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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_818/2021  
 
 
Arrêt du 12 mai 2022  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Viscione et Abrecht. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
Mutuel Assurance Maladie SA, 
Service juridique, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
recourante, 
 
contre  
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, 
intimée, 
 
A.________, 
 
Objet 
Assurance-accidents (procédure de première instance; condition de recevabilité), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 15 novembre 2021 (A/745/2019 ATAS/1154/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par déclaration de sinistre du 14 juin 2018, l'employeur de A.________ a annoncé un accident que ce dernier avait subi le 11 juin 2018 et qui lui avait occasionné des blessures aux côtes, au bras droit et au poignet gauche. Le 22 juin 2018, la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) a annoncé à l'employeur qu'elle prenait en charge le cas et allouait à l'employé des prestations d'assurance pour l'accident en question.  
 
A.b. Par décision du 25 octobre 2018, la CNA a annulé sa prise en charge du 22 juin 2018, motif pris que les circonstances réelles dans lesquelles l'accident s'était produit (bagarre) ne correspondaient pas aux déclarations faites par l'employeur et l'employé à la CNA (glissade sur sol mouillé), et a exigé de l'assuré la restitution des indemnités journalières d'un montant total de 4075 fr. versées à tort. La CNA a transmis une copie de cette décision à Mutuel Assurance Maladie SA (ci-après: Mutuel), assureur-maladie de l'employé.  
Le 26 octobre 2018, la CNA a adressé à Mutuel une facture intitulée "répartition des coûts frais de traitement" d'un montant de 965 fr. 85. 
 
A.c. Par décision du 24 janvier 2019, la CNA a déclaré irrecevable l'opposition formée par Mutuel contre la décision du 25 octobre 2018, au motif que dans la mesure où l'assuré avait été victime d'un accident, Mutuel n'avait aucun intérêt digne de protection.  
 
A.d. Par décision du 20 février 2019 - dont aucune copie n'a été communiquée à Mutuel -, la CNA a demandé à l'assuré la restitution de frais de traitement médical pour un montant de 581 fr. 75.  
 
B.  
Saisie d'un recours de Mutuel contre la décision sur opposition du 24 janvier 2019, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève l'a rejeté par arrêt du 15 novembre 2021, tout en transmettant l'écriture déposée le 28 mai 2019 par la recourante, dans laquelle celle-ci avait formé opposition contre la décision du 20 février 2019, à l'intimée, à charge pour elle de rendre une décision sur opposition. 
 
C.  
Mutuel interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant principalement à son annulation et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
L'intimée conclut au rejet du recours. A.________, la juridiction cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). ll a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et dans la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte uniquement sur le point de savoir si la cour cantonale a confirmé à bon droit la décision de l'intimée du 24 janvier 2019 déclarant irrecevable l'opposition formée par la recourante contre la décision du 25 octobre 2018.  
 
2.2. Un litige qui porte sur le refus de l'assurance-accidents d'entrer en matière sur une opposition constitue une décision de nature procédurale et ne concerne pas en soi l'octroi ou le refus de prestations en espèces (JOHANNA DORMANN, in Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 3 e éd., 2018, n.b.p. 185 ad art. 105 LTF; arrêt 8C_748/2021 du 23 mars 2022 consid. 2.2 et la référence). Par conséquent, l'exception prévue à l'art. 105 al. 3 LTF, qui doit être interprétée de manière restrictive (ATF 140 V 136 consid. 1.2.2), ne s'applique pas, indépendamment du fait que l'octroi ou le refus de prestations en espèces peut dépendre de la solution de la question litigieuse (ATF 135 V 412 consid. 1.2.1). Le Tribunal fédéral est donc lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF a contrario) et ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte (art. 105 al. 2 LTF), à savoir arbitraire (ATF 145 V 188 consid. 2; 140 III 115 consid. 2).  
 
3.  
Les juges cantonaux ont retenu que la recourante avait admis au stade de l'opposition que la décision du 25 octobre 2018, prise en application de l'art. 46 al. 2 LAA, ne portait que sur les indemnités journalières; elle avait en effet requis le 8 février 2019 de l'intimée que celle-ci rendît une décision formelle de prise en charge des frais médicaux liés à l'accident. Exposant que l'on ne pouvait pas faire grief à l'intimée d'avoir traité distinctement la question des indemnités journalières et celle des frais de traitement, la juridiction cantonale a toutefois considéré que l'intimée avait agi de manière contraire au droit en adressant une facture pour les frais médicaux à la recourante le 26 octobre 2018. Cela étant, l'intimée avait ensuite réclamé le remboursement de ces frais directement à l'assuré, par décision du 20 février 2019. L'autorité précédente a en conclu que la décision du 25 octobre 2018 ne portait que sur les indemnités journalières et que la question des frais de traitement avait fait l'objet d'une décision distincte du 20 février 2019. Par conséquent, la recourante - qui s'opposait à la non-prise en charge des frais de traitement par l'intimée - n'avait aucun intérêt digne de protection à s'opposer à la décision du 25 octobre 2018, de sorte que l'intimée avait déclaré à juste titre son opposition irrecevable. Les premiers juges ont transmis l'opposition de la recourante, formée contre la décision du 20 février 2019 en cours d'échange d'écritures devant le tribunal cantonal, à l'intimée pour que celle-ci rende une décision sur opposition. 
 
4.  
 
4.1. La recourante soutient que la décision d'irrecevabilité rendue le 24 janvier 2019 par l'intimée aurait pour effet de l'empêcher d'obtenir une décision sur le fond, susceptible de recours, sur la question de la prise en charge des frais médicaux. Elle allègue avoir avancé des prestations en faveur de l'assuré à hauteur de 933 fr. 65 et dit craindre de ne pas pouvoir en obtenir le remboursement si la prise en charge par l'assureur-maladie devait ne pas être fondée. Selon la recourante, l'intimée aurait, par sa décision du 25 octobre 2018, refusé à la fois d'allouer des indemnités journalières et de prendre en charge les frais médicaux en lien avec l'événement du 11 juin 2018. La décision subséquente du 20 février 2019 concernerait uniquement la restitution de frais de traitement.  
 
4.2. Le contenu et la portée d'une décision administrative ressortent en premier lieu de son dispositif. Lorsque celui-ci est peu clair, incomplet, équivoque ou contradictoire, l'insécurité doit être levée par une interprétation, en se référant à la motivation de la décision. Comme la décision doit être conforme à la loi et au principe de l'égalité de traitement, il convient aussi de prendre en considération, pour son interprétation, quelle solution est conforme à la loi et correspond aux critères sur lesquels se fonde habituellement l'autorité. Il s'agit de dégager le sens véritable de la décision, conformément à sa signification juridique concrète, en s'écartant au besoin du sens littéral (ATF 120 V 496 consid. 1a et la référence). Le principe de la confiance limite toutefois cette interprétation: une décision doit être comprise dans le sens que son destinataire pouvait et devait lui attribuer selon les règles de la bonne foi, compte tenu de l'ensemble des circonstances qu'il connaissait ou qu'il aurait dû connaître (ATF 115 II 415 consid. 3a; arrêt 9C_571/2019 du 23 juillet 2020 consid. 4.4.2).  
 
4.3. En l'espèce, l'intimée a, le 22 juin 2018, annoncé à l'assuré qu'elle lui allouait "les prestations d'assurance légales pour les suites de [l]'accident professionnel du 11 juin 2018"; elle précisait notamment que le droit à l'indemnité journalière allait prendre effet au plus tôt dès le 14 juin 2018 et qu'elle allait régler directement les frais de traitement des médecins et autres prestataires de soins exerçant en Suisse. Dans sa décision du 25 octobre 2018, également adressée à l'assuré et dont copie a été transmise à la recourante, l'intimée a indiqué devoir "annuler [sa] prise en charge du 22 juin 2018", précisant plus loin que "[n]otre décision de prise en charge doit être annulée et nous devons refuser après-coup de vous allouer nos prestations". Dans la même décision, l'intimée a, sur la base de l'art. 25 al. 1 LPGA (RS 830.1), exigé de l'assuré le remboursement des indemnités journalières versées à tort. Dans sa décision du 20 février 2019, dont aucune copie n'a été portée à la connaissance de la recourante, l'intimée a indiqué à l'assuré qu'"[a]près contrôle des actes, il est apparu que la restitution des frais de traitement n'avait pas été requise par notre première décision"; elle l'a par conséquent invité à rembourser des frais médicaux pour un montant de 581 fr. 75, sur la base de l'art. 25 al. 1 LPGA.  
 
4.4. Il découle clairement du contenu de la décision du 25 octobre 2018 que par celle-ci, l'intimée a annulé intégralement celle du 22 juin 2018, laquelle reconnaissait le droit de l'assuré à des prestations, y compris la prise en charge des frais médicaux. Contrairement à ce que soutient l'intimée et à ce qu'ont retenu les juges cantonaux, la décision du 25 octobre 2018 ne portait donc pas uniquement sur les indemnités journalières, mais également sur les frais de traitement dont la prise en charge était finalement refusée. Le fait que l'intimée se soit, dans cette décision, limitée à demander la restitution des seules indemnités journalières ne saurait aboutir à une autre interprétation; il ressort du reste de la décision du 20 février 2019 que c'est vraisemblablement par oubli que l'intimée n'a pas requis le remboursement des frais médicaux le 25 octobre 2018. On notera encore que la décision du 20 février 2019 concerne uniquement la restitution de frais médicaux d'un montant de 581 fr. 75 et ne porte donc pas sur le principe même de la prise en charge de ce type de frais. En définitive, la décision du 25 octobre 2018 constitue une décision de refus d'allocation de prestations (indemnités journalières et frais de traitement) doublée d'une demande de restitution des indemnités journalières, alors que celle du 20 février 2019 porte uniquement sur la restitution de frais médicaux, pour un montant de surcroît limité.  
 
4.5. Il s'ensuit que l'intimée devait entrer en matière sur l'opposition formée par la recourante contre sa décision du 25 octobre 2018 et se prononcer sur le fond s'agissant de la prise en charge des frais médicaux. Le recours se révèle dès lors bien fondé. Par conséquent, l'arrêt entrepris et la décision du 24 janvier 2019 doivent être annulés et la cause renvoyée à l'intimée pour nouvelle décision (cf. art. 107 al. 2, seconde phrase, LTF).  
 
5.  
L'intimée, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Bien qu'obtenant gain de cause, la recourante n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 15 novembre 2021 et la décision sur opposition de l'intimée du 24 janvier 2019 sont annulés. 
 
2.  
La cause est renvoyée à l'intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1500 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à A.________, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 12 mai 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny