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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_463/2018  
 
 
Arrêt du 11 janvier 2019  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Oberholzer. 
Greffière : Mme Bichovsky Suligoj. 
 
Participants à la procédure 
X.________, représenté par Me Lionel Zeiter, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, 
intimé. 
 
Objet 
Tentative d'escroquerie, induction de la justice en erreur; présomption d'innocence, 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 22 janvier 2018 (n° 14 PE15.024666-CME). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par jugement du 26 septembre 2017, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que X.________ s'était rendu coupable de tentative d'escroquerie à l'assurance et d'induction de la justice en erreur, l'a condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 50 fr. avec sursis pendant 2 ans et à une amende de 1'000 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif étant de 20 jours. Enfin, il a mis les frais de la cause, par 1'675 fr., à la charge de X.________. 
 
B.   
Par jugement du 22 janvier 2018, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel formé par X.________ contre ce jugement et a confirmé celui-ci. 
 
La cour cantonale a retenu les faits suivants: 
 
Au mois de juillet 2013, X.________, né en 1986 au Kosovo, a acquis une automobile de marque Audi, modèle A5, au prix de 30'000 francs. 
 
Le 2 juin 2014, à 4h15, il s'est rendu à la gendarmerie de C.________ pour annoncer le prétendu vol de ce véhicule et déposer plainte pénale. 
 
Les 2 et 16 juin 2014, X.________ a déclaré le prétendu vol à son assureur A.________, dans le but d'être indemnisé. Une analyse des clés du véhicule, effectuée par l'entreprise B.________, a mis en évidence que l'une des clés, toujours en possession de X.________ a été utilisée le 2 juin 2014 à 10h15, soit plusieurs heures après la déclaration du vol. 
 
Le 26 octobre 2016, la Police cantonale vaudoise a reçu une notice d'information par le biais d'Interpol Lisbonne au sujet du véhicule de X.________. Il en ressortait notamment qu'ensuite d'une intervention mécanique à D.________ au Portugal, il avait été découvert que le module électronique de transmission de la boîte à vitesse du véhicule précité avait été installé sur un véhicule tiers. Par ailleurs, les autorités portugaises avaient pu établir l'historique de l'Audi A5 de X.________, signalée volée en Suisse, dès son arrivée au Portugal, jusqu'à sa démolition et le montage du module de transmission précité sur un autre véhicule. Enfin, un ressortissant portugais émigré en Suisse, accompagné d'un étranger d'origine arabe qui se serait présenté comme étant le propriétaire du véhicule de X.________, auraient vendu celui-ci à un tiers. 
 
C.   
X.________ forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre ce jugement. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation du jugement du 22 janvier 2018, à sa libération des infractions de tentative d'escroquerie et d'induction de la justice en erreur ainsi qu'à l'allocation d'une indemnité de 6'000 fr. en application de l'art. 429 CPP
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir rejeté sa réquisition de preuve tendant à ce que les deux individus impliqués dans le " vol " et la revente au Portugal de son véhicule soient identifiés par voie d'entraide judiciaire, ce qui aurait permis d'établir comment le véhicule était arrivé au Portugal et comment il avait été volé. 
 
1.1. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. L'art. 389 al. 3 CPP règle les preuves complémentaires. Ainsi, la juridiction de recours administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours. Conformément à l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité ou déjà suffisamment prouvés. Cette disposition codifie, pour la procédure pénale, la règle jurisprudentielle déduite de l'art. 29 al. 2 Cst. en matière d'appréciation anticipée des preuves (arrêts 6B_1067/2018 du 23 novembre 2018 consid. 2.2.1; 6B_1342/2017 du 23 novembre 2018 consid. 3). Le refus d'instruire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 141 I 60 consid. 3.3 p. 64 et les références citées).  
 
