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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_922/2018  
 
 
Arrêt du 9 janvier 2020  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et van de Graaf. 
Greffier : M. Dyens. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Elie Elkaim, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public central du canton de Vaud, 
2. B.________, 
représenté par Me Yves Hofstetter, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Lésions corporelles graves; défense excusable; arbitraire, 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 14 mai 2018 (n° 185 PE13.018338-TDE). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 5 juin 2013, aux alentours de 14 heures, dans un restaurant-bar situé dans un centre commercial du quartier de C.________, à D.________, B.________, agent de sécurité, est intervenu pour séparer deux individus, à savoir un inconnu et A.________, qui se disputaient en s'empoignant. A.________ n'a pas accepté de se faire repousser par B.________, s'est emparé d'une cuillère à café posée sur une table qui se trouvait à proximité et, en la brandissant, s'est élancé contre B.________. Ce dernier a effectué un pas d'esquive et a aussitôt asséné un coup de poing au visage de A.________, qui est tombé à terre. Sa tête a heurté le sol et il a perdu connaissance. 
Selon le rapport médical établi par des médecins de l'hôpital E.________ le 21 octobre 2013, A.________ a souffert d'un important traumatisme crânien avec de multiples contusions, qui a eu pour conséquence une cécité bilatérale complète permanente. Il a été hospitalisé à l'hôpital E.________ jusqu'en septembre 2013, puis a été transféré à l'hôpital de F.________. 
 
B.   
Par jugement du du 18 avril 2016, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a considéré, en rapport avec les faits précités, que les conditions de la légitime défense étaient réunies et que B.________ devait être libéré du chef d'accusation de lésions corporelles graves retenu à son encontre par le ministère public, renvoyant A.________ à agir par la voie civile. 
Dans le cadre de ce même jugement, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a également constaté, en rapport avec un autre complexe de faits, que B.________ s'était rendu coupable de lésions corporelles graves et de dommages à la propriété au préjudice de G.________, l'a condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 100 fr. le jour-amende et suspendu l'exécution de la peine pécuniaire prononcée, lui fixant un délai d'épreuve de 3 ans. Il l'a condamné à une amende de 1000 fr., arrêtant la peine privative de substitution en cas de défaut de paiement à 10 jours. Cet autre complexe de faits n'a toutefois fait l'objet ni de la procédure d'appel, ni de la procédure de recours fédérale évoquées ci-après. 
 
 
C.   
Par jugement du 24 novembre 2016, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel de A.________ et confirmé le jugement de première instance. Elle a estimé à son tour que les conditions de la légitime défense au sens de l'art. 15 CP étaient réunies dans le cas d'espèce. 
 
D.   
Par arrêt du 27 février 2018 (6B_130/2017, publié in SJ 2018 I, p. 385), le Tribunal fédéral a pour sa part considéré que si la cour cantonale avait admis à bon droit l'existence d'une attaque illicite, B.________ avait néanmoins réagi de façon disproportionnée, compte tenu en particulier de la retenue que l'on pouvait attendre de de sa part en sa qualité d'agent de sécurité expérimenté et rompu aux sports de combat. 
Le Tribunal fédéral a par conséquent admis le recours et renvoyé la cause à la cour cantonale, en l'invitant à reprendre la qualification juridique des faits, y compris sous l'angle de l'élément subjectif, et à examiner l'application de l'art. 16 CP
 
E.  
Lors de la seconde audience d'appel, l'intimé a produit un avis médical du Dr H.________ daté du 13 avril 2018, spécialiste FMH en neurologie, ainsi qu'un "rapport d'expertise" établi le 29 mars 2018 par le Dr I.________, spécialiste FMH en ophtalmochirurgie. 
Statuant à nouveau, la Cour d'appel pénale a, par jugement du 14 mai 2018, rejeté l'appel de A.________. Elle a considéré, en substance, que l'intimé avait intentionnellement infligé au recourant des lésions corporelles, qu'elle a qualifiées de simples, mais l'a néanmoins libéré en retenant un état de saisissement excusable au sens de l'art. 16 al. 2 CP
 
F.   
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt précité. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement, à la réforme du jugement attaqué, en ce sens que B.________ soit reconnu coupable de lésions corporelles graves à son encontre, qu'il soit reconnu être son débiteur et lui devoir immédiat paiement de la somme de 60'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 5 juin 2013 à titre de tort moral et qu'il lui soit donné acte de ses réserves civiles s'agissant de tous les autres dommages subis, dont, notamment, ceux liés au préjudice corporel et ménager. Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle instruction et nouvelle décision. Il sollicite de surcroît le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
G.   
Invités à se déterminer, la Cour d'appel pénale et le Ministère public y ont renoncé, tout se référant aux considérants du jugement attaqué. L'intimé a déposé des observations et a conclu au rejet du recours. Ses observations ont été transmises au recourant. Ce dernier a déposé une réplique, qui a été communiquée aux parties. Elle n'a pas suscité de duplique. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 143 IV 357 consid. 1 p. 358). 
 
 
1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles.  
 
1.2. Les motifs qui ont conduit à admettre la recevabilité du recours dans le cadre de l'arrêt rendu par la cour céans le 27 février 2018 (6B_130/2017 consid. 1) demeurent d'actualité et peuvent être transposés dans le cadre de la présente procédure de recours. Il y a lieu d'entrer en matière.  
 
2.   
Le recourant reproche notamment à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 16 al. 2 CP en considérant que l'intimé avait agi dans un état excusable de saisissement, partant en état de légitime défense excusable, et de l'avoir ainsi libéré de l'infraction de lésions corporelles. Il se justifie d'examiner ce grief en priorité. Son rejet suffirait en effet à sceller le sort de la cause, alors que son admission impliquerait nécessairement l'annulation du jugement attaqué et un nouveau renvoi à l'autorité précédente. 
 
 
2.1. A teneur de l'art. 16 CP, si l'auteur, en repoussant une attaque, a excédé les limites de la légitime défense au sens de l'art. 15, le juge atténue la peine (al. 1). Si cet excès provient d'un état excusable d'excitation ou de saisissement causé par l'attaque, l'auteur n'agit pas de manière coupable (al. 2).  
 
2.2. Un défense excessive est excusable en vertu de l'art. 16 al. 2 CP si l'attaque illicite est la seule cause ou la cause prépondérante de l'état d'excitation ou de saisissement dans lequel s'est trouvé l'auteur. En outre, la nature et les circonstances de l'attaque doivent apparaître telles qu'elles puissent rendre excusable l'état d'excitation ou de saisissement (arrêts 6B_873/2018 du 15 février 2019 consid. 1.1.3; 6B_853/2016 du 18 octobre 2017 consid. 2.2.4; 6B_810/2011 du 30 août 2012 consid. 5.3). Comme dans le cas du meurtre par passion, c'est l'état d'excitation ou de saisissement qui doit être excusable, non pas l'acte par lequel l'attaque est repoussée. La loi ne précise pas plus avant le degré d'émotion nécessaire. Il ne doit pas forcément atteindre celui d'une émotion violente au sens de l'art. 113 CP, mais doit revêtir une certaine importance. La peur ne signifie pas nécessairement un état de saisissement au sens de l'art. 16 al. 2 CP (arrêts 6B_1015/2014 du 1 er juillet 2015 consid. 3.2; 6B_889/2013 du 17 février 2014 consid. 3.1). Une simple agitation ou une simple émotion ne suffit pas (arrêts 6B_853/2016 précité consid. 2.2.4; 6B_810/2011 précité consid. 5.3.2). Il faut au contraire que l'état d'excitation ou de saisissement auquel était confronté l'auteur à la suite de l'attaque l'ait empêché de réagir de manière pondérée et responsable (arrêts 6B_971/2018 du 7 novembre 2019 consid. 2.3.4; 6B_873/2018 précité consid. 1.1.3; 6B_853/2016 précité consid. 2.2.4). La surprise découlant d'une attaque totalement inattendue peut générer un état de saisissement excusable (ATF 101 IV 119 p. 121; arrêt 6B_65/2011 du 8 septembre 2011 consid. 3.2; DUPUIS et al., Petit commentaire, Code pénal, 2e éd. 2017, n° 8 ad art. 16 CP).  
Il appartient au juge d'apprécier de cas en cas si le degré d'émotion était suffisamment marquant et de déterminer si la nature et les circonstances de l'attaque le rendaient excusable. Plus la réaction de celui qui se défend aura atteint ou menacé l'agresseur, plus le juge se montrera exigeant quant au degré d'excitation ou de saisissement nécessaire. Il dispose à cet égard d'un certain pouvoir d'appréciation (ATF 102 IV 1 consid. 3b p. 7; arrêts 6B_1015/2014 précité consid. 3.2; 6B_889/2013 précité consid. 3.1; 6B_810/2011 précité consid. 5.3.2). Lorsqu'un tel état est envisageable, il incombe au juge d'indiquer clairement si l'auteur était ou n'était pas en proie à l'excitation ou au saisissement et, dans l'affirmative, si l'état de trouble était ou n'était pas excusable (ATF 115 IV 167 consid. 1a p. 169). 
 
2.3. En l'espèce, la cour cantonale, revenant sur les circonstances entourant la réaction de l'intimé, a en particulier relevé que ce dernier avait fait l'objet d'une attaque soudaine et potentiellement dangereuse, tout en ajoutant que la situation à laquelle l'intimé avait eu à faire face pouvait surprendre, même un professionnel de la sécurité assumant à ce titre un devoir de maîtrise et de retenue plus étendu qu'autrui. La cour cantonale a également relevé que le simple fait que les parties présentaient une différence de stature, ne suffisait pas à exclure que l'intimé ait été surpris, compte tenu de l'attitude menaçante et agressive du recourant. Elle en a déduit que l'intimé "a[vait] agi dans un état excusable de saisissement tel qui expliqu[ait] sa réaction excessive au sens de l'art. 16 al. 2 CP".  
Force est cependant de relever que la cour cantonale se borne en réalité à considérer une attaque, certes illicite, imputable au recourant, et à évoquer la surprise qui pouvait en résulter pour en déduire sans plus de développement un état de saisissement excusable. Or, la simple surprise potentielle évoquée par la cour cantonale, qui n'est envisagée qu'à titre d'éventualité (cf. jugement attaqué p. 16: "pouvait surprendre"), n'est pas en soi suffisante pour considérer un état de saisissement, et moins encore son caractère excusable au sens de l'art. 16 al. 2 CP. On ne saurait au demeurant considérer que l'intimé aurait été pris de cours par une situation totalement inattendue (cf. arrêt 6B_65/2011 précité consid. 3.2 a contrario), dès lors qu'il intervenait pour séparer deux individus, dont le recourant, qui se disputaient en s'empoignant. Qui plus est, l'intimé est un agent de sécurité expérimenté et rompu aux sports de combat. Dans cette mesure, les circonstances propres au cas d'espèce ne permettent pas de considérer qu'il se serait trouvé dans une situation impliquant un état de saisissement tel qu'il aurait été empêché de réagir de manière pondérée et responsable. Les conditions de l'art. 16 al. 2 CP ne sont dès lors pas remplies et c'est donc à tort que la cour cantonale a fait application de cette disposition pour admettre que l'intimé n'avait pas agi de façon coupable. Le grief du recourant s'avère par conséquent fondé et le recours doit être admis sur ce point. 
 
3.   
Sous différents angles, le recourant reproche également à la cour cantonale de ne pas avoir retenu que le comportement de l'intimé réalisait les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l'infraction de lésions corporelles graves intentionnelles au sens de l'art. 122 CP
A cet égard, la cour cantonale a considéré que le coup de poing porté au visage du recourant par l'intimé était intentionnel et était à même de le faire chuter, ce que ce dernier ne pouvait pas ignorer, tout comme le fait qu'une chute dans un environnement hostile tel qu'une cafétéria, meublée de tables, de chaises et pourvue d'un revêtement dur pouvait provoquer des lésions. Elle a ainsi admis qu'en stoppant son agresseur par un coup de poing au visage, l'intimé avait accepté le risque que celui-ci chute lourdement et subisse des lésions corporelles "qu'on [pouvait], au bénéfice du doute, qualifier de simples, au vu du rapport médical produit à la seconde audience d'appel". Il existait selon elle une importante incertitude sur le fait que les lésions subies par le recourant en lien avec le comportement de l'intimé soient des lésions corporelles graves. Le rapport précité précisait les conclusions médicales initiales - soit le rapport des médecins de l'hôpital E.________ du 21 octobre 2013, dont il ressort que le recourant a souffert d'un important traumatisme crânien avec de multiples contusions, qui a eu pour conséquence une cécité bilatérale complète permanente et qu'il a été hospitalisé à l'hôpital E.________ jusqu'en septembre 2013, avant d'être transféré à l'hôpital de F.________ (cf. supra A) -, en ce sens que le coup de poing donné par l'intimé et la chute au sol qui s'en est suivie pouvaient avoir seulement favorisé la cécité de la victime, sans nécessairement l'avoir causée, en raison d'une maladie préexistante (rétinopathie diabétique) dont souffrait le recourant et qui affectait de façon majeure ses vaisseaux sanguins oculaires. La cour cantonale a encore relevé que les spécialistes consultés n'avaient toutefois pas pu évaluer précisément l'influence du traumatisme provoqué par l'intimé, respectivement la maladie préexistante, faute d'avoir eu accès à certains documents. 
Les juges précédents ont de surcroît considéré que, du point de vue subjectif, on pouvait également exclure que la volonté de l'intimé ait porté sur le fait d'infliger au recourant des lésions corporelles graves en lui donnant un seul coup de poing, même s'il devait anticiper sa chute, à moins d'avoir connu l'affection dont il souffrait, ce qui n'était pas le cas. 
Face à ces motifs, le recourant soutient que la cour cantonale a violé le droit fédéral à différents égards. Il se plaint d'une violation de son droit d'être entendu en reprochant aux juges précédents de ne pas lui avoir imparti de délai pour se déterminer sur les avis médicaux nouveaux produits lors des seconds débats d'appel. Il invoque également une appréciation arbitraire des avis médicaux en question et fait en outre grief à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 122 CP, tant sous l'angle de l'élément objectif que de l'élément subjectif. 
 
4.   
Aux termes de l'art. 122 CP, celui qui, intentionnellement, aura blessé une personne de façon à mettre sa vie en danger (al. 1), aura mutilé le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou causé à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou aura défiguré une personne d'une façon grave et permanente (al. 2) ou aura fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale (al. 3), sera puni d'une peine privative de liberté de six mois à dix ans (al. 4). 
 
4.1. Sur le plan objectif, l'art. 122 CP suppose un comportement dangereux, une atteinte grave à l'intégrité physique ou à la santé, ainsi qu'un lien de causalité entre ces deux éléments (MARC RÉMY, in MACALUSO/MOREILLON/QUELOZ, Commentaire romand, Code pénal II, art. 111-392 CP, 2017, n° 2 ad art. 122 CP).  
 
4.1.1. L'art. 122 CP, qui définit une infraction de résultat, vise tout comportement par lequel l'auteur provoque des lésions graves à la victime (MARC RÉMY, op. cit., n° 3 ad art. 122 CP).  
 
4.1.2. Des lésions corporelles sont graves, notamment, si l'auteur a causé intentionnellement une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes (art. 122 al. 2 CP). Dans tous ces cas, la loi vise une diminution ou une perte d'une faculté humaine subie par la victime, liée à des atteintes d'ordre physique ou psychique. L'atteinte doit être permanente, c'est-à-dire durable et non limitée dans le temps; il n'est en revanche pas nécessaire que l'état soit définitivement incurable et que la victime n'ait aucun espoir de récupération (arrêts 6B_422/2019 du 5 juin 2019 consid. 5.1; 6B_675/2013 du 9 janvier 2014 consid. 3.2.1).  
Les atteintes énumérées par les alinéas 1 et 2 de l'art. 122 CP ont un caractère exemplatif. L'alinéa 3 définit pour sa part une clause générale destinée à englober les lésions du corps humain ou les maladies qui ne sont pas prévues par les alinéas 1 et 2, mais qui revêtent une importance comparable et qui doivent être qualifiées de graves dans la mesure où elles impliquent plusieurs mois d'hospitalisation, de longues et graves souffrances ou de nombreux mois d'arrêt de travail (ATF 124 IV 53 consid. 2 p. 57; plus récemment: arrêt 6B_514/2019 du 8 août 2019 consid. 2). Afin de déterminer si la lésion est grave, il faut procéder à une appréciation globale: plusieurs atteintes, dont chacune d'elles est insuffisante en soi, peuvent contribuer à former un tout constituant une lésion grave. Il faut tenir compte d'une combinaison de critères liés à l'importance des souffrances endurées, à la complexité et à la longueur du traitement (multiplicité d'interventions chirurgicales, etc.), à la durée de la guérison, respectivement de l'arrêt de travail, ou encore à l'impact sur la qualité de vie en général (arrêts 6B_422/2019 précité consid. 5.1 et les références). 
La notion de lésions corporelles graves au sens de l'art. 122 CP constitue une notion juridique indéterminée soumise à interprétation. La jurisprudence reconnaît à l'autorité précédente un certain pouvoir d'appréciation, dont elle ne revoit l'exercice qu'avec retenue (ATF 129 IV 1 consid. 3.2 p. 3; 115 IV 17 consid. 2a et b p. 19 s.; plus récemment: arrêt 6B_1254/2018 du 17 septembre 2019 consid. 2.3.2). 
 
4.1.3. S'agissant du lien de causalité naturelle et adéquate qu'exige l'art. 122 CP, les concepts précités ont été rappelés récemment aux ATF 143 III 242 consid. 3.7 p. 249 s. et 142 IV 237 consid. 1.5 p. 244, et ont notamment été précisés aux ATF 133 IV 158 consid. 6.1 p. 167 s. et 131 IV 145 consid. 5 p. 147 ss. Il convient de s'y référer.  
Selon la jurisprudence, la causalité adéquate sera admise même si le comportement de l'auteur n'est pas la cause directe ou unique du résultat. Peu importe que le résultat soit dû à d'autres causes, notamment à l'état de la victime, à son comportement ou à celui de tiers (ATF 131 IV 145 consid. 5.2 p. 148). Le Tribunal fédéral a notamment admis qu'un état de santé déficient ou une prédisposition chez la victime ne constitue pas une circonstance propre à rompre le lien de causalité (ATF 131 IV 145 consid. 5.3 p. 149). Il y a en revanche rupture du lien de causalité adéquate, l'enchaînement des faits perdant sa portée juridique, lorsque une autre cause concomitante - par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou celui d'un tiers - propre au cas d'espèce constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. Cependant, cette imprévisibilité de l'acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le lien de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à amener celui-ci, notamment le comportement de l'auteur (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.2 p. 265 s.; 133 IV 158 consid. 6.1 p. 168; 131 IV 145 consid. 5.2 p. 148; cf. aussi ATF 143 III 242 consid. 3.7 p. 250). 
La question de la causalité adéquate constitue une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 142 IV 237 consid. 1.5.1 et 1.5.2 p. 244; 139 V 176 consid 8.4.1 à 8.4.3 p. 189 s.; 138 IV 57 consid. 4.1.3 p. 61). 
 
4.2. Sur le plan subjectif, l'art. 122 CP définit une infraction de nature intentionnelle. Le dol éventuel suffit (arrêt 6B_388/2012 du 12 novembre 2012 consid. 2.2.1; MARC RÉMY, op. cit., n° 14 s. ad art. 122 CP). L'intention de l'auteur doit en l'occurrence porter sur la gravité des lésions subies par la victime. Si l'intention de l'auteur ne porte que sur des lésions corporelles simples, mais que celui-ci cause néanmoins des lésions corporelles graves, ce dernier réalise les infractions de lésions corporelles simples intentionnelles (art. 123 CP) et grave par négligence (art. 125 al. 2 CP) en concours idéal parfait (ATF 134 IV 26 consid. 4 p. 34 ss; MARC RÉMY, op. cit., n° 15 ad art. 122 CP; STRATENWERTH/JENNY/BOMMER, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil I: Straftaten gegen Individualinteressen, 7e éd. 2010, p. 75, § 3 n° 34).  
Selon la jurisprudence, l'analyse de l'élément subjectif en matière de lésions corporelles résultant de coups de poing dépend des circonstances concrètes de chaque cas d'espèce. Parmi les critères déterminants à prendre en compte figurent la violence des coups portés et la constitution de la victime (arrêt 6B_388/2012 précité consid. 2.4.2). Le fait qu'un comportement apparaisse propre, dans l'abstrait, à causer des lésions corporelles (objectivement) graves au sens de l'art. 122 CP ne suffit pas sans autre à retenir l'intention (arrêt 6B_161/2016 du 12 octobre 2016 consid. 1.4.2). La fragilité de la victime ne peut être prise en compte que si elle était connue de l'auteur (TRECHSEL/GETH, in TRECHSEL/PIETH, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 3e éd. 2018, n° 10 ad art. 122 CP). 
 
4.3. En l'espèce, il ressort du jugement entrepris que la cour cantonale a réexaminé les faits litigieux, en ce qui concerne en particulier les lésions du recourant, en tenant compte des pièces nouvelles produites par l'intimé lors des seconds débats d'appel. Le recourant ne conteste pas ce réexamen en tant que tel, étant relevé qu'il n'apparaît pas en soi critiquable (cf. ATF 143 IV 214 consid. 5.3.2 p. 221 s., 5.4 p. 224 s. et les références citées; arrêt 6B_865/2018 du 14 novembre 2019 consid. 3.3). Quant au grief de violation du droit d'être entendu que soulève le recourant en rapport avec la prise en compte de ces pièces nouvelles, il souffre de rester indécis au vu de ce qui suit.  
La cour cantonale a retenu que les rapports médicaux produits lors de la seconde audience d'appel précisaient les conclusions médicales initiales, telles qu'elles ressortaient de l'avis des médecins de l'hôpital E.________ du 21 octobre 2013 (cf. supra A). Il apparaît toutefois que le jugement attaqué ne comporte aucune discussion concernant la valeur probante des différents avis médicaux en cause, sachant que l'avis des médecins de l'hôpital E.________ a été établi dans le cadre de l'instruction, en réponse à un questionnaire du ministère public adressé au médecin traitant, tandis que les avis médicaux produits par l'intimé, établis les 29 mars et 13 avril 2018, ont été établis à son initiative et constituent des expertises privées (cf. sur ce point: ATF 142 II 355 consid. 6 p. 359; 141 IV 369 consid. 6.2 p. 373 s. et les références citées; arrêts 6B_1153/2018 du 14 décembre 2018 consid. 2.6; 6B_986/2015 du 23 août 2016 consid. 3.5.3). En l'absence de motifs précisant les éléments qui ont guidé l'appréciation de la cour cantonale, il n'est pas possible d'examiner les griefs d'arbitraire que le recourant soulève à cet égard, ni de contrôler la correcte application du droit fédéral sur ce point (cf. art. 112 al. 1 let. b LTF). Ce constat s'impose d'autant plus dans la mesure où la cantonale retient que les avis médicaux produits par l'intimé précisent les conclusions initiales des médecins de l'hôpital E.________, mais relève elle-même que les spécialistes consultés par l'intimé concèdent ne pas avoir été en mesure d'évaluer l'influence du traumatisme provoqué par ce dernier, faute d'avoir eu accès à certains documents. 
En outre, en tant qu'elle retient au bénéfice du doute, sur la base de ces mêmes rapports médicaux, des lésions corporelles simples, la cour cantonale fait application du principe in dubio pro reo d'une façon qui s'avère doublement problématique. En premier lieu, ce principe n'est applicable qu'après administration et appréciation complète des moyens de preuves nécessaires à la manifestation de la vérité (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 p. 350; arrêts 6B_1189/2018 du 12 septembre 2019 consid. 2.1.1; 6B_288/2015 du 12 octobre 2015 consid. 1.5.3 et les références citées). Or, en l'occurrence, une appréciation suffisante des moyens de preuve en cause fait précisément défaut. De ce point de vue, la référence au principe in dubio pro reo apparaît prématurée. En second lieu, la distinction entre lésions corporelles simples et graves concerne en soi une question de qualification juridique. De même, en retenant que le coup de poing donné par l'intimé au recourant et la chute au sol qui s'en est suivie peuvent avoir seulement favorisé la cécité du second, sans nécessairement l'avoir causée, en raison d'une maladie préexistante, la cour cantonale retient en réalité, quoiqu'implicitement, une rupture du lien de causalité adéquate. Tant cet élément que la qualification juridique des lésions corporelles n'en concernent pas moins des questions de droit, en lien avec lesquelles le principe in dubio pro reo ne s'applique pas (ATF 139 I 72 consid. 8.3.1 p. 91; 120 Ia 31 consid. 2b p. 35; cf. déjà ATF 83 IV 203 consid. 2 p. 205; NIKLAUS OBERHOLZER, Grundzüge des Strafprozessrechts, 3e éd. 2012, p. 250, n° 694; ESTHER TOPHINKE, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd. 2014, n° 76 ad art. 10 CPP; MOREILLON/PAREIN REYMOND, Petit commentaire du Code de procédure pénale, 2e éd. 2016, n° 17 ad art. 10 CPP). Sous cet angle, la référence au principe précité tombe donc à faux. Au demeurant, le jugement attaqué reste muet au sujet de la jurisprudence topique concernant la portée d'un état de santé déficient ou d'une prédisposition chez la victime en termes de causalité adéquate (cf. supra consid. 4.1.3; ATF 131 IV 145 consid. 5.3 p. 149). Il ne comporte aucune discussion y relative. Il s'ensuit que le jugement attaqué ne comporte pas de motivation suffisante à cet égard et ne permet pas non plus de se prononcer sur le grief de violation de l'art. 122 CP que soulève le recourant, non seulement en ce qui concerne l'élément objectif de l'infraction, mais également en rapport avec son élément subjectif. 
 
4.4. En définitive, les éléments précités conduisent, en ce qui concerne les griefs concernant la violation l'art. 122 CP dont se plaint le recourant, à admettre le recours et à renvoyer la cause en application des art. 112 al. 1 let. b et al. 3 LTF.  
 
5.   
Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'admettre le recours, d'annuler le jugement attaqué et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Il appartiendra à la cour cantonale de reprendre la qualification juridique des faits après avoir explicité et motivé son appréciation des moyens de preuves pris en considération. Au préalable, elle veillera à ménager au recourant la possibilité de se déterminer sur les preuves produites par l'intimé lors des seconds débats d'appel. Elle ordonnera au besoin des mesures d'instruction complémentaires concernant les conséquences médicales du traumatisme subi par le recourant à la suite des faits litigieux. Elle aura enfin à réexaminer l'application de l'art. 16 al. 1 CP à l'aune des considérants du présent arrêt. 
 
6.   
Une partie des frais judiciaires est mise à la charge de l'intimé, qui succombe, le canton de Vaud n'ayant pas à en supporter (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Le recourant peut prétendre à une indemnité de dépens, à la charge pour moitié chacun, d'une part, du canton de Vaud et, d'autre part, de l'intimé (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Cela rend sans objet sa demande d'assistance judiciaire. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis, le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.   
Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 1500 fr., est mise à la charge de l'intimé. 
 
3.   
Une indemnité de 3000 fr., à verser au recourant à titre de dépens, est mise pour moitié à la charge du canton de Vaud et pour moitié à la charge de l'intimé. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 9 janvier 2020 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
Le Greffier : Dyens