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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 1/2} 
4P.62/2004 /ech 
 
Arrêt du 1er décembre 2004 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre. 
Greffier: M. Carruzzo. 
 
Parties 
Federación costarricense de triatlón (FECOTRI), 
recourante, représentée par Mes Elliott Geisinger et Antonio Rigozzi, 
 
contre 
 
International Triathlon Union (ITU), 
Comité Olimpico de Costa Rica (CNOC), 
intimés, 
tous deux représentés par Me Sébastien Besson, 
 
Tribunal Arbitral du Sport (TAS), 
 
Objet 
arbitrage international; droit d'être entendu, 
 
recours de droit public contre la sentence du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) du 26 janvier 2004. 
 
Faits: 
A. 
La Federación costarricense de triatlón (ci-après: FECOTRI ou la recourante), est une association sportive de droit costaricain visant à promouvoir la pratique du triathlon au Costa Rica et au niveau international. 
 
L'International Triathlon Union (ci-après: ITU) est la fédération internationale de triathlon, reconnue comme telle par le Comité International Olympique (CIO). Elle a son siège à Vancouver, au Canada. 
 
Le Comité Olimpico de Costa Rica (ci-après: CNOC) est reconnu tant par le CIO que par la législation costaricaine comme le Comité national olympique pour le Costa Rica. 
B. 
Un litige divise les parties au sujet de l'affiliation de la FECOTRI à l'ITU et de la mise à l'écart de la première nommée au profit d'une nouvelle entité appelée Asociación Nueva de Triatlón (en anglais: New Triathlon Association; ci-après: NTA). II a été soumis au Tribunal Arbitral du Sport (TAS) par la FECOTRI. 
 
Par sentence du 26 janvier 2004, le TAS a résolu une série de questions qui lui étaient posées, répondant en particulier par l'affirmative à la question suivante: "L'ITU est-elle fondée à refuser à la FECOTRI la qualité de membre pour 2003?". 
C. 
Le 9 mars 2004, la FECOTRI a formé un recours de droit public, au sens de l'art. 85 let. c OJ. Invoquant le motif de recours prévu à l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, elle demande au Tribunal fédéral d'annuler la sentence du TAS. 
 
Les intimés concluent à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet. Le TAS en fait de même. 
 
Par ordonnance présidentielle du 31 août 2004, la recourante a été invitée à verser, jusqu'au 21 septembre 2004, à la Caisse du Tribunal fédéral, le montant de 9'000 fr. à titre de sûretés destinées à garantir les dépens qui pourraient être alloués aux intimés. Elle s'est exécutée dans le délai imparti. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 Exercé en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans la forme prescrite par la loi (art. 90 al. 1 OJ), contre une sentence finale, rendue dans le cadre d'un arbitrage international (art. 176 ss LDIP), le présent recours de droit public, au sens de l'art. 85 let. c OJ, dans lequel n'est invoqué que l'un des griefs limitativement énoncés par l'art. 190 al. 2 LDIP, est recevable au regard de ces différentes exigences. 
1.2 Les intimés soutiennent que les parties ont exclu tout recours contre la sentence, conformément à l'art. 192 LDIP. Le TAS est du même avis. 
 
Aux termes de l'art. 192 al. 1 LDIP, si les deux parties n'ont ni domicile, ni résidence habituelle, ni établissement en Suisse, elles peuvent, par une déclaration expresse dans la convention d'arbitrage ou un accord écrit ultérieur, exclure tout recours contre les sentences du tribunal arbitral; elles peuvent aussi n'exclure le recours que pour l'un des motifs énumérés à l'art. 190, 2e alinéa. Selon la jurisprudence et la doctrine, eu égard à sa portée, une telle déclaration doit exprimer clairement la volonté des parties et mentionner le moyen de droit auquel celles-ci renoncent. Ainsi, l'indication selon laquelle les parties considèrent la sentence à intervenir comme définitive ("sans appel") n'est pas suffisante pour constituer une renonciation valable (ATF 116 Il 639 consid. 2c et les auteurs cités). Ne l'est pas davantage une renonciation indirecte, par soumission à un règlement d'arbitrage prévoyant que les parties renoncent à tout recours et/ou que la sentence sera définitive (Jean-François Poudret/Sébastien Besson, Droit comparé de l'arbitrage international, n. 839, p. 829 et les références). 
 
En l'espèce, les intimés et le TAS se réfèrent à deux ordonnances de procédure, contresignées par les représentants des parties, qui renvoient, sous la rubrique "Jurisdiction" (compétence), à l'art. 13.3 des statuts de l'ITU ainsi libellé: 
"Disputes between ITU and its affiliated NFs [National Federations] which are not settled by congress, will be submitted to the Court of Arbitration for Sport (CAS) (Lausanne). Any decision taken by the said court shall be without appeal or recourse to ordinary courts, and is binding on the parties concerned". 
Examinée au regard des principes rappelés plus haut, une telle renonciation indirecte à tout recours ne satisfait pas aux exigences de l'art. 192 LDIP. Aussi bien, la référence, faite dans une ordonnance de procédure, relativement à la question de la compétence du Tribunal arbitral, à une clause statutaire traitant à la fois cette question et celle du recours éventuel contre la décision prise par le Tribunal arbitral n'est pas suffisante pour que l'on puisse en déduire l'expression de la volonté de toutes les parties de renoncer à former quelque recours que ce soit contre la sentence à rendre par le Tribunal arbitral. 
1.3 L'art. 88 OJ, tel qu'interprété par la jurisprudence, exige un intérêt pratique et actuel à recourir. Le Tribunal fédéral renonce exceptionnellement à cette exigence lorsque le recourant soulève une question de principe susceptible de se reproduire dans les mêmes termes, sans qu'il ne soit jamais en mesure de statuer en temps utile (ATF 127 III 429 consid. 1b et les arrêts cités). 
 
Prenant appui sur cette jurisprudence, les intimés dénient à la recourante tout intérêt à attaquer la sentence du TAS. Ils font valoir, à cet égard, que, même si la recourante conclut formellement à l'annulation de tous les chefs du dispositif de ladite sentence, elle ne vise en réalité que celui qui a trait au refus de son admission en qualité de membre de l'ITU pour 2003, ne formulant aucun grief à l'encontre des autres points réglés par le Tribunal arbitral. L'année 2003 étant écoulée, la recourante n'aurait ainsi plus aucun intérêt à l'admission du grief qui s'y rapporte, lequel ne soulèverait, au demeurant, aucune question de principe. Par conséquent, le présent recours devrait être déclaré irrecevable pour cette raison. 
 
Il n'est pas nécessaire d'examiner le mérite de cette argumentation dès lors que le présent recours est de toute façon irrecevable pour une autre raison (cf. consid. 2.3.2 ci-dessous). 
2. 
2.1 Les règles de procédure étant celles du recours de droit public, la partie recourante doit invoquer ses griefs conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 128 III 50 consid. 1c; 127 III 279 consid. 1c; 126 III 524 consid. 1c). 
 
Statuant sur un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs admissibles qui ont été invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF 128 III 50 consid. 1c; 127 III 279 consid. 1c; 126 III 524 consid. 1c). La partie recourante doit donc indiquer quelle hypothèse de l'art. 190 al. 2 LDIP est à ses yeux réalisée et, en partant de la décision attaquée, montrer de façon circonstanciée en quoi consiste, selon elle, la violation du principe invoqué (ATF 128 III 50 consid. c; 127 III 279 consid. 1c). 
 
Lorsque la décision attaquée se fonde sur plusieurs motivations indépendantes, alternatives ou subsidiaires, toutes suffisantes, chacune doit, sous peine d'irrecevabilité, être attaquée avec le moyen ou le motif de recours approprié (ATF 115 II 300 consid. 2a; 111 II 398 consid. 2b). Ce principe vaut aussi pour les recours de droit public au sens de l'art. 85 let. c OJ (arrêt 4P.168/2004 du 20 octobre 2004, consid. 2.1.1; ATF 115 II 288 consid. 4; pour d'autres exemples, cf. Christoph Müller, International Arbitration, 2004, p. 196, ch. 1.6). 
2.2 Bien qu'elle conclue formellement à l'annulation totale de la sentence attaquée, la recourante ne s'en prend en réalité qu'au chef du dispositif concernant le refus de l'ITU de lui reconnaître la qualité de membre pour 2003. Dès lors, l'examen du Tribunal fédéral ne portera que sur le grief y relatif, la conclusion afférente aux autres points du dispositif de la sentence étant irrecevable en raison de l'absence de tout grief motivé au sujet de ces points-là (art. 90 al. 1 let. b OJ). 
2.3 
2.3.1 Pour entériner le refus de l'ITU de reconnaître à la recourante la qualité de membre pour l'année 2003, le TAS a avancé une série d'arguments. 
 
En premier lieu, il a considéré que la recourante avait violé les statuts de l'ITU en saisissant les tribunaux administratifs du Costa Rica et en invoquant le droit de ce pays, alors qu'elle aurait dû suivre la procédure statutaire prévue spécifiquement pour régler les litiges opposant l'ITU à l'une de ses fédérations nationales, ce qui aurait entraîné l'application du droit suisse (cf. consid. 6.3.1 et 6.3.2 de la sentence attaquée). 
 
En deuxième lieu, le TAS a constaté que la recourante ne remplissait pas les conditions statutaires lui permettant d'adhérer à l'ITU. En effet, plutôt que de se faire reconnaître par le CNOC, comme l'exigent les statuts de l'ITU, elle avait cherché à se faire admettre en tant que fédération nationale du Costa Rica en application du droit costaricain (cf. consid. 6.3.3 de la sentence attaquée). Au demeurant, la demande d'admission de la recourante pour 2003 ne remplissait pas les conditions fixées par l'ITU dans la mesure où la recourante ne s'y référait pas à une clause devant obligatoirement figurer dans ses statuts, par laquelle elle aurait accepté de soumettre à l'arbitrage les différends pouvant survenir avec l'ITU (cf. consid. 6.4.4 de la sentence attaquée). 
 
En troisième lieu, après avoir observé que la question du paiement des cotisations annuelles ne constituait pas en soi un motif susceptible de justifier le refus d'accepter l'affiliation de la recourante, étant donné que de nombreuses fédérations nationales affiliées ne satisfaisaient pas non plus à cette exigence, le TAS a fustigé le comportement de la recourante qui n'avait entrepris aucune démarche auprès de l'ITU durant l'année 2002, alors qu'elle savait que le CNOC et la NTA cherchaient à la remplacer. Appliquant la doctrine of laches, il a considéré que la recourante ne pouvait pas rester inactive à l'égard de l'ITU, dans un premier temps, pour chercher ensuite à se faire admettre au sein de celle-ci après qu'une nouvelle fédération nationale (la NTA) l'avait remplacée (cf. consid. 6.3.5 de la sentence attaquée). 
2.3.2 Dans son recours de droit public, la FECOTRI soutient que le TAS, en se fondant sur la doctrine of laches pour considérer que l'ITU était en droit de refuser son affiliation pour 2003, alors que cet argument n'avait pas été invoqué au cours de la procédure arbitrale, a violé le droit des parties d'être entendues en procédure contradictoire. Elle invoque, à l'appui de ce grief, l'art. 190 al. 2 let. d LDIP ainsi que l'arrêt publié aux ATF 130 III 35
 
Ce faisant, la recourante ne s'en prend qu'à l'une (cf. consid. 6.3.5 de la sentence attaquée) des diverses motivations sur lesquelles repose la sentence du TAS. L'intéressée prétend certes que le motif énoncé sous chiffre 6.4.4 ne revêt pas un caractère alternatif, puisqu'il ne figure pas dans le passage de la sentence consacré au refus de son admission pour 2003 (cf. consid. 6.3 de la sentence attaquée) mais dans celui relatif à l'admission de la NTA (cf. consid. 6.4 de la sentence attaquée); elle ajoute que, dans le cas contraire, force serait de constater que cette motivation alternative serait entachée d'un déni de justice formel. En focalisant ainsi l'attention de l'autorité de recours sur un motif particulier énoncé dans la sentence entreprise, en plus de celui qui fait l'objet de son principal grief, la recourante tente de faire accroire à cette autorité qu'il s'agirait de la seule motivation de la sentence susceptible d'être qualifiée - à la rigueur - d'alternative. Or, il n'en est rien. En effet, au considérant 6.3.3. de sa sentence, le TAS a constaté que la recourante ne remplissait pas les conditions statutaires d'adhésion à l'ITU, faute d'avoir été reconnue par le CNOC. D'autre part, au considérant 6.3.1 de ladite sentence, il a imputé à la recourante une violation des statuts de l'ITU pour avoir mis en oeuvre les tribunaux administratifs du Costa Rica. On est manifestement en présence de deux motivations alternatives que la recourante n'attaque pas et qui suffisent à fonder la sentence attaquée. II n'apparaît pas que l'une ou l'autre de ces deux motivations indépendantes ait pu être "contaminée" par le vice dont serait entachée la seule motivation critiquée par la recourante. 
 
Dans ces conditions, il y a lieu, non pas de rejeter le recours dans la mesure où il est recevable - comme le requièrent à tort les intimés (ch. 68 de la réponse; cf. arrêt 4P.168/2004 précité, consid. 2.2.1) -, mais de le déclarer purement et simplement irrecevable. 
3. 
En application de l'art. 156 al. 1 OJ, les frais de la procédure fédérale seront mis à la charge de la recourante. Celle-ci devra, en outre, indemniser les intimés, conformément à l'art. 159 al. 1 OJ. Les intéressés réclament, à ce titre, un montant de 15'000 fr. en faisant valoir qu'ils ont dû préparer la requête à fins de sûretés et répondre aux nombreuses critiques appellatoires de la recourante dans une affaire relativement complexe. Cependant, ces arguments ne justifient pas que l'on s'écarte, en l'espèce, de la pratique ordinairement suivie en la matière, laquelle tient compte, en particulier, du montant de l'avance de frais requise, soit 8'000 fr. dans le cas concret. II convient, dès lors, d'allouer aux intimés, créanciers solidaires, un montant de 9'000 fr., et ce au moyen des sûretés qui ont été déposées par la recourante à la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est irrecevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 8'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
La recourante versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 9'000 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au Tribunal Arbitral du Sport . 
Lausanne, le 1er décembre 2004 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: