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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
6B_104/2014  
   
   
 
 
 
Arrêt du 2 septembre 2014  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Mathys, Président, 
Jacquemoud-Rossari et Denys. 
Greffière : Mme Cherpillod. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représenté par Me Nicolas Stucki, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton du Jura,  
intimé. 
 
Objet 
Meurtre, meurtre passionnel, quotité de la peine, 
 
recours contre le jugement de la Cour pénale 
du Tribunal cantonal du canton du Jura, 
du 28 novembre 2013. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 17 septembre 2011, X.________ a tué sa compagne chez eux. Il a appelé une ambulance à 21 h 56 en déclarant avoir tué son amie par arme blanche et vouloir se suicider. 
 
B.   
Par jugement du 6 février 2013, le Tribunal pénal de première instance du canton du Jura a condamné X.________ pour meurtre à une peine privative de liberté de onze ans, sous déduction de la détention subie avant jugement. 
 
C.   
Par jugement du 28 novembre 2013, la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du Jura a rendu le même dispositif, précisant que l'exécution de la peine avait commencé le 16 mai 2012 par anticipation. 
 
D.   
X.________ forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à la réforme du jugement du 28 novembre 2013 en ce sens qu'il est condamné pour meurtre passionnel à une peine privative de liberté de cinq ans, sous déduction de la détention subie jusqu'au jour du dépôt du recours, ou à l'annulation dudit jugement et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. A titre subsidiaire, il requiert la réforme dudit jugement dans le sens de la réduction de sa peine privative de liberté à cinq ans, sous déduction de la détention subie jusqu'au jour du dépôt du recours, ou à l'annulation dudit jugement et au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il sollicite l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recourant fonde son recours sur une version des faits s'écartant sensiblement de celle retenue par l'autorité précédente. 
 
1.1. Il ressort des faits constatés dans le jugement entrepris que, dès le début de l'année 2011, la compagne du recourant lui a dit et à plusieurs reprises qu'elle n'éprouvait pas d'amour pour lui. Le 13 août 2011, le recourant a fait part des sentiments que sa compagne éprouvait à l'égard de son second ex-mari. Quelques jours plus tard, il a dit qu'elle n'avait jamais vraiment fait le deuil de ce dernier. Les sentiments que son amie avait pour son second ex-mari semblaient ainsi omniprésents dans l'esprit du recourant le mois précédent les faits. Le 17 septembre 2011, environ deux heures avant le drame, sa compagne lui a déclaré qu'elle était encore éprise de son second ex-mari. Le recourant a ainsi alors eu confirmation de ces sentiments. Il savait cependant depuis un certain temps que sa relation avec elle était sans issue. Il ne s'agissait donc pas de faits soudains et nouveaux, mais de circonstances dont il avait déjà conscience.  
 
1.2. Dans le recours en matière pénale, les constatations de fait de la décision entreprise lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF). Il n'en va différemment que si le fait a été établi en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 136 II 304 consid. 2.4 p. 313; sur la notion d'arbitraire, v. ATF 140 III 16 consid. 2.1 p. 18; 138 III 378 consid. 6.1 p. 379 s.).  
Pour que le Tribunal fédéral entre en matière sur le recours, le recourant doit exposer succinctement dans son mémoire en quoi l'acte attaqué viole le droit (art. 42 al. 2 LTF), c'est-à-dire discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer en quoi il estime que le droit aurait été violé (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 89). L'invocation de moyens déduits du droit constitutionnel et conventionnel suppose une argumentation claire, détaillée et circonstanciée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 139 I 229 consid. 2.2 p. 232). Les critiques de nature a ppellatoire sont irrecevables (ATF 139 II 404 consid. 10.1 p. 445). 
 
1.3. Le recourant fait totalement abstraction de ces règles, réécrivant l'histoire, de manière appellatoire, sur la base de faits dont il n'expose pas quel élément au dossier les établirait et sans se préoccuper de démontrer en quoi ceux retenus par l'autorité précédente, de manière dûment motivée, l'auraient été de façon insoutenable. L'affirmation quasi systématique, à la suite de l'allégation de faits s'écartant de ceux constatés dans le jugement entrepris, que l'autorité précédente les aurait omis de manière arbitraire ne remplit pas les exigences rappelées ci-dessus. Ainsi exposés, les griefs de constatation arbitraire des faits sont irrecevables et, avec eux, les faits allégués par le recourant.  
En particulier on ne saurait retenir, comme l'invoque le recourant sur la base de ses seules déclarations, que sa compagne lui aurait appris qu'elle aimait encore son second ex-mari quelques instants seulement avant le drame. L'autorité précédente a en effet écarté cette thèse et retenu que cette annonce, qui n'était qu'une confirmation de ce que le recourant soupçonnait (cf. jugement attaqué, p. 34, ch. 6.3), était intervenue deux heures avant le meurtre, compte tenu d'un sms envoyé par la victime à sa fille vers 19 h attestant de cette annonce de même que par les déclarations claires et concordantes de deux témoins ayant discuté au téléphone avec la victime de cette annonce peu après 19 h, respectivement 20 h 30 (idem, p. 27 ch. 4.2.2 ss). Une telle appréciation n'est pas arbitraire. 
 
1.4. L'autorité précédente a constaté qu'il n'était aucunement établi que la victime ait eu un comportement blâmable ou humiliant à l'égard du recourant. Ce dernier le conteste, invoquant que le comportement de sa compagne, souffrant de bipolarité et de troubles psychologiques, aurait indéniablement eu une influence sur le drame. Il se réfère à cet égard uniquement au rapport d'expertise le concernant. Dans celui-ci, l'expert a certes cité des diagnostics posés par un médecin chargé d'une expertise psychiatrique de la victime dans le cadre de l'instruction du dossier AI de cette dernière. La bipolarité n'est pas mentionnée. Quant aux autres diagnostics, ils ont été posés avant novembre 2003, date de la décision AI, soit huit ans avant le meurtre. A cela s'ajoute surtout que l'expert mis en oeuvre dans la présente procédure a expressément refusé de procéder à une analyse psychologique des attitudes de la victime, analyse qu'il estimait hors de son mandat et par ailleurs déplacée (pièce G.5.66). Ainsi rien dans les éléments cités par le recourant n'établit un lien entre des troubles de la victime, constatés en 2003, et le meurtre. On ne saurait dès lors considérer, sur la base de ces seuls éléments, que l'autorité précédente aurait fait preuve d'arbitraire en niant un comportement blâmable ou humiliant de la victime à l'égard du recourant.  
 
1.5. Le recourant estime que l'autorité précédente a arbitrairement nié que la prise de médicaments avait altéré sa faculté de discernement. Il allègue à l'appui de ce moyen que l'hôpital n'a pas répondu à une demande de contre-expertise sollicitée par la partie plaignante - fait ne ressortant pas du jugement attaqué sans que le recourant n'invoque l'arbitraire de son omission - et que l'analyse d'urine, contrairement à l'analyse sanguine, a révélé la trace d'antidépresseurs. La prise d'antidépresseurs peu avant les faits a été écartée par l'autorité précédente au vu notamment des premières déclarations du recourant à la police puis à l'expert allant dans ce sens et aux analyses toxicologiques et d'urine faites le lendemain du drame, qui n'ont pas révélé la présence d'antidépresseurs. L'expert a en outre conclu que les réponses apportées par le recourant aux nombreuses questions posées afin de déterminer s'il avait pu souffrir au moment de la commission du meurtre d'un syndrome sérotoninergique n'ont à aucun moment fait envisager que tel ait pu être le cas. Selon l'expert, il n'y a aucune raison de retenir que le recourant a agi dans un état mental que la prise d'une médication quelconque aurait aliéné de manière significative. Au vu de ces éléments, l'autorité a écarté sans arbitraire l'hypothèse que les facultés de discernement du recourant aient été altérées par la prise de médicaments.  
 
