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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_7/2022  
 
 
Arrêt du 31 janvier 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Merz. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Robert Assaël, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD. 
 
Objet 
Détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 9 décembre 2021 (1124 - PE18.002726-PAE). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois (ci-après: Ministère public) a ouvert une instruction pénale contre A.________ pour brigandage qualifié au moyen d'armes à feu, en bande et de façon particulièrement dangereuse. Il lui est en substance reproché d'avoir pris part à la tentative de braquage d'un fourgon de B.________ SA à X. le 27 janvier 2017. A la suite des analyses des traces biologiques prélevées sur le chemin de fuite, le profil ADN du prévenu s'est révélé compatible avec le profil ADN relevé sur les gants retrouvés après la fuite des auteurs. Il est également reproché au prévenu d'avoir pris part à l'attaque d'un fourgon transportant des fonds, le 8 février 2018 à Y.. Lors de cette attaque par trois inconnus, pour laquelle l'implication de C.________ est avérée, deux convoyeurs de fonds, dont D.________, qui était au volant et était au courant du plan, ont été menacés au moyen de pistolets mitrailleurs, ont été contraints de vider le fourgon de son contenu, lequel a ensuite été déplacé dans un véhicule 4X4. Les auteurs ont ensuite pris la fuite. Durant l'opération, la fille de l'autre convoyeur de fonds (E.________) a été séquestrée et prise en otage en France par d'autres complices. Cette jeune femme avait dû, sous la menace des ravisseurs, contacter son père pour qu'il exécute les ordres donnés par les malfaiteurs. Le rôle de A.________ aurait consisté à être une courroie de transmission des informations entre C.________, D.________, F.________ et lui-même, à participer à diverses réunions de préparation du braquage dès la fin de l'été 2016 déjà et avoir participé à des repérages, notamment en octobre 2017. 
 
A.________ a été appréhendé le 22 novembre 2019. Son casier judiciaire suisse comporte une condamnation, le 23 février 2016, par le Ministère public du canton de Genève pour recel à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant 3 ans. 
 
B.  
Par ordonnance du 24 novembre 2019, confirmée sur recours le 12 décembre 2019 par la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois, puis le 7 février 2020 par le Tribunal fédéral (1B_44/2020), le Tribunal des mesures de contrainte (Tmc) a ordonné la détention provisoire de A.________. 
 
La détention provisoire a ensuite été régulièrement prolongée et parallèlement plusieurs demandes de mise en liberté du prévenu ont été rejetées. En particulier, la Chambre des recours pénale a, par arrêt du 16 juin 2020, rejeté le recours déposé par le prévenu contre la prolongation de sa détention, tout comme le Tribunal fédéral en date du 11 août 2020 (arrêt 1B_382/2020). Par arrêt du 31 mai 2021, la Chambre des recours pénale a à nouveau rejeté le recours déposé par le prévenu contre la prolongation de sa détention, tout comme le Tribunal fédéral en date du 4 août 2021 (arrêt 1B_383/2021). 
 
Le 22 octobre 2021, le Ministère public a adressé un avis de prochaine clôture aux parties en leur indiquant que la cause serait renvoyée devant le tribunal pour jugement, avec fixation d'un délai au 12 novembre 2021 pour présenter leurs éventuelles réquisitions de preuve; le délai a ensuite été prolongé au 29 novembre 2021. 
 
Par ordonnance du 19 novembre 2021, le Tmc a ordonné la prolongation de la détention provisoire de A.________ pour une durée de 3 mois. 
 
Par arrêt du 9 décembre 2021, la Chambre des recours pénale a rejeté le recours formé par le prévenu contre cette décision. En substance, elle a retenu l'existence d'un risque de collusion qu'aucune mesure de substitution ne pouvait pallier; elle a renoncé à examiner si le risque de fuite également retenu par le Ministère public était réalisé. Enfin, les principes de la proportionnalité et de la célérité étaient respectés. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt du 9 décembre 2021, au prononcé de sa mise en liberté immédiate, moyennant le cas échéant diverses mesures de substitution, ainsi qu'à la constatation de la violation du principe de célérité par le Ministère public. Il sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire. 
 
Invités à se prononcer, tant la cour cantonale que le Ministère public y ont renoncé, tout en se référant à la décision attaquée. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant, prévenu détenu, a qualité pour recourir. Le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité statuant en tant que dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Une mesure de détention provisoire n'est compatible avec la liberté personnelle garantie aux art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite ou par un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé (art. 221 al. 1 CPP). En tout état de cause, la détention avant jugement ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible (art. 212 al. 3 CPP). 
 
3.  
Le recourant nie l'existence d'un risque de collusion, ajoutant être prêt, le cas échéant, à s'engager à ne pas prendre contact, de quelque façon que ce soit, avec les autres prévenus, la partie plaignante, les autres personnes entendues et celles que le Tribunal fédéral déterminerait. 
 
3.1.  
 
3.1.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ou pour motifs de sûreté ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuves.  
 
 
3.1.2. Le mémoire de recours doit contenir les conclusions et les motifs à l'appui de celles-ci (art. 42 al. 1 LTF). Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit (art. 42 al. 2 LTF). Selon la jurisprudence, un mémoire de recours ne satisfait pas aux exigences minimales fixées à l'art. 42 al. 2 LTF lorsque sa motivation reprend mot pour mot l'argumentation déjà développée devant la juridiction inférieure et que, partant, le recourant ne discute pas les motifs de la décision entreprise et n'indique pas - même succinctement - en quoi ceux-ci méconnaissent le droit selon lui (ATF 145 V 161 consid. 5.2; 139 I 306 consid. 1.2; 134 II 244 consid. 2.3).  
 
3.2. S'agissant du risque de collusion, force est de constater que pour l'essentiel le recourant reproduit mot pour mot les arguments avancés dans son mémoire de recours daté du 9 juillet 2021 déposé devant le Tribunal fédéral dans la cause 1B_383/2021. Le recourant ne discute donc pas concrètement les motifs présentés dans l'arrêt entrepris. Faute d'être suffisamment motivée, la critique du recourant est irrecevable (cf. consid. 3.1.2 ci-dessus). Cela étant, il peut être renvoyé aux considérations émises par la Cour de céans dans son arrêt du 4 août 2021, lesquelles conservent toute leur pertinence (arrêt 1B_383/2021 consid. 3.3).  
 
L'admission d'un risque de collusion dispense d'examiner en l'état s'il existe aussi un risque de fuite, également retenu par le Ministère public. 
 
4.  
Le recourant soutient ensuite que la durée de la détention subie a ce jour violerait le principe de la proportionnalité, de sorte que sa libération immédiate devrait être ordonnée. Il soutient notamment que s'il devait être condamné pour le seul braquage de Y. sa peine ne dépasserait probablement pas trois ans, précisant que les charges à son encontre concernant la tentative de braquage de X. ne seraient pas suffisantes. 
 
Ce faisant, le recourant reprend ici également mot pour mot les mêmes arguments qu'il a soulevés dans son mémoire de recours du 9 juillet 2021, de sorte que sa critique apparaît irrecevable (cf. 3.1.2 ci-dessus). Quoi qu'il en soit, on peut se référer sur ces points aux considérants de l'arrêt du 4 août 2021 du Tribunal fédéral (arrêt 1B_383/2021 consid. 4.2). Comme évoqué dans cet arrêt, le recourant est, quoi qu'il en dise, également prévenu dans l'affaire de la tentative de brigandage de X., et non pas seulement dans celle du brigandage de Y.. De plus, les faits qui lui sont reprochés sont intervenus durant le délai d'épreuve qui lui avait été octroyé à la suite d'une précédente condamnation prononcée en 2016. Dans ces conditions, la durée de la détention subie par le recourant (26 mois) demeure proportionnée à la peine encourue concrètement en cas de condamnation pour les faits reprochés, qui pourraient être constitutifs de brigandage qualifié au sens de l'art. 140 ch. 2 CP, respectivement de l'art. 140 ch. 3 CP; or, ces infractions sont punissables d'une peine privative de liberté minimale d'un an, respectivement de deux ans, la peine maximale pouvant atteindre dix ans pour un brigandage. 
 
5.  
Le recourant se plaint encore d'une violation du principe de la célérité (art. 5 et 6 CEDH), contestant que le Ministère public aurait instruit la cause sans discontinuité et dans des délais raisonnables. Il se prévaut du fait que le Ministère public aurait mis 6 mois pour disjoindre les causes alors que la question n'aurait pas été compliquée. Le recourant ajoute que, outre les audiences récapitulatives des 30 et 31 mars et 1 er avril 2021, il n'aurait été convoqué à aucune autre, celle du 25 août 2021 ne le concernant pas. Il relève enfin que l'acte d'accusation n'a toujours pas été produit.  
 
5.1. Concrétisant le principe de célérité consacré à l'art. 29 al. 1 Cst., l'art. 5 CPP impose aux autorités pénales d'engager les procédures pénales sans délai et de les mener à terme sans retard injustifié (al. 1), la procédure devant être conduite en priorité lorsqu'un prévenu est placé en détention (al. 2). L'incarcération peut être considérée comme disproportionnée en cas de retard injustifié dans le cours de la procédure pénale. Il doit toutefois s'agir d'un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable (ATF 140 IV 74 consid. 3.2; 128 I 149 consid. 2.2.1). Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure pénale s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard en particulier à la complexité de l'affaire, au comportement du requérant et à celui des autorités compétentes, ainsi qu'à l'enjeu du litige pour l'intéressé (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2).  
 
5.2. En l'espèce, la cour cantonale a constaté que le 12 avril 2021, le Ministère public avait versé au dossier une demande de fixation de for du canton de Genève du 17 février 2021 et qu'il avait accepté le même jour la reprise de la procédure genevoise instruite contre F.________ et le recourant. L'instance précédente a encore retenu que des échanges de correspondances avec la Cour d'appel de Lyon avaient eu lieu fin avril 2021. Le 30 avril 2021, le Ministère public avait avisé les parties de son intention de disjoindre de cette cause les procédures des autres prévenus et leur avait fixé un délai pour se déterminer; il a reçu ces déterminations les 5 et 7 mai 2021 et, le 12 mai 2021, il a joint la cause PE21.006542 à la présente procédure. La cour cantonale a également retenu que, le 30 avril 2021, le Ministère public s'était déterminé, auprès du Tmc, sur la demande de libération du recourant et qu'il avait, le 6 mai 2021, adressé audit tribunal une demande de prolongation de la détention provisoire de F.________. Le 29 juillet 2021, Me Robert Assael avait été désigné en qualité de défenseur d'office du recourant. Le 4 août 2021, le Tribunal fédéral a rendu son arrêt concernant la demande de mise en liberté du 23 avril 2021 du recourant. L'audition du prévenu G.________ a eu lieu le 25 août 2021, celles de deux autres coprévenus ayant en revanche dû être annulées. Le 22 octobre 2021, le Parquet a reçu un rapport de la police de sûreté du 13 octobre 2021. Le même jour, les causes concernant d'autres prévenus ont été disjointes et l'avis de prochaine clôture a été adressé aux parties, avec un délai au 12 novembre 2021, qui a été ensuite prolongé au 29 novembre 2021. L'instance précédente a considéré que, au vu de ces éléments, le principe de la célérité n'était pas violé. Elle a en particulier exposé que la préparation de disjonction de causes pour plusieurs prévenus dans un dossier de cette ampleur prenait du temps et qu'une nouvelle affaire avait été jointe à la procédure le 12 mai 2021, ce qui nécessitait d'en prendre connaissance et, le cas échéant, d'ordonner de nouvelles mesures d'instruction. Elle relevait qu'une audition avait eu lieu le 25 août 2021, de sorte qu'il ne s'était écoulé que deux mois entre la dernière opération et la disjonction de causes. La cour cantonale exposait par ailleurs que, dans la mesure où le délai pour se déterminer sur l'avis de prochaine clôture avait pris fin le 29 novembre 2021, il n'était pas critiquable que l'acte d'accusation ne leur avait pas encore été envoyé le 3 décembre 2021, au vu de l'ampleur du dossier.  
Ce raisonnement peut être confirmé. Le recourant ne développe d'ailleurs aucune argumentation propre à le remettre en cause. Il se limite essentiellement à substituer sa propre appréciation sans démontrer en quoi celle effectuée par l'autorité précédente serait arbitraire (cf. art. 42 et 106 al. 2 LTF). Cela étant, au vu de l'ampleur et de la complexité de l'affaire des braquages impliquant plusieurs prévenus et des échanges avec la France, il n'apparaît pas que l'instruction a connu un période d'inactivité susceptible de contrevenir au principe de célérité. Comme indiqué par le recourant, le Tribunal fédéral a certes, dans son arrêt du 4 août 2021, invité le Ministère public à faire à nouveau progresser l'enquête ou à clore rapidement la procédure et renvoyer le recourant en jugement dans les meilleurs délais. Depuis cet arrêt, des mesures d'instruction ont néanmoins été prises pour faire avancer la procédure; même si elles n'ont peut-être pas toutes impliqué directement le recourant, elles apparaissaient nécessaires. Dans la mesure où l'avis de prochaine clôture a été notifié aux prévenus fin octobre 2021, il appartiendra à présent au Ministère public, si cela n'est pas déjà fait, de rapidement déposer l'acte d'accusation, compte tenu des principes rappelés ci-dessus. 
 
6.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté, dans la mesure ou il est recevable. Les conditions posées à l'art. 64 al. 1 LTF n'étant pas réunies, la demande d'assistance judiciaire est rejetée. Compte tenu des circonstances, le présent arrêt sera cependant exceptionnellement rendu sans frais (art. 66 al. 1, 2ème phrase, LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public central du canton de Vaud et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 31 janvier 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Arn