1.2. En l'espèce, la cour cantonale a rejeté les réquisitions de preuves du recourant. En substance, elle a considéré que ces mesures n'étaient ni pertinentes, ni nécessaires, en ce sens que rien n'indiquait qu'elles permettraient la découverte d'un élément décisif au sujet de la disparition du véhicule en Suisse, ce d'autant que le recourant était prévenu d'une tentative d'escroquerie à son assurance et d'induction de la justice en erreur, et qu'en ce sens, la seule question qui importait était celle de savoir s'il était impliqué dans la prétendue disparition de son véhicule. Le recourant ne démontre pas en quoi l'appréciation anticipée des preuves opérée par la juridiction cantonale serait insoutenable, mais se contente en bref de soutenir qu'il est choquant de constater que deux personnes, sans doute coupables de recel, ne seront jamais inquiétées. Son argumentation, de nature purement appellatoire, n'est pas recevable.  
 
2.   
Le recourant soutient que l'autorité précédente a procédé à une appréciation des preuves et à une constatation des faits arbitraires et contraires à la présomption d'innocence. En substance, il remet en cause l'analyse des clés de son véhicule. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral est lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils n'aient été constatés en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable. Il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368).  
 
Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence à la présomption d'innocence (art. 10 al. 1 CPP; 6 par. 2 CEDH), le principe " in dubio pro reo " n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (arrêt 6B_804/2017 du 23 mai 2018 consid. 2.2.3.3 [destiné à la publication aux ATF]; ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503). 
 
Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF). 
 
2.2. Il ressort du jugement attaqué que l'analyse des clés effectuée par l'entreprise B.________ a mis en évidence que l'une des trois clés avait été utilisée le 2 juin 2014 à 10h15, soit après l'annonce du vol du véhicule et que celui-ci affichait alors un kilométrage de 151'724 kilomètres. Par ailleurs, la deuxième clé avait été utilisée pour la dernière fois le 23 mai 2014 et le véhicule affichait alors un kilométrage de 147'303 kilomètres. Quant à la troisième clé (clé de secours dépourvue de transpondeur), son analyse ne permettait pas de savoir quand elle avait été utilisée. Enfin, la police a procédé à un contrôle auprès de B.________ à E.________, qui avait révélé que l'analyse des clés était fiable à 100%, tant en ce qui concernait les données récoltées (kilométrage du véhicule) que la date et l'heure.  
 
Au vu des éléments qui précèdent, la cour cantonale a conclu qu'étant donné que le recourant était en possession, selon ses propres déclarations, d'une clé utilisée postérieurement au vol allégué de son véhicule, cela signifiait qu'il avait concouru d'une manière ou d'une autre à la disparition de celui-ci. 
 
2.3. Le recourant fait valoir que l'analyse des clés de son véhicule n'est pas fiable car elle a été confiée à la société B.________ et non à un expert indépendant au sens de l'art. 183 CPP.  
 
Si le recourant estimait que l'expertise devait être confiée à un expert au sens de l'art. 183 CPP, il lui incombait de formuler une telle requête auprès des instances cantonales. Le recourant ne prétend toutefois pas ni n'établit avoir requis devant l'instance cantonale une telle demande ni ne démontre que la cour cantonale a commis un déni de justice en n'examinant pas cette requête. Il se limite à faire valoir que le groupe Volkswagen a été reconnu coupable de " truquer ses moteurs " ou encore que le fonctionnement du relevé des données est peu clair. Ce faisant, il ne fait qu'opposer sa propre appréciation des preuves à celle de la cour cantonale, dans une démarche purement appellatoire. Au demeurant, il n'apparaît pas que la cour cantonale a versé dans l'arbitraire, et le recourant ne le prétend d'ailleurs pas, en retenant, d'une part, qu'il n'avait pas contesté ces données lorsque l'assurance les avait invoquées pour résilier le contrat d'assurance au motif qu'il aurait fait valoir des prétentions frauduleuses et, d'autre part, que la procédure d'analyse était fiable à 100%. Au vu de ce qui précède, le grief est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.4. Le recourant prétend que le nombre élevé de kilomètres relevés sur une courte durée, soit 4'421 km en dix jours, est impossible. Partant, l'analyse de B.________ ne serait pas fiable.  
 
