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[AZA 7] 
U 20/01 Tn 
 
IIIe Chambre 
 
Mme et MM. les juges Schön, Président, Spira et Widmer. Greffière: Mme Berset 
 
Arrêt du 4 septembre 2001 
 
dans la cause 
 
Vaudoise Générale, Compagnie d'Assurances, Place de Milan, 1007 Lausanne, recourante, 
 
contre 
 
P.________, intimée, représentée par Maître Renaud Gfeller, avocat, Avenue Léopold-Robert 32, 2301 La Chaux-de-Fonds, 
 
et 
 
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel 
 
A.- P.________, a travaillé en qualité d'infirmière en soins généraux au service de la Fondation X.________. A ce titre, elle était assurée contre le risque d'accidents professionnels et non professionnels auprès de la Vaudoise Assurances. 
Le 1er août 1992, elle a fait une chute d'une hauteur de 3,05 m. Elle a été hospitalisée jusqu'au 10 août 1992 à l'Hôpital Y.________. 
Dès juin 1994, P.________ a bénéficié d'un reclassement professionnel pris en charge par l'assurance-invalidité, sous la forme d'une spécialisation en sophrologie-réflexologie. 
 
Chargés d'une mission d'expertise par la Vaudoise Assurances, les docteurs A.________, médecin assistant, et B.________, médecin-chef de la Clinique Z.________, ont posé, dans un rapport du 3 août 1994, le diagnostic de suspicion de décompensation post-traumatique de lésions dégénératives de la colonne cervicale, de status après traitement conservateur d'une fracture des plateaux supérieurs des vertèbres D 12 et L1, de status après fracture peu disloquée du sacrum à gauche à la hauteur S3 et d'hypoacousie bilatérale. Selon eux, les douleurs cervicales dont se plaignait l'assurée n'étaient pas dues uniquement à l'accident, mais également à des lésions dégénératives préexistantes. Ils ont estimé à 66% la capacité de travail dans la profession d'infirmière (rapport du 3 août 1994). 
A l'issue du reclassement professionnel de P.________, le docteur B.________ a retenu une incapacité de travail de 40 % en qualité d'infirmière, entièrement imputable à l'accident. Il a précisé qu'aucune modification ne devait être attendue à l'avenir sur ce point (rapport du 14 mai 1997). 
Par décision du 4 juillet 1997, la Vaudoise Assurances a admis une incapacité de gain de 40 % comme infirmière en soins généraux, et de 0% dans sa spécialisation en sophrologie. Elle a alloué à l'assurée une rente d'invalidité dégressive sur 4 ans, dès le 1er avril 1997, à raison d'un taux de 40 % la première année, 30 % la deuxième, 20 % la troisième et 10 % la quatrième. Selon elle, cette période devait suffire à la prénommée pour se constituer une clientèle dans sa nouvelle activité et pour réaliser un gain équivalent à celui qu'elle aurait obtenu dans l'ancienne profession. Une indemnité pour atteinte à l'intégrité physique correspondant à 10 % du salaire annuel assuré a été également accordée. Cette décision est entrée en force. 
Le 26 octobre 1998, P.________ a demandé le réexamen de sa situation, en expliquant que les douleurs rachidiennes dont elle souffrait l'empêchaient d'exercer à plein rendement sa nouvelle activité. 
Chargé d'une mission d'expertise par la Vaudoise Assurances, le docteur C.________, spécialiste en chirurgie orthopédique, a, dans un rapport du 24 juin 1999, diagnostiqué une cyphose résiduelle de la jonction dorso-lombaire d'environ 25°, stable depuis 1993, une probable décompensation traumatique d'un état dégénératif préexistant de la colonne cervicale sur chute du 1er août 1992 et des cervico-dorso lombalgies persistantes. Du point de vue orthopédique, les séquelles d'une fracture de D12 et L1 pouvaient, selon lui, tout à fait bien expliquer les dorso-lombalgies que présente l'assurée. En revanche, il ne pouvait pas infirmer ou affirmer que les troubles de la colonne cervicale fussent véritablement en relation avec l'accident. Il a exclu toute aggravation de l'état de santé de l'assurée depuis l'expertise du 14 mai 1997 du docteur B.________. Quant à la capacité de travail de P.________, il l'a fixée à 60% dans son activité d'infirmière en soins généraux, et à 80% dans l'occupation d'infirmière sophrologue-réflexologue. 
Par décision du 11 octobre 1999, la Vaudoise Assurances a rejeté la demande de révision formée par la prénommée, au motif que son incapacité de travail était imputable aux troubles cervicaux et que ceux-ci n'avaient plus de rapport avec l'accident. 
Par décision sur opposition du 11 novembre 1999, la Vaudoise Assurances a rejeté l'opposition formée par l'assurée contre cette décision. 
 
B.- P.________ a interjeté recours contre cette décision, en concluant, principalement, à ce que lui soit octroyée une rente d'invalidité de 20 %, sans limitation dans le temps, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée à l'assureur-accidents pour qu'il fasse procéder à une expertise rhumatologique, afin de déterminer si un état pathologique préexistant avait eu pour effet de rompre le lien de causalité entre l'accident et l'invalidité. 
Par jugement du 8 décembre 2000, le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel a admis le recours et renvoyé la cause à la Vaudoise Assurances pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants. Il a considéré, en bref, que l'assureur avait mal apprécié la situation en retenant une pleine capacité de travail dans le domaine de la sophrologie-réflexologie et que le pronostic émis à l'époque ne pourrait pas se réaliser. Il a également jugé que la documentation médicale ne permettait pas d'affirmer que seul le syndrome cervical était susceptible de diminuer la capacité de travail de l'assurée. Partant, il appartenait à la Vaudoise Assurances de déterminer si et dans quelle mesure la chute du 1er août 1992 avait entraîné une diminution de la capacité de gain pour laquelle sa responsabilité était engagée. 
 
C.- La Vaudoise Assurances interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont elle demande l'annulation. 
P.________ conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. 
L'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Même si elle ne met pas fin à la procédure, une décision de renvoi par laquelle le juge invite l'administration à statuer à nouveau selon des instructions impératives, est une décision autonome, susceptible en tant que telle d'être attaquée par la voie du recours de droit administratif, et non une simple décision incidente (ATF 117 V 241 consid. 1, 113 V 159). 
 
2.- a) Selon la jurisprudence, l'assureur peut octroyer des rentes temporaires et/ou dégressives (ATF 109 V 24 ss, 106 V 49 ss consid. 1 et 2b; RAMA 1993 no U 173 p. 146 consid. 2 et les arrêts cités; RSAS 1985 p. 207 consid. 2a). Ces rentes sont accordées si, lors de la fixation de la rente, il était déjà prévisible et vraisemblable que les incidences de l'accident sur la capacité de gain s'atténueront en tout ou en partie dans un avenir plus ou moins proche par suite de l'adaptation ou de l'accoutumance de l'assuré aux séquelles de l'accident (Jean-Maurice Frésard, L'assurance-accidents obligatoire , in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, no 79, p. 38; Peter Omlin, Die Invalidität in der obligatorischen Unfallversicherung, thèse Fribourg, 1995, p. 97 ss; Ghélew/Ramelet/Ritter, Commentaire de la loi sur l'assurance-accidents, 1992, p. 105 sv.). La rente temporaire doit également être prise en compte au cas où les conséquences économiques futures d'une lésion corporelle stable seraient déterminables par avance de façon relativement précise (Doudin, La rente d'invalidité dans l'assurance-accidents, in: RSAS 1990, p. 289). 
 
b) L'assuré auquel l'assureur-accidents a octroyé une rente dégressive et temporaire par décision ayant acquis force de chose décidée conserve le droit d'en contester le caractère temporaire ou dégressif au moment où la suppression ou la réduction envisagée doit prendre effet. Cet examen doit s'opérer soit par l'ouverture d'office d'une procédure en révision, soit par le dépôt d'une demande en révision par l'assuré. La force décidée de la décision initiale n'est pas remise en cause, puisque dans la procédure d'octroi de rente, la seule question qui se pose - et la seule sur laquelle le juge peut se prononcer - est celle de savoir si, en fonction de l'expérience médicale acquise dans des cas similaires, on peut émettre le pronostic que l'état de santé de l'assuré s'améliorera ou que sa capacité de gain augmentera dans un avenir relativement proche. En revanche, dans la procédure de révision, il s'agit de vérifier, au moment où devrait intervenir la suppression ou la réduction de la prestation, si le pronostic qui, à l'origine, a motivé l'octroi de la rente limitée ou dégressive s'est effectivement réalisé (RAMA 1993 no U 173 p. 146 et les arrêts cités). La rente temporaire ou dégressive accordée initialement peut ainsi être révisée lorsque le pronostic posé quant à l'adaptation et l'accoutumance futures de l'intéressé ne s'est pas réalisé dans la mesure ou avec la rapidité attendues (Jean-Maurice Frésard, op. cit. no 79, p. 38; Peter Omlin, op. cit., p. 101 sv; Ghélew/Ramelet/Ritter, op. cit., p. 115; Doudin, op. cit. p. 294 ss ), lorsque les circonstances se modifient ou encore lorsque la mise en valeur de la capacité de travail doit être appréciée à la lumière d'éléments nouveaux (Maurer, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 1985, p. 390). 
3.- En l'espèce, il résulte de l'ensemble des rapports médicaux que la capacité de travail de l'intimée, dans sa profession d'infirmière en soins généraux, est de l'ordre de 40 %, sans possibilité d'amélioration, de sorte que la situation est restée inchangée en ce qui concerne cette activité. 
En revanche, la décision initiale d'octroi de rente du 4 juillet 1997 repose, entre autres éléments, sur le pronostic que l'intimée recouvrera progressivement une capacité de travail entière dans sa nouvelle activité d'infirmière sophrologue-réflexologue. Or, l'expertise du docteur C.________ du 24 juin 1999 - à laquelle il convient d'attacher entière force probante (ATF 125 V 352 consid. 3a et les références) - fixe à 80 % la capacité de travail de l'intimée dans l'exercice de sa spécialisation de sophrologie-réflexologie, en écartant toute possibilité d'amélioration pour le futur. En conséquence, ainsi que les premiers juges l'ont considéré à juste titre, la capacité de travail retenue dans la décision initiale de la recourante du 4 juillet 1997 ne pourra jamais être atteinte, de sorte que le pronostic émis à cette époque ne se réalisera pas, ce qui constitue précisément un motif de révision au sens du consid. 2b ci-dessus. 
 
4.- a) La recourante allègue, en substance, que seul le syndrome cervical est susceptible de diminuer la capacité de travail de l'intimée, à l'exclusion des autres atteintes. Se fondant sur le rapport d'expertise du docteur C.________, elle nie l'existence d'un lien de causalité entre la chute du 1er août 1992 et les atteintes à la santé dont se plaint l'intimée. 
b) Ce médecin a indiqué qu'il ne lui était pas possible d'affirmer ou d'infirmer que les troubles cervicaux diagnostiqués sont véritablement en relation avec l'accident. On ne saurait, cependant, rien inférer de cette déclaration dans laquelle l'expert ne prend pas position, contrairement aux praticiens qui se sont prononcés avant lui. A cet égard, si les médecins de l'Hôpital Y.________ n'ont fait état, le 10 août 1992, que d'une fracturetassement de D12 et L1 et d'une fracture de l'aileron gauche, le rapport du 7 mai 1993 du docteur D.________, médecin traitant, mentionne, quant à lui, l'existence de cervicalgies/dorsalgies/ lombo-sacralgies et une MRI/IRM du 25 juin 1993 a mis en évidence une lésion ligamentaire de la charnière occipito-cervicale. Ces conclusions ont été confirmées par le rapport du 2 juin 1993 du docteur E.________, spécialiste en radiologie, qui a fait état d'un traumatisme cervical survenu le 1er août 1992, avec troubles cervicaux importants et (très probable) lésion ligamentaire C2-C3 post-traumatique. Dans leur rapport du 3 août 1994, les docteurs A.________ et B.________ ont posé le diagnostic de suspicion de décompensation posttraumatique de lésions dégénératives de la colonne cervicale. Par la suite, le docteur B.________ a précisé, dans une lettre du 23 décembre 1994 adressée à la Genevoise Assurances, que l'influence des lésions dégénératives sur la capacité de travail de l'intimée pouvait être évaluée à 20 %. Dans son rapport du 14 mai 1997, le docteur B.________ indique que la situation n'a guère changé depuis 1994 et que la diminution de la capacité de travail de l'intimée est attribuable à l'accident. De son côté, l'expert C.________ confirme que la situation est restée relativement stable depuis 1994, et qu'en ce qui concerne plus particulièrement la colonne cervicale, on observe toujours la présence d'une discopathie C5-C6, sans grand changement par rapport aux clichés initiaux du jour de l'accident. 
c) Il résulte de cet examen que les troubles cervicaux dont souffre l'intimée sont sans aucun doute attribuables à la chute du 1er août 1992 et que les lésions dégénératives n'ont influencé que de manière périphérique l'évolution de son état de santé. Or, le rapport d'expertise ne permet pas de dire si, en retenant un degré d'incapacité de travail de 20%, le docteur C.________ a inclus ou non les atteintes cervicales et, le cas échéant, à raison de quel taux. Un complément d'instruction est donc nécessaire sur ce point. Dans l'hypothèse où les atteintes cervicales ne seraient pas incluses, l'expert devra en tenir compte, à un taux qu'il lui appartiendra de déterminer. Dans l'hypothèse inverse, il lui incombera d'évaluer la part attribuable aux lésions dégénératives et de réduire en conséquence le taux d'incapacité de travail de 20 %, en prenant en considération les éléments médicaux mis en évidence dans le considérant précédent. 
d) Dans ces circonstances, on doit admettre, avec les premiers juges, que les faits n'ont pas été établis à suffisance par la recourante. L'autorité cantonale était donc fondée à lui renvoyer la cause pour complément d'instruction et nouvelle décision (voir aussi RAMA 1993 
n° U 170 p. 136, 1989 n° K 809 p. 206 consid. 4 et les références). 
 
5.- Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ a contrario). 
Par ailleurs, l'intimée qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de dépens (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances, 
 
prononce : 
 
I.Le recours est rejeté. 
 
II.Il n'est pas perçu de frais de justice. 
 
III. La recourante versera à l'intimée une indemnité de 
dépens de 2500 fr. (y compris la valeur ajoutée) pour 
la procédure fédérale. 
 
IV.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal 
administratif du canton de Neuchâtel et à l'Office 
fédéral des assurances sociales. 
 
Lucerne, le 4 septembre 2001 
Au nom du 
Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la IIIe Chambre : 
 
La Greffière :