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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5C.245/2002 /frs 
 
Arrêt du 24 décembre 2002 
IIe Cour civile 
 
Les juges fédéraux Bianchi, président, 
Nordmann, Hohl, 
greffier Abrecht. 
 
X.________ SA, 
défenderesse et recourante, représentée par Me Christian Luscher, avocat, rue Saint-Ours 5, 1205 Genève, 
 
contre 
 
A.________, 
B.________, 
demanderesses et intimées, 
toutes les 2 représentées par Me Mauro Poggia, avocat, rue de Beaumont 11, 1206 Genève. 
 
revendication, droit de gage, 
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 13 septembre 2002. 
 
Faits: 
A. 
Le capital-actions de la SI G.________ en liquidation est détenu par A.________ à raison de 11,5 actions au porteur, et par ses enfants B.________ et C.________ à raison de 3 actions au porteur chacun. 
 
Par contrat de prêt du 6 janvier 1999, X.________ SA a consenti à C.________ ainsi qu'à D.________ un prêt de 250'000 fr. Aux termes du contrat, cette somme était remboursable au plus tard le 6 février 1999, échéance à laquelle devait en outre être payé un montant de 30'000 fr. à titre d'intérêts et de commission d'intervention. En garantie de ce prêt, C.________ a remis à X.________ SA 14,5 actions au porteur de la SI G.________; il s'agissait des actions appartenant à sa mère et à sa soeur, car C.________ avait déjà remis en garantie auprès d'un tiers les 3 actions lui appartenant. 
 
Le montant n'ayant pas été remboursé à l'échéance convenue, X.________ SA a introduit le 7 mai 1999 une poursuite en réalisation de gage (n° 99 xxxx) à l'encontre de C.________, pour un montant de 280'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 6 février 1999. Cette poursuite est parvenue au stade de la réquisition de réalisation du gage. 
B. 
A.________ et B.________ ont adressé à l'Office des poursuites une revendication portant sur leurs actions de la SI G.________ faisant l'objet du gage. Elles ont en outre obtenu des autorités judiciaires genevoises la saisie conservatoire de ces actions en mains de la fiduciaire T.________, qui les détenait pour le compte de X.________ SA. La saisie des actions a été exécutée par H.________, huissier judiciaire, dont les honoraires se sont élevés à 963 fr. 40. 
C. 
Dans le délai qui lui a été assigné par l'Office des poursuites pour agir en contestation de la prétention du tiers revendiquant (art. 108 LP), X.________ SA a saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève d'une action tendant à la constatation de la validité de son droit de gage sur les 14,5 actions de la SI G.________ et au rejet des prétentions de propriété de A.________ et B.________; elle a parallèlement demandé au Tribunal de dire que la poursuite en réalisation de gage n° 99 xxxx ira sa voie. A.________ et B.________ ont conclu au déboutement de X.________ SA de toutes ses conclusions. 
 
Le 4 octobre 2000, A.________ et B.________ ont quant à elles saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève d'une requête en revendication dirigée contre X.________ SA. Elles ont demandé au Tribunal de constater leur droit de propriété sur respectivement 11,5 et 3 actions de la SI G.________, de dire que le droit de gage invoqué par X.________ SA n'avait pas été valablement constitué, de les autoriser à reprendre la pleine propriété des 14,5 actions se trouvant en mains de H.________ et de condamner X.________ SA à leur verser la somme de 963 fr. 40 (représentant les honoraires de l'huissier judiciaire) avec intérêts à 5% l'an dès le 4 octobre 2000. Elles ont exposé que X.________ SA ne pouvait pas ignorer que C.________ n'était pas le propriétaire des actions au porteur et qu'il ne pouvait pas en disposer; la bonne foi du créancier gagiste, nécessaire à la constitution du droit de gage, n'était ainsi pas réalisée. Cette procédure a été jointe à celle ouverte par X.________ SA en contestation de la prétention du tiers revendiquant. 
D. 
Par jugement du 31 janvier 2002, le Tribunal de première instance a constaté le plein droit de propriété de A.________ et B.________ sur respectivement 11,5 et 3 actions au porteur de la SI G.________, a constaté que X.________ SA n'avait aucun droit de gage sur ces actions, a autorisé A.________ et B.________ à demander leur restitution à H.________ et a condamné X.________ SA à verser à A.________ et B.________, agissant conjointement, la somme de 963 fr. 40 avec intérêts à 5% l'an dès le 4 octobre 2000. Le Tribunal a en outre débouté X.________ SA de toutes ses conclusions et a dit que la poursuite en réalisation de gage n° 99 xxxx n'ira pas sa voie. 
E. 
Statuant par arrêt du 13 septembre 2002 sur appel de X.________ SA, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement de première instance. 
E.a La cour cantonale a fondé sa décision, outre sur les faits déjà exposés ci-dessus, sur les faits pertinents suivants : 
E.a.a Le prêt en faveur de C.________ a été consenti par Y.________, qui est administrateur de X.________ SA sans en être actionnaire. Le même Y.________ est également président du conseil d'administration de la fiduciaire T.________, organe de contrôle de la SI G.________, et il était enfin liquidateur de cette dernière société à compter de début 1999 jusqu'au 13 juillet 2000. De par ses diverses charges, Y.________ connaissait la configuration de l'actionnariat de la SI G.________ et le nombre d'actions détenu par chacun des actionnaires. 
 
Suite à la demande de prêt de C.________ et D.________, Y.________ s'est enquis auprès de C.________ s'il avait la libre disposition des 14,5 actions de la SI G.________ et l'autorisation expresse de les remettre en nantissement. C.________ a répondu par l'affirmative en ajoutant qu'il "allait les chercher", d'où, semble-t-il, un second rendez-vous quelques jours plus tard. 
 
Le 6 janvier 1999, C.________, accompagné de D.________, est venu avec les actions. Y.________ ne lui a pas demandé d'attestation écrite confirmant qu'il était en droit de remettre ces actions en nantissement; il lui a fait confiance. Sur les 14,5 actions reçues, Y.________ savait que A.________ détenait 11,5 actions; il dit avoir ignoré si les trois autres étaient celles de C.________ ou celles de B.________. Selon C.________, Y.________ savait que les 3 actions qu'il détenait avaient déjà été remises en garantie auprès d'un tiers et qu'il n'était donc pas habilité à en disposer une nouvelle fois. 
E.a.b Les actions de la SI G.________ appartenant à la famille A________ et B.________ étaient entreposées dans un coffre auprès d'UBS SA. C.________ a déclaré qu'il n'avait plus l'autorisation d'accéder au coffre sans l'aval de sa mère. Selon l'établissement bancaire, C.________ et B.________ étaient au contraire au bénéfice d'une procuration individuelle en janvier 1999. 
 
C.________ dit avoir obtenu de sa mère son consentement pour disposer des 11,5 actions lui appartenant; il pense que sa mère avait compris le sens de sa demande. Quant à B.________, elle n'a pas été informée de la mise à disposition des 3 actions lui appartenant; C.________ en a disposé sans son consentement, sachant qu'il ne l'obtiendrait pas s'il le lui demandait. 
E.a.c Le 21 janvier 1999, une assemblée générale s'est tenue en vue de la mise en liquidation de la SI G.________. Y.________ y a participé. La totalité du capital-actions devait être présentée au notaire. C.________ et Y.________ sont convenus qu'il n'y serait pas fait état de la mise en gage de 14,5 actions, au motif que C.________ allait rapidement rembourser sa dette. 
 
Le 1er septembre 1999, A.________, qui est une femme âgée vivant des revenus qu'elle tire de la location de l'immeuble, a tenté de mettre fin à ses jours après la découverte des agissements de son fils C.________; elle a été hospitalisée pendant plus de trois mois pour un état dépressif. 
 
