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[AZA 0] 
1P.197/2000 
 
Ie COUR DE DROIT PUBLIC 
********************************************** 
 
4 octobre 2000 
 
Composition de la Cour: MM. les juges Aemisegger, président, 
Jacot-Guillarmod et Favre. Greffier: M. Thélin. 
 
__________ 
 
Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
X.________ , avocat à Sion, représenté par Me Michel De Palma, avocat à Sion, 
 
contre 
la décision prise le 28 février 2000 par la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais; 
 
(indemnisation du défenseur d'office) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- X.________ exerce la profession d'avocat dans le canton du Valais. Dès le mois d'août 1997, il a été désigné en qualité de défenseur d'office de Y.________, prévenue d'avoir pris part à de nombreux cambriolages et de s'être livrée au trafic des stupéfiants. Me X.________ a assisté sa cliente jusqu'aux débats devant le Tribunal d'arrondissement, le 22 juin 1998. Par jugement du même jour, ce tribunal a reconnu l'accusée coupable d'avoir participé à vingt vols ou cambriolages, d'avoir consommé environ 50 g d'héroïne et d'avoir vendu quatre ou cinq doses de ce produit. Faute de preuve suffisamment précise, le tribunal a écarté l'accusation d'avoir conduit un véhicule sous l'influence de l'héroïne. Tenant compte d'une responsabilité restreinte, il a condamné l'accusée à douze mois d'emprisonnement avec sursis. 
Deux autres coaccusés ont également été condamnés, plus sévèrement. 
 
Le 2 septembre 1998, Me X.________ a soumis son état de frais au Président du Tribunal d'arrondissement, tendant au paiement de 7'453 fr.80 à titre de frais et honoraires judiciaires et extrajudiciaires. A l'issue d'un échange de correspondance avec ce magistrat, invoquant le secret professionnel, l'avocat s'est refusé à produire son propre dossier pour établir les démarches extrajudiciaires énumérées dans l'état de frais. Le Président a éliminé de cette liste de nombreux postes tenus pour superfétatoires ou non établis, concernant en particulier de la correspondance qui ne figurait pas au dossier judiciaire, et il a arrêté le montantdû à 3'429 fr.10. Sur demande de l'avocat, cette taxation a fait l'objet d'une décision motivée datée du 30 mars 1999. 
B.- Me X.________ a adressé sans succès une plainte à la Chambre pénale du Tribunal cantonal, qui a confirmé ce prononcé par décision du 28 février 2000. 
 
C.- Agissant par la voie du recours de droit public, Me X.________ requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision de la Chambre pénale. Il se plaint d'une application arbitraire des règles concernant l'indemnisation du défenseur d'office et d'une évaluation arbitraire des prestations accomplies en faveur de sa cliente. 
 
Invités à répondre, la Chambre pénale du Tribunal cantonal et le Président du Tribunal d'arrondissement ont renoncé à déposer des observations. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Selon la jurisprudence relative à l'art. 4 aCst. , l'avocat d'office a contre l'Etat une prétention de droit public à être rétribué dans le cadre des prescriptions cantonales applicables; il ne s'agit dès lors pas d'examiner à quelle rémunération l'avocat pourrait prétendre dans le cadre d'une activité librement consentie et pleinement rétribuée, mais de savoir ce que l'avocat peut exiger de l'Etat au titre de l'assistance judiciaire. Dans l'application des normes cantonales, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation et l'avocat n'est protégé, en principe, que contre l'application arbitraire de ces normes. 
 
Toutefois, l'avocat d'office a droit au moins au remboursement intégral de ses débours, ainsi qu'à une indemnité s'apparentant aux honoraires perçus par le mandataire plaidant aux frais de son client. Pour fixer cette indemnité, l'autorité doit tenir compte de la nature et de l'importance de la cause, des difficultés particulières que celle-ci peut présenter en fait et en droit, du temps que l'avocat lui a consacré, de la qualité de son travail, du nombre des conférences, audiences et instances auxquelles il a pris part, du résultat obtenu et de la responsabilité qu'il a assumée. 
L'autorité doit aussi prendre en considération les charges inhérentes à l'activité indépendante de l'avocat, telles que les absences dues aux maladies, au service militaire et aux vacances, ainsi que la nécessité de s'assurer une retraite convenable. A condition d'être équitable, il est admis que la rémunération de l'avocat d'office puisse être inférieure à celle du mandataire choisi. En principe, l'indemnité allouée à l'avocat d'office devrait couvrir les frais généraux de ce praticien, dont on estime qu'ils correspondent d'ordinaire à au moins quarante pour cent du revenu professionnel brut, voire à la moitié. Une indemnité qui ne correspond pas au moins à cette fraction des honoraires de l'avocat choisi, normalement destinée à couvrir les frais généraux de l'étude, doit en principe être considérée comme inéquitable; à cet égard, on doit aussi tenir compte de la TVA à acquitter par l'avocat (ATF 122 I 1 consid. 3a et 3c, avec références détaillées; voir aussi ATF 122 I 322 consid. 3b p. 325). 
 
2.- a) En l'occurrence, la contestation porte notamment sur l'ampleur et la pertinence du travail fourni par l'avocat recourant. La liste des vacations admises par le Président du Tribunal d'arrondissement retient au total vingt-sept heures d'activité utiles à la cause. Cette liste comprend six heures d'audiences devant le Juge d'instruction pénale ou le Tribunal d'arrondissement, poste qui n'a subi aucune réduction, six heures de conférences avec la cliente et une heure de conférences diverses. Il subsiste globalement quatorze heures pour l'étude du dossier, à mesure que celui-ci se complétait, la rédaction des lettres et autres actes de procédure, la préparation des conférences et audiences et, éventuellement, d'autres démarches en rapport avec le procès pénal. 
 
La prévention portait sur des infractions certes nombreuses, mais qui ne présentaient aucune complexité ni en fait ni en droit. On peut tenir pour établi que la cliente ne collaborait aucunement à sa propre défense, ce qui, naturellement, compliquait le travail de l'avocat. Celui-ci s'est constamment efforcé de mettre en évidence le rôle mineur de la prévenue dans la plupart des cambriolages auxquels elle avait pris part, ainsi que, surtout, sa responsabilité diminuée; il l'a ainsi défendue de façon adéquate et efficace. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, l'activité admise par le Président du Tribunal d'arrondissement semble appropriée aux difficultés objectives de la cause pénale et aux prestations que l'avocat devait raisonnablement fournir. Il n'apparaît donc pas arbitraire d'avoir refusé de prendre en considération encore vingt-sept heures d'activité supplémentaire, selon l'état de frais présenté, et d'avoir aussi éliminé les débours correspondants. 
 
b) Le tarif horaire de 100 fr., TVA comprise, appliqué tant par le premier juge que par la Chambre pénale, est également contesté. Il est certes fortement douteux que dans les années 1997 et 1998, une indemnité nette d'environ93 fr. l'heure ait effectivement suffi à couvrir les frais généraux d'une étude d'avocat. Les travaux parlementaires qui ont abouti à l'adoption de la loi cantonale fixant le tarif des frais et dépens devant les autorités judiciaires ou administratives, du 14 mai 1998 (LTar), révèlent que le Conseil d'Etat estimait l'honoraire d'avocat non réduit à 250 fr. l'heure (Bulletin des séances du Grand Conseil 1997, vol. 4, p. 308). On constate toutefois que les dispositions de cette loi, entrée en vigueur le 1er janvier 1999 pour les causes futures ou alors pendantes, seraient respectées si elles étaient applicables en l'espèce. En effet, une affaire pénale comprenant une enquête du Juge d'instruction, une plainte à la Chambre pénale (en l'espèce, pour contester le refus d'ordonner une expertise psychiatrique) et des débats devant le Tribunal d'arrondissement, sans appel au Tribunal cantonal, donne en principe lieu à un honoraire non réduit compris entre 1'750 et 15'000 fr. (art. 36 let. d, f et k LTar). Le montant d'honoraires effectivement obtenu par le recourant, soit 2'700 fr., correspond à 60 % d'un honoraire non réduit de 4'500 fr. (cf. art. 29 al. 1 LTar). Or, ce dernier montant est compris dans les limites précitées, nettement au-dessus du minimum, ce qui est approprié à une affaire d'ampleur moyenne et dépourvue de difficultés considérables. 
On ne constate donc aucune sous-estimation manifeste dans la taxation litigieuse. La décision attaquée apparaît ainsi discutable dans sa motivation, mais elle ne se révèle pas arbitraire dans son résultat. 
 
3.- Il n'est pas nécessaire d'examiner les autres critiques du recourant, concernant notamment l'invitation à déposer son propre dossier pour établir les prestations extrajudiciaires, puisque l'élimination desdites prestations échappe de toute façon au grief d'arbitraire. Le recours de droit public se révèle mal fondé et doit donc être rejeté; l'émolument judiciaire incombe à son auteur. 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours. 
 
2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la charge du recourant. 
3. Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant, à la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais et au Président du Tribunal du IIe arrondissement pour le district de Sion. 
 
___________ 
Lausanne, le 4 octobre 2000 THE/mnv 
 
Au nom de la Ie Cour de droit public 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,