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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4C.140/2004 /viz 
 
Arrêt du 19 juillet 2004 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Favre et Kiss. 
Greffière: Mme Cornaz. 
 
Parties 
Les époux A.________, 
défendeurs et recourants, 
représentés par Me Soli Pardo, avocat, 
 
contre 
 
X.________ SA, 
demanderesse et intimée, 
représentée par Me Nicolas Peyrot, avocat, 
 
Objet 
contrat d'entreprise, 
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile 
de la Cour de justice du canton de Genève 
du 13 février 2004. 
 
Faits: 
A. 
Sieur A.________ est propriétaire de la parcelle no yyy de la commune de Cologny. Après avoir, dans un premier temps, chargé un tiers architecte de la réalisation d'une piscine sur la propriété susmentionnée, les époux A.________ (ci-après: les époux) ont renoncé à ce mandat avant de confier les travaux à X.________ SA, qui offre ses services dans le métier du bâtiment, le génie civile et la démolition. 
Le 18 juin 1997, les parties ont signé les conditions générales du contrat d'entreprise et le 25 juin 1997, les époux ont signé un devis mentionnant un prix forfaitaire, clés en mains, de 347'190 fr. Les travaux ont commencé à la fin du mois de juin 1997 et la mise en eau de la piscine a eu lieu le 14 août 1997. Courant mars et avril 1998, X.________ SA a exécuté toute une série de travaux de réfections, corrections et compléments (étanchéité de la dalle en encorbellement et de la rigole, dépose des margelles et agrandissement de la rigole, reprise des travaux d'étanchéité). 
Le 12 mai 1998, X.________ SA a fait parvenir aux époux une facture finale d'un montant total de 362'588 fr. 85 comprenant quelques travaux supplémentaires commandés en cours d'exécution, dont la différence avec le devis du 25 juin 1997 n'a jamais été contestée par les époux. A cette date, ceux-ci restaient devoir à X.________ SA la somme de 157'388 fr. 85, soit 100 (recte: 59'100) fr. (solde de situation no 2 au 31 juillet 1997), 40'600 fr. (situation no 3 au 31 août 1998 - recte: 1997) et 57'688 fr. 85 (situation no 4 au 30 avril 1998). 
Le 15 juin 1998, B.________, ingénieur conseil déjà mandaté unilatéralement par les époux à la fin de mois d'août 1997, a établi un nouveau rapport dont il a été retenu que la piscine fonctionnait correctement, que les fissures sur le front extérieur de l'encorbellement étaient superficielles et pouvaient être masquées esthétiquement avec un enduis approprié, enfin que les travaux restés en souffrance selon liste établie par le maître étaient achevés. 
Le 12 avril 1999, X.________ SA a fait notifier aux époux des commandements de payer les sommes de 59'100 fr. avec intérêt à 7,25 % l'an dès le 30 septembre 1997, 40'600 fr. avec intérêt à 7,25 % l'an dès le 30 octobre 1997 et 57'688 fr. 85 avec intérêt à 7,25 % l'an dès le 12 juillet 1998. Les époux y ont fait opposition. 
B. 
Le 30 avril 1999, X.________ SA a saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève d'une action en paiement et en mainlevée. Par jugement du 6 mars 2003, cette autorité a condamné les époux à verser à X.________ SA les sommes de 59'100 fr. plus intérêt à 7,25 % l'an dès le 30 septembre 1997, 40'600 fr. plus intérêt à 7,25 % l'an dès le 30 octobre 1997 et 57'688 fr. 85 plus intérêt à 7,25 % l'an dès le 12 juillet 1998, le tout sous déduction de 20'000 fr. - montant admis par X.________ SA -, ainsi qu'à des dépens. 
En cours d'instance, une expertise judiciaire a été mise en oeuvre, dont il ressort en substance ce qui suit. Le prix demandé est normal pour un ouvrage que l'on peut qualifier de haut de gamme. L'étanchéité de la plage en encorbellement est vraisemblablement fissurée, mais les règles de l'art n'envisagent pas la pose d'une étanchéité de ce type ou à fortiori de type lourd (toiture). L'ouvrage est acceptable sous réserve des travaux de réfection décrits (20'000 fr.). La moins-value équivaut à ce chiffre. Les travaux proposés par les époux (dépôt du granit afin d'installer une étanchéité lourde, enlèvement du béton, mise en place de l'étanchéité, repose du béton et du granit) sont disproportionnés. Répondant précisément à la question numéro neuf libellée "quels sont les travaux nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme aux règles de l'art et conforme à ce que les maîtres de l'ouvrage pouvaient raisonnablement en attendre relativement à l'environnement, au cadre et au coût de l'ouvrage", l'expert a décrit les travaux à entreprendre et les a chiffrés à 18'000 fr., montant auquel s'ajoute la réfection du fronton circulaire de la plage, pour un coût de 2'000 fr. Entendu le 4 décembre 2002, l'expert a confirmé son rapport et considéré qu'aucune nouvelle intervention lourde n'était nécessaire, que des travaux de démolition et de reconstruction seraient disproportionnés et qu'ils ne se justifiaient pas au regard de quelques gouttes d'eau qui pourraient suinter. 
Statuant sur appel des époux du 5 mai 1993 (recte: 2003), la Cour de justice du canton de Genève a, par arrêt du 13 février 2004, confirmé le jugement rendu par le Tribunal de première instance et condamné ceux-ci aux dépens d'appel. 
C. 
Les époux A.________ (les défendeurs) interjettent un recours en réforme au Tribunal fédéral. Ils concluent à l'annulation de l'arrêt entrepris et au déboutement de X.________ SA de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens. 
X.________ SA (la demanderesse) conclut au rejet du recours, avec suite de frais et dépens. 
Parallèlement à leur recours en réforme, les époux A.________ ont formé un recours de droit public, qui a été rejeté par arrêt de ce jour. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 Interjeté par les défendeurs qui ont succombé dans leurs conclusions libératoires et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile (cf. ATF 130 III 102 consid. 1.1; 129 III 415 consid. 2.1) dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le présent recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 32 al. 2 et 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). 
1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4; 129 III 618 consid. 3). 
2. 
La cour cantonale a considéré que les parties étaient liées par un contrat d'entreprise (art. 363 ss CO). L'existence d'un défaut de l'ouvrage litigieux et le respect des conditions d'exercice de l'action en réduction de prix ne sont pas contestés. Devant le Tribunal fédéral, le litige ne porte que sur la moins-value de l'ouvrage, respectivement le montant de la réduction du prix de celui-ci. 
3. 
Les défendeurs reprochent à la cour cantonale d'avoir violé les art. 368 al. 2 CO et 4 CC, dans la mesure où elle aurait d'une part négligé d'aborder la question de la disproportion entre le coût des deux types de réfections proposés par l'expert, voire jugé que les coûts de réfection chiffrés à 112'000 fr. étaient en disproportion par rapport à la valeur de l'ouvrage, d'autre part eu une conception erronée du défaut en considérant qu'aucune moins-value ne subsistait en dépit de la réfection parce qu'une élimination complète des défauts s'avérait impossible. 
3.1 Selon l'art. 169 al. 1 de la Norme SIA 118, que les parties ont intégrée à leur contrat, en cas de défauts de l'ouvrage, le maître doit d'abord exiger de l'entrepreneur qu'il procède dans un délai convenable à l'élimination du défaut. Si l'entrepreneur n'élimine pas le défaut dans le délai que lui a fixé le maître, celui-ci a le choix entre plusieurs solutions et peut notamment déduire de la rémunération due un montant correspondant à la moins-value de l'ouvrage (droit à une réduction du prix, art. 368 al. 2 CO). C'est ainsi l'art. 368 al. 2 qui détermine le montant de la réduction de la rémunération. 
Le montant de la réduction selon l'art. 368 al. 2 CO est celui d'une diminution du prix proportionnelle à la moins-value de l'ouvrage. Si la valeur objective de l'ouvrage sans les défauts est égale au prix convenu, la réduction est égale à la moins-value. Le juge peut se fonder sur la présomption que la dépréciation correspond au coût de la remise en état (ATF 116 II 305 consid. 4a p. 313 s. et les références citées; plus récemment Chaix, Commentaire romand, n. 34 ss ad art. 368 CO; Gauch, Le contrat d'entreprise, adaptation française par Benoît Carron, Zurich 1999, n. 1626 ss p. 461 ss et 2658 ss p. 721 ss). 
Cette dernière présomption peut être écartée par la simple contre-preuve, ce qui est parfaitement possible en pratique puisque, dans de nombreux cas, l'égalité alléguée fait défaut. D'une part, en effet, une moins-value peut subsister en dépit de la réfection parce qu'une élimination complète des défauts s'avère impossible. Et, d'autre part, les frais de réfection peuvent être supérieurs à la moins-value, ce qui ressort clairement des cas dans lesquels le défaut de l'ouvrage n'affecte absolument pas la valeur (objective) de l'ouvrage (Gauch, op. cit., n. 1684 p. 473 s.). 
3.2 La cour cantonale a retenu qu'alors même que les défendeurs avaient choisi une exécution coûteuse, l'ouvrage litigieux était utilisé conformément à son but - qui consiste dans la possibilité de bai gnade -, depuis cinq ans. A la question de savoir quel était le coût de la réfection nécessaire pour remédier aux défauts, elle a relevé que l'expert avait évalué très précisément le coût de la réfection sur la question numéro neuf, prenant en compte l'environnement, le cadre et le coût de l'ouvrage. Elle a considéré n'avoir aucune raison de substituer son opinion à celle de l'expert sur cette question technique, ce d'autant plus que la contestation à propos des constatations de fait de l'expert était insuffisamment motivée. 
S'agissant du point de savoir si les frais de réfection évalués avaient été calculés sans prendre en compte le renchérissement intervenu depuis la livraison, la cour a estimé que le métier du bâtiment avait connu un renchérissement des coûts en cinq ans, de sorte que la moins-value aurait pu être inférieure aux chiffres retenus par l'expert, mais que la demanderesse avait accepté d'imputer la totalité du coût de la réfection sur le prix de l'ouvrage et reconnu ainsi l'égalité entre le coût de la réfection et la moins-value. 
Pour ce qui est enfin de la question de savoir si une moins-value subsistait en dépit de la réfection parce qu'une élimination complète des défauts s'avérait impossible, la cour a relevé que, sur le plan fonctionnel et structural, l'ouvrage ne comportait pas une telle moins-value, puisqu'il fonctionnait et que les problèmes d'étanchéité auraient été résolus après l'exécution des travaux devisés, que des travaux non encore connus n'avaient pas à être pris en considération hypothétiquement et que l'argumentation des défendeurs en matière de rouille prématurée des fers à béton restait aléatoire et n'avait pas été démontrée. A cet égard, elle n'est pas entrée en matière, ce d'autant plus que l'expertise ne recelait pas le moindre indice quant à une détérioration plus rapide qu'un ouvrage identique construit sur une autre parcelle. Elle a ajouté que l'aspect esthétique n'avait pas été du tout abordé dans l'expertise et qu'elle devait considérer que cette moins-value résiduelle n'avait été ni alléguée, ni démontrée. 
3.3 Dans la mesure où, ainsi qu'il l'ont vainement fait dans le cadre de leur recours de droit public (cf. arrêt 4P.76/2004 consid. 3.3), les défendeurs soutiennent que l'expert a proposé non pas un mais deux types de réfections envisageables, ils se fondent sur des faits qui ne ressortent pas de l'état de fait souverain et leur argumentation strictement appellatoire est irrecevable (cf. consid. 1.2). Il en va ainsi de leurs critiques relatives d'une part à la problématique de la disproportion, d'autre part à la prétendue violation, par les juges cantonaux, du pouvoir d'appréciation qui leur serait conféré par l'art. 4 CC. Sur ce dernier point, l'on relèvera par surabondance que, conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral ne substitue sa propre appréciation à celle de l'instance inférieure qu'avec une certaine retenue et n'intervient que si celle-ci a abusé de son pouvoir d'appréciation, c'est-à-dire si elle a retenu des critères inappropriés, si la décision rendue aboutit à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 130 III 213 consid. 3.1 p. 220; 129 III 380 consid. 2, 664 consid. 6.1, 715 consid. 4.4 p. 725). 
Par ailleurs, le grief des défendeurs selon lequel les juges cantonaux auraient violé le droit fédéral en niant l'existence d'une moins-value résiduelle se heurte également aux faits établis par la cour cantonale, celle-ci ayant notamment retenu, d'une manière qui lie l'instance fédérale de réforme (cf. consid. 1.2), que les défendeurs avaient choisi une exécution coûteuse, mais que l'utilité première d'une piscine consistait dans la possibilité de baignade - effective depuis cinq ans -, que l'aspect esthétique n'avait pas été abordé dans l'expertise et que les défendeurs n'avaient ni allégué, ni démontré l'existence d'une moins-value résiduelle. Si les défendeurs avaient voulu s'en prendre à ces constatations factuelles, ils auraient dû s'exécuter dans le cadre de leur recours de droit public, ce qu'ils n'ont pas fait. 
Pour autant qu'elle soit recevable, l'argumentation des défendeurs à l'appui de leurs moyens tirés de la violation des art. 368 al. 2 CO et 4 CC ne résiste ainsi pas à l'examen. Cela étant, l'on ne voit pas dans la motivation donnée par les juges cantonaux que ceux-ci aient méconnu les principes juridiques relatifs à la réduction du prix en proportion de la moins-value découlant de l'art. 368 al. 2 CO. Ils ont au contraire déterminé la moins-value et résolu la question de savoir dans quelle mesure il convenait d'en tenir compte pour réduire le prix de l'ouvrage en conformité avec le droit fédéral (cf. consid. 3.1). Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. 
4. 
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge des défendeurs, solidairement entre eux (art. 156 al. 1 et 7, ainsi que 159 al. 1 et 5 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 5'500 fr. est mis à la charge des défendeurs, solidairement entre eux. 
3. 
Les défendeurs, débiteurs solidaires, verseront à la demanderesse une indemnité de 6'500 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 19 juillet 2004 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: