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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
9C_361/2008 
 
Arrêt du 9 février 2009 
IIe Cour de droit social 
 
Composition 
MM. les Juges U. Meyer, Président, 
Borella et Kernen. 
Greffier: M. Cretton. 
 
Parties 
Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité, rue de Lyon 97, 1203 Genève, 
recourant, 
 
contre 
 
O.________, 
intimé, représenté par Me Bruno Mégevand, avocat. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève du 21 février 2008. 
 
Faits: 
 
A. 
O.________ exploite une entreprise agricole. Il souffre de problèmes lombaires chroniques pour lesquels il avait bénéficié d'un corset orthopédique en 1972 et s'était vainement annoncé à l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité (ci-après: l'office AI) en 1995, l'atteinte à la santé alors objectivée n'entraînant pas de diminution de la capacité de gain. Victime d'une fracture du poignet droit le 2 mai 1999, il a déposé une nouvelle demande de prestations le 3 avril 2001. 
L'administration a recueilli l'avis du docteur A.________, chirurgien de la main, qui a fait état d'une panarthrose du poignet droit sur déchirure ligamentaire ainsi que de séquelles résultant de la résection de la première rangée des os du carpe et d'un syndrome du tunnel carpien laissant subsister une capacité de travail de 20 % en tant qu'agriculteur et totale dans une activité légère (gardien, chauffeur de taxi, huissier) depuis le 26 mars 2001 (rapports du 19 octobre 2001 et du 29 juin 2004). L'office AI a aussi mandaté son service médical (SMR) pour la réalisation d'un examen clinique. Outre les conséquences de l'atteinte au poignet, la doctoresse I.________, chirurgien, a rappelé la présence de lombalgies chroniques séquellaires à la cure de hernie discale en 1987; elle attestait une incapacité totale de travail dans les activités lourdes mais entière dans les activités adaptées (en lien avec l'atteinte au poignet droit: sans port de charges supérieures à 1 kg, ni mouvements nécessitant une flexion ou une extension marquée de l'articulation, travaux répétitifs ou contre résistance du bras, ni travaux d'écriture de longue durée; en lien avec les lombalgies chroniques: permettant l'alternance des positions assis/debout toutes les 2 heures, sans port de charges supérieures à 15 kg, ni positions tenues en porte-à-faux du tronc) depuis mai 2000 (rapport du 29 décembre 2004). 
L'administration a encore récolté diverses pièces comptables, diligenté une enquête économique concernant l'exploitation agricole et confié le dossier à son service de réadaptation, qui a évalué l'invalidité de l'assuré au moyen des statistiques de la Station fédérale de recherche en économie et technologie agricoles (FAT) et de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS), puis a informé l'intéressé qu'elle envisageait de lui refuser l'octroi de toutes prestations (projet de décision du 9 novembre 2006). 
Les objections de O.________ contre ce projet, selon lesquelles il n'était plus capable d'exercer une quelconque activité, ont été partiellement démenties par le docteur C.________, interniste et rhumatologue traitant, dont l'avis porte essentiellement sur les travaux de force dans les champs (rapport du 11 décembre 2006), et n'ont pas infléchi la position de l'office AI (décision du 11 janvier 2007). 
 
B. 
L'assuré a déféré cette décision au Tribunal cantonal genevois des assurances sociales concluant à l'octroi d'une rente entière d'invalidité. Il soutenait que l'administration aurait dû effectuer une analyse concrète et non théorique de son cas, préciser qu'elle type d'activités était encore exigible étant donné les limitations retenues et aborder la question de la réadaptation professionnelle. Il a en outre transmis l'avis de son médecin traitant qui faisait état de douleurs cervicales et de syndromes aigu de l'angulaire droit avec irradiations dans les bras ainsi que lombaire avec sciatalgie droite très invalidants (rapports des 25 avril et 13 juillet 2007). 
Le Tribunal cantonal genevois des assurances sociales a accédé aux conclusions de l'intéressé et lui a octroyé une rente entière d'invalidité du 1er janvier 2001 au 31 mars 2002, puis un quart de rente jusqu'au 31 mars 2003, une rente entière jusqu'au 31 mars 2004, un quart de rente jusqu'au 31 mars 2005, une rente entière jusqu'au 31 mars 2006 et une demi-rente par la suite (jugement du 21 février 2008). Estimant qu'un marché équilibré du travail n'offrait pas de postes adaptés aux limitations fonctionnelles décrites par l'ensemble des médecins consultés, la juridiction cantonale a pris acte du fait que O.________ a poursuivi son métier d'agriculteur en y apportant les adaptations requises par ses handicaps et s'est fondée sur les données concrètes recueillies en cours d'instance pour évaluer l'invalidité de l'assuré. 
 
C. 
L'office AI interjette un recours en matière de droit public à l'encontre de ce jugement dont il requiert l'annulation. Il sollicite en outre l'octroi de l'effet suspensif au recours. 
L'intéressé conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
Par ordonnance du 6 août 2008, le Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'examine en principe que les griefs invoqués (art. 42 al. 2 LTF) et fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF auquel cas il peut les rectifier ou les compléter d'office (art. 105 al. 2 LTF). Conformément à la pratique qui prévalait en matière de recours de droit public, l'art. 106 al. 2 LTF exige que la violation des droits fondamentaux soit expressément soulevée et clairement exposée dans le mémoire de recours (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31, 258 consid. 1.3 p. 261 s.). 
 
