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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_190/2018  
 
 
Arrêt du 7 mai 2018  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Karlen et Chaix. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, représenté par Me Anna Zangger, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens. 
 
Objet 
Détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 12 mars 2018 (191 - PE17.010767-PHK). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne instruit une enquête pénale contre A.________ pour escroquerie, faux dans les titres et faux dans les certificats. Il lui est en substance reproché, en tant que comptable indépendant, d'avoir - à réitérées reprises et durant plusieurs années -, essentiellement dans le canton de Vaud, créé et utilisé, contre rémunération, de faux documents pour permettre à des tiers d'obtenir des prestations indues - notamment des locations d'appartements (en particulier par de fausses déclarations de salaire ou d'extraits des poursuites modifiés) ou le versement illicite d'avoirs du 2ème pilier (en se prévalant notamment d'une prétendue accession à un statut d'indépendant ou d'un départ à l'étranger) - et d'avoir fait transiter sur ses comptes bancaires des montants dont la provenance serait criminelle, ce de concert avec deux autres comparses; ces deux derniers font l'objet d'une enquête séparée. S'agissant en particulier de l'obtention de versement illicite des avoirs du 2ème pilier, une dizaine de cas au moins a été référencée. 
 A.________ a été appréhendé le 20 février 2018 et, le lendemain, le Ministère public a requis son placement en détention provisoire, invoquant des risques de collusion et de réitération. Par ordonnance du 23 février 2018, le Tribunal des mesures de contrainte (Tmc) a ordonné la détention provisoire du prévenu pour trois mois, soit jusqu'au 20 mai 2018, retenant l'existence d'un danger de collusion. 
 
B.   
Le 12 mars 2018, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours intenté par A.________ contre cette décision. Cette autorité a relevé que le prévenu ne contestait pas l'existence d'indices de culpabilité suffisants (cf. consid. 3). Elle a ensuite considéré qu'il existait un risque de collusion (cf. consid. 4.2), que la mesure de substitution proposée ne permettait pas de pallier (cf. consid. 6.2). 
 
C.   
Par acte du 16 avril 2018, A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant en substance à sa libération immédiate et, à titre subsidiaire, à sa mise en liberté moyennant la mise en place de mesures de substitution adéquates, soit son assignation à domicile. Encore plus subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente. Le recourant sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire. 
La cour cantonale a renoncé à former des déterminations et le Ministère public n'a déposé aucune écriture. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie les prononcés relatifs à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant - prévenu actuellement détenu - a qualité pour recourir. Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 45 al. 1 et 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Le recourant ne remet pas en cause l'existence de charges suffisantes pesant à son encontre (art. 221 al. 1 CPP). 
Il conteste en revanche l'existence d'un risque de collusion, respectivement soutient que celui-ci pourrait être pallié par une assignation à domicile. 
 
2.1. La détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuves (art. 221 al. 1 let. b CPP).  
Pour retenir l'existence d'un risque de collusion au sens de la disposition susmentionnée, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de telles manoeuvres, propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses liens avec les autres prévenus (ATF 137 IV 122 consid. 4.2 p. 127 s.; 132 I 21 consid. 3.2 p. 23 s. et les références citées). Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2 p. 128; 132 I 21 consid. 3.2.2 p. 24). En tout état de cause, lorsqu'un prévenu est placé en détention, la procédure doit être conduite en priorité (art. 5 al. 2 CPP). 
 
2.2. La cour cantonale a relevé que le recourant avait consenti certains aveux et qu'il ne pouvait plus faire disparaître les éléments de preuve qui avaient été saisis lors de la perquisition opérée à son bureau le 20 février 2018. Cela étant, elle a ensuite considéré qu'au vu de l'activité frénétique développée a priori depuis plusieurs années, il paraissait vraisemblable que l'exploitation des documents et des données informatiques saisis révélerait d'autres délits que ceux déjà inventoriés; il était également à prévoir que de nouveaux protagonistes seraient identifiés et devraient être entendus. Selon la juridiction précédente, il était ainsi indispensable que le recourant ne puisse pas devancer les enquêteurs et interférer dans le bon déroulement de l'enquête en prenant contact avec des personnes qui pourraient devoir être entendues, ce qui était concrètement à craindre s'il devait être libéré. Les juges cantonaux ont enfin estimé qu'il convenait d'éviter la possible récupération ou dissimulation par le recourant de montants provenant de son activité délictueuse supposée avant que la police puisse les mettre en sûreté.  
 
2.3. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique et le recourant ne développe aucune argumentation susceptible de le remettre en cause.  
En particulier, il y a lieu tout d'abord de rappeler que des aveux ne suffisent pas en soi à exclure tout risque de collusion, n'étant pas impossible par ce biais de protéger d'autres personnes et/ou de tenter d'éviter des actes d'instruction complémentaires pouvant révéler d'autres infractions. Il incombe d'ailleurs aux autorités de vérifier la crédibilité des aveux (cf. art. 160 CPP); elles doivent ainsi notamment continuer à interroger le prévenu et/ou administrer d'autres moyens de preuve, afin en particulier de prévenir le risque de faux aveux (arrêt 1B_268/2017 du 12 septembre 2017 consid. 3.2 et la référence citée). En tout état de cause, le recourant conteste certains reproches retenus à son encontre; or, dans ce cadre, il reconnaît que les informations qu'il a données - à savoir qu'il aurait restitué les fonds litigieux - "devront être vérifiées par la police auprès de tiers" (cf. 5 s. de son mémoire). L'exposé - par le recourant lui-même - de cette situation confirme l'existence d'un risque de collusion concret en cas de libération, le recourant pouvant être tenté de contacter lesdites personnes afin de faire correspondre leur version à la sienne. 
Quant au stade de la procédure - respectivement de celle ouverte contre ses deux comparses -, cet élément ne suffit pas non plus à lui seul à exclure tout risque de collusion. En effet, l'avancement d'une enquête, ainsi que les découvertes en résultant peuvent nécessiter une nouvelle appréciation de ce danger. Certes, l'instruction paraît avoir débuté il y a plus d'un an (cf. l'audition du recourant par la police de sûreté vaudoise le 19 janvier 2017). Cela étant, comme la plainte relative au cas contesté par le recourant n'a été déposée que le 22 décembre 2017 (cf. le procès-verbal d'audition de la partie plaignante y relatif), l'instruction de cet aspect - pour le moins - était donc encore à ses prémices en février 2018. On ne peut pas non plus ignorer la perquisition effectuée le 20 février 2018, à la suite de laquelle il se pourrait que de nouveaux protagonistes concernés par l'enquête puissent être identifiés, ce que ne conteste d'ailleurs pas le recourant (cf. p. 7 du mémoire). Une fois l'identification terminée - ce que semble soutenir le recourant -, certaines de ces personnes devront peut-être être entendues par les autorités pénales. Afin de préserver la recherche de la vérité, il se justifie en l'état d'éviter que le recourant ne prenne préalablement contact avec elles. En cas de demande de prolongation de la détention, il incombera toutefois au Ministère public d'expliquer de manière circonstanciée quels actes d'instruction doivent encore être entrepris, notamment eu égard aux résultats de l'examen des pièces saisies, et pourquoi une éventuelle libération du recourant pourrait les compromettre. 
Dès lors qu'un risque de collusion découle en particulier dans le cas d'espèce des derniers avancements de l'instruction (nouvelle plainte de décembre 2017 et perquisition de février 2018), peu importe de savoir si les faits qui sont reprochés au recourant couvrent "plusieurs années" ou un "an environ" comme il le soutient (cf. p. 11 de son mémoire; voir au demeurant la période retenue par le Procureur lors de l'audition du 21 février 2018, à savoir "entre 2014 et 2017") ou si la cour cantonale - qui dispose d'une pleine cognition en fait et en droit - pouvait retenir, a priori nouvellement, que le recourant pourrait vouloir récupérer ou dissimuler le produit des infractions examinées. Les griefs d'arbitraire soulevés en lien avec l'appréciation des preuves étant ainsi sans influence sur le résultat, ils peuvent être écartés. 
Au regard de ces considérations, il apparaît que la Chambre des recours pénale pouvait, sans violer le droit fédéral, retenir un danger de collusion. 
 
2.4. L'existence du danger susmentionné dispense d'analyser ce qu'il en est d'un risque de réitération.  
Cette considération vaut également devant l'autorité de recours et, par conséquent, il ne peut lui être reproché, sous l'angle d'une violation du droit d'être entendu, de ne pas être entrée en matière sur les arguments soulevés à cet égard par le recourant (cf. consid. 5 de l'arrêt entrepris; arrêt 1B_160/2018 du 19 avril 2018 consid. 3.3). 
 
2.5. Quant à la mesure de substitution proposée par le recourant - assignation à résidence (cf. art. 237 al. 2 let. c CPP) -, elle permet avant tout de réduire un risque de fuite.  
En revanche s'agissant du danger retenu dans le cas d'espèce, on ne voit pas comment cette mesure empêcherait le recourant d'avoir des contacts avec des tiers (visites) et/ou d'obtenir des moyens de communiquer avec ceux-ci (téléphones ou ordinateurs portables). Il ne paraît pas non plus possible de pouvoir mettre en oeuvre des mesures de surveillance adéquates, l'entier des appareils utilisables ne pouvant être précisément ciblés et étant douteux de pouvoir mettre son appartement sous écoute afin de contrôler toutes les conversations qui pourraient y être tenues. 
Enfin, contrairement à ce que semble croire le recourant, une motivation succincte ne viole pas son droit d'être entendu dans la mesure où elle est compréhensible. Tel est manifestement le cas en l'occurrence et le recourant a d'ailleurs su développer une argumentation en lien avec le rejet de la mesure de substitution proposée (cf. p. 10 de son mémoire). 
 
2.6. Dans un dernier grief, le recourant soutient que la cour cantonale n'aurait pas examiné le respect du principe de proportionnalité eu égard à la durée de la détention provisoire ordonnée.  
La juridiction précédente a cependant statué sur cette question (cf. le consid. 7 de l'arrêt attaqué). Elle a ainsi considéré qu'au vu de la gravité des faits et de l'incarcération intervenue uniquement le 20 février 2018, la durée de la détention provisoire de trois mois demeurait proportionnée à la peine susceptible d'être prononcée. Le recourant ne développe aucune argumentation tendant à remettre en cause ce raisonnement, qui peut au demeurant être confirmé. 
 
2.7. Au vu des éléments précédents, la Chambre des recours pénale pouvait donc, sans violer le droit fédéral, confirmer le placement en détention provisoire du recourant.  
 
3.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté. 
Le recourant a demandé l'octroi de l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). Vu le salaire allégué préalablement à son incarcération à fin février 2018 (entre 5'000 fr. et 7'000 fr. mensuel), le revenu de son épouse (entre 300 et 1'000 fr. par mois) et le défaut de pièce attestant d'un soutien à ses enfants majeurs, ainsi que d'une demande d'aide sociale, son indigence n'est pas établie. Partant, cette requête peut être rejetée. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.   
Les frais judiciaires, fixés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Ministère public central du canton de Vaud et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 7 mai 2018 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
La Greffière : Kropf