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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_620/2018  
 
 
Arrêt du 16 avril 2020  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Kiss, présidente, Rüedi et May Canellas. 
Greffière Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Philippe Nordmann, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ AG, 
représentée par Me Nadine Mounir Broccard, 
intimée. 
 
Objet 
contrat d'assurance; invalidité consécutive à un accident; prescription, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 30 octobre 2018 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud 
(n° 605; JS15.013393-180122). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ avait contracté une assurance privée contre les accidents auprès de B.________ AG. En cas d'invalidité de l'assurée, cette société d'assurances devait verser un capital dont l'importance variait en fonction du taux d'invalidité; une clause de progressivité s'appliquait lorsque l'invalidité dépassait 25 %.  
Les conditions générales d'assurance (CGA) prévoyaient notamment ce qui suit: 
 
"Capital-invalidité 
9. Comment l'invalidité est-elle déterminée? 
Si une invalidité probablement permanente du point de vue médical et théorique survient dans les cinq ans qui suivent un accident, l'assureur verse le capital-invalidité calculé en fonction du degré d'invalidité, de la somme d'assurance convenue et de la variante de prestations choisie. Une éventuelle incapacité de gain ou incapacité de travail suite à cet événement n'est pas prise en compte. 
Dans les conditions spéciales pour l'assurance-accidents en cas de décès et d'invalidité figurait la clause suivante: 
 
"Art. 13 CGA Fixation de l'invalidité 
1. Si l'accident entraîne dans les cinq ans à dater de l'accident une invalidité probablement permanente, B.________ paie le capital assuré, à savoir (...)." 
 
A.b. Le 28 mai 2004, l'assurée a été victime d'un grave accident de la route. Victime d'un traumatisme cranio-cérébral (TCC), elle a subi de nombreuses lésions, notamment au niveau neuropsychologique.  
 
A.c. Par décision du 8 juillet 2008, l'Office de l'assurance-invalidité (OAI) lui a alloué une rente d'invalidité entière, fondée sur un degré d'invalidité de 78 % au sens de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité (LAI), avec effet au 1 er mai 2005.  
 
A.d. Le Centre d'expertise médicale (CEMed) a réalisé une expertise le 3 décembre 2008, puis établi son rapport le 3 avril 2009, document qu'il a directement communiqué à l'assureur LAA. Le CEMed a chiffré à 35 % le degré de l'atteinte occasionnée par l'accident sur le plan neuropsychologique, précisant que l'état médical définitif était atteint au degré de la vraisemblance prépondérante; il l'avait été probablement depuis 2006-2007. Aucune amélioration notable ne devait être attendue.  
 
A.e. L'assurée a également souffert de somnipathie et de troubles d'ordre urologique et auditif liés à l'accident.  
Son médecin traitant a expliqué que la problématique urologique était devenue définitive vers la fin de l'année 2010 seulement, voire au début de l'année 2011. Les troubles auditifs avaient varié; tout d'abord marqués, ils s'étaient estompés avant de se renforcer lorsque l'assurée avait réintégré une vie professionnelle et sociale. Enfin, les troubles du sommeil avaient diminué avec le temps. Certains rattachements s'étaient faits tardivement, car certains troubles étaient apparus de manière plus prononcée plus tard. 
 
A.f. Par courrier du 17 novembre 2011, le conseil de l'assurée a demandé à la compagnie d'assurances de lui adresser une copie de la police et des CGA y relatives, ainsi qu'une déclaration de renonciation à la prescription. Il expliquait qu'un litige opposant sa cliente à l'assureur de l'auteur de l'accident lui avait fait réaliser que celle-ci bénéficiait d'une assurance en cas d'invalidité.  
La compagnie d'assurances a envoyé les documents requis en indiquant que le cas ne lui avait pas été déclaré et qu'elle ne pouvait pas fournir une renonciation à la prescription. 
Le conseil de l'assurée a fait valoir que celle-ci avait subi d'importants troubles mnésiques pouvant le cas échéant expliquer le retard à se prévaloir de la police; il a derechef sollicité une renonciation à la prescription. 
Le 13 décembre 2011, la compagnie d'assurances a émis une telle déclaration, pour autant que la prescription ne fût pas acquise à cette date. Elle a sollicité divers documents d'ordre médical et la déclaration d'accident faite auprès de l'assureur-accidents. Par la suite, elle a encore délivré diverses déclarations du même type. 
Tel a ainsi été le cas le 4 juin 2013. A cette occasion, elle a demandé une procuration pour recueillir de plus amples renseignements, afin d'examiner le droit de l'assurée à des prestations. 
Dans une missive du 27 janvier 2014, la société d'assurances a exprimé l'avis que la prescription était acquise au plus tard le 3 décembre 2010, soit deux ans après l'expertise effectuée par le CEMed. 
 
B.  
 
B.a. Le 29 octobre 2014, l'assurée a ouvert action contre la société d'assurances devant la Chambre patrimoniale du canton de Vaud. Elle concluait au paiement de 250'000 fr. plus intérêts.  
La défenderesse a soulevé l'exception de prescription. 
Une expertise médicale a été confiée au Dr C.________, lequel a rendu un rapport le 4 novembre 2016, puis un complément daté du 8 février 2017. L'expert judiciaire a estimé le taux d'invalidité à 45 %, soit 35 % pour les affections neuropsychologiques comme retenu par le CEMed, plus 5 % pour les séquelles urologiques et 5 % pour les atteintes auditives. De son point de vue, ce taux constaté au moment de l'expertise judiciaire pouvait déjà être retenu en avril 2009, soit au moment de l'expertise CEMed, mais en tous les cas dès janvier 2013, date d'une autre expertise; les troubles urinaires et auditifs étaient stables dès cette date. L'expert a encore précisé que l'assurée ne pouvait pas prendre conscience qu'elle bénéficiait d'une couverture d'assurance contre l'invalidité en raison de ses troubles neuropsychologiques. 
Par jugement du 25 septembre 2017, la Chambre patrimoniale cantonale a rejeté l'action au motif qu'elle était prescrite. 
 
B.b. Statuant le 30 octobre 2018 sur appel de l'assurée, le Tribunal cantonal vaudois a confirmé ce jugement. Ses considérants seront évoqués ci-dessous dans la mesure utile à la discussion.  
 
C.   
L'assurée a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile dans lequel elle réitère les conclusions de sa demande. Elle a en outre sollicité l'assistance judiciaire, requête qu'elle a ensuite retirée. 
L'autorité précédente s'est référée à son arrêt. 
La compagnie d'assurances a conclu au rejet du recours. 
L'assurée a répliqué sans susciter une duplique de son adverse partie. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le litige porte sur une assurance privée contre les accidents, soumise à la loi fédérale sur le contrat d'assurance (LCA; RS 221.229.1); il ressortit ainsi à la matière civile (art. 72 al. 1 LTF). La demanderesse, qui a succombé dans ses conclusions condamnatoires (art. 76 al. 1 LTF), a agi en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF) à l'encontre d'une décision finale rendue par le tribunal supérieur du canton statuant sur recours (art. 75 et 90 LTF), dans une cause dont la valeur litigieuse excède 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). Le présent recours est ainsi recevable sur le principe. 
 
2.  
 
2.1. L'assurée demande le versement d'un capital en raison d'une invalidité partielle consécutive à un accident survenu le 28 mai 2004. La compagnie d'assurances a signé le 13 décembre 2011 une première déclaration de renonciation à la prescription moyennant qu'elle ne fût pas acquise à ce stade. Est litigieuse la question de savoir si la prétention de l'assurée était déjà prescrite à ce moment-là.  
 
2.2.  
 
2.2.1. Par invalidité, on entend ici - ce point n'est pas discuté - une atteinte définitive à l'intégrité corporelle qui diminue la capacité de travail, sans égard au préjudice économique effectif que peut subir l'assuré et sans tenir compte de sa profession et des circonstances du cas concret (invalidité médicale ou théorique; cf. art. 9 CGA let. A.a  supra; ATF 118 II 447 consid. 2b p. 445; arrêts 4A_644/2014 du 27 avril 2015 consid. 2.2; 5C.19/2006 du 21 avril 2006 consid. 2.2).  
A l'instar de l'art. 88 al. 1 LCA, l'art. 9 CGA requiert que l'atteinte soit "probablement permanente", c'est-à-dire vraisemblablement définitive: une certitude absolue n'est pas nécessaire (ATF 81 II 155 consid. 4a p. 158; cf. les textes allemand et italien de l'art. 88 LCA: "voraussichtlich bleibend", "prevedibilmente duratura"). 
 
2.2.2. La LCA connaît une réglementation spéciale en matière de prescription. Selon l'art. 46 al. 1 LCA, les créances qui dérivent du contrat d'assurance se prescrivent par deux ans à dater du fait d'où naît l'obligation.  
Lorsqu'une assurance-accidents prévoit une couverture en cas d'invalidité, ce n'est pas l'accident comme tel, mais l'invalidité qui constitue le "fait d'où naît l'obligation". La prescription commence donc à courir dès la survenance de l'invalidité (ATF 139 III 263 consid. 1.2 p. 265 s.; 118 II 447 consid. 2b p. 455). Peu importe en revanche le moment où l'assuré a eu connaissance de son invalidité; contrairement aux art. 60 CO et 83 al. 1 LCR, le point de départ du délai de l'art. 46 LCA est fixé de manière objective (ATF 139 III 263 consid. 1.2 p. 266; 118 II 447 consid. 2b p. 455). 
En outre, il n'est pas nécessaire que le taux d'invalidité soit définitivement déterminé: il suffit que l'invalidité soit acquise dans son principe. Demeure réservée l'hypothèse où le contrat prévoit un taux minimal devant être atteint pour que le cas d'assurance soit réalisé (arrêts 4A_228/2016 du 16 janvier 2017 consid. 2.1; 4A_644/2014 précité consid. 2.3; 5C.61/2003 du 23 octobre 2003 consid. 3.5; cf. au surplus  infra consid. 2.5.2).  
 
2.3. Déployant une argumentation à plusieurs pans, l'autorité précédente a conclu que la prétention était déjà prescrite lorsque l'assureur avait signé sa déclaration de renonciation le 13 décembre 2011:  
 
- L'invalidité de l'assurée était acquise dans son principe en tout cas dès juillet 2008, lorsque l'AI avait décidé de la mettre au bénéfice d'une rente entière; le délai de prescription biennal était ainsi échu en décembre 2011. 
- Le résultat était identique si l'on adoptait comme  dies a quo la date de communication du rapport d'expertise du CEMed (cf. let. A.d  supra). Que l'assurée elle-même n'ait prétendument pas eu connaissance dudit rapport [communiqué directement à son assureur LAA, réd.] était sans importance pour le point de départ de la prescription. De même, il importait peu que le taux d'invalidité ait pu encore évoluer: il suffisait en effet que l'invalidité fût fixée dans son principe. Au demeurant, l'expert judiciaire avait estimé que le taux d'invalidité global de 45 % - incluant les séquelles urologiques et d'hyperacousie - pouvait déjà être retenu à ce moment-là.  
- De toute façon, il n'y avait pas à tenir compte d'atteintes à la santé postérieures au 28 mai 2009. En effet, les conditions générales contenaient une clause semblable à celle examinée dans l'arrêt 4A_644/2014, clause dont il fallait pareillement inférer qu'à compter d'un délai de 5 ans après l'accident, l'assureur avait la possibilité de régler le cas même si l'importance de l'invalidité permanente ne pouvait pas encore être définitivement chiffrée. Ainsi, même dans l'hypothèse - non réalisée en l'espèce - où l'invalidité n'aurait pas été acquise cinq ans après l'accident, la prescription aurait commencé à courir le 28 mai 2009 pour expirer deux ans plus tard, soit avant la signature de la première déclaration de renonciation survenue le 13 décembre 2011. 
La Cour d'appel vaudoise a encore écarté l'hypothèse d'un abus de droit de la compagnie d'assurances (art. 2 al. 2 CC) et exclu l'application de l'art. 45 al. 3 LCA (sur ces points, cf. consid. 3 infra).  
 
2.4. Selon le rapport du CEMed établi le 3 avril 2009 sur expertise réalisée le 3 décembre 2008, le degré d'atteinte au niveau neuropsychologique était de 35 %. L'état médical définitif était alors atteint avec une vraisemblance prépondérante. Il l'avait été "probablement depuis 2006-2007". L'expert judiciaire a sans autre repris ce taux, qu'il a augmenté de 10 % en raison d'autres atteintes.  
La recourante ne remet pas à proprement parler en cause ces observations de nature médicale. Elle souligne - sur un mode appellatoire - que des mesures thérapeutiques destinées à atténuer l'invalidité ont encore été entreprises bien au-delà du 29 mai 2011; cependant, un tel élément ne s'oppose pas à ce qu'un état d'invalidité «probablement définitif» soit déjà atteint plus de deux ans avant cette date. 
Le conseil de la recourante souhaiterait voir précisé un considérant théorique inséré dans certains arrêts, selon lequel l'invalidité pourra être tenue pour acquise lorsqu'aura été constaté l'échec des mesures thérapeutiques visant à conjurer le mal, ou du moins à limiter les effets de l'atteinte dommageable (cf. notamment ATF 118 II 447 consid. 2b p. 455). En réalité, la notion juridique d'invalidité, qui implique une diminution "probablement permanente" de la capacité de travail, est clairement définie. Toute la difficulté consiste à déterminer, dans un cas concret, si l'état de santé est désormais stabilisé, respectivement si l'atteinte à l'intégrité corporelle entraînant une telle diminution est "probablement permanente". Or, il échoit aux médecins de répondre à cette question extrêmement délicate, vu la complexité des réactions du corps humain à une atteinte accidentelle, comme le soulignent la doctrine et la jurisprudence (cf. par ex. JEAN BENOÎT MEUWLY, La durée de la couverture d'assurance privée, 1994, p. 406 s.). En l'occurrence, des médecins ont précisément constaté que l'invalidité était installée en avril 2009 en tout cas, et cet élément n'est pas remis en cause par un grief dûment motivé. 
Par ailleurs, l'autorité précédente a souligné, conformément à la jurisprudence, qu'il importait peu que l'assurée ait déjà eu connaissance de son invalidité à ce moment-là, de sorte que l'argument tiré d'une prétendue non-communication du rapport du CEMed est sans pertinence. 
 
2.5. La recourante fait encore grief à la Cour d'appel d'avoir retenu comme  dies a quo déterminant le moment où le principe de l'invalidité était acquis, mais pas son ampleur. Une telle solution ne serait pas acceptable, a fortiori lorsque le taux d'invalidité augmente en raison d'atteintes à l'intégrité d'une nouvelle sorte, et lorsque l'augmentation du taux a des retombées financières encore accrues par une clause de progressivité.  
 
2.5.1. La recourante omet toutefois de contester un autre argument des juges cantonaux, tiré de l'avis exprimé par l'expert judiciaire selon lequel le taux d'invalidité global de 45 %, incluant les séquelles urologiques et hyperacousiques, pouvait déjà être retenu au moment du rapport du CEMed, soit en avril 2009. En d'autres termes, l'ampleur de l'invalidité était déjà déterminée à ce moment-là. La recourante ne prétend pas que les juges cantonaux auraient versé dans l'arbitraire en faisant une telle constatation; tout au plus entame-t-elle une discussion purement appellatoire en se référant aux propos tenus par son médecin traitant, en isolant une phrase de l'état de fait relative aux conséquences de l'accident, sans égard aux considérants plus précis, et en soutenant que le taux global d'invalidité devrait être fixé à 55 %. A défaut d'une attaque recevable contre le motif alternatif brandi par les juges d'appel, le moyen résumé au paragraphe précédent s'en trouve par là même privé d'objet.  
 
2.5.2. Cela étant, l'autorité précédente a résumé fidèlement la jurisprudence selon laquelle la survenance de l'invalidité est déterminante pour le départ de la prescription, quand bien même le taux n'est pas encore définitif. Il faut rappeler que des motifs tenant à la technique d'assurance et à la sécurité du droit ont conduit à introduire dans la LCA un régime spécial de prescription, détaché de l'exigibilité de la créance (cf. par contraste l'art. 130 CO) au profit d'un autre élément par hypothèse antérieur, soit le moment où sont réunis les éléments constitutifs de l'obligation de prester. La créance peut ainsi se prescrire avant d'être exigible (ATF 139 III 263 consid. 1.2; 127 III 268 consid. 2c p. 272; 100 II 42 consid. 2b p. 47). Au fil d'une évolution, il a été admis que la prescription ne court pas dès l'accident, mais dès la survenance de l'invalidité. Si l'invalidité en soi est déjà une question délicate, celle de l'évolution du taux l'est tout autant, si ce n'est plus, et constitue une source d'insécurité supplémentaire (cf. ALFRED MAURER, Schweizerisches Privatversicherungsrecht, 3e éd. 1995, p. 393 s. et sous-note 1024, suivi par ALFRED KOLLER, Die Verjährung von Versicherungsansprüchen, in Ausgewählte Schriften, [Schnyder éd.] 2013, p. 523). La solution consistant à faire partir la prescription dès la survenance de l'invalidité constitue un compromis dont se satisfont divers auteurs (cf., outre les deux auteurs précités, MORITZ W. KUHN, Privatversicherungsrecht, 3 e éd. 2010, p. 240 n. 669). D'autres avis sont naturellement exprimés (MEUWLY, op. cit., p. 407 s.; cf. aussi KARL SPIRO, Die Begrenzung privater Rechte durch Verjährungs-, Verwirkungs- und Fatalfristen, tome I, 1975, § 68 p. 143 ss spéc. p. 146). Les critiques pourraient s'amenuiser si la révision de l'art. 46 al. 1 LCA (augmentation du délai de prescription à 5 ans) devait aboutir - ce qui semble probable en l'état (cf. ILERI/SCHMID, in Basler Kommentar, Versicherungsvertragsgesetz, Nachführungsband, 2012, ad n° 40 ad art. 88 LCA, qui envisageaient toutefois un délai décennal; cf. art. 46 du projet actuel de révision, in FF 2017 4823 s.; BOCN 2019 771 et BOCE 2019 767. Révision désormais adoptée, cf. FF 2020 5504, délai référendaire au 8.10.2020).  
Prima facie, les arguments brandis par la recourante ne paraissent pas nécessiter une adaptation de la jurisprudence. D'une part, il ne semble pas justifié de distinguer selon que le taux d'invalidité varie en raison d'une atteinte déjà connue ou d'une atteinte nouvelle. D'autre part, on ne discerne pas d'analogie entre la clause de progressivité telle que prévue par l'assurance et le cas où l'assureur ne couvre pas une invalidité inférieure à un certain taux. Cela étant, il n'est pas nécessaire d'en discourir plus avant, puisque dans le cas concret il est acquis que l'ampleur de l'invalidité était déjà figée en avril 2009 (consid. 2.5.1  supra).  
 
2.6. L'autorité précédente a encore relevé, dans une motivation alternative, que des atteintes à la santé apparues postérieurement au 28 mai 2009 ne pourraient de toute façon pas être prises en compte comme les conditions générales limitaient la prestation de l'assureur à la condition que l'invalidité survienne dans les cinq ans après l'accident.  
La recourante rappelle que dans l'affaire 4A_644/2014 (consid. 2.4) où était examinée une clause présentant certains traits communs, la cour de céans s'était interrogée sur sa compatibilité avec l'art. 46 LCA et l'art. 88 al. 1 LCA. On relèvera que cette réserve s'inscrivait dans un  obiter dictumet que dans le cas présent également, il n'est pas nécessaire d'effectuer un examen plus détaillé puisque d'autres motifs conduisent à retenir la prescription. D'aucuns ont fait remarquer que ce type de clause - qui serait fréquemment insérée par les sociétés d'assurance soucieuses de ne pas supporter indéfiniment les incertitudes liées à l'invalidité - revient à définir le risque assumé par l'assureur; à ce titre elle devrait être compatible avec l'art. 46 al. 2 LCA (MAURER, op. cit., p. 400 s.). Une telle analyse paraît digne de considération, sans qu'il soit nécessaire d'apporter ici une réponse définitive.  
 
