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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1C_366/2016  
   
   
 
 
 
Arrêt du 13 février 2017  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Karlen, Fonjallaz, Eusebio et Kneubühler. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, 
 B.________, 
 C.________, 
tous les trois représentés par Thierry De Mitri, 
recourants, 
 
contre  
 
Administration fiscale cantonale genevoise, rue du Stand 26, 1204 Genève. 
 
Objet 
contribution de plus-value résultant d'une mesure d'aménagement du territoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 8 mars 2016. 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, B.________ et C.________ sont propriétaires de quatre parcelles situées sur le territoire de la commune de Meyrin, portant les numéros 14'050 (27'573 m²), 10'154 (4012 m²), 12'899 (9'222 m²) et 10'151 (4002 m²). Ces parcelles étaient situées initialement en zone agricole puis pour partie en zone de verdure à destination d'un centre sportif, selon un plan adopté en 1976. 
Le 22 juin 2006, le Grand Conseil du canton de Genève a adopté une loi modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Meyrin; les parcelles ont été classées pour partie en zone de développement 3 et pour partie en zone sportive. Un plan localisé de quartier a été adopté en avril 2011. Il fixe les surfaces brutes de plancher pour chacune des parcelles, sur la base d'un indice d'utilisation de 0,88. 
 
B.   
Le 31 mai puis le 19 juillet 2013, l'administration fiscale cantonale genevoise (AFC) s'est adressée aux propriétaires en exposant que selon la modification de la loi genevoise d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LaLAT, RS/GE L 1 30), entrée en vigueur le 1 er janvier 2011, une taxe de 15% était perçue sur les plus-values résultant d'une mise en zone à bâtir. Les propriétaires ont contesté la légalité de la taxe; ils invoquaient aussi le principe de non-rétroactivité, se plaignaient de devoir aussi acquitter l'impôt sur les bénéfices immobiliers et contestaient le montant de la taxe. Le 3 décembre 2013, l'AFC a adressé cinq bordereaux définitifs mentionnant notamment les surfaces déclassées, la valeur des terrains avant déclassement, la valeur après déclassement (soit 450 fr./m²) et les plus-values imposables (notamment 2'557'286 fr. pour la parcelle n° 14'050). Pour les différentes parcelles, la taxe s'élevait à 383'592 fr. (parcelle n° 14'050), 58'430 fr. (parcelle n° 10'154 I), 6'052 fr. (parcelle n° 10'154 II), 115'944 fr. (parcelle n° 12'889) et 69'234 fr. (parcelle n° 10'151).  
Par jugements du 18 mai 2015, le Tribunal administratif de première instance du canton de Genève (TAPI) a admis les recours des propriétaires et annulé les bordereaux et avis de taxation du 3 décembre 2013. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la taxe sur la plus-value constituait non pas un impôt, mais une contribution causale indépendante des coûts, de sorte que les dispositions correspondantes de la LaLAT n'étaient pas soumises au référendum obligatoire au sens de l'art. 53A al. 1 de la Constitution genevoise. Selon l'art. 36 LaLAT, les nouvelles dispositions rétroagissaient au 1er janvier 2005. Les mesures de classement étaient intervenues le 22 juin 2006, soit quatre ans et demi avant la modification de la LaLAT. Une telle rétroactivité proprement dite n'était pas raisonnablement limitée dans le temps et violait, partant, le principe de la proportionnalité. La loi consacrait en outre une inégalité de traitement avec les personnes qui, au jour de son entrée en vigueur, avaient vendu leur bien ou obtenu une autorisation de construire, la loi prévoyant une exception à l'assujettissement dans ces cas. L'intérêt purement financier de l'Etat ne justifiait pas ces violations. 
Par arrêt du 8 mars 2016, la Chambre administrative de la Cour de justice genevoise a admis les recours formés par l'AFC contre les trois jugements du TAPI et a annulé ceux-ci, rétablissant les cinq bordereaux adressés à chacun des propriétaires. La rétroactivité proprement dite figurait dans une base légale formelle. L'instauration d'une taxe sur la plus-value, prévue depuis 1980 à l'art. 5 LAT, avait fait l'objet de plusieurs tentatives, notamment deux projets qui étaient antérieurs à la mesure de classement des terrains en zone à bâtir. L'intérêt public à la perception de cette taxe était d'assurer le financement du fonds destiné notamment aux frais d'équipement; la clause de rétroactivité permettait aussi d'inciter les propriétaires concernés à obtenir un permis de construire ou à vendre leurs biens. Le délai rétroactif de six ans était certes important. Il était toutefois dû à la longueur des travaux parlementaires qui avaient déjà débuté en 2005. La nature incitative de la taxe ainsi que sa perception différée (au moment d'une aliénation) justifiait son application aux propriétaires restés inactifs depuis 2005. Il n'y avait pas d'inégalité choquante avec les propriétaires ayant aliéné ou construit entre-temps. Examinant les autres griefs soulevés en première instance, la Chambre administrative a estimé que le droit de taxer n'était pas prescrit, le délai de cinq ans (applicable par analogie avec le droit fiscal) n'ayant commencé à courir qu'au jour de l'introduction de la taxe, le 1er janvier 2011. Dans le système légal, la taxe se cumulait avec l'impôt sur les gains immobiliers, dont l'objet était différent, et était simplement déductible du bénéfice imposable. Un prélèvement cumulé de 56% n'était pas confiscatoire car en-deçà de la limite de 60% admise par la jurisprudence. La valeur du terrain avant la mesure de classement était constituée par le prix d'achat lorsque, comme en l'espèce, celui-ci était connu. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________, B.________ et C.________ demandent la confirmation des trois jugements du TAPI et l'annulation des bordereaux et avis de taxation du 3 décembre 2013 principalement en raison d'une rétroactivité prohibée, subsidiairement en raison des autres objections soulevées devant les instances précédentes. 
La Chambre administrative persiste dans les motifs et le dispositif de son arrêt, sans observations. L'AFC conclut au rejet du recours. L'Office fédéral du développement territorial a renoncé à se déterminer. Les recourants ont renoncé à des observations supplémentaires. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF. Le recours est déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF). Les recourants débiteurs de la taxe contestée, ont qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). 
Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Dans un premier grief, qui correspond à celui pour lequel le TAPI a admis les recours, les recourants contestent la validité de la clause de rétroactivité figurant à l'art. 36 al. 2 LaLAT. Considérant qu'il s'agirait de rétroactivité proprement dite, ils estiment qu'elle ne serait pas suffisamment limitée dans le temps. La disposition aurait précisément été adoptée afin de pouvoir taxer les déclassements qui concernent les recourants. La durée et la description du processus législatif ne seraient pas des éléments pertinents pour juger de l'admissibilité d'une rétroactivité de six ans, ni pour reconnaître l'existence d'un intérêt public prépondérant. Le caractère incitatif de la taxe (afin de favoriser une construction ou une vente) ne justifierait pas non plus une telle rétroactivité. La différence de traitement avec les propriétaires ayant vendu leur bien ou ceux qui ont obtenu une autorisation de construire durant la période transitoire ne serait pas admissible. 
 