2.   
Le recourant estime qu'il aurait dû être condamné non pour meurtre (art. 111 CP) mais pour meurtre passionnel (art. 113 CP), dans la mesure où il était, au moment de l'homicide, sous l'effet d'une émotion violente et d'un profond désarroi, tous deux excusables. L'autorité précédente aurait violé l'art. 113 CP
 
2.1. Le meurtre passionnel (art. 113 CP) constitue une forme privilégiée d'homicide intentionnel, qui se distingue par l'état particulier dans lequel se trouvait l'auteur au moment d'agir. Celui-ci doit avoir tué alors qu'il était en proie à une émotion violente ou se trouvait dans un profond désarroi que les circonstances rendaient excusable (ATF 119 IV 202 consid. 2a p. 204).  
L'émotion violente est un état psychologique d'origine émotionnelle, et non pas pathologique, qui se caractérise par le fait que l'auteur est submergé par un sentiment violent qui restreint dans une certaine mesure sa faculté d'analyser correctement la situation ou de se maîtriser. Elle suppose que l'auteur réagisse de façon plus ou moins immédiate à un sentiment soudain qui le submerge (ATF 119 IV 202 consid. 2a p. 203 s.). Le profond désarroi vise un état d'émotion qui mûrit progressivement pendant une longue période, qui couve pendant longtemps jusqu'à ce que l'auteur soit complètement désespéré et ne voie d'autre issue que d'agir ainsi qu'il le fait (ATF 119 IV 202 consid. 2a p. 204). 
Pour admettre le meurtre passionnel, l'émotion violente ou le profond désarroi doit être rendu excusable par les circonstances. Ce n'est pas l'acte commis qui doit être excusable, mais l'état dans lequel se trouvait l'auteur. Les critères permettant de déterminer si l'état de l'auteur était excusable ne sont pas forcément les mêmes suivant que l'on se trouve en présence d'une émotion violente ou d'un état de profond désarroi (ATF 119 IV 202 consid. 2a p. 204). Le plus souvent, l'état de profond désarroi est rendu excusable par le comportement blâmable de la victime à l'égard de l'auteur. Il peut cependant aussi l'être par le comportement d'un tiers ou par des circonstances objectives (ATF 119 IV 202 consid. 2a p. 204 s.). L'application de l'art. 113 CP est réservée à des circonstances dramatiques dues principalement à des causes échappant à la volonté de l'auteur et qui s'imposent à lui (ATF 119 IV 202 consid. 2a p. 205). L'examen du caractère excusable de l'émotion violente ou du profond désarroi ne doit pas se limiter aux seules circonstances objectives et subjectives permettant d'expliquer le processus psychologique en oeuvre au moment des faits. Le juge doit, surtout, procéder à une appréciation d'ordre éthique ou moral. L'émotion violente, respectivement le profond désarroi, ne doit pas résulter d'impulsions exclusivement ou principalement égoïstes ou ordinaires, mais apparaître comme excusable ou justifiée par les circonstances extérieures qui l'ont causé (ATF 82 IV 86 consid. 1 p. 88). Il faut procéder à une appréciation objective des causes de l'état de l'auteur et déterminer si un être humain raisonnable, de la même condition que l'auteur et placé dans une situation identique, se trouverait facilement dans un tel état (ATF 107 IV 103 consid. 2b/bb p. 106). 
 
2.2. Il résulte des faits retenus par l'autorité précédente que le meurtre est intervenu deux heures après l'annonce par la victime qu'elle aimait toujours son second ex-mari, que cette annonce n'était qu'une confirmation de ce dont le recourant avait déjà conscience et que le recourant est sorti prendre l'air durant deux heures après dite annonce. Au vu de ces faits, dont le recourant n'a pas démontré l'arbitraire, on ne saurait considérer qu'il ait été, au moment de l'homicide, en proie à une émotion violente au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus.  
Les faits établis sans arbitraire par l'autorité précédente ne permettent pas non plus de retenir un comportement blâmable de la victime à l'encontre du recourant. Dans les circonstances d'espèce, un homme raisonnable, dont la compagne lui dit depuis des mois qu'elle ne l'aime pas et qui sait qu'elle a encore des sentiments pour son ex-mari, ne se serait pas trouvé sous le coup d'une émotion ou d'un désarroi tel, lors de la confirmation de l'existence de tels sentiments, qu'il aurait pu être amené à tuer sa compagne, qui plus est deux heures après une telle annonce. L'émotion et le désarroi que le recourant a éprouvés ce soir-là et qui ressortent d'ailleurs de sa tentative de suicide subséquente au meurtre de sa compagne ne sont ainsi en aucun cas excusables, ce qui exclut l'application de l'art. 113 CP
 
3.   
Le recourant estime que la peine privative de liberté de onze ans est excessive. 
 
3.1. Dès lors qu'il fonde son grief sur l'application de l'art. 113 CP à l'homicide perpétré, son moyen devient sans objet.  
 
3.2. Dans une argumentation peu claire, le recourant invoque que l'autorité précédente aurait omis de tenir compte de plusieurs circonstances atténuantes. Que le recourant ait été un homme sans histoire ou n'ait pas d'antécédents n'en constitue pas une (cf. ATF 136 IV 1). Pour le surplus, le recourant perd de vue que dans l'examen de la quotité de la peine également le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés par l'autorité précédente. Ceux qu'il présente, qui ne ressortent pas du jugement attaqué, sans démontrer qu'ils auraient été omis de manière arbitraire, sont ainsi irrecevables et avec eux les circonstances atténuantes qu'il entend en tirer. Au vu des faits constatés par l'autorité précédente, qui a notamment refusé de retenir un comportement blâmable de la défunte, on ne saurait en particulier considérer que le recourant aurait lui-même été victime de sa compagne. L'absence de comportement blâmable de celle-ci pouvait être prise en considération dans l'examen de la faute du recourant. Celui-ci affirme également à tort que la théorie du syndrome sérotoninergique altérant ses capacités psychiques a été retenue à sa charge. L'autorité cantonale l'a seulement écartée (jugement attaqué, p. 38 ss ch. 7.3.12). Le recourant estime que la cour cantonale aurait dû admettre, sous peine de violer l'interdiction de l'arbitraire, son repentir sincère, dès lors qu'il aurait été profondément affecté par la disparition d'un être cher qu'il a lui-même provoquée. On ne distingue pas ici de violation de l'art. 48 let. d CP et l'argumentation présentée est insuffisante à en établir une. Le recourant prétend encore qu'il aurait dû être mis au bénéfice du doute s'agissant de sa faculté d'apprécier le caractère illicite de ses actes. Une pleine faculté a été clairement établie par l'expertise et le recourant n'allègue ni ne démontre, conformément aux exigences posées par l'art. 106 al. 2 LTF, l'arbitraire de ce fait retenu par l'autorité précédente. Son moyen est irrecevable.  
L'argumentation présentée ne permet pour le surplus pas de comprendre en quoi l'autorité cantonale aurait mal apprécié la culpabilité du recourant. Ce dernier savait que sa compagne ne l'aimait pas et avait toujours des sentiments pour son ex-mari. Il a agi pour des mobiles égoïstes relevant de la jalousie (jugement attaqué, p. 37 ch. 7.3.4). Il a asséné au moins cinq coups de couteau, alors qu'il lui aurait été facile de trouver une autre issue à son conflit intérieur (idem, p. 37 ch. 7.3.6). Dans ces circonstances, sa culpabilité est lourde. Une peine de onze ans ne prête pas le flanc à la critique. 
 
4.   
Le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Il était dénué de chance de succès, de sorte que la requête d'assistance judiciaire doit être rejetée. Le recourant supporte les frais (art. 66 al. 1 LTF), fixés en tenant compte de sa situation financière (art. 65 al. 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'600 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du Jura. 
 
 
Lausanne, le 2 septembre 2014 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président :       La Greffière : 
 
Mathys       Cherpillod