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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5C.55/2004 /rod 
 
Arrêt du 19 juillet 2004 
IIe Cour civile 
 
Composition 
Mme et MM. les Juges Nordmann, Juge présidant, 
Meyer et Marazzi. 
Greffière: Mme Bendani. 
 
Parties 
A.X.________, 
recourant, représenté par Me Leila Roussianos, avocate, 
 
contre 
 
B.X.________ et C.X.________, 
intimés. 
 
Objet 
entretien d'un enfant, 
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 1er juillet 2003. 
 
Faits: 
A. 
A.X.________, né le 26 janvier 1984, est le fils de C.X.________ et B.X.________. Il a vécu avec ses parents et son frère D.X.________, né le 10 août 1986, tout d'abord en Suisse, puis, dès le 1er septembre 1997, en France, à Sciez. 
 
Par décision du 17 septembre 1998, le Juge des Enfants du Tribunal de Grande Instance d'Annecy a confié A.X.________ au Service Enfance et Famille de la Haute-Savoie, à Annecy, pour une durée d'un an, période ensuite prolongée jusqu'au 17 septembre 2000. Par jugement du 22 août 2000, il a ensuite confié A.X.________ à ses grands-parents maternels, les époux Y.________, à Huémoz (VD), précisant notamment que ceux-ci ne sollicitaient aucune aide financière. 
 
Le 2 août 2001, A.X.________ a débuté un apprentissage d'électronicien en multimédia à Aigle. Son salaire mensuel a été fixé à 300 fr. la première année, à 400 fr. la deuxième année, à 550 fr. la troisième année et à 650 fr. la quatrième année. Ses grands-parents subviennent à ses besoins et lui versent 400 fr. d'argent de poche par mois. 
B. 
Le 4 avril 2002, A.X.________ a ouvert une action alimentaire contre ses parents devant le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois. Après avoir modifié sa demande, il a finalement conclu à ce que ses parents soient astreints à lui verser une contribution d'entretien mensuelle de 1'500 fr., allocations familiales en sus dès l'année précédant le dépôt de sa requête et jusqu'à ce qu'il termine ses études, au plus tôt au mois de juillet 2005, à ce qu'ils lui remboursent la somme de 3'520 fr., plus intérêt à 5 % l'an dès jugement définitif et exécutoire, correspondant aux allocations familiales perçues pour lui du mois d'octobre 2000 au mois de janvier 2002, et à ce qu'ordre soit donné à l'employeur de B.X.________ de verser la contribution d'entretien directement en ses mains. 
 
Par jugement du 31 janvier 2003, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois a rejeté la requête de A.X.________, avec suite de frais et dépens. 
C. 
Par arrêt du 1er juillet 2003, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours déposé par A.X.________ contre la décision précitée. Elle a retenu, en bref, que les grands-parents du recourant assuraient, en nature et en espèce, la part de l'entretien que ce dernier ne pouvait assumer lui-même, qu'ils libéraient ainsi, à concurrence de leurs prestations, les intimés de leur obligation et qu'ils étaient en outre décidés à poursuivre leur prestation d'entretien. Elle a encore jugé que les grands-parents n'assuraient pas l'entretien de leur petit-fils au titre de dette alimentaire au sens de l'art. 328 CC, qu'il n'y avait aucune cession de créance, le recourant faisant valoir que la solution du premier juge était incompatible avec le principe de l'incessibilité des créances futures et, enfin, que le recourant n'était pas légitimé pour réclamer la restitution des allocations familiales versées à son père. 
D. 
A.X.________ dépose, auprès du Tribunal fédéral, un recours en réforme contre l'arrêt du 1er juillet 2003. Il conclut, principalement, à l'admission de son recours et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal vaudois pour nouveau jugement dans le sens des considérants. Subsidiairement, il demande la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que le jugement de première instance est réformé en son chiffre I en ce sens que B.X.________ et C.X.________ sont contraints de participer à son entretien par le versement d'une pension de 1'500 fr. par mois, allocations familiales en sus, dès l'année précédant le dépôt de la requête, soit le 5 avril 2001, et jusqu'à ce qu'il termine ses études, au plus tôt au mois de juillet 2005 et que B.X.________ lui rembourse toutes les allocations familiales qu'il a perçues pour lui depuis le mois d'octobre 2000 jusqu'au mois de janvier 2002, soit 3'520 fr., plus intérêt à 5 % l'an dès jugement définitif et exécutoire. Il demande également l'assistance judiciaire. 
 
Les intimés n'ont pas donné suite à l'invitation de déposer une réponse. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1 p. 174; 129 II 225 consid. 1 p. 227). 
1.1 L'arrêt attaqué tranche une contestation civile portant sur des droits de nature pécuniaire, dont la valeur litigieuse atteint manifestement 8'000 fr. Formé en temps utile contre une décision finale prise par le tribunal suprême du canton, le recours est recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. 
1.2 Le recourant a le droit de conclure principalement à l'annulation de l'arrêt attaqué et subsidiairement à sa réforme (ATF 93 II 213 consid. 1 p. 216 s.). Ses conclusions principales ne tendent qu'à l'admission du recours et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale; toutefois, on comprend que le recourant vise également l'annulation de l'arrêt attaqué. La conclusion subsidiaire tendant à la réforme du jugement de première instance est irrecevable vu que celui-ci n'émane pas du tribunal suprême du canton (art. 48 al. 1 OJ). La cour de céans ferait cependant preuve de formalisme excessif en déclarant cette conclusion irrecevable, dès lors qu'il est évident que le recourant désire obtenir l'admission de ses conclusions, soit l'obtention d'une contribution d'entretien mensuelle de 1'500 fr. et le remboursement des allocations familiales par 3'520 fr. 
2. 
Aux termes de l'art. 55 al. 1 let. c OJ, l'acte de recours doit indiquer les règles de droit fédéral violées par la décision attaquée et en quoi consiste cette violation. Il est indispensable que le recourant discute effectivement les motifs de la décision entreprise, qu'il précise quelles dispositions auraient été violées, qu'il indique pourquoi elles auraient été méconnues. Des considérations générales, sans lien manifeste, ni même perceptible avec des motifs déterminés de la décision entreprise, ne répondent pas à ces exigences (ATF 116 II 745 consid. 3 p. 748 s. et les références citées). 
 
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ). Il ne peut donc être présenté de griefs contre les constatations de fait ni de faits nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). 
3. 
Le droit de la filiation ne contient pas de règle générale concernant les effets juridiques du paiement de la contribution d'entretien par un tiers. Il se limite à prévoir la subrogation légale en faveur de la collectivité publique qui a versé les contributions d'entretien à la place du débiteur (art. 289 al. 2 CC; ATF 123 III 161 consid. 4c p. 164; Hegnauer, Droit suisse de la filiation et de la famille, 4ème éd., Berne 1998, n° 77 ad art. 289 CC; Breitschmid, Basler Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Zivilgesetzbuch I, 2ème éd., n° 9 ad art. 289 CC). Il convient ainsi d'appliquer les dispositions générales du droit des obligations (art. 7 CC; ATF 123 III 161 consid.4c p. 164). Lorsqu'un tiers paie la dette du débiteur, il libère celui-ci à concurrence de ses prestations, même si celles-ci ont été faites à l'insu du débiteur ou contre son gré (ATF 123 III 161 consid. 4c p. 164 et les références citées). Est un tiers au sens de l'art. 68 CO celui qui fournit la prestation avec la volonté reconnaissable d'éteindre la dette du débiteur (Schraner, Zürcher Kommentar, Band V/1e, 1991, n° 7 ad art. 68 CO; Leu, Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Obligationenrecht I, 2ème éd., n° 2 ad art. 68 CO). Lorsqu'un tiers contribue volontairement à l'entretien de l'enfant par des prestations en argent, il libère à concurrence de celles-ci les père et mère de leur obligation d'entretien. Ce faisant, il n'est pas subrogé au droit de l'enfant; en revanche, sauf s'il a assumé l'entretien de l'enfant à titre de libéralité, il peut faire valoir à l'encontre des père et mère des prétentions récursoires fondées sur la gestion d'affaires (ATF 123 III 161 consid. 4c p. 164 et les références citées). Il n'a, en revanche, pas le droit de réclamer les sommes versées à l'enfant étant donné qu'il les a payées pour éteindre la dette alimentaire des père et mère. 
3.1 Le recourant fait valoir qu'en refusant de fixer l'obligation d'entretien pro futuro de ses parents au motif que les grands-parents lui fournissent son entretien, l'autorité cantonale aurait ignoré la notion de "ressources propres" déduite de l'art. 276 al. 3 CC et nié à tort l'obligation des intimés découlant de l'art. 277 al. 2 CC
 
 
 
 
Ce grief doit être rejeté. En effet, l'autorité cantonale n'a pas qualifié la contribution d'entretien fournie par les grands-parents de "ressources propres" du recourant et ainsi méconnu cette notion, ni affirmé que les intimés n'avaient pas d'obligation d'entretien envers leur fils. Elle a retenu que le recourant, majeur, habitait chez ses grands-parents, qui lui assuraient, en nature et en espèces, la part de l'entretien qu'il ne pouvait assumer lui-même avec son revenu d'apprenti, et qui libéraient, à concurrence de leurs prestations, les intimés de leur obligation d'entretien. Elle a ainsi relevé que les prestations des grands-parents éteignaient la dette des parents au fur et à mesure qu'elle naissait, que le recourant perdait donc, dans la mesure des prestations versées, son droit à l'entretien, et que dès lors que les grands-parents étaient disposés à poursuivre leurs prestations d'entretien, il n'y avait pas de nécessité, ni d'intérêt, à fixer, à titre préalable, la contribution d'entretien des intimés pour le cas où les grands-parents cesseraient de participer à l'entretien du recourant. 
3.2 Le recourant soutient que l'autorité cantonale aurait créé une espèce de subrogation légale anticipée extra legem, ce qui viendrait à exproprier le créancier qui n'aurait pas le droit de faire constater sa créance et devrait préférer la charité de tiers. Selon lui, la solution de l'arrêt attaqué empêcherait le créancier alimentaire de faire valoir ses droits avant que la générosité de tiers prenne fin et le pousserait à l'assistance publique. 
 
