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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4A_44/2011 
 
Arrêt du 19 avril 2011 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
Mme et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz et Kolly. 
Greffier: M. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.X.________, représenté par 
Me Raphaël Treuillaud, 
recourant, 
 
contre 
 
1. B.X.________, 
2. C.X.________, 
3. D.X.________, 
4. V.X.________ BV, 
les quatre représentés par Mes Anne Véronique Schlaepfer, Alexandre Mazuranic et 
Julie Raneda, 
intimés. 
 
Objet 
arbitrage international, 
 
recours en matière civile contre la sentence finale rendue le 2 décembre 2010 par le Tribunal arbitral siégeant sous l'égide de la Chambre de commerce, d'industrie et des services de Genève (CCIG). 
 
Faits: 
 
A. 
A.a Le présent litige s'inscrit dans le cadre d'un différend qui divise de longue date les membres de la famille X.________, active depuis plusieurs générations dans le secteur de la banque privée et de la gestion de fortunes en Suisse et à l'étranger, notamment en France. Il a pour origine la tentative avortée de B.X.________ et de ses deux fils, A.X.________et C.X.________ (ci-après désignés collectivement: la branche B.X.________), d'exclure D.X.________, frère de B.X.________, de la banque W.X.________ & Cie (ci-après: la banque). 
A.b Après l'échec de cette tentative, les membres de la famille X.________ ont engagé des discussions en vue d'organiser la séparation à l'amiable des intérêts des branches respectives des deux frères, D.X.________ et B.X.________. Outre la susdite banque et le groupe de sociétés y afférent, ceux-ci contrôlaient la société de droit néerlandais R.________ NV (ci-après: R.________), laquelle possédait la totalité du capital de V.X.________ BV (ci-après: V.X.________). Cette dernière société, soumise elle aussi au droit néerlandais, détenait une participation majoritaire dans Z.X.________, société anonyme de droit français titulaire elle-même d'une part importante du capital de la société Y.________, établissement de crédit français coté. 
 
La séparation projetée se ferait en deux étapes: la première, réalisée depuis lors, consistait dans le rachat par B.X.________ et ses deux fils des participations de D.X.________ dans la banque et les autres sociétés du groupe; la seconde, inachevée à ce jour, prévoyait la sortie de D.X.________ de R.________ par le rachat de ses participations dans les différentes sociétés de ce groupe contre paiement d'une somme d'argent et remise des actions Y.________ appartenant à Z.X.________. La mise en oeuvre de cette seconde étape supposait que l'on fît remonter jusqu'à V.X.________ le numéraire ainsi que les titres Y.________ détenus par Z.X.________. A cette fin, Z.X.________ devait réduire son capital en rachetant ses propres actions à V.X.________ (pour les annuler ensuite) contre paiement d'une somme d'argent et cession des titres Y.________. Quant à la séparation de la branche D.X.________ de la branche B.X.________, elle devait être réalisée au moyen d'une augmentation du capital de V.X.________. B.X.________, C.X.________ et A.X.________ y souscriraient en libérant les nouvelles actions V.X.________ par l'apport de leurs titres Z.X.________, le dernier nommé devant apporter 70'187 actions Z.X.________ en échange des actions V.X.________. Une fois cette opération effectuée, D.X.________ vendrait à V.X.________ ses actions R.________ et recevrait en contrepartie les actions Y.________ et le numéraire acquis entre-temps par V.X.________. 
 
Pour formaliser leur projet, B.X.________, D.X.________, A.X.________et C.X.________ (ci-après désignés collectivement: les associés X.________) ont conclu un Protocole d'accord, le 21 novembre 2006, et un Accord réitératif particulier, le 23 novembre 2007 (ci-après désignés globalement: les accords). Au premier de ces deux documents, ils ont annexé une série de tableaux détaillant les quatorze étapes de la marche à suivre pour permettre à D.X.________ de sortir du groupe R.________ (Step Plan). Ces deux conventions, soumises au droit suisse, contiennent une clause compromissoire de même contenu qui attribue à un tribunal arbitral de trois membres, siégeant à Genève, le soin de trancher tous litiges en découlant conformément aux règles applicables de la Chambre de commerce, d'industrie et des services de Genève (CCIG). 
A.c Un certain nombre des multiples démarches destinées à régler la sortie de D.X.________ du groupe R.________ ont été effectuées. C'est ainsi que les autorisations préalables des services administratifs français compétents, liées au statut juridique de Y.________, ont été requises et délivrées, que la réduction du capital de Z.X.________ a été votée et qu'il en est allé de même de l'augmentation du capital de V.X.________. 
 
Le 5 mai 2009, les associés de la banque ont décidé de mettre un terme au mandat de gestion de A.X.________ et d'exclure celui-ci de cet établissement. Il en est résulté un litige qu'un tribunal arbitral a tranché en défaveur de l'intéressé. 
 
Depuis son exclusion de la banque, A.X.________ a cessé de collaborer à la mise en oeuvre des deux accords précités. Il a refusé de souscrire à l'augmentation de capital de V.X.________ et d'apporter à cette société ses 70'187 actions Z.X.________. Au lieu de quoi, il a manifesté le souhait de participer à la réduction de capital de Z.X.________ en cédant lesdites actions à cette dernière contre paiement d'une somme d'argent, ce qui n'était pas conforme à l'engagement pris par lui à cet égard. Qui plus est, A.X.________ a introduit aux Pays-Bas une action judiciaire qui a eu pour effet de paralyser la mise en oeuvre de la solution de rechange imaginée pour parer à son refus de collaborer (transfert par V.X.________ à R.________, à titre de dividendes, des actions Y.________ et d'une somme d'argent, puis rachat par R.________ de ses propres actions détenues par D.X.________ contre paiement en numéraire et cession d'une partie des actions Y.________). Enfin, par courrier du 8 décembre 2009, il a déclaré invalider l'ensemble des accords passés en 2006 et 2007 en se prévalant d'une erreur essentielle, des règles de la bonne foi et de la théorie de l'imprévision; il a précisé ultérieurement que ce courrier valait aussi résiliation desdits accords pour inexécution. 
A.d D.X.________ doit encore percevoir la somme de 1'448'513,70 euros ainsi que l'intégralité des titres Y.________ lui revenant, soit 183'796 actions. La plus grande partie de ces actions est actuellement détenue par V.X.________. 
 
B. 
Le 17 juillet 2009, B.X.________, D.X.________ et C.X.________, de même que V.X.________, ont adressé une requête d'arbitrage, dirigée contre A.X.________, à la CCIG. Ils ont conclu, en substance, à ce qu'ordre fût donné au défendeur d'apporter à V.X.________, dans les 45 jours du prononcé de la sentence, les 70'187 actions Z.X.________ en sa possession, de cesser toute action visant à entraver l'exécution des accords et de leur verser des dommages-intérêts. 
Pour sa part, A.X.________ a invité le Tribunal arbitral à se déclarer incompétent à l'égard de V.X.________, à constater le défaut de légitimation active de cette société, à dire que les accords ont été résiliés avec effet ex nunc, à admettre en conséquence qu'il est délié de son obligation d'apporter à V.X.________ les actions Z.X.________ qu'il détient et, enfin, à débouter B.X.________, D.X.________ et C.X.________ de toutes leurs conclusions. 
 
Un Tribunal arbitral de trois membres a été constitué sous l'égide de la CCIG. Par sentence finale du 2 décembre 2010, rédigée en français, il s'est déclaré compétent à l'égard de V.X.________, a constaté que A.X.________ était lié par les accords et n'était pas fondé à y mettre un terme unilatéralement, lui a ordonné d'apporter à V.X.________ les 70'187 actions Z.X.________ dans les 45 jours dès la notification de la sentence, a statué sur les frais et dépens de la procédure arbitrale et a rejeté toutes les autres demandes des parties. 
 
Sur la question de sa compétence à l'égard de V.X.________ et de la légitimation active de cette société, le Tribunal arbitral, après avoir rappelé les principes jurisprudentiels applicables en la matière, a constaté que A.X.________ s'était irrévocablement obligé à participer à l'augmentation du capital de cette société, au su de celle-ci, en lui apportant à cette fin ses titres Z.X.________. Destinataire et bénéficiaire de cet engagement, V.X.________ en a, dès lors, réclamé l'exécution. En droit, les arbitres ont qualifié ledit engagement de stipulation pour autrui parfaite, au sens de l'art. 112 al. 2 CO, ajoutant que A.X.________ avait expressément admis, dans l'une de ses écritures, que les accords contenaient une telle stipulation. Partant, selon eux, V.X.________ disposait d'un droit propre à l'obtention de la prestation promise en sa faveur par le prénommé. Elle était donc fondée à se prévaloir de la clause d'arbitrage figurant dans ces accords. Le Tribunal arbitral ajoute que sa compétence envers V.X.________ est d'autant plus certaine que ladite société, qui reconnaît et revendique cette compétence, participe à de multiples égards à l'exécution des accords, quoiqu'elle n'en soit pas signataire, circonstance qui dénote l'intention commune des parties de voir V.X.________ liée par la convention d'arbitrage. 
 
C. 
Le 21 janvier 2011, A.X.________, invoquant l'art. 190 al. 2 let. b, d et e LDIP, a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral en vue d'obtenir l'annulation de la sentence précitée et de faire constater que la procédure d'arbitrage international ayant conduit au prononcé de cette sentence est elle-même nulle. 
 
Dans leur réponse du 25 février 2011, les intimés concluent au rejet du recours, dont ils mettent également en doute la recevabilité. 
 
La requête d'effet suspensif formulée dans le recours a été admise par ordonnance présidentielle du 24 février 2011. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF). 
 
Le siège de l'arbitrage a été fixé à Genève. L'une des parties au moins (en l'occurrence, V.X.________) n'avait pas son domicile en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc, en principe, applicables (art. 176 al. 1 LDIP). 
 
Déposé dans la forme (art. 42 al. 1 LTF) et le délai (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 46 al. 1 let. c LTF) prévus par la loi à l'encontre d'une sentence finale, le recours, fondé uniquement sur les motifs indiqués à l'art. 190 al. 2 LDIP, est recevable sous ces différents angles. Ne l'est pas, en revanche, la conclusion par laquelle le recourant demande au Tribunal fédéral de dire que "la procédure d'arbitrage international ayant conduit à [la] sentence [attaquée] est elle-même nulle et mise à néant". Pareille conclusion méconnaît, en effet, le caractère purement cassatoire du recours en matière civile dirigé contre une sentence arbitrale internationale, tel qu'il ressort de l'art. 77 al. 2 LTF. Tout au plus la Cour de céans pourrait-elle constater l'incompétence du Tribunal arbitral à l'égard de V.X.________, si elle admettait le grief correspondant présenté dans le recours (cf. ATF 136 III 605 consid. 3.3.4 p. 616). Demeure réservé, au surplus, l'examen de la recevabilité, en partie contestée par les intimés, de certains des moyens soulevés dans le recours. 
 
2. 
En premier lieu, le recourant reproche au Tribunal arbitral de s'être déclaré à tort compétent à l'égard de V.X.________. L'analyse du grief en question, fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, nécessite le résumé préalable des motifs qui étayent ce grief et des arguments que les intimés avancent pour le réfuter. 
2.1 
2.1.1 Le recourant conteste, tout d'abord, que l'on puisse inférer des accords l'existence d'une stipulation faite en faveur de V.X.________. Selon lui, les mécanismes complexes imaginés par les signataires de ceux-ci - en particulier son apport des actions Z.X.________ à V.X.________ dans le cadre de l'augmentation du capital de cette société - visaient à favoriser les associés X.________ eux-mêmes, et singulièrement D.X.________, en permettant à ce dernier de quitter le groupe familial et aux membres de la branche B.X.________ de racheter sa part. Quant à V.X.________, entièrement dominée par les associés X.________, sa seule mission était de servir de rouage pour la mise en oeuvre de ces mécanismes, à l'instar d'autres sociétés du groupe X.________ (R.________, Y.________, Z.X.________, etc.), sans qu'elle tirât un quelconque intérêt économique propre du rachat des titres Z.X.________. 
 
De l'avis du recourant, si V.X.________ n'était pas la bénéficiaire des engagements souscrits par les associés X.________, à plus forte raison ne s'était-elle pas vu conférer par eux le droit de réclamer personnellement l'exécution de ces engagements, de sorte que l'idée même d'une stipulation pour autrui parfaite conclue à son profit ne saurait entrer en ligne de compte en l'espèce. 
Enfin et surtout, le recourant conteste qu'une stipulation pour autrui parfaite, supposée avérée, puisse avoir pour effet de soumettre son bénéficiaire à la clause compromissoire insérée dans le contrat qui prévoit ce mode d'exécution de l'obligation, contrairement à ce qui est le cas en matière de cession de créance, de reprise de dette ou de transfert du rapport contractuel. 
2.1.2 Pour leur part, les intimés commencent par mettre en doute l'intérêt du recourant à invoquer le prétendu défaut de compétence du Tribunal arbitral à l'égard de V.X.________. A leur avis, si le grief d'incompétence ratione personae devait être admis par impossible, seul le premier point du dispositif de la sentence attaquée, qui constate la compétence du Tribunal arbitral vis-à-vis de cette société, devrait être annulé. Quant aux autres points du dispositif, en particulier celui qui oblige le recourant à apporter ses titres Z.X.________ à V.X.________ conformément à l'engagement qu'il a souscrit dans les accords en faveur de D.X.________, B.X.________ et C.X.________, ils devraient être maintenus, d'autant plus que le recourant avait pris, lui aussi, des conclusions au fond à leur sujet. Dès lors, sur la base de la sentence arbitrale qui a confirmé la validité et l'exigibilité de cet engagement, les prénommés peuvent exiger du recourant qu'il apporte ses titres Z.X.________ à V.X.________. Aussi, pour les intimés, le recourant n'a-t-il aucun intérêt à obtenir l'annulation du premier point du dispositif de la sentence, puisque cela ne changerait rien à son obligation d'apport, laquelle subsisterait de toute façon. 
 
Les intimés s'emploient ensuite à réfuter le grief tiré de l'incompétence du Tribunal arbitral à l'égard de V.X.________. Ils soulignent, comme les arbitres avant eux, que le recourant lui-même a admis, dans son mémoire après audience, l'existence de stipulations pour autrui incluses dans les accords. A les en croire, toutes les parties, hormis le recourant, considéreraient du reste que l'intention des signataires des accords était d'instituer une stipulation parfaite en faveur de V.X.________. Cette volonté commune ressortirait également des circonstances de l'espèce: V.X.________ devait jouer un rôle actif dans le processus de restructuration du groupe X.________; dans ce cadre-là, elle avait non seulement des droits mais encore des obligations pour l'exécution desquelles elle devait pouvoir se faire remettre les titres Z.X.________ en agissant, au besoin, par la voie arbitrale; sa situation différait d'ailleurs de celle des autres sociétés du groupe X.________ en ce sens qu'elle était la seule société à s'être engagée envers des tiers, en l'occurrence les autorités de régulation françaises. Par conséquent, on ne saurait lui dénier le droit d'agir dans l'arbitrage, aux côtés des autres intimés, pour faire respecter les engagements pris par le recourant. 
 
S'agissant d'étendre la clause arbitrale à V.X.________, les intimés soulignent le caractère peu formaliste de la jurisprudence fédérale en ce domaine et, notamment, la possibilité d'opposer une convention d'arbitrage au tiers qui s'immisce dans l'exécution du contrat contenant la convention d'arbitrage. Tel serait le cas de ladite société, qui est directement concernée par l'exécution des accords et qui est intervenue de manière récurrente dans leur mise en oeuvre. Au demeurant, pour les intimés, s'il est vrai que le bénéficiaire d'une stipulation pour autrui insérée dans un contrat comportant une clause arbitrale ne peut pas être forcé à participer à l'arbitrage, cette condition spécifique n'est pas applicable dans le cas présent, étant donné que la bénéficiaire de la stipulation pour autrui occupait la position de demanderesse dans la procédure arbitrale. Dès lors, les intimés considèrent, avec les arbitres, que la clause compromissoire figurant dans les accords liait aussi V.X.________. 
 
2.2 Saisi du grief d'incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les questions de droit, y compris les questions préalables, qui déterminent la compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral (ATF 134 III 565 consid. 3.1). En revanche, il ne revoit les constatations de fait sur lesquelles repose la sentence attaquée que si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à leur encontre ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (arrêt 4A_234/2010 du 29 octobre 2010 consid. 2.1). 
 
2.3 La recevabilité du recours en matière civile suppose que la partie recourante ait un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 76 al. 1 let. b LTF dans sa version antérieure à la modification entrée en vigueur le 1er janvier 2011), ce qui implique que la partie recourante ait succombé dans des conclusions concernant des droits qui lui appartiennent en propre et qu'elle ait encore un intérêt à la modification de cette décision (arrêt 4A_503/2008 du 7 avril 2009 consid. 2.3 et l'auteur cité). 
 
Au regard de cette exigence, la recevabilité du grief considéré est effectivement sujette à caution. Au point 4 du dispositif de sa sentence, le Tribunal arbitral a ordonné au recourant d'apporter à V.X.________ les 70'187 actions Z.X.________ qu'il détient. Il l'a fait après avoir souligné, dans les motifs de sa sentence, que le recourant ne conteste pas être obligé par les accords d'apporter à V.X.________ ses action Z.X.________ (n° 227) ni ne remet en cause, sur un plan procédural, le pouvoir injonctif du Tribunal arbitral (n° 228). Actionné par toutes les personnes physiques ayant conclu avec lui les accords qui lui imposent d'exécuter ladite obligation en mains d'un tiers, le recourant ne peut pas se soustraire à ce devoir au seul motif que ce tiers ne serait pas lié par la clause arbitrale insérée dans lesdits accords. Aussi bien, la question de savoir si l'on peut déduire d'un contrat l'existence d'une obligation stipulée au profit d'un tiers, et s'il est possible de prendre des conclusions en faveur d'un tiers, sur la base d'une stipulation pour autrui, voire pour une autre cause, n'a aucun rapport avec le problème de la compétence, mais relève du fond et doit être résolue par les arbitres (arrêt 4P.141/1989 du 20 novembre 1989 consid. 2b/cc, reproduit par PATRICK KRAUSKOPF, Der Vertrag zugunsten Dritter, Fribourg 2000, p. 454 s.). En l'espèce, ceux-ci ont tranché définitivement cette question par l'affirmative. Le recourant ne soutient pas, à juste titre, qu'il existait une consorité nécessaire à son égard entre les trois autres signataires des accords et V.X.________, cas de figure qui serait susceptible d'influer sur la compétence du Tribunal arbitral. Dès lors, on peine à discerner en quoi il pourrait encore avoir un intérêt actuel à faire constater que les arbitres n'étaient prétendument pas compétents pour l'enjoindre à exécuter l'obligation en cause dans la mesure où la requête ad hoc émanait de V.X.________, alors qu'il ne conteste pas qu'ils étaient compétents pour lui signifier la même injonction à l'invitation des autres parties demanderesses. 
 
Toutefois, le recourant soutient, par ailleurs, que la participation indue de V.X.________ à la procédure arbitrale a gravement vicié celle-ci à divers égards, au point de justifier l'annulation de la sentence, sinon la procédure arbitrale en tant que telle. De ce fait et à supposer qu'il ait raison, il conserve un intérêt à faire constater par la Cour de céans l'incompétence du Tribunal arbitral relativement à V.X.________. Il y a lieu, partant, d'entrer en matière sur le moyen qu'il soulève de ce chef. 
2.4 
2.4.1 Lorsqu'il examine s'il est compétent pour trancher le différend qui lui est soumis, le tribunal arbitral doit résoudre, entre autres questions, celle de la portée subjective de la convention d'arbitrage. Il lui appartient de déterminer quelles sont les parties liées par cette convention et de rechercher, le cas échéant, si un ou des tiers qui n'y sont pas désignés entrent néanmoins dans son champ d'application. Cette question de compétence ratione personae, qui relève du fond, doit être résolue à la lumière de l'art. 178 al. 2 LDIP. La disposition citée consacre trois rattachements alternatifs in favorem validitatis, sans aucune hiérarchie entre eux, à savoir le droit choisi par les parties, le droit régissant l'objet du litige (lex causae) et le droit suisse (ATF 134 III 565 consid. 3.2 p. 567). 
 
En vertu du principe de la relativité des obligations contractuelles, la convention d'arbitrage incluse dans un contrat ne lie que les cocontractants. Cependant, dans un certain nombre d'hypothèses, comme la cession de créance, la reprise (simple ou cumulative) de dette ou le transfert d'une relation contractuelle, le Tribunal fédéral admet de longue date qu'une convention d'arbitrage peut obliger même des personnes qui ne l'ont pas signée et qui n'y sont pas mentionnées. En outre, le tiers qui s'immisce dans l'exécution du contrat contenant la convention d'arbitrage est réputé avoir adhéré, par actes concluants, à celle-ci si l'on peut inférer de cette immixtion sa volonté d'être partie à la convention d'arbitrage. En revanche, pour ce qui est des sûretés telles que le cautionnement, le porte-fort ou la garantie bancaire, il a été jugé qu'un tribunal arbitral ne saurait admettre sa compétence pour statuer sur les droits du créancier à l'égard du garant du seul fait que le contrat liant le créancier et le débiteur contient une convention d'arbitrage (ATF 134 III 565 consid. 3.2 et les références). 
 