2.1. Liée aux principes de sécurité du droit et de prévisibilité, l'interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l'égalité de l'art. 8 Cst., de l'interdiction de l'arbitraire et de la protection de la bonne foi garanties par les art. 5 et 9 Cst. L'interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur, car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause. Une exception à cette règle n'est possible qu'à des conditions strictes, soit en présence d'une base légale suffisamment claire, d'un intérêt public prépondérant, et moyennant le respect de l'égalité de traitement et des droits acquis (ATF 138 I 189 consid. 3.4 p. 193; 119 Ia 254 consid. 3b p. 258 et la jurisprudence citée). La rétroactivité doit en outre être raisonnablement limitée dans le temps (DANIÈLE YERSIN, in: Yersin/Noël [éd.], Commentaire romand, LIFD, 2008, N 201 ad Remarques préliminaires). En matière fiscale, il y a rétroactivité lorsque l'obligation imposée au contribuable se fonde sur des faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi. La quotité d'un impôt peut en revanche être déterminée sur la base de faits antérieurs à la promulgation de la loi (ATF 102 Ia 31).  
 
2.2. La modification de la LaLAT introduisant la taxe sur la plus-value (titre IIIA, art. 30C à 30O) a été adoptée le 1er juillet 2010 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2011. Elle est assortie d'une disposition transitoire (art. 36 al. 2 et 3 LaLAT) dont la teneur est la suivante:  
Modifications du 1 er juillet 2010  
² Les articles 30C à 30O, 34, alinéa 2, et 35A ne sont pas applicables aux mesures d'aménagement adoptées avant le 1er janvier 2005. 
³ Pour les mesures d'aménagement adoptées entre le 1er janvier 2005 et le 1er janvier 2011, seuls sont assujettis les propriétaires qui, à cette dernière date, n'ont pas aliéné leur terrain ou ne sont pas au bénéfice d'une autorisation définitive de construire entrée en force. 
 
Il n'est pas contesté que cette disposition institue une rétroactivité au sens propre, dans la mesure où l'évènement justifiant la perception de la taxe, soit le classement en zone constructible, est un événement ponctuel ayant déjà déployé tous ses effets, soit une augmentation de la valeur des terrains. Selon l'art. 30J LaLAT, la taxation s'opère en effet sur la base d'un bordereau notifié par le département simultanément à l'adoption de la mesure d'aménagement considérée. Il n'est pas pertinent, de ce point de vue, que la perception de la taxe soit, en vertu de l'art. 30k LaLAT, reportée au moment de l'aliénation du terrain ou de l'entrée en force d'une autorisation de construire. C'est dès lors à juste titre que les instances précédentes ont retenu l'existence d'un cas de rétroactivité proprement dite. 
Celle-ci est prévue dans une loi au sens formel. Par ailleurs, on ne saurait contester qu'elle poursuit un but d'intérêt public allant au-delà du simple intérêt financier de l'Etat. Selon l'art. 30D LaLAT, le fonds de compensation recueille le produit des taxes et finance les équipements communaux, le fonds de compensation agricole ainsi que les indemnités versées en application de l'art. 30F LaLAT, soit les indemnités pour expropriation matérielle au sens de l'art. 5 al. 2 LAT. La taxe est ainsi affectée pour partie à l'équipement des terrains concernés, ainsi qu'à l'indemnisation des propriétaires de fonds qui se trouvent au contraire déclassés, conformément aux exigences de l'art. 5 al. 1ter LAT. La rétroactivité instituée par la loi devait ainsi permettre de soumettre à la taxe les opérations d'envergure de classements en zone à bâtir menées dès 2005, parmi lesquelles celle concernant les terrains des recourants. L'art. 32 al. 3 LaLAT, qui exonère les propriétaires ayant vendu ou construit, poursuit quant à lui un but incitatif conforme à l'art. 15 al. 4 let. d et 15a LAT. 
 
2.3. Prévue par la loi et répondant à un intérêt public, la rétroactivité doit toutefois encore être raisonnable limitée dans le temps. Il n'est évidemment pas possible de fixer dans l'abstrait une limite temporelle absolue. Selon la matière, une rétroactivité d'une année peut, en règle générale (sous réserve de circonstances spéciales) être considérée comme admissible, ce qui n'exclut pas des durées plus étendues (MOOR/FLÜCKIGER/MARTENET, Droit administratif, 3 ème édition, vol. 1 p. 200; WEIDMANN, Das intertemporale Steuerrecht in der Rechtsprechung, ASA 2007/2008 p. 633 et les exemples mentionnés p. 638ss). Une taxe de raccordement ne peut être perçue pour une installation mise en service une année auparavant (ATF 102 Ia 69). Une loi qui fait passer de deux à cinq ans le délai dans lequel les donations peuvent être imposées ne peut s'appliquer rétroactivement à une donation faite plus de deux ans avant son entrée en vigueur (ATF 101 Ia 82 consid. 2c p. 87). Dans son message du 13 décembre 2014 relatif à l'initiative sur la réforme de la fiscalité successorale, le Conseil fédéral a considéré qu'une rétroactivité de l'ordre de trois ans (s'agissant des donations effectuées dès 2012) était disproportionnée (FF 2014 139). Dans son message relatif à la loi fédérale sur l'imposition des immeubles agricoles et sylvicoles, le Conseil fédéral a retenu qu'une rétroactivité de cinq ans, même favorable aux contribuables, ne pourrait se justifier (FF 2016 1669 s.).  
 
2.3.1. En l'occurrence, l'application de la disposition transitoire de l'art. 36 al. 2 LaLAT au cas d'espèce implique une rétroactivité de quatre ans et demi, la mesure d'aménagement concernant les parcelles des recourants étant intervenue au mois de juin 2006. Faisant remonter ses effets au 1er janvier 2005, la loi permet une rétroactivité allant même jusqu'à six ans. Une telle durée ne peut manifestement être qualifiée de raisonnable au sens défini ci-dessus.  
 
2.3.2. Une rétroactivité sur une longue durée pourrait certes se concevoir lorsqu'il s'agit d'éviter que les justiciables ne contournent une nouvelle obligation avant que celle-ci ne soit adoptée par le législateur, de sorte que la nouvelle réglementation se trouverait totalement et définitivement vidée de son sens (ATF 122 V 405 consid. 3 p. 408). En l'espèce, aucun abus de ce genre ne peut être imputé aux recourants, dont les parcelles ont vu leur valeur augmenter en vertu d'une intervention de l'Etat.  
 
2.3.3. La jurisprudence admet aussi des rétroactivités de plusieurs années dans le cas où le justiciable, lors de l'acquisition de son immeuble, connaissait la nouvelle réglementation qui allait être édictée, par exemple une augmentation de tarif, lorsque celle-ci est réservée dans une autorisation de construire (cf. toutefois, pour un exemple contraire, ATF 102 Ia 69 consid. 3c p. 74). Une rétroactivité de deux ans et demi a aussi été qualifiée de supportable dès lors que les principes de prévisibilité et de sécurité du droit étaient respectés à l'égard du justiciable (ATF 97 I 337 consid. 2d p. 342). Dans ce sens, la cour cantonale et l'AFC tentent de tirer argument du fait que l'instauration de la taxe sur la plus-value avait été envisagée à Genève en 1999 déjà (PL 5759, rejeté en votation populaire en mars 2000). Par la suite, en février 2004, des députés avaient déposé un projet de loi PL 9178, puis un second projet (PL 10125) avait été formé par le Conseil d'Etat en octobre 2007. Les travaux législatifs sur les deux projets auraient été poursuivis en parallèle pour aboutir à la modification législative du 1er juillet 2010. La disposition transitoire avait fait l'objet de débats en commission au cours desquels il avait été question de retenir la date du 3 octobre 2007 (dépôt du PL 10125), voire de renoncer à toute rétroactivité. La solution finalement retenue dans la loi (effets au 1er janvier 2005) a été adoptée sur la base d'une note du 10 août 2007.  
Selon l'art. 5 al. 1 LAT (dans sa teneur jusqu'au 1er mai 2014), le droit cantonal doit établir un régime de compensation permettant de tenir compte équitablement des avantages et des inconvénients majeurs qui résultent des mesures d'aménagement. C'est au droit cantonal qu'il appartient de mettre en oeuvre l'art. 5 al. 1 LAT de façon autonome, s'agissant notamment du taux de la taxe, de son débiteur et du moment de sa perception (ATF 142 I 177 consid. 4.1.1; 128 I 46 consid. 1 p. 48). En l'absence de toute législation cantonale à ce sujet au moment du classement de leurs terrains en zone à bâtir, les recourants ne pouvaient s'attendre, sur la seule base du droit fédéral, à aucune taxation au moment de la décision de déclassement. Ils ne le pouvaient pas non plus au vu des travaux législatifs ayant abouti à la modification de la LaLAT. L'introduction d'une taxe a certes été discutée dès le mois de février 2004 sous la forme d'un projet de loi déposé par des députés. Le simple dépôt d'un tel projet ne permettait nullement aux justiciables de prévoir l'introduction d'un nouvelle taxe, celle-ci ayant d'ailleurs déjà été refusée par le peuple quelques années auparavant. S'agissant plus particulièrement des dispositions transitoires de la loi, il était prévu à l'origine une rétroactivité au 3 octobre 2007 (date du dépôt du second projet de loi par le Conseil d'Etat); il a par la suite été question d'y renoncer. La date du 1 er janvier 2005 a finalement été retenue sur la base d'une note déposée le 10 août 2007, soit plus d'une année après le déclassement des terrains des recourants. De ce point de vue non plus, rien ne permettait aux recourants de s'attendre à devoir s'acquitter une taxe lorsqu'ils ont bénéficié de la plus-value. La décision de déclassement n'évoque ni ne réserve d'ailleurs une telle possibilité.  
Les recourants n'ont en définitive pas à pâtir de la lenteur du processus législatif, ni du fait que le canton de Genève n'a introduit la taxe qu'en 2011 alors qu'il avait possibilité de le faire, en vertu de l'art. 5 LAT, depuis plusieurs décennies. L'atteinte au principe de non-rétroactivité est ainsi manifeste. 
 
3.   
Le recours doit dès lors être admis pour ce motif, sans qu'il y ait à examiner les autres griefs soulevés par les recourants. L'arrêt de la Chambre administrative doit ainsi être réformé en ce sens que les recours de l'AFC sont rejetés, les trois jugements du TAPI étant confirmés. Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge du canton de Genève, dont les intérêts patrimoniaux sont en jeu. Le même canton paiera aux recourants une indemnité de dépens (art. 68 al. 2 LTF). La cause est renvoyée à la Chambre administrative de la Cour de justice pour nouvelle décision sur les frais et dépens de l'instance cantonale. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. L'arrêt de la Chambre administrative est réformé en ce sens que les recours de l'AFC sont rejetés et que les jugements du TAPI du 18 mai 2015 sont confirmés. 
 
2.   
Une indemnité de dépens de 8'000 fr. est allouée aux recourants, à la charge du canton de Genève. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge du canton de Genève. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à l'Administration fiscale cantonale genevoise, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, et à l'Office fédéral du développement territorial. 
 
 
Lausanne, le 13 février 2017 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
Le Greffier : Kurz