S'il est exact que, selon l'arrêt attaqué, le créancier d'aliments ne peut pas obtenir un jugement condamnatoire obligeant ses parents à contribuer à son entretien, on ne voit pas en quoi cette solution violerait le droit fédéral, puisque, dans le cas particulier, son entretien est assuré par ses grands-parents, qui libèrent ainsi les intimés de leur obligation d'entretien. 
3.3 Le recourant affirme, en ce qui concerne son entretien pour le passé, que la prestation des grands-parents ne peut libérer les intimés de leur dette que si les grands-parents avaient eu la volonté d'exécuter celle-ci, que cette volonté n'est pas établie et que les grands-parents peuvent avoir agi par pure générosité ou à titre d'avance conditionnelle pour le cas où il ne pourrait rien obtenir des intimés. 
 
Il ressort du jugement de première instance, auquel se réfère l'arrêt attaqué, que le Juge des Enfants du Tribunal de Grande Instance d'Annecy, par décision du 22 août 2000, a confié le recourant, avec l'accord des intimés, aux grands-parents maternels qui lui ont trouvé une formation dans le domaine de l'électronique en Suisse, alors qu'il était en échec scolaire. Selon le jugement français, l'investissement affectif des intimés reste toujours faible à l'égard de leur fils et les grands-parents ont indiqué ne solliciter aucune aide financière pour l'éducation du recourant. Le jugement de première instance précise encore que ce dernier vit avec ses grands-parents, qui subviennent à ses besoins et lui donnent en plus 400 fr. d'argent de poche par mois, et qu'il n'a aucun contact avec les intimés qui se désintéressent de lui. 
 
L'ensemble de ces faits montre que le foyer du recourant est désormais chez ses grands-parents qui remplacent les intimés tant du point de vue affectif, économique, qu'éducatif. Ils fournissent en effet toutes les prestations en nature et en argent dont leur petit-fils a besoin. Au surplus, ils ont renoncé à réclamer une aide financière pour accomplir leur tâche. Il ressort de ces faits que les grands-parents ont la volonté d'élever le recourant, qu'ils agissent à la place des intimés et qu'ils ont eu et ont la volonté d'éteindre par leur prestation la dette alimentaire de ceux-ci. Dans ces conditions, il faut admettre que les contributions d'entretien dues par les parents pour la période écoulée ont été payées par les grands-parents avec effet libératoire pour les intimés. Partant, le grief doit être rejeté. 
3.4 Le recourant soutient, qu'au regard des revenus parentaux, il n'est pas exclu qu'il aurait pu prétendre à une contribution d'entretien plus élevée que celle fournie par ses grands-parents afin de vivre de manière plus autonome dans un studio. Il prétend que la Chambre des recours a estimé à tort que l'entretien exigible des intimés devait forcément être considéré comme ayant été couvert par les grands-parents. 
 
Ce faisant, le recourant s'en prend de manière inadmissible à l'état de fait de l'arrêt attaqué qui constate que les grands-parents assurent, en nature et en espèce, la part d'entretien qu'il ne peut assumer lui-même par son revenu d'apprenti. Son grief est dès lors irrecevable (cf. supra, consid. 2). 
3.5 Le recourant fait valoir que les premiers juges lui ont dénié à tort la légitimation active pour réclamer la restitution des allocations familiales versées à son père. 
 
 
 
Ce grief est irrecevable. D'une part, le recours en réforme n'est pas recevable contre le jugement de l'instance cantonale inférieure (art. 48 al. 1 OJ; cf. supra, consid. 1). D'autre part, même si on voulait admettre que le grief est dirigé contre l'arrêt de l'instance suprême du canton, il n'est pas motivé conformément aux exigences de l'art. 55 al. 1 let. c OJ, le recourant ne discutant pas la motivation de l'arrêt attaqué (cf. supra, consid. 2). 
4. 
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
Le recourant ayant requis l'assistance judiciaire et établi que les conditions d'octroi de celle-ci étaient remplies, il convient d'agréer sa demande, soit de désigner Me Leila Roussianos à titre d'avocate d'office et d'allouer à celle-ci une indemnité de ce chef (art. 152 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux intimés qui ont renoncé à déposer une réponse. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
La requête d'assistance judiciaire est admise et Me Leila Roussianos, avocate à Lausanne, est désignée comme conseil d'office. 
3. 
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge du recourant mais sera supporté par la Caisse du Tribunal fédéral. 
4. 
La Caisse du Tribunal fédéral versera au conseil du recourant une indemnité de 2'000 fr. 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, aux intimés et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
Lausanne, le 19 juillet 2004 
Au nom de la IIe Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
La Juge présidant: La greffière: