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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
 
1B_238/2017  
   
   
 
 
 
Arrêt du 5 juillet 2017  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Eusebio et Chaix. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, représentée par Me Étienne Campiche, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens. 
 
Objet 
Prolongation de la détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 26 mai 2017. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a ouvert une instruction pénale contre B.________ et plusieurs autres comparses pour avoir participé au braquage d'un fourgon blindé le 30 décembre 2015, à Bussigny-près-Lausanne. Le butin de l'attaque s'élèverait à plus de 2 millions de francs. 
La soeur du prévenu, A.________, a été appréhendée le 10 mai 2016 et une enquête pour complicité de brigandage qualifié et blanchiment d'argent a été ouverte à son encontre. Il lui est en particulier reproché d'avoir défini, en date du 2 janvier 2016, d'entente avec son frère, la façon de blanchir l'argent provenant du braquage. Elle aurait ainsi emmené le butin à son domicile pour le compter avant d'en placer une partie dans un coffre ouvert auprès de la banque C.________. Elle aurait aussi remis à l'un des autres auteurs du braquage 100'000 fr., montant correspondant à sa part du butin. La prévenue aurait encore exécuté plusieurs transferts d'argent au Brésil par le biais de différents intermédiaires, pour centraliser ensuite les reçus des envois. Elle aurait également communiqué à son frère les démarches à effectuer en vue de l'ouverture d'un compte bancaire au Brésil. Enfin, elle aurait détenu les affaires ayant servi au brigandage et remis deux armes à un tiers. 
La détention provisoire de A.________ a été ordonnée le 13 mai 2016 par le Tribunal des mesures de contrainte (Tmc), mesure qui a été prolongée à différentes reprises (cf. les décisions du 28 juillet - confirmée le 8 août suivant par la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois -, du 8 novembre 2016 et du 2 février 2017). Cette autorité a également rejeté, le 12 décembre 2016, la demande de libération déposée par la prévenue, décision confirmée par la Chambre des recours pénale le 28 décembre 2016, puis par le Tribunal fédéral le 16 février 2017 (cause 1B_36/2017). Par ordonnance du 8 mai 2017, le Tmc a prolongé la détention provisoire de la prévenue de trois mois, soit au plus tard jusqu'au 10 août 2017; il a constaté la persistance des risques de fuite, ainsi que de collusion et a considéré que les principes de célérité et de proportionnalité demeuraient respectés. 
 
B.   
Le 26 mai 2017, la Chambre des recours pénale a rejeté le recours intenté contre cette décision par A.________. La cour cantonale a relevé que la prévenue ne contestait pas l'existence de soupçons suffisants, ni celle des risques de fuite et de collusion. Selon la juridiction cantonale, la durée de la détention provisoire ne violait pas le principe de proportionnalité au regard des chefs d'infraction retenus à l'encontre de la recourante (blanchiment d'argent qualifié, faux dans les titres et complicité de brigandage qualifié). 
 
C.   
Par acte du 15 juin 2017, A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant en substance à sa libération immédiate. A titre subsidiaire, elle demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. La recourante sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire. 
Invitée à se déterminer, l'autorité précédente a renvoyé à ses considérants. Quant au Ministère public, il n'a pas déposé d'observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, la recourante - prévenue et actuellement détenue - a qualité pour agir. Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
La recourante reproche à l'autorité précédente une violation du principe de proportionnalité eu égard à la durée de la détention provisoire déjà subie qui excéderait celle de la peine encourue. Elle soutient qu'elle ne serait intervenue qu'ultérieurement au brigandage examiné; le chef de prévention de complicité de brigandage qualifié ne pourrait ainsi pas être retenu à son encontre et dès lors les soupçons de la commission des infractions de faux dans les titres et de blanchiment d'argent ne sauraient suffire à prolonger la mesure de détention. 
 
2.1. Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle garantie aux art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée notamment par les besoins de l'instruction (art. 221 al. 1 let. a CPP) ou par un risque de fuite (art. 221 al. 1 let. b CPP), dangers dont l'existence n'est pas contestée en l'espèce.  
Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH), c'est-à-dire des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis une infraction. Il n'appartient cependant pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître vraisemblable après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 137 IV 122 consid. 3.2 p. 126 s.). A l'instar du juge du séquestre, le juge de la détention n'est cependant pas tenu, à ce stade de la procédure, de résoudre des questions juridiques complexes (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364; arrêt 1B_211/2017 du 27 juin 2017 consid. 2.1). 
 
2.2. En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la procédure pénale.  
Une durée excessive de la détention constitue une limitation disproportionnée de ce droit fondamental, qui est notamment violé lorsque la durée de la détention préventive dépasse la durée probable de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre. L'art. 212 al. 3 CPP prévoit ainsi que la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Le juge peut dès lors maintenir la détention préventive aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation. Il convient d'accorder une attention particulière à cette limite, car le juge - de première instance ou d'appel - pourrait être enclin à prendre en considération dans la fixation de la peine la durée de la détention préventive à imputer selon l'art. 51 CP (ATF 139 IV 270 consid. 3.1 p. 275 et les arrêts cités). 
Afin d'éviter d'empiéter sur les compétences du juge du fond, le juge de la détention ne tient en principe pas compte de la possibilité éventuelle de l'octroi, par l'autorité de jugement, d'un sursis, d'un sursis partiel (ATF 139 IV 270 consid. 3.1 p. 275) ou d'une libération conditionnelle (arrêt 1B_82/2013 du 27 mars 2013 consid. 3.2 in Pra 2013 74 549). 
 
2.3. En l'occurrence, la recourante ne conteste pas l'existence de soupçons suffisants en lien avec les chefs de prévention de blanchiment d'argent et de faux dans les titres.  
Elle soutient en revanche que la détention provisoire subie (12 mois et 16 jours au moment du prononcé attaqué) serait supérieure à la quotité de la peine privative de liberté encourue notamment pour ces deux chefs d'infraction; la durée de celle-ci se situerait entre 8 et 15 mois. La recourante fonde son raisonnement sur trois causes alléguées similaires à la sienne (blanchiment d'argent en concours avec une infraction de même catégorie que le faux dans les titres) et sur les nombreuses circonstances atténuantes dont elle prétend pouvoir bénéficier. Compte tenu toutefois des nombreux paramètres entrant en considération lors de la fixation de la peine - prérogative appartenant au demeurant au juge du fond - et du principe d'individualisation en la matière (cf. art. 47 CP), aucune conclusion absolue quant à la quotité de la peine qui pourrait être prononcée ne peut être tirée de la comparaison avec d'autres affaires (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2 p. 69; voir également, arrêts 6B_454/2016 du 20 avril 2017 consid. 5.1; 1B_155/2017 du 16 mai 2017 consid. 4.2). 
A suivre ensuite la recourante, seuls des actes ultérieurs au brigandage examiné pourraient lui être reprochés, situation chronologique qui permettrait d'exclure sa participation en tant que complice (art. 25 CP). Selon l'arrêt entrepris, l'aide apportée par la recourante, notamment à l'un des auteurs du braquage, serait postérieure à celui-ci (cf. consid. 3 p. 6; voir également la date du 2 janvier 2016 évoquée dans les faits reprochés à la recourante, ad b p. 2). Il ne paraît ainsi pas exclu, de l'avis de la recourante, que le chef de prévention de complicité de brigandage qualifié puisse être remis en cause. Vu le type de comportements reprochés et les personnes concernées par lesdits actes (remise d'un téléphone portable avec une carte à prépaiement et d'une enveloppe avec la part du butin à l'un des auteurs [cf. consid. 3 p. 6 du jugement entrepris]), il n'en résulte toutefois pas que ceux-ci ne pourraient pas être éventuellement qualifiés pénalement autrement, soit par exemple en tant qu'actes d'entrave à l'action pénale (art. 305 CP) et/ou de blanchiment d'argent (art. 305bis CP; cf. également ad consid. 3 p. 7 de l'arrêt entrepris); la recourante ne le prétend d'ailleurs pas. La cour cantonale pouvait ainsi retenir à juste titre ces actes comme des indices de la commission d'une infraction. Il n'appartient cependant pas au juge de la détention de qualifier ces comportements et la recourante pourra faire valoir ses arguments devant le juge du fond. C'est le lieu d'ailleurs de rappeler qu'une appréciation différente de celle à laquelle aspire la recourante - en l'occurrence le défaut d'abandon du chef de prévention de complicité de brigandage qualifié par l'autorité précédente et/ou par le Ministère public - ne constitue pas une violation de son droit d'être entendue ou du principe de présomption d'innocence. 
Cela étant, au stade du contrôle de la détention provisoire, peu importe de savoir si ce chef de prévention peut ou ne pas être retenu à l'encontre de la recourante. En effet, cette dernière part de la prémisse erronée que les deux autres chefs de prévention examinés à son encontre (faux dans les titres [art. 251 ch. 1 CP] et blanchiment d'argent [art. 305bis CP]) - certes à caractère économique -, respectivement la peine encourue pour ceux-ci, ne permettraient plus de prolonger la détention provisoire ordonnée. Le Tribunal fédéral a cependant confirmé, le 16 février 2017, que ces deux chefs de prévention justifiaient le maintien en détention de la recourante, indépendamment alors de l'éventuelle application de l'art. 305bis ch. 2 CP (arrêt 1B_36/2017 du 16 février 2017 consid. 5). Ce raisonnement vaut donc a fortiori lorsque la forme qualifiée entre en considération. Or, à lire l'arrêt attaqué (cf. consid. 3 p. 6), tel est le cas en l'occurrence. Il s'ensuit que l'écoulement du temps depuis ce prononcé ne suffit pas à lui seul pour considérer que la durée de la détention provisoire déjà subie au jour du jugement cantonal violerait le principe de proportionnalité (cf. au demeurant le cadre de la peine menace, art. 251 ch. 1, 305bis ch. 1 et 2 et 49 CP). 
Partant, le grief de violation du principe de proportionnalité peut être écarté. 
 
2.4. La recourante ne prétend pas, à juste titre, qu'il existerait des mesures de substitution à la détention susceptibles de pallier les risques de fuite et de collusion retenus à son encontre (art. 237 CPP).  
Au regard des considérations précédentes, la Chambre des recours pénale n'a pas violé le droit fédéral en confirmant l'ordonnance du Tmc prolongeant la détention provisoire de la recourante jusqu'au 10 août 2017. 
 
3.   
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. 
La recourante a demandé l'octroi de l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). Au regard en particulier de la problématique liée au chef de prévention de complicité de brigandage qualifié, le recours n'était pas d'emblée dénué de chances de succès et cette demande doit être admise. Il y a lieu de désigner Me Etienne Campiche comme avocat d'office et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, qui sera supportée par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 et 2 LTF), ni alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
La requête d'assistance judiciaire est admise. Me Etienne Campiche est désigné comme avocat d'office de la recourante et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Ministère public central du canton de Vaud et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 5 juillet 2017 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
La Greffière : Kropf