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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_152/2018  
 
 
Arrêt du 18 juin 2018  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Karlen, Fonjallaz, Chaix et Kneubühler. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
1. Hoirie de feu A.A.________, 
2. B.A.________, 
3. C.A.________, 
4. D.A.________, 
5. E.A.________, 
6. F.A.________, 
7. G.________ Inc., 
8. H.________ Ltd, 
9. I.________ Ltd, 
10. J.________ Ltd, 
11. K.________, 
12. L.________ Inc., 
13. M.________, 
14. N.________ Ltd, 
tous représentés par Mes Alain Macaluso et Maurice Harari, avocats, 
recourants, 
 
contre  
 
Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire, Bundesrain 20, 3003 Berne. 
 
Objet 
Entraide judiciaire internationale en matière pénale à Taïwan, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 27 mars 2018 (RR.2017.131-144). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 6 novembre 2001, les autorités de Taïwan ont adressé à la Suisse une demande d'entraide judiciaire formée pour les besoins d'une procédure pénale dirigée notamment contre A.A.________ et B.A.________, soupçonnés d'escroquerie, corruption et blanchiment d'argent en rapport avec des pots-de-vin versés par la société française O.________ pour la vente à la République de Chine, entre 1991 et 1993, de six navires de guerre Frégates. Dans le cadre de l'exécution de cette demande, les comptes détenus en Suisse par A.________ et ses comparses (déjà séquestrés dans le cadre d'une enquête ouverte en Suisse pour blanchiment d'argent) ont été bloqués pour un montant total de plus de 494 millions d'USD. Par ordonnance de clôture du 28 novembre 2003, la documentation bancaire a été transmise et le séquestre des fonds a été confirmé. Par arrêt du 3 mai 2004 (1A.3/2004, ATF 130 II 217), le Tribunal fédéral a confirmé cette décision, sous réserve de diverses garanties à fournir par les autorités taïwanaises selon la procédure de l'art. 80p EIMP. Les engagements demandés ont été fournis et la documentation bancaire a été transmise fin 2005 (cf. arrêts 1A.237/2005 et 1A.279/2005 des 20 septembre et 9 novembre 2005). 
Le 3 août 2006, les autorités de Taïwan ont requis la remise des fonds séquestrés (soit à cette époque, 520 millions d'USD). Cette demande a été rejetée en avril 2008 au motif que les comptes bloqués contenaient également des fonds ne provenant pas de l'affaire des Frégates, 180 millions d'USD ayant par ailleurs été transférés hors de Suisse. Les fonds demeuraient toutefois bloqués. Une demande de levée partielle des saisies, concernant les avoirs "non-Frégates" a été présentée en mars et avril 2008, et soumise aux autorités taïwanaises. 
Le 5 septembre 2008, celles-ci ont présenté une demande d'entraide complémentaire relative à l'affaire dite des Mirages: A.________ était poursuivi pour des faits analogues à la première affaire, en rapport avec l'acquisition de 60 avions Mirages par Taïwan, au début des années 1990. L'enquête pénale a été suspendue le 17 décembre 2008, mais les valeurs sont demeurées saisies dans le cadre de la procédure d'entraide judiciaire. Des pourparlers ont été menés dès la fin de l'année 2008, mais ils n'ont pas abouti. Le 21 août 2013, l'Office fédéral de la justice (OFJ) est entré en matière sur la demande du 5 septembre 2008, considérant qu'il y avait lieu de statuer afin d'éviter tout problème lié à la prescription. Il a confirmé la saisie des fonds et a subordonné leur remise à la présentation, par Taïwan, d'une décision de confiscation définitive et exécutoire. Cette décision a été confirmée par la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (TPF), puis par le Tribunal fédéral (arrêt 1C_239/2014 du 18 août 2014). 
 
B.   
Le 5 novembre 2014, les autorités taïwanaises ont présenté une demande d'entraide tendant à la remise des biens séquestrés à concurrence de 316 millions d'USD, sur la base de jugements de confiscation rendus successivement par la Haute Cour et la Cour suprême de Taïwan (arrêt du 16 avril 2014) dans l'affaire des Frégates. 
A.A.________ est décédé le 20 janvier 2015. 
Le 15 décembre 2016, l'OFJ a rejeté la demande du 5 novembre 2014 en relevant que l'arrêt de la Cour suprême était dirigé contre les frères P.________ (complices de A.________) et non contre la famille A.________ et leurs sociétés, titulaires des avoirs bloqués. Une remise était donc exclue mais les fonds demeuraient bloqués dans l'attente d'une décision de confiscation concernant l'affaire des Mirages. 
 
C.   
Le 26 décembre 2016, le Procureur général de la division d'investigations spéciales du Bureau des Procureurs de Taïwan a requis le blocage de tous les avoirs détenus par la famille A.________, à hauteur de 969'751'764 USD (483'726'444 USD en capital et 486'025'319 USD en "intérêts estimés"), en raison d'un nouveau décret anticorruption entré en vigueur le 1er juillet 2016, ayant donné lieu à une requête de confiscation déposée devant les tribunaux taïwanais, toujours relative à l'affaire des Frégates. Il ne s'agissait pas d'une confiscation de nature pénale mais d'une mesure à caractère réel et une décision de première instance pourrait intervenir en 2017. 
Par décision du 23 mai 2017, l'OFJ a décidé d'admettre la mesure d'entraide requise et de maintenir le blocage des fonds saisis, également en ce qui concerne le volet "Frégates". La demande de blocage tendait au maintien d'une situation existante et non à de nouvelles mesures de contrainte. Les parties à la procédure d'entraide ne pouvaient tirer argument des échanges entre autorités, notamment d'une lettre de l'OFJ du 2 juin 2016 excluant l'entraide à raison de la nouvelle législation. La question d'une indemnisation déjà versée à Taïwan par la société française Q.________, de même que celle du montant des intérêts, devraient être examinées avec le fond. La durée du séquestre devait être attribuée en bonne partie aux démarches de la famille A.________ elle-même. 
Par arrêt du 27 mars 2018, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours formé par la famille A.________ et consorts. Le séquestre prononcé en 2001 n'avait jamais été levé et la demande du 26 décembre 2016 ne constituait qu'un complément aux précédentes démarches, de sorte que la prescription (art. 5 al. 1 let. c EIMP) ne pouvait pas être invoquée. Ni la lettre de l'OFJ du 2 juin 2016, ni la décision du 15 décembre 2016 ne se prononçaient sur le décret anticorruption du 1er juillet 2016 et ne pouvaient revêtir force de chose jugée à ce sujet. Le grief relatif au principe de non-rétroactivité pourrait être invoqué à l'encontre d'une éventuelle décision de remise des fonds. On ne saurait reprocher aux autorités étrangères une violation du principe de la bonne foi. La durée du séquestre n'allait pas au-delà de ce qui était admissible pour un cas de ce genre, assimilable à l'affaire R.________ (entraide judiciaire avec les Philippines). Les valeurs séquestrées étaient susceptibles d'une confiscation et non d'une créance compensatrice dont l'exequatur en Suisse était soumise à prescription (art. 95 al. 1 let. a EIMP). 
 
D.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'hoirie de feu A.A.________ et consorts demandent l'annulation de l'arrêt de la Cour des plaintes, l'annulation de la décision de séquestre du 23 mai 2017 et l'irrecevabilité de la demande d'entraide du 26 décembre 2016 ainsi que l'annulation du "maintien" du séquestre en ce qui concerne le volet "Frégates". Subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Préalablement, ils demandent l'octroi d'un délai pour présenter un mémoire complémentaire, ce qui leur a été accordé. 
La Cour des plaintes persiste dans les termes de son arrêt, sans observations. L'OFJ conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Les recourants ont répliqué et maintenu leurs conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière de droit public peut être formé contre un arrêt rendu par le TPF en matière d'entraide pénale internationale, s'il a notamment pour objet une saisie de valeurs et s'il concerne un cas particulièrement important (art. 84 al. 1 LTF). La première de ces conditions est réalisée dès lors que la décision rendue par l'OFJ le 23 mai 2017 maintient l'ensemble du blocage des avoirs des recourants. Certes, comme le relève la Cour des plaintes, il n'était pas nécessaire que l'OFJ ordonne une telle mesure puisque les fonds sont déjà bloqués en vertu de décisions précédentes qui n'ont apparemment jamais été rapportées. Toutefois, dans la mesure où une telle décision a été prononcée, les recourants sont habilités à en demander l'annulation. Il est également indifférent que les fonds soient bloqués à d'autres titres, comme le relèvent les recourants eux-mêmes dans leur mémoire complémentaire (en vertu du blocage général prononcé dans l'affaire dite des Mirages, et dans le contexte des séquestres LP à la demande de la société Q.________). Les recourants disposent d'un intérêt digne de protection (art. 89 al. 1 let. c LTF) pour contester l'un des titres de séquestre frappant leurs avoirs. 
 
1.1. Selon l'art. 84 al. 2 LTF, un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de penser que la procédure à l'étranger viole les principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves. En dehors de ces cas, le Tribunal fédéral peut aussi être amené à entrer en matière lorsqu'il s'agit d'une affaire de principe, soit quand il s'agit d'examiner une question qui ne s'était jamais posée précédemment, ou quand le TPF s'est écarté de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 133 IV 215 consid. 1.2 p. 218). En l'occurrence, le séquestre porte sur près d'un milliard de francs et dure depuis près de 17 ans. Cela justifie d'entrer en matière (cf. arrêt 1C_239/2014 du 18 août 2014 consid. 1.1).  
 
1.2. Selon l'art. 93 al. 2 LTF, les décisions incidentes rendues en matière d'entraide judiciaire ne peuvent faire l'objet d'un recours que si elles se rapportent à la détention extraditionnelle ou à la saisie d'objets et de valeurs, et pour autant que les conditions de l'art. 93 al. 1 LTF sont remplies. La décision attaquée est de nature incidente, puisqu'elle ne met pas fin à la procédure d'entraide judiciaire. Dans la mesure où elle confirme le blocage de comptes bancaires, il y a lieu de rechercher si les conditions générales de l'art. 93 al. 1 LTF sont réunies. Selon cette disposition, les décisions préjudicielles et incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b). Cette seconde condition ne saurait s'appliquer à une procédure administrative d'entraide judiciaire, en soit non coûteuse. Par ailleurs, les mesures provisoires de saisies ne sont, dans la procédure d'entraide, pas considérées comme occasionnant un préjudice irréparable, sauf démonstration contraire de la part des recourants.  
En l'occurrence, on peut considérer que l'atteinte au droit de propriété est en soi suffisamment grave pour que la saisie des comptes durant dix sept ans soit susceptible de causer un préjudice irréparable (arrêt 1C_239/2014 du 18 août 2014 consid. 1.2). De ce point de vue également, il se justifie d'entrer en matière. 
 
1.3. Les recourants concluent non seulement à l'annulation de la décision portant sur le séquestre, mais aussi à l'irrecevabilité de la demande d'entraide du 26 décembre 2016. Ce faisant, ils contestent la décision d'entrée en matière, perdant ainsi de vue que, conformément au texte clair de l'art. 93 al. 2 LTF, le recours n'est pas ouvert contre ce type de décision. Le recours est dès lors recevable uniquement en tant qu'il porte sur la mesure de saisie.  
 
2.   
Les recourants considèrent que l'entraide ne pourrait pas être accordée en raison de la prescription absolue qui rendrait irrecevable la dernière requête d'entraide (art. 5 al. 1 let. c EIMP). Ils estiment que, quel que soit le dies a quo, toutes les infractions de blanchiment seraient prescrites au plus tard en juin 2016. Les recourants relèvent qu'ils n'ont jamais prétendu, contrairement à ce que retient la Cour des plaintes, que le séquestre prononcé en 2001 aurait été levé; en revanche, ils soutiennent que la demande d'entraide du 26 décembre 2016 serait nouvelle et que l'OFJ avait précédemment rejeté une précédente requête par décision du 15 décembre 2016 entrée en force, mettant ainsi fin à la procédure pour le volet Frégates. Les conditions posées à l'art. 33a OEIMP pour le maintien du séquestre ne seraient plus réunies. 
 
2.1. Selon l'art. 5 al. 1 let. c EIMP, la demande d'entraide est irrecevable si son exécution implique des mesures de contrainte et que la prescription absolue empêche, en droit suisse, d'ouvrir une action pénale ou d'exécuter une sanction. Cette disposition s'applique à tous les types d'entraide judiciaire, et donc également à une remise au sens de l'art. 74a EIMP, cette dernière - et les mesures de blocage qui la précèdent - constituant indubitablement une mesure de contrainte (ATF 126 II 462 consid. 5b p. 467/468). S'agissant d'une cause d'irrecevabilité, celle-ci doit être examinée au moment de la réception de la demande d'entraide et de la décision d'entrée en matière (cf. art. 78 al. 2, 80 et 80a EIMP), et non au moment de la décision de clôture. Le motif d'irrecevabilité tiré de la prescription s'applique sans réserve à l'égard des Etats qui, comme l'Etat requérant, ne sont pas liés avec la Suisse par un traité d'entraide judiciaire (ATF 136 IV 4 consid. 6.3 p. 11).  
Selon l'art. 33a OEIMP, les objets et valeurs dont la remise à l'Etat requérant est subordonnée à une décision définitive et exécutoire de ce dernier (art. 74a al. 3 EIMP) demeurent saisis jusqu'à réception de ladite décision ou jusqu'à ce que l'Etat requérant a fait savoir à l'autorité d'exécution compétente qu'une telle décision ne pouvait plus être rendue selon son propre droit, notamment en raison de la prescription. 
 
2.2. La Cour des plaintes considère que le séquestre ordonné en 2001 n'a jamais été levé et que l'Etat requérant aurait agi dans la crainte d'une levée de cette mesure après le rejet, le 15 décembre 2016, de la demande déposée en juillet 2014. La demande du 26 décembre 2016 serait fondée sur une modification de l'ordre juridique dans l'Etat requérant; les actes de corruption y seraient décrits avec plus de précision; il s'agirait dès lors d'une demande complémentaire de sorte que le séquestre litigieux ne pourrait être assimilé à une nouvelle mesure de contrainte.  
 
2.3. Les fonds ont été bloqués une première fois dans le cadre de la procédure pénale ouverte en Suisse, puis à la requête des autorités taïwanaises, en 2001. Ce séquestre a été confirmé le 28 novembre 2003 à l'occasion de l'ordonnance de clôture prononçant la transmission des documents bancaires. Par la suite, le séquestre a encore été confirmé lors du rejet, le 7 avril 2008, de la demande de remise des fonds du 3 août 2006, à l'occasion de l'entrée en matière, le 21 août 2013, sur la demande complémentaire du 5 septembre 2008 ainsi que dans la lettre du 15 décembre 2016 refusant de donner suite à la demande de remise des fonds du 5 novembre 2014. Il apparaît ainsi que le séquestre a été maintenu sans interruption. Quand bien même cette dernière décision est qualifiée de décision de clôture, elle précise que l'entraide est toujours pendante concernant les fonds en relation avec l'affaire des Mirages et que le séquestre doit être maintenu à ce titre. C'est donc à tort que les recourants prétendent que la mesure de blocage n'avait plus de fondement. Quant à la demande d'entraide du 26 décembre 2016, elle vise les mêmes fonds et les mêmes agissements que précédemment, même si la base légale invoquée pour obtenir une restitution est nouvelle. Il s'agit dès lors clairement d'une demande complémentaire. La décision de maintien du blocage se situe donc dans la continuité des précédentes et il ne s'agit nullement d'une nouvelle mesure de contrainte. L'arrêt attaqué ne viole pas le droit fédéral sur ce point.  
 
3.   
Les recourants invoquent ensuite le principe d'autorité de la chose jugée. Ils relèvent que par décision du 2 juin 2016, l'OFJ aurait déjà rejeté une demande en rapport avec la nouvelle procédure taïwanaise, après avoir demandé des observations aux recourants. Il s'agirait d'une décision formelle sur laquelle l'autorité d'exécution ne pouvait plus revenir. 
Si elle se prononce clairement sur le sort d'une demande de restitution fondée sur la nouvelle loi spéciale permettant la confiscation des avoirs, la lettre du 2 juin 2016 est adressée à la seule représentation de l'Etat requérant, soit la Délégation culturelle et économique de Taipei à Berne. Elle ne comporte aucune indication des voies de recours, comme l'exige l'art. 22 EIMP, et n'a pas été notifiée aux recourants conformément à l'art. 80m al. 1 EIMP. Il faut dès lors y voir une simple information à l'intention de l'autorité requérante, et nullement une décision au sens de l'art. 5 PA. L'OFJ était donc libre de revoir sa position. 
 
4.   
Les recourants reprennent leur argumentation relative au caractère pénal de la décision de confiscation rendue à l'étranger et soutiennent que celle-ci violerait le principe de non-rétroactivité. Ils estiment aussi que l'Etat requérant aurait déjà été indemnisé civilement par une société française à hauteur de 630 millions d'euros, selon une sentence arbitrale confirmée par la Cour d'appel de Paris. La Cour des plaintes ne pouvait retenir que ce fait n'était pas suffisamment démontré dans la mesure où il ressort d'un arrêt du Tribunal fédéral, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris ayant au demeurant été produit. Les recourants estiment aussi que les prétentions de l'Etat requérant seraient irréalistes. 
L'ensemble de ces arguments relève non pas de la décision de saisie, seule attaquable à ce stade, mais de la décision sur le fond concernant l'octroi de l'entraide judiciaire. Dans ce cadre, l'autorité d'exécution devra s'interroger sur la nature de la décision de confiscation prononcée dans l'Etat requérant, une fois que celle-ci aura été produite. Les griefs des recourants sont ainsi prématurés. 
Il en va de même du grief concernant la mauvaise foi que les recourants reprochent à l'Etat requérant. Si l'Etat requérant a cru à tort pouvoir obtenir une restitution sur la base de la procédure menée jusqu'au jugement de la Cour suprême du 16 avril 2014, on ne saurait y voir une tromperie manifeste susceptible de remettre en cause la décision d'entrée en matière et de saisie concernant une demande subséquente. 
 
5.   
Les recourants soutiennent qu'une grande partie des commissions liées aux Frégates aurait été transférée à l'étranger; les fonds n'étant plus disponibles en Suisse, seul le prononcé d'une créance compensatrice entrerait en ligne de compte et l'entraide de la Suisse ne pourrait être apportée que par le biais de l'exequatur au sens des art. 94 ss EIMP. Or, la prescription de l'action pénale, réservée à l'art. 95 al. 1 let. a EIMP, serait acquise. L'argument, qui relève également du fond, repose sur la prémisse nullement démontrée que l'ensemble des fonds liés au volet Frégates ne se trouverait plus sur les comptes en Suisse. Une décision de remise - même partielle - au sens de l'art. 74a EIMP n'est en tout cas pas exclue à ce stade, de sorte que le grief doit être rejeté. 
 
6.   
Les recourants invoquent enfin le principe de la proportionnalité en relevant que leurs fonds sont bloqués depuis 2001. Ils contestent que leur attitude procédurale ait contribué au ralentissement de la procédure à Taïwan et estiment que l'affaire ne serait pas comparable avec celle du président philippin R.________. 
 
6.1. Le séquestre, comme mesure restreignant le droit de propriété, n'est compatible avec la Constitution que s'il est justifié par un intérêt public suffisant et respecte le principe de la proportionnalité (art. 26 al. 1 Cst. en relation avec l'art. 36 al. 1 à 3 Cst.; cf. ATF 126 I 219 consid. 2a p. 221, 2c p. 221/222). Ce dernier principe exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 124 I 40 consid. 3e p. 44/45; 118 Ia 394 consid. 2b p. 397 et les arrêts cités). Un séquestre peut apparaître disproportionné lorsqu'il s'éternise sans motif suffisant ou lorsque l'autorité chargée de l'instruction pénale ne mène pas celle-ci avec une célérité suffisante.  
En matière d'entraide judiciaire, l'intérêt privé des titulaires de biens séquestrés doit être mis en balance non seulement avec l'intérêt de l'Etat requérant à recueillir les preuves nécessaires à sa procédure pénale ou à obtenir la remise de valeurs en vue de confiscation ou de restitution, mais aussi avec le devoir de la Suisse de s'acquitter de ses obligations internationales. S'agissant d'une procédure administrative ouverte à la requête d'un Etat étranger, la pratique se montre ainsi plus tolérante qu'en matière de procédure pénale (cf. les arrêts mentionnés par la Cour des plaintes, relatifs à des séquestres ayant duré plus de dix ans). La règle est que les objets et valeurs dont la remise est subordonnée à une décision définitive et exécutoire dans l'Etat requérant au sens de l'art. 74a al. 3 EIMP demeurent saisis jusqu'à réception de la décision étrangère ou jusqu'à ce que l'Etat requérant fasse savoir à l'autorité d'exécution qu'une telle décision ne peut plus être rendue selon son propre droit, notamment à raison de la prescription (art. 33a OEIMP). 
 
6.2. En l'occurrence, le séquestre dure certes depuis 2001, mais les procédures ouvertes dans l'Etat requérant sont complexes et paraissent avoir été activement poursuivies. L'arrêt 1C_239/2014 rappelle les démarches entreprises et les difficultés rencontrées par l'Etat requérant (consid. 3). Depuis lors, celui-ci a présenté une nouvelle demande d'entraide fondée sur des jugements rendus par ses juridictions, mais cette demande a été écartée par l'OFJ en décembre 2016, faute d'identité entre les personnes poursuivies et les titulaires des avoirs saisis en Suisse. Entre-temps, de nouvelles dispositions en matière de confiscation ont été adoptées dans l'Etat requérant et sont entrées en vigueur le 1er juillet 2016, sur la base desquelles une nouvelle demande a été présentée aux juridictions de Taïwan. Un jugement de première instance a été rendu au mois de juillet 2017. Dans ces circonstances, on ne saurait reprocher aucun retard particulier ni à l'Etat requérant ni à l'autorité d'exécution, de sorte que la durée du séquestre ne suffit pas à justifier la levée de la mesure ou le refus de l'entraide judiciaire.  
 
Cela étant, compte tenu du temps considérable écoulé depuis le début de la procédure, il appartiendra à L'OFJ de relancer très régulièrement l'autorité requérante afin de se tenir activement informé de l'avancement de ses démarches, en la rendant attentive au fait que toute inaction inexpliquée pourrait conduire à une libération définitive des fonds. 
 
7.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants qui succombent. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge des recourants. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, à l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire, et au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes. 
 
 
Lausanne, le 18 juin 2018 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
Le Greffier : Kurz