2.7. En bref, la Cour d'appel vaudoise n'a pas enfreint le droit fédéral en retenant que la prétention de l'assurée était déjà prescrite lorsque celle-ci a obtenu le 13 décembre 2011 une première déclaration de renonciation à la prescription. Le grief contestant que l'invalidité fût déjà acquise lorsque l'OAI a statué en juillet 2008 s'en trouve privé d'objet.  
 
3.  
 
3.1. L'autorité précédente a exclu qu'on puisse reprocher à la compagnie d'assurances un quelconque abus de droit pour avoir soulevé l'exception de prescription, après avoir réclamé des informations complémentaires les 13 décembre 2011 et 4 juin 2013. Elle a également considéré que l'art. 45 al. 3 LCA ne trouvait pas application. L'assurée souffrait certes de troubles neuropsychologiques l'empêchant, aux dires de l'expert judiciaire, de prendre conscience de la couverture d'assurance litigieuse. Toutefois, elle bénéficiait, en la personne de sa mère et de son conseil, d'une assistance suffisante pour pouvoir agir utilement contre la compagnie d'assurances. Cette assistance lui avait d'ailleurs permis d'effectuer les démarches pour obtenir une rente AI et d'intenter un procès civil contre l'assureur de l'auteur de l'accident.  
 
3.2. La recourante ne dénonce pas une violation de l'art. 2 al. 2 CC mais prétend que son argumentation aurait été mal comprise: elle entendait démontrer que l'obtention des renseignements requis était nécessaire pour l'exigibilité de la prétention, de sorte que la prescription ne pouvait pas partir à une date antérieure.  
Cet argument se heurte à l'écueil du régime spécial semi-impératif présenté ci-dessus, dont il ressort que ce n'est pas l'exigibilité de la créance qui fait courir le délai de prescription (cf. consid. 2.5.2). 
 
3.3. Le grief relatif à l'art. 45 al. 3 LCA est pareillement infondé. Selon cette disposition, lorsque le contrat ou la loi fait dépendre de l'observation d'un délai un droit qui découle de l'assurance, le preneur ou l'ayant droit qui est en demeure sans faute de sa part peut, aussitôt l'empêchement disparu, accomplir l'acte retardé.  
Il n'apparaît pas, dans le contexte précité (consid. 3.1), que l'assurée puisse se prévaloir d'une absence de faute au sens visé par cette disposition - malgré toute la compassion que peuvent inspirer l'accident subi et le courage qui l'a animée lorsqu'elle s'est attachée à en surmonter les séquelles. Au demeurant, il ne semble pas que cette disposition - qui vise en particulier l'hypothèse où le contrat prévoit un délai de déchéance pour agir en justice (arrêt 4A_200/2008 du 18 août 2008 consid. 2.2.3), ce qui n'est pas le cas ici (cf. arrêt précité 4A_644/2014 consid. 1.4 et 1.5) - entre en considération, s'agissant du délai de prescription de l'art. 46 al. 1 LCA. Des commentateurs soulignent que la prescription n'entraîne pas la perte d'un droit, comme le présuppose cette disposition (JÜRG NEF, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag [VVG], 2001, n° 19 ad art. 45 LCA; ROELLI/KELLER, Kommentar zum Schweizerischen Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, vol. I, 1968, p. 649 sous-note 6). 
 
4.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. En conséquence, la recourante supportera les frais judiciaires et versera à l'intimée une indemnité pour ses frais d'avocat (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 3'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 16 avril 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La présidente : Kiss 
 
La greffière : Monti