Précédemment, C.________ avait déjà remis en garantie quatre cédules hypothécaires de la SI G.________, dont trois appartenaient à sa mère et une à sa soeur, sans le consentement de ces dernières. Il lui est en outre arrivé de disposer d'actions d'une autre SI appartenant à sa soeur sans le consentement de celle-ci. 
E.b La motivation en droit de l'arrêt attaqué est en substance la suivante : 
E.b.a S'il est constant que C.________ a disposé des actions appartenant à sa soeur sans le consentement de celle-ci, la situation est plus incertaine en ce qui concerne A.________. Selon les juges cantonaux, "[i]l est probable que C.________ lui en ait parlé, même si son aval n'était pas indispensable pour aller prendre possession des actions à la banque. Il est possible que les enjeux n'aient pas été perçus dans toute leur complexité par A.________, sans soutenir pour autant que cette incompréhension soit née d'une volonté expresse de la part de C.________. Compte tenu des expériences passées, notamment de l'affaire de la remise sans droit des cédules hypothécaires (...), il est peu probable que A.________ ait pu donner un consentement éclairé à la remise de ses 11,5 actions en vue de nantissement. On peut d'autant plus en douter à observer l'importance matérielle que revêtent ses actions d'une part, et sa tentative de suicide intervenue le 1er septembre 1999 d'autre part." 
E.b.b Selon la cour cantonale, il est toutefois possible de laisser cette question en suspens, attendu qu'à son avis, X.________ SA ne peut pas exciper de sa bonne foi dans le cas d'espèce pour les raisons suivantes : 
"Tout d'abord, de par ses nombreuses fonctions, Y.________ connaissait l'actionnariat de la SI G.________. Il savait que parmi les 14,5 actions remises en nantissement par C.________ ne pouvaient pas figurer celles du principal intéressé dès lors qu'elles avaient déjà précédemment été remises à titre de garantie. En tant qu'homme avisé (il est expert-comptable de formation), il savait d'autre part que les conditions du contrat passé avec C.________ et D.________, avec une échéance de remboursement à 30 jours, rendaient le nantissement périlleux, grande étant la possibilité de devoir procéder à la validation du gage, compte tenu de son expérience en la matière. 
 
Ensuite, la Cour fonde aussi sa conviction sur l'intérêt qu'avait Y.________ à la conclusion du contrat. On ne peut à cet égard qu'être frappé par le fait que la réquisition de vente engagée par X.________ SA ne porte que sur le montant de 250'000 fr., alors même que le montant global à rembourser ascendait initialement à 280'000 fr. Pour pouvoir bénéficier de cette manne de 30'000 fr., Y.________ pourrait avoir omis de se montrer trop regardant sur la réalité du consentement des mère et soeur de C.________ et sur les conditions de son obtention. 
 
Il est significatif qu'un homme versé dans le domaine financier, de par sa formation et ses fonctions, n'ait pas exigé une preuve écrite du consentement des titulaires des actions dont se prévalait C.________, Y.________ ne le souhaitait manifestement pas. En effet, en d'autres occasions, il avait pris le soin de s'assurer du consentement des actionnaires comme il l'a expliqué devant le Tribunal. 
 
Un indice du défaut de bonne foi de X.________ SA réside encore dans l'attitude ultérieure d'Y.________. Dans un courrier échangé avec le conseil des intimées, il dit ne pas connaître l'actionnariat de la SI G.________, ce qui est contraire à la vérité, comme il l'admet lui-même. Enfin, C.________ et lui-même sont convenus de ne pas évoquer le nantissement des actions à l'assemblée générale du 21 janvier 1999. Ce silence volontaire révèle bien l'embarras d'Y.________ vis-à-vis de A.________ et B.________. 
 
Pour l'ensemble de ces raisons, la Cour en conclut qu'Y.________ aurait dû, pour le compte de X.________ SA, se renseigner pour savoir si ce consentement avait été obtenu. Il lui était facile de demander cette preuve à C.________, voire d'interroger lui-même sa mère et sa soeur; la possession des actions n'est pas suffisante, en l'espèce, pour admettre le pouvoir d'en disposer et X.________ SA ne saurait en conséquence se prévaloir de sa bonne foi." 
F. 
Contre l'arrêt de la Cour de justice, X.________ SA interjette dans une seule et même écriture un recours de droit public et un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, sur recours de droit public, à l'annulation de l'arrêt attaqué, et sur recours en réforme, à la réforme de cet arrêt dans le sens des conclusions déjà prises en appel, à savoir : dire que le droit de gage de X.________ SA sur les actions litigieuses est déclaré valable et déploie tous ses effets; écarter les revendications de A.________ et B.________ sur ces actions; ordonner à l'huissier judiciaire conservant ces actions de les restituer à X.________ SA; condamner A.________ et B.________ à verser à X.________ SA la somme de 963 fr. 40 avec intérêts à 5% l'an dès le 4 octobre 2000; dire que la poursuite en réalisation de gage n° 99 xxxx ira sa voie; enfin, condamner A.________ et B.________ à tous les frais et dépens. 
 
A.________ et B.________ n'ont pas été invitées à répondre aux recours. 
 
Par arrêt de ce jour, la Cour de céans a rejeté le recours de droit public dans la mesure où il était recevable. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 Selon la jurisprudence, un recours de droit public et un recours en réforme ne peuvent en principe pas être réunis dans un seul acte de recours, car ces deux moyens de droit sont soumis à des règles de procédure différentes, et ils se distinguent clairement par le type de griefs que chacun permet de soulever; une exception ne se justifie que si les deux recours sont séparés dans leur présentation et ne sont pas non plus confondus quant à leur contenu, mais que le recourant expose séparément et distinctement pour chaque recours ce qu'il entend faire valoir avec celui-ci (ATF 115 II 396 consid. 2a; 103 II 218 consid. 1a et les arrêts cités). En l'espèce, l'acte de recours unique présenté par la recourante est admissible, dès lors qu'il présente séparément et distinctement les conclusions prises dans le cadre du recours de droit public et dans celui du recours en réforme, ainsi que les griefs soulevés à l'appui de chacun de ces recours. 
1.2 La décision rendue sur une action en revendication ou en contestation de la revendication au sens de l'art. 108 LP tranche une contestation de droit des poursuites qui doit toutefois être assimilée à une contestation civile pouvant en principe faire l'objet d'un recours en réforme (ATF 86 III 134 consid. 1 p. 137; 93 II 436 consid. 1; cf. ATF 89 II 192 consid. 1b p. 197 sur la détermination de la valeur litigieuse dans une telle procédure). Les droits contestés dans la dernière instance cantonale dépassent largement la valeur d'au moins 8'000 fr. dont l'art. 46 OJ fait dépendre la recevabilité du recours en réforme dans les affaires pécuniaires autres que celles visées à l'art. 45 OJ, de sorte que le recours est recevable sous cet angle. Déposé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale, il est également recevable du chef des art. 54 al. 1 et 48 al. 1 OJ. 
2. 
2.1 La recourante se plaint en premier lieu d'une violation des règles fédérales en matière de preuve. Elle reproche à la cour cantonale d'avoir perdu de vue que ce sont les intimées qui invoquent le défaut de consentement pour faire obstacle au nantissement, et qui se prévalent en conséquence d'un fait dirimant (l'absence de consentement) qui empêche la réalisation d'une règle de droit (l'art. 901 CC). Dès lors, selon la recourante, si les juges cantonaux doutaient de l'acceptation en pleine connaissance de cause par A.________ de la mise en gage des actions, ils devaient faire supporter ce doute aux intimées qui avaient la charge de cette preuve. 
 
Par ailleurs, la recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir procédé à l'analyse de la bonne foi du créancier gagiste sans trancher préalablement la question de savoir si C.________ disposait du consentement de sa mère pour mettre en gage les actions au porteur : une telle manière de faire violerait le droit fédéral, car l'application de l'art. 884 al. 2 CC et la question de la bonne foi ne se posent qu'en cas d'absence du pouvoir de disposer de la part du constituant du gage. 
2.2 Des actions peuvent être constituées en gage (art. 899 al. 1 CC). Sauf disposition contraire, les règles du nantissement (art. 884 à 894 CC) sont applicables (art. 899 al. 2 CC). L'engagement d'actions au porteur s'opère par leur seule remise au créancier gagiste (art. 901 al. 1 CC). Tout comme l'art. 884 CC s'agissant du nantissement, l'art. 901 CC règle uniquement l'acte de disposition (cf. Paul-Henri Steinauer, Les droits réels, tome III, 2e éd. 1996, n. 3157g), et non les autres aspects tels que le contrat constitutif de gage et le pouvoir de disposer de l'objet du gage (Thomas Bauer, Basler Kommentar, Schweizerisches Zivilgesetzbuch II, 1998, n. 1 ad art. 901 CC). 
 
La constitution d'un droit de gage exige en effet la conclusion d'un contrat de disposition par lequel le constituant manifeste sa volonté de transférer au créancier gagiste, en exécution de l'obligation résultant du contrat constitutif de gage, l'objet du droit de gage. A l'instar de tout autre acte de disposition, ce contrat de disposition n'est valable que si le constituant avait le pouvoir de disposer de l'objet du droit de gage (Dieter Zobl, Berner Kommentar, Band IV/2/5/1, 1982, n. 731 et 756 ad art. 884 CC; cf. Steinauer, op. cit., n. 3157g et 3157h, en ce qui concerne spécifiquement l'engagement de papiers-valeurs). Le propriétaire d'une chose a le pouvoir d'en disposer librement (art. 641 al. 1 CC), et donc de la grever (Zobl, op. cit., n. 730 ad art. 884 CC et les références citées). Il peut transférer ce pouvoir à un tiers, de sorte que le constituant du gage peut ne pas être propriétaire de l'objet du gage et se présenter vis-à-vis du créancier gagiste comme ayant l'autorisation de grever la chose d'autrui (Bauer, op. cit., n. 121 ad art. 884 CC; Zobl, op. cit., n. 35 ss et n. 747 ss ad art. 884 CC). Si cette autorisation a été donnée, le droit de gage sur des titres au porteur est valablement constitué par la seule remise des titres au créancier gagiste (art. 901 al. 1 CC), même dans le cas où ce dernier croyait par erreur que le constituant n'avait pas le droit de disposer de l'objet du gage (Bauer, op. cit., n. 121 ad art. 884 CC). 
 
