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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
9C_613/2013  
   
   
 
 
 
Arrêt du 30 décembre 2013  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kernen, Président, Meyer et Borella. 
Greffier: M. Bouverat. 
 
Participants à la procédure 
S.________, 
représenté par Me David Métille, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse de prévoyance des fonctionnaires de la police et de la prison, route de Chancy 10, 1213 Petit-Lancy, représentée par Me Jacques-André Schneider, avocat,  
intimée. 
 
Objet 
Prévoyance professionnelle, 
 
recours contre le jugement de la Cour de justice de 
la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 24 juillet 2013. 
 
 
Faits:  
 
A.   
S.________ a requis le 27 mars 2012 de la Caisse de prévoyance des fonctionnaires de la police et de la prison, à Genève (la caisse), le versement d'une indemnité. Il a prétendu avoir droit à une telle prestation en tant que concubin survivant de B.________, qui était affilié à la caisse au moment de son décès en janvier 2012. Cette dernière a rejeté la demande le 4 avril 2012 au motif que ses statuts ne prévoyaient l'octroi de prestations qu'en faveur des conjoints survivants et des partenaires enregistrés survivants. 
 
B.   
Par demande du 18 janvier 2013, S.________ a ouvert action contre la caisse devant la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, en réclamant le paiement du montant de 145'068 fr. 60 avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er octobre 2012. Il a produit un bordereau de renseignements de la caisse concernant la situation de B.________ au 30 septembre 2011. La Cour de justice l'a débouté par jugement du 24 juillet 2013. 
 
C.   
S.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation. Il conclut au versement par la caisse de la somme de 145'068 fr. 60 avec intérêts à 5 % l'an dès le 30 janvier 2012. 
 
 
Considérant en droit:  
 
1.   
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments de la partie recourante ou par la motivation de l'autorité précédente. Par exception à ce principe, il ne peut entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF). Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). 
 
2.   
Le litige porte sur le point de savoir si le recourant peut prétendre des prestations pour survivant de la part de la caisse intimée. 
 
3.   
Selon la juridiction cantonale, l'octroi de prestations pour survivants par l'intimée était régi par les art. 49 et 53A de ses statuts, dans leur version en vigueur à partir du 1er juillet 2011. Le premier prévoyait à certaines conditions le droit du conjoint survivant d'un sociétaire ou d'un pensionné à des prestations et le second conférait, en application de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe, les mêmes droits au partenaire survivant qu'au conjoint survivant. Le recourant, en tant que concubin survivant, ne faisait donc pas partie du cercle des bénéficiaires de prestations tel que défini dans les statuts de l'intimée. Cette distinction entre couples mariés, respectivement partenaires enregistrés, et concubins n'était pas incompatible avec l'interdiction constitutionnelle de discrimination (art. 8 al. 2 Cst.). Le recourant ne pouvait pas non plus fonder ses prétentions sur la LPP, notamment pas sur l'art. 20a de cette loi, lequel se contentait d'offrir aux institutions de prévoyance la possibilité d'octroyer des prestations aux concubins survivants. 
 
4.   
Se plaignant d'une violation du droit fédéral, le recourant reproche aux premiers juges d'avoir ignoré la jurisprudence selon laquelle les dispositions réglementaires relatives au régime surobligatoire s'interprètent en fonction du contexte entourant leur adoption (ATF 132 V 286 consid. 3.2.1 p. 293 et les réf. citées). En l'occurrence, il conviendrait de tenir compte de ce que l'introduction dans la LPP de l'art. 20a tendait clairement à favoriser les concubins survivants. Pratiquement toutes les caisses de pension auraient du reste fait usage de la faculté offerte par cette disposition, ce qui démontrerait que les motifs d'ordre financier avancés par le Conseil fédéral lors de la 1re révision de la LPP pour refuser d'inscrire dans la loi l'octroi systématique de prestations à cette catégorie de personnes ne sont pas convaincants. La lecture des travaux préparatoires ayant conduit à l'adoption de l'art. 53A des statuts de l'intimée montrerait en outre que le législateur genevois n'a pas expressément exclu d'allouer des prestations aux concubins survivants. Par ailleurs, la jurisprudence récente (ATF 138 III 157) assimilerait ces derniers aux conjoints survivants. La solution retenue par les premiers juges consacrerait enfin une inégalité de traitement en défaveur des concubins survivants de fonctionnaires de police et de la prison, en les privant de prestations auxquelles peuvent prétendre les concubins survivants de tous les autres fonctionnaires de l'État de Genève. Aussi, aurait-il droit à une indemnité égale à 3 pensions annuelles de conjoint survivant (art. 51 al. 1 des statuts de l'intimée). Une telle pension correspondrait à 55 % de la pension de retraite projetée (art. 49 al. 3 desdits statuts), laquelle s'élèverait en l'espèce à 87'920 fr. 40 selon le bordereau qu'il a produit en instance cantonale. L'intimée lui devrait dès lors la somme de 145'068 fr. 60 (87'920.40 x 55 : 100 x 3). 
 