2. 
L'office recourant reproche à la juridiction cantonale d'avoir violé son droit d'être entendu dès lors qu'elle s'était fondée sur des documents déposés au cours de la procédure cantonale auxquels il n'avait pas eu accès. Il conteste aussi la méthode d'évaluation utilisée soutenant qu'il y avait lieu de préférer les statistiques de la FAT et de l'ESS aux éléments concrets figurant au dossier compte tenu de l'incertitude de ces derniers et des avis médicaux excluant toute activité physique dans le domaine agricole. 
 
3. 
3.1 Le droit d'être entendu, consacré à l'art. 29 al. 2 Cst, comprend le droit de prendre connaissance du dossier et de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise, de produire des preuves pertinentes ou d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration de celles-ci ou de s'exprimer sur le résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 129 II 497 consid. 2.2, p. 504 s., 127 III 576 consid. 2c p. 578). 
 
3.2 En l'espèce, il est vrai que les premiers juges ont fondé une partie de leur argumentation (détermination des revenus avec et sans invalidité) sur des pièces comptables ou fiscales réclamées au cours de la procédure. La lecture du dossier de la juridiction cantonale ne permet cependant pas de dire si l'administration en a effectivement reçu une copie. Il est toutefois indéniable qu'elle a été informée de leur production et qu'elle n'a pas demandé à en prendre connaissance, comme on eût pu raisonnablement l'exiger d'elle si elle avait réellement eu l'intention d'en tirer des conclusions, ce qui au regard de son recours céans n'est manifestement pas le cas dès lors qu'elle se contente de reprendre son raisonnement antérieur sans autre allusion aux pièces produites que l'absence fautive de leur communication. Il ne peut ainsi être question d'une violation du droit d'être entendu. 
 
4. 
Dans la mesure où la situation médicale n'est pas contestée - les premiers juges précisant même que le rapport d'examen de la doctoresse I.________, auquel ils conféraient valeur probante, concordait avec les avis médicaux déposés par l'intimé, sauf en ce qui concerne l'apparition de nouvelles affections de toute façon postérieures à la décision litigieuse - seul reste à trancher le point de savoir si la méthode d'évaluation de l'invalidité utilisée et son application sont conformes au droit fédéral. 
 
5. 
On rappellera que la doctoresse I.________ a fait état d'une capacité résiduelle de travail nulle pour les travaux lourds d'agriculture et de viticulture depuis l'opération de la hernie discale, de 70 % pour les tâches administratives concernant l'exploitation agricole depuis la fin du mois de mai 2000 et de 100 % dans une activité totalement adaptée aux limitations fonctionnelles depuis cette même date. Les conclusions du docteur A.________ étaient essentiellement similaires dès lors qu'il mentionnait une capacité de travail de 20 % en tant qu'agriculteur (sans faire de distinction entre activités physiques ou administratives) et totale dans une activité légère dès le 26 mars 2001. Seul l'avis du docteur C.________ différait quelque peu dans la mesure où il reconnaissait à son patient une incapacité de gain de 50 % tout en décrivant les mêmes empêchements que ses confrères au sujet des tâches physiques, mais sans se prononcer sur la possibilité d'exercer une activité légère. 
 
6. 
La méthode d'évaluation de l'invalidité utilisée - tant par la juridiction cantonale que par l'administration - est la comparaison des revenus (méthode générale; sur cette notion, cf. notamment arrêt du Tribunal fédéral 9C_580/2007 du 17 juin 2008 consid. 4.1). 
 
6.1 Au contraire de l'office recourant, les premiers juges ont considéré qu'on ne pouvait exiger de l'intéressé qu'il change de métier et ont fixé le revenu d'invalide de ce dernier en fonction de l'activité d'agriculteur effectivement exercée. 
Cette appréciation est clairement erronée. Elle va d'abord à l'encontre des avis fondamentalement concordants des médecins consultés, qui reconnaissent à l'intimé une pleine capacité de travail dans une activité légère (gardien, chauffeur de taxi, huissier; en lien avec l'atteinte au poignet droit: sans port de charges supérieures à 1 kg, ni mouvements nécessitant une flexion ou une extension marquée de l'articulation, travaux répétitifs ou contre résistance du bras, ni travaux d'écriture de longue durée; en lien avec les lombalgies chroniques: permettant l'alternance des positions assis/debout toutes les 2 heures, sans port de charges supérieures à 15 kg, ni positions tenues en porte-à-faux du tronc; impossibilité de lever des objets lourds, de se pencher en avant, de se trouver sur une machine avec vibration, de rester longtemps assis, de réaliser un travail de bureau) mais nulle dans toute tâche physique qu'un agriculteur est censé accomplir. Elle constitue aussi une contradiction intrinsèque flagrante des conclusions concernant la valeur probante des pièces médicales versées en cause. Elle ignore par ailleurs le fait qu'à la date virtuelle de la naissance du droit, l'intéressé était âgé de 47 ans, ce qui est très éloigné du seuil à partir duquel la jurisprudence parle généralement d'âge avancé (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_612/2007 du 14 juillet 2008 consid. 51 - 5.2 et les références), et qu'il se trouvait dans une situation telle (divorcé, sans enfants, à près de 20 ans de la retraite) qu'on pouvait raisonnablement exiger de lui qu'il change d'activité, au besoin en abandonnant l'exploitation de la ferme familiale (cf. arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 38/06 du 7 juin 2006 consid. 3.2 et les références, ainsi que I 840/81 du 26 avril 1982 consid. 2b in RCC 1983 p. 246). Ces exigences sont compatibles avec les droits fondamentaux (cf. ATF 113 V 22 concid. 4d p. 31 ss, confirmé par l'ATF 134 I 105 consid. 8.2 p. 111). Enfin, la juridiction cantonale retient à tort qu'un marché équilibré du travail (sur cette notion, cf. ATF 110 V 273) ne peut pas offrir à l'intimé des postes de travail adaptés à son handicap. En effet, si l'on prend en considération l'avis concordant des praticiens consultés quant à la capacité résiduelle de travail, la situation personnelle de l'intéressé, ainsi que le large éventail d'activités simples et répétitives, n'impliquant pas de formation autre qu'une mise au courant initiale, offert par les secteurs de la production et des services, il n'est de loin pas illusoire ou irréaliste d'admettre qu'il existe un nombre significatif de métiers, dont certains ont été mentionnés par le docteur A.________, spécialiste en chirurgie de la main, qui peuvent être exercés par l'intéressé en dépit de ses limitations fonctionnelles. 
Au vu de ce qui précède, la juridiction cantonale ne pouvait pas - sans violer le droit fédéral mentionné ainsi que les règles sur la libre appréciation des preuves (cf. ATF 125 V 351 consid. 3 p. 352) - reprocher à l'administration de s'être fondée sur l'ESS pour déterminer le revenu d'invalide et se référer aux données comptables et fiscales recueillies au cours de la procédure, admettant ainsi que la poursuite de l'activité antérieure permettait à l'intimé d'exploiter pleinement sa capacité résiduelle de travail et de mettre en valeur de manière optimale sa capacité de gain. 
 
6.2 L'office recourant reproche aussi aux premiers juges d'avoir déterminé le revenu sans invalidité en fonction de données qui ne présentent pas le degré de fiabilité requis pour un tel calcul. 
S'il est vrai que le revenu en question se détermine en général d'après le dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, il est toutefois possible de s'en écarter lorsqu'on ne peut l'évaluer sûrement (ATF 128 V 29 consid. 1 p. 30 s.). En l'espèce, il a été démontré en cours de procédure administrative que le revenu de l'intéressé variait fortement selon les années. Le fait pour la juridiction cantonale de ne se référer qu'à une seule année est dès lors contraire au droit fédéral dans la mesure où l'année choisie présente la forte probabilité de ne pas être représentative du revenu réel de l'intimé, que ce soit à l'avantage ou au détriment de celui-ci. Ce procédé est d'autant moins pertinent que le revenu utilisé concrètement (2000) a été réalisé postérieurement à l'atteinte au poignet (mai 1999) et logiquement influencé par celle-ci. Les premiers juges auraient par conséquent dû prendre comme référence le revenu moyen réalisé avant 1999 sur un période de plusieurs années de sorte que les bonnes ou mauvaises saisons agricoles se compensent. 
 
On ajoutera par ailleurs que le recours aux statistiques de la FAT présente le même degré d'imprécision dès lors que lesdites statistiques ne semblent pas faire de différences entre les exploitations agricoles selon leur taille (petites, grandes ou moyennes), leur implantation (région de plaine ou de montagne) ou le type de cultures produites. Cet élément n'a toutefois pas d'incidence en l'occurrence dans la mesure où les pièces figurant au dossier montrent que le bénéfice net moyen, seul revenu susceptible d'être influencé par l'atteinte à la santé (exclusion des revenus immobiliers notamment), dégagé par l'exploitation de l'intéressé entre 1994 et 1998 (42'993 fr.) est largement inférieur au montant ressortant des statistiques (64'675 fr.) et donc défavorable à l'intéressé du point de vu de la détermination de son taux d'invalidité. Il convient donc d'annuler le jugement entrepris et de confirmer la décision litigieuse qui est juste dans son résultat. 
 
7. 
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires seront supportés par l'intimé (art. 66 al. 1 en relation avec l'art. 65 al. 4 let. a LTF), y compris l'émolument de justice cantonal. En qualité d'institution chargée de tâches de droit public, l'office recourant ne saurait prétendre des dépens (art. 68 al. 3 LTF; cf. ATF 126 V 143 consid. 4a p. 150 et les références). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal cantonal genevois des assurances sociale du 21 février 2008 est annulé. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr. pour l'instance fédérale et à 200 fr. pour la procédure cantonale, sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
Lucerne, le 9 février 2009 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Meyer Cretton