S'agissant de la stipulation pour autrui, la doctrine a examiné principalement la question de savoir si le bénéficiaire d'une telle stipulation est lié par la clause arbitrale que le stipulant et le promettant ont insérée dans le contrat générateur d'obligations conclu par eux, en ce sens qu'il peut être attrait contre son gré dans la procédure arbitrale relative à l'obligation stipulée en sa faveur. Les réponses, souvent nuancées, qu'elle y a apportées ne sont pas unanimes. Pour certains auteurs, le bénéficiaire de la stipulation ne sera, en principe, lié par la clause compromissoire que s'il consent à ce que le litige soit soumis à l'arbitrage (Fouchard/Gaillard/Goldman, Traité de l'arbitrage commercial international, n° 498 p. 298; Wenger/Müller, in Commentaire bâlois, Internationales Privatrecht, 2e éd. 2007, n° 66 ad art. 178 LDIP; apparemment dans le même sens: Kaufmann-Kohler/Rigozzi, Arbitrage international, 2e éd. 2010, p. 146 note infrapaginale 172). D'autres auteurs considèrent que la convention d'arbitrage figurant dans le contrat générateur d'obligations est opposable au tiers, ipso jure (Schwab/Walter, Schiedsgerichtsbarkeit, 7e éd. 2005, n° 36 ad chap. 7; Jens-Peter Lachmann, Handbuch für die Schiedsgerichtspraxis, 3e éd. 2008, n° 502 p. 141; Rüede/Hadenfeldt, Schweizerisches Schiedsgerichtsrecht, 2e éd. 1993, p. 81; Krauskopf, op. cit., n° 1043) ou, à tout le moins, dès que le bénéficiaire a accepté les droits stipulés en sa faveur (Poudret/Besson, Comparative Law of International Arbitration, 2e éd. 2007, n° 289 et les auteurs cités dans la note infrapaginale 658 p. 252). Quant à Berger/Kellerhals (International and Domestic Arbitration in Switzerland, 2e éd. 2010, nos 455 et 514), ils envisagent la question sous un autre angle, puisqu'ils se demandent si la convention d'arbitrage elle-même peut être stipulée en faveur d'un tiers. Point n'est besoin d'examiner plus avant la problématique exposée ici. Dans le cas particulier, en effet, il ne s'agit pas de contraindre le bénéficiaire de la prétendue stipulation pour autrui à participer à la procédure arbitrale, puisque c'est lui-même qui a pris l'initiative de se joindre aux autres demandeurs pour déposer la requête d'arbitrage. Or, sous réserve que la stipulation pour autrui parfaite dont se prévaut V.X.________ existât bel et bien, on ne voit pas de quel droit le recourant, qui a signé les accords contenant la clause compromissoire, pourrait se plaindre de ce que le bénéficiaire de la stipulation fasse valoir sa créance issue de ces accords par la voie procédurale que lui-même et les autres cocontractants ont choisie pour régler les différends susceptibles d'en découler, à savoir l'arbitrage. Au demeurant, sauf convention contraire inexistante en l'espèce, le bénéficiaire d'une stipulation pour autrui parfaite, au sens de l'art. 112 al. 2 CO, acquiert, contre le débiteur (ou promettant), une créance avec tous les droits de préférence et autres droits accessoires rattachés à celle-ci, y compris la clause compromissoire (cf., mutatis mutandis, l'ATF 128 III 50 consid. 2b/bb p. 56 relatif à la cession de créance). S'il entend user de tels droits en faisant valoir sa prétention par la voie arbitrale, il n'est pas dans le pouvoir du stipulant ni du promettant de l'en empêcher. 
2.4.2 La stipulation pour autrui, au sens de l'art. 112 CO, est une convention par laquelle un sujet, le stipulant, se fait promettre par un autre, le promettant, une prestation en faveur d'un tiers, le bénéficiaire (Pierre Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd. 1997, p. 417). Lorsque telle a été l'intention des parties, le tiers ou ses ayants droit peuvent réclamer personnellement l'exécution (art. 112 al. 2 CO). On a affaire, dans ce cas, à une stipulation pour autrui parfaite. 
 
Il faut concéder au recourant que les circonstances du cas particulier ne sont pas typiques de cette figure juridique, certes fort répandue en pratique, mais généralement dans d'autres domaines du droit que celui concernant les sociétés ou les rapports entre associés, telles les assurances ou les relations entre les banques et leurs clients (pour des ex., cf. Engel, op. cit., p. 422 à 424). Aussi bien, le véritable objectif assigné aux accords était de permettre à D.X.________ de quitter le groupe familial et aux membres de la branche B.X.________ de racheter sa part. Il ne s'agissait donc pas, au premier chef, pour B.X.________, D.X.________ et C.X.________ (les stipulants), d'attribuer à V.X.________ (la bénéficiaire) le droit d'exiger personnellement de A.X.________ (le promettant) qu'il lui apportât ses 70'187 actions Z.X.________ lorsqu'elle augmenterait son capital. Un tel apport ne constituait que l'une des quatorze étapes des opérations d'envergure qui devaient être effectuées en vue d'atteindre l'objectif poursuivi et qui impliquaient aussi d'autres sociétés que V.X.________. Il resterait d'ailleurs à démontrer que cette dernière trouvait elle-même un avantage à acquérir les actions Z.X.________ détenues par A.X.________ contre remise à l'apporteur de ses propres actions nouvellement émises. 
 
Cependant, il ressort de la sentence attaquée qu'en dépit des apparences, les signataires des accords ont bel et bien entendu conférer à V.X.________ un droit propre à l'obtention de la prestation promise et que l'on se trouve, dès lors, en présence d'une stipulation pour autrui parfaite. Les arbitres tirent, en effet, pareille conclusion du fait que le recourant a expressément admis la chose dans son mémoire après audience (sentence, no 142 s.). Ils constatent, par ailleurs, sur le vu des déclarations faites par l'intéressé dans les différents accords, que celui-ci s'est irrévocablement obligé, au su de V.X.________, à participer à l'augmentation du capital de cette société en lui apportant ses titres Z.X.________ (sentence, nos 137 à 139). Or, ces déductions des arbitres, basées sur les déclarations faites par le recourant aussi bien avant qu'après l'introduction de la procédure arbitrale, révèlent la volonté réelle de cette partie, du reste conforme à celle des autres contractants, et lient en conséquence le Tribunal fédéral puisqu'elles relèvent du domaine des faits (cf. ATF 131 III 606 consid. 4.1 p. 611). 
 
Titulaire de la créance visant à obtenir la prestation promise par le recourant, V.X.________ était ainsi en droit d'actionner le promettant pour recevoir cette prestation. Comme elle a emprunté la voie arbitrale prévue dans les accords pour ce faire, le recourant soutient à tort que le Tribunal arbitral n'était pas compétent à l'égard de cette partie (cf., ci-dessus, le consid. 2.4.1 in fine). De même conteste-t-il en vain la légitimation active de celle-ci relativement à la créance découlant de la stipulation pour autrui parfaite. 
2.4.3 En tout état de cause, c'est-à-dire même si l'on devait écarter cette figure juridique, la compétence des arbitres à l'égard de V.X.________ devrait être admise. Le Tribunal arbitral retient, en effet, que ladite société était censée prendre une part active à la mise en oeuvre du Step Plan et, plus précisément, aux étapes 6 et 7 de celui-ci. A son avis, "une telle participation à l'exécution dénote l'intention commune des parties de voir V.X.________ liée par la convention d'arbitrage". En mettant au jour la volonté réelle de celles-ci d'étendre la convention d'arbitrage à ce tiers, les arbitres ont posé une constatation de fait définitive, qui s'oppose à ce que l'une de ces parties vienne remettre en cause, a posteriori, le droit de V.X.________ de participer à l'arbitrage. 
Cela étant, le moyen pris de la violation de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP tombe à faux, s'il n'est pas déjà irrecevable. 
 
3. 
Sous le titre "Importance et conséquence des vices de la sentence", le recourant formule encore trois critiques à l'adresse du Tribunal arbitral. 
3.1 
3.1.1 En premier lieu, les arbitres se voient reprocher d'avoir méconnu que la participation indue de V.X.________ aurait gravement et matériellement vicié, au sens de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, l'équilibre de la procédure arbitrale, le locus standi de l'action et la solution donnée au litige. La participation de cette société aurait eu pour effet de présenter le recourant comme un débiteur en défaut à l'égard d'un tiers - V.X.________ - auquel il ne pouvait rien opposer. De la sorte, le Tribunal arbitral se serait focalisé sur ce tiers, oubliant par là même la véritable nature du litige, c'est-à-dire une liquidation entre associés, et il aurait lésé le recourant par rapport à D.X.________ dans ce processus de liquidation. Cela expliquerait sa décision erronée de ne pas admettre que les accords avaient été invalidés ou résiliés par le recourant. 
3.1.2 Avec les intimés, on peut sérieusement douter de la recevabilité de ce premier moyen. Tel qu'il est présenté, celui-ci ne permet pas au Tribunal fédéral de savoir ce que le recourant reproche véritablement aux arbitres au titre de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP. En réalité, sous le couvert d'une dénonciation d'un prétendu vice de procédure affectant la sentence attaquée, l'intéressé semble vouloir remettre en question la solution à laquelle le Tribunal arbitral a abouti relativement aux problèmes de fond qui lui étaient soumis, tels que l'efficacité de l'invalidation ou de la résiliation des accords. Or, le point de savoir si cette solution est matériellement correcte ou non ne relève pas de la disposition précitée, ni d'ailleurs de l'ordre public au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, au demeurant non invoqué dans ce contexte. 
 
Il est aussi vrai, comme le font remarquer les intimés, qu'à l'issue de l'audience du Tribunal arbitral, chaque partie a déclaré qu'elle n'avait pas d'objections à faire valoir sur le déroulement de la procédure (sentence, n° 37), de sorte que le recourant adopte une attitude peu compatible avec les règles de la bonne foi en se plaignant d'une inégalité de traitement ou de la violation de son droit d'être entendu alors que la procédure arbitrale est déjà close. 
Quoi qu'il en soit, le grief considéré repose sur la prémisse, non avérée, selon laquelle la participation de V.X.________ à la procédure était "indue". Aussi ne saurait-il prospérer. 
 
3.2 Le recourant soutient, en outre, que l'attrait de V.X.________ à la procédure arbitrale visait également à obtenir une décision exécutoire, sous la forme d'une sentence arbitrale, qui permît aux associés X.________ de faire l'économie des procès civils ordinaires que ladite société et Z.X.________ devraient mener en France si elles entendaient l'obliger à apporter ses actions Z.X.________ à V.X.________ à l'occasion de l'augmentation du capital de celle-ci, respectivement lui interdire de céder lesdites actions à Z.X.________ dans le cadre de la réduction du capital de cette dernière société par rachat de ses propres actions. En bref, selon le recourant, la sentence attaquée attribuerait indûment à V.X.________ un titre exécutoire contre lui, en le privant de son for naturel. 
 
Le moyen est irrecevable. Non seulement, il repose sur une allégation - le but poursuivi par les demandeurs X.________ - qui ne correspond à aucune constatation figurant dans la sentence entreprise, mais encore il n'établit pas de lien avec la violation de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP. En particulier, le recourant n'indique pas quel rapport il y aurait entre cette disposition et l'objectif que visaient les requérants en l'assignant devant le Tribunal arbitral. 
 
3.3 En dernier lieu, le recourant se plaint de ce que les intimés, par le fait d'introduire V.X.________ dans la procédure, aient donné à l'arbitrage un caractère international artificiel, le privant ainsi des voies de droit prévues par le Concordat intercantonal sur l'arbitrage du 27 août 1969 (ci-après: le Concordat). Ce "subterfuge" des intimés irait à l'encontre de l'ordre public, de l'avis du recourant, lequel précise que c'est la notion suisse et ordinaire de l'ordre public qui doit être prise en compte puisque ce sont en réalité les garanties de l'art. 30 Cst. qui ont été "bafouées" en l'espèce. 
 
Cet ultime moyen est, lui aussi, irrecevable. En effet, le recourant est déchu du droit de le soulever dès lors qu'il n'a pas invoqué la protection des règles du Concordat durant la procédure arbitrale. Au contraire, il s'est même référé expressément à la LDIP dans les écritures versées au dossier de l'arbitrage, par ex. sous ch. 51 et 53 de son mémoire de réponse du 15 mars 2010. 
 
4. 
Au terme de cet examen, il y a lieu de rejeter le recours dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et indemniser les intimés, créanciers solidaires à son égard (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 15'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3. 
Le recourant versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 17'000 fr. à titre de dépens. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au président du Tribunal arbitral CCIG. 
 
Lausanne, le 19 avril 2011 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
La Présidente: Le Greffier: 
 
Klett Carruzzo