5.  
 
5.1. Les règles générales d'interprétation des contrats, singulièrement le principe de la confiance, selon lequel le texte du contrat doit être examiné dans son contexte, s'appliquent au règlement d'une institution de prévoyance de droit privé (cf. ATF 132 V précité [supra consid. 4] consid. 3.2.1 p. 292 s.). Lorsqu'il s'agit en revanche d'interpréter les dispositions statutaires d'une institution de prévoyance de droit public, comme en l'espèce (cf. art. 1 des statuts de la caisse intimée, selon lequel cette dernière est une corporation de droit public), sont déterminantes les règles d'interprétation des règles légales (arrêt B 146/06 du 3 décembre 2007 consid. 7.1; B 91/05 du 17 janvier 2007 consid. 4.3), ainsi que l'ont relevé les premiers juges (jugement entrepris, consid. 10 p. 9).  
 
5.2. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). D'après la jurisprudence, il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi (ATF 135 II 78 consid. 2.2 p. 81).  
 
6.  
 
6.1.  
 
6.1.1. Les statuts de l'intimée, dans leur version applicable depuis le 1er juillet 2011, règlent la question des prestations aux survivants au chapitre VII (art. 49 à 56). Celui-ci accorde au conjoint survivant une pension (art. 49 et 50) ou à défaut une indemnité (art. 51), appréhende le statut du conjoint survivant divorcé (art. 52), traite du cas où le décès est survenu à la suite d'un attentat ou d'un accident dans l'accomplissement du service (art. 53) ainsi que de la situation du partenaire enregistré survivant (art. 53A) et prévoit l'octroi d'une pension aux orphelins d'un sociétaire ou d'un pensionné (art. 54 à 56). L'art. 49 (Pension de conjoint survivant - droit à la pension) dispose (al. 1) que " [l]e conjoint survivant d'un sociétaire ou d'un pensionné a droit à une pension dans l'une des trois éventualités suivantes: a) s'il est âgé de 40 ans révolus; b) s'il est invalide reconnu par l'assurance-invalidité fédérale; c) s'il a un ou plusieurs enfants à charge au sens de l'art. 54 "; cette disposition détermine également la naissance et l'extinction du droit (al. 2), puis fixe un ratio entre la pension de conjoint survivant et la pension de retraite projetée ou déjà servie (55 %; al. 3). Selon l'art. 53A (Pension de partenaire [partenariat enregistré]), " [e]n application de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe (LPart) du 18 juin 2004, le partenaire survivant a les mêmes droits qu'un conjoint survivant " (al. 1) et " [l]es articles 49 à 53 des présents statuts s'appliquent par analogie " (al. 2). Force est dès lors de constater que le texte de ces dispositions est clair et qu'il confère des droits uniquement aux conjoints survivants et aux partenaires enregistrés survivants. En outre, la systématique des statuts ne laisse aucunement à penser qu'il ne restituerait pas le sens véritable des articles en question.  
 
6.1.2. La teneur actuelle des art. 49 et 53A des statuts de l'intimée résulte du projet de loi modifiant la loi approuvant les nouveaux statuts de la caisse de prévoyance des fonctionnaires de police et de la prison (présenté le 23 décembre 2010 par le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève; accessible à partir de la page internet      http://www.ge.ch/grandconseil/memorial/data/570207/41/570207_41_ partie3.asp). Celui-ci a amendé l'alinéa premier lettre c) de l'art. 49 en ce sens que désormais, le conjoint survivant d'un sociétaire ou d'un pensionné n'avait plus droit à une pension que s'il avait un ou plusieurs enfants à charge  au sens de l'art. 54 des statuts; l'alinéa 4 de l'article en question, aux termes duquel le comité de la caisse décidait si le mariage in extremis donnait droit à une pension, a été abrogé, ainsi que son alinéa 5 (lequel déterminait le taux de pension et a été partiellement repris dans l'alinéa 3 actuel [cf. supra consid. 6.1.1]; projet p. 56). S'agissant de l'art. 53A, le Conseil d'État a précisé que l'introduction de cette disposition s'imposait compte tenu de la modification de la LPP consécutive à l'adoption de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe (LPart), du 18 juin 2004 (projet p. 26). Le Grand conseil a renvoyé le projet sans débat à la commission des finances (séance 19, du 27 janvier 2011, accessible à partir de la page internet mentionnée ci-dessus), laquelle a déposé son rapport le 23 mars 2011. Ce document (également accessible à partir de ladite page internet) ne comporte pas de discussion des dispositions précitées et, tout comme le projet de loi, ne contient pas la moindre référence aux concubins survivants. Le Grand conseil a adopté le projet dans sa séance du 15 avril 2011 (cf. page internet précitée), sans modifier les articles en cause. Ces éléments montrent bien que le législateur genevois a voulu octroyer le droit à des prestations pour survivants uniquement - orphelins exceptés - aux personnes ayant contracté avec le défunt mariage ou partenariat enregistré au sens de la LPart, étant précisé que ni le Conseil d'Etat ni la commission des finances (laquelle s'est entourée d'un expert externe et d'une avocate dans l'étude du projet; cf. rapport du 23 mars 2011 p. 1) ne pouvait ignorer la faculté offerte aux institutions de prévoyance par l'art. 20a LPP d'octroyer des prestations aux personnes ayant formé avec le défunt une communauté de vie ininterrompue d'au moins cinq ans avant le décès. Il n'existe donc aucun motif ressortant des travaux préparatoires qui permettrait de penser que le texte des art. 49 et 53A des statuts de l'intimée ne correspond pas au sens véritable de ces dispositions.  
 
6.2. Le recourant se prévaut en outre vainement de l'arrêt publié aux ATF 138 III 157. Dans celui-ci - rendu le 2 février 2012, soit postérieurement au moment où le législateur genevois a adopté les modifications précitées -, le Tribunal fédéral a admis qu'un concubin peut à certaines conditions être considéré comme un " proche " et partant se voir allouer dans certaines circonstances particulières, sur la base de l'art. 47 CO, une indemnité à titre de réparation morale en cas de mort d'homme (en précisant que la notion de " proche ", correspondant au texte légal allemand de cette disposition, devait être préféré à celui de " famille " utilisé dans la version française, cf. consid. 2.3.3 p. 160). La haute Cour a ainsi tranché une question spécifique relevant du droit de la responsabilité civile et n'a aucunement assimilé de manière générale les concubins survivants aux conjoints survivants.  
 
6.3. Il n'y a enfin pas lieu d'examiner l'argument tiré d'une inégalité de traitement entre différentes catégories de fonctionnaires de l'État de Genève. Le recourant ne démontre effectivement pas au moyen d'une argumentation précise en quoi une violation de l'art. 8 al. 2 Cst. serait en l'espèce réalisée - n'établissant notamment pas que les statuts applicables aux autres fonctionnaires que ceux de police et de la prison accorderaient des prestations aux concubins survivants - et ne satisfait donc pas aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF (Bernard Corboz, in Commentaire de la LTF, Berne 2009, n. 34 ad art. 106 LTF).  
 
6.4. Il s'ensuit que les premiers juges n'ont pas violé le droit fédéral en considérant sur la base d'une interprétation littérale des art. 49 et 53A des statuts de l'intimée que ces dispositions ne prévoyaient pas l'octroi de prestations en faveur des concubins survivants.  
 
7.   
Compte tenu de ce qui précède, le recours est mal fondé. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et ne peut prétendre de dépens (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 30 décembre 2013 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Kernen 
 
Le Greffier: Bouverat