 
L'art. 884 al. 2 CC - aux termes duquel celui qui, de bonne foi, reçoit une chose en nantissement y acquiert un droit de gage, même si l'auteur du nantissement n'avait pas qualité d'en disposer (cf. art. 933 ss CC, spécialement art. 935 CC pour les titres au porteur) - ne peut trouver application que si le constituant du gage n'avait objectivement pas le droit de disposer de l'objet du gage (Bauer, op. cit., n. 121 ad art. 884 CC), la bonne foi suppléant alors l'absence du droit de disposition du constituant (ATF 81 II 339 consid. 4). En d'autres termes, la question de la bonne ou mauvaise foi du créancier gagiste ne peut se poser que si le constituant n'avait pas l'autorisation de disposer de l'objet du gage. 
2.3 Il résulte de ce qui précède qu'on ne saurait en l'espèce, contrairement à l'avis de la cour cantonale, laisser en suspens la question de savoir si C.________ disposait de l'autorisation de sa mère pour remettre les actions de cette dernière en gage : si cette autorisation avait été donnée, la question de la bonne ou mauvaise foi de la recourante ne se serait pas posée. La recourante a donc raison sur ce point. En revanche, elle a tort lorsqu'elle prétend qu'il appartenait aux intimées de prouver que C.________ n'avait pas le pouvoir de disposer des actions mises en gage et donc que le droit de gage n'a pas été valablement constitué. Cette opinion est erronée, pour les raisons suivantes : 
 
Dans la procédure de tierce opposition des art. 106 ss LP, la répartition du rôle procédural des parties ne préjuge pas de la répartition du fardeau de la preuve, lequel doit être déduit des règles légales, notamment de la règle générale de l'art. 8 CC (ATF 116 III 82 consid. 2 in fine; 88 III 125 p. 127; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 2000, n. 264 ad art. 106 LP; Staehelin, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 1998, n. 28 ad art. 109 LP; sur l'application de l'art. 8 CC, cf. ATF 128 III 271 consid. 2a/aa). En l'espèce, du moment que A.________ et B.________ ont apporté la preuve qu'elles étaient propriétaires des actions litigieuses - et que la recourante connaissait leur droit de propriété -, il incombait à X.________ SA d'établir qu'elle était au bénéfice d'un droit de gage sur les actions litigieuses, ce qui ferait échec à la revendication de A.________ et B.________ (cf. Zobl, op. cit., n. 845 ad art. 884 CC). Il appartenait ainsi à la recourante de prouver que C.________ avait l'autorisation de disposer des actions de sa mère, ce qui constituait une condition de validité du contrat de disposition par lequel C.________ manifestait sa volonté de transférer ces actions à la recourante en exécution de l'obligation résultant du contrat constitutif de gage (cf. consid. 2.2 supra). Or selon l'arrêt attaqué, dont on a vu lors de l'examen du recours de droit public qu'il échappait au grief d'arbitraire sur ce point, il n'est pas établi que A.________ ait donné à son fils un consentement éclairé à la remise de ses actions en vue de nantissement. En définitive, seule l'acquisition de bonne foi d'un droit de gage selon l'art. 884 al. 2 CC peut ainsi entrer en considération. 
3. 
3.1 La recourante soutient que les juges cantonaux auraient violé l'art. 884 al. 2 CC, en relation avec l'art. 3 CC selon lequel la bonne foi est présumée, en retenant qu'elle n'était pas de bonne foi. Selon la recourante, aucun des motifs avancés par les juges cantonaux à l'appui de leur conviction (cf. lettre E.b.b supra) ne serait de nature à mettre en doute sa bonne foi. 
3.2 Aux termes de l'art. 884 al. 2 CC, celui qui, de bonne foi, reçoit une chose en nantissement y acquiert un droit de gage, même si l'auteur du nantissement n'avait pas qualité d'en disposer. La bonne foi, qui s'apprécie selon les critères de l'art. 3 CC, est présumée (art. 3 al. 1 CC), mais le propriétaire de la chose donnée en nantissement peut renverser cette présomption en apportant la preuve que le créancier gagiste savait que le constituant n'avait pas le pouvoir de disposer de la chose; il peut aussi, en vertu de l'art. 3 al. 2 CC, établir que le créancier gagiste, s'il avait fait preuve de l'attention que les circonstances permettaient d'exiger de lui, aurait reconnu l'absence du pouvoir de disposer du constituant du gage (Zobl, op. cit., n. 814, 817 et 818 ad art. 884 CC et les références citées). La constatation de ce que le créancier gagiste savait ou ignorait à un moment donné relève du fait et lie le Tribunal fédéral en vertu de l'art. 63 al. 2 OJ (Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, 1990, n. 4.3.2 ad art. 63 OJ et la jurisprudence citée), tandis que la question de ce qu'il aurait dû savoir relève du droit et peut être examinée librement par le Tribunal fédéral en instance de réforme. 
 
La mesure de l'attention exigée par les circonstances est largement une question d'appréciation (art. 4 CC) et doit être déterminée d'après un critère objectif, c'est-à-dire indépendamment des connaissances et des aptitudes particulières de la partie (Zobl, op. cit., n. 822 ad art. 884 CC et les références citées). Pour apprécier la bonne ou la mauvaise foi du créancier qui se fait remettre un gage, il faut se reporter à l'époque de la constitution du gage et ne tenir compte que des circonstances qui étaient alors connues ou reconnaissables, aucune inférence ne pouvant être tirée de faits postérieurs ou qui se sont révélés après coup (ATF 83 II 126 consid. 5 in limine; Zobl, op. cit., n. 840 ad art. 884 CC et les références citées). 
3.3 En l'espèce, la cour cantonale a accordé à juste titre une importance particulière au fait que Y.________ savait que C.________ n'était pas le propriétaire des actions remises en nantissement. D'ailleurs, suite à la demande de prêt, Y.________ s'est enquis auprès de C.________ si celui-ci avait l'autorisation expresse de remettre les actions en nantissement. Or lorsque C.________ est venu avec les actions quelques jours plus tard, Y.________ ne lui a pas demandé d'attestation écrite confirmant qu'il était en droit de remettre ces actions en nantissement. Lors même que, comme le relève la recourante, il n'y a pas lieu de prendre en compte les connaissances et aptitudes particulières de Y.________ ni l'attitude adoptée ultérieurement par celui-ci (cf. consid. 3.2 supra), il n'apparaît pas que la cour cantonale ait abusé de son pouvoir d'appréciation (art. 4 CC; cf. ATF 127 III 136 consid. 3a; 126 III 266 consid. 2b p. 273 et les arrêts cités) en considérant que Y.________ aurait dû s'assurer du consentement des actionnaires, comme il l'avait fait en d'autres occasions et comme il aurait pu le faire facilement en en demandant la preuve à C.________ ou en se renseignant lui-même auprès de la mère et de la soeur de ce dernier. 
 
Par ailleurs, la référence qu'a faite la cour cantonale aux risques particuliers du prêt consenti n'est pas sans pertinence pour apprécier la mesure de l'attention qui pouvait être exigée de Y.________ (cf. ATF 100 II 8 consid. 4a et les références citées; Zobl, op. cit., n. 825 ad art. 884 CC). Les griefs de la recourante sur ce point sont au demeurant irrecevables en tant qu'ils reposent sur des déclarations de C.________ qui ne font l'objet d'aucune constatation dans l'arrêt attaqué (art. 55 al. 1 let. c et 63 al. 2 OJ). Apparaît également irrecevable, pour les mêmes motifs, l'argumentation de la recourante relative à une prétendue ratification par A.________ des actes de son fils, dans la mesure où cette argumentation repose entièrement sur des allégations qui ne trouvent aucune assise factuelle dans l'arrêt attaqué. 
4. 
Il résulte de ce qui précède que le recours en réforme se révèle mal fondé en tant qu'il est recevable et ne peut donc qu'être rejeté dans cette même mesure, ce qui entraîne la confirmation de l'arrêt attaqué. Partant, la recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer de dépens dès lors que les intimées n'ont pas été invitées à procéder et n'ont en conséquence pas assumé de frais en relation avec la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 159 al. 1 et 2 OJ; Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable et l'arrêt attaqué est confirmé. 
2. 
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 24 décembre 2002 
Au nom de la IIe Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: Le greffier: