au droit fédéral (supra, consid. 2). Le recours est bien fondé. 
 
4. 
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires doivent être mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis et le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève, du 2 septembre 2010, est annulé. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3. 
La cause est renvoyée à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
Lucerne, le 9 août 2011 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Meyer 
 
Le Greffier: Wagner