Sur ce point, la cour cantonale a retenu que le recourant se serait rendu au Portugal afin d'y rencontrer un futur acquéreur, ce qui permettrait d'expliquer ce nombre élevé de kilomètres. Par ailleurs, le recourant, interrogé à ce sujet, avait lui-même indiqué qu'il avait de la famille en Allemagne, qu'il circulait beaucoup et allait parfois chez son frère à Munich. Le recourant ne démontre nullement l'arbitraire de ces constatations, mais se limite à présenter sa propre interprétation des données, dans une démarche appellatoire, partant irrecevable. Quoi qu'il en soit, que l'on retienne la première version ou la seconde, la cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire, dès lors que la distance parcourue par le véhicule en dix jours n'apparaît pas invraisemblable, contrairement à ce que soutient le recourant. 
 
2.5. Le recourant plaide que le tribunal de police l'avait condamné sur la base de plusieurs éléments, à savoir le fait qu'il avait fourni des indications erronées sur le nombre de kilomètres affichés au compteur de son véhicule, qu'il n'avait pas parfaitement communiqué sur sa situation financière et, enfin, que la clé en sa possession avait été utilisée après la déclaration de vol. Il reproche à la cour cantonale de l'avoir condamné sur la base de ce dernier élément uniquement, ce qui serait insuffisant pour établir un verdict de culpabilité.  
 
Contrairement au tribunal de police, la cour cantonale a considéré que l'indication erronée à l'assurance du kilométrage du véhicule, le fait d'avoir mal renseigné la police sur sa situation financière et la distance parcourue par le véhicule dans les dix jours précédant son vol n'étaient pas décisifs. Bien plutôt, elle a retenu la culpabilité du recourant sur la base de ses propres déclarations - selon lesquelles il était en possession des trois clés du véhicule - et du rapport de B.________ qui constatait que l'une des trois clés avait été utilisée le 2 juin 2014 à 10h15, soit après la déclaration de vol (cf. consid. 2.2 supra). Elle en a déduit que la première clé avait été utilisée par le prétendu voleur, plusieurs heures après la déclaration de vol du véhicule par le recourant; or, celui-ci étant resté en possession de cette même clé, elle en a conclu qu'il était impliqué dans la disparition de son véhicule. Partant, quoi qu'en dise le recourant, il n'apparaît que l'appréciation des preuves effectuée par la cour cantonale soit insoutenable. 
 
2.6. Le recourant critique le fait que les juges cantonaux ont écarté le témoignage de son épouse, laquelle avait affirmé qu'il n'avait pas effectué d'importants voyages.  
 
La cour cantonale a retenu que les témoignages du beau-frère et de l'épouse du recourant ne permettaient pas de le disculper. Par ailleurs, même si tel était le cas, ils devraient de toute manière être écartés en raison des liens familiaux qu'entretiennent ces personnes avec le recourant. Celui-ci ne remet nullement en cause cette dernière appréciation. Pour le surplus, son grief est vain dans la mesure où il ressort du jugement entrepris que lui-même a admis avoir effectué des voyages à Munich. 
 
2.7. Au vu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire et n'a pas violé la présomption d'innocence en considérant que dans la mesure où le recourant était en possession, selon ses propres déclarations, d'une clé utilisée postérieurement au vol allégué de son véhicule, cela signifiait qu'il avait concouru d'une manière ou d'une autre à la disparition de celui-ci. L'appréciation de la cour cantonale n'est pas non plus insoutenable lorsqu'elle retient que cela était d'ailleurs d'autant plus vrai, faute d'explication crédible du recourant quant à l'utilisation de cette clé après le vol. En définitive, au vu des éléments qui précèdent, la cour cantonale pouvait, sans arbitraire, déduire que le recourant était impliqué dans le " vol " de son véhicule afin de tenter de percevoir une indemnité de son assurance et qu'il avait induit la justice en erreur par de fausses déclarations.  
 
3.   
Pour le reste, le recourant ne remet pas en cause la qualification juridique des infractions, ni le genre et la quotité de la peine qui lui a été infligée. Ces questions n'ont pas à être examinées. Par ailleurs, au vu du sort de la cause, il n'y a pas lieu de se pencher sur l'indemnité au sens de l'art. 429 CPP sollicitée par le recourant. 
 
4.   
Mal fondé, le recours doit être rejeté dans la faible mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 11 janvier 2019 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
La Greffière : Bichovsky Suligoj