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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6S.217/2003/sch 
 
Arrêt du 22 octobre 2003 
Cour de cassation pénale 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Schneider, Président, 
Wiprächtiger, Kolly, Karlen et Brahier Franchetti, 
Juge suppléante. 
Greffier: M. Denys. 
 
Parties 
B.X.________, 
recourante, représentée par Me Olivier Cramer, avocat, rue de la Fontaine 9, case postale 3781, 1211 Genève 3 et Me Vincent Jeanneret, avocat, 15bis, rue des Alpes, case postale 2088, 1211 Genève 1, 
 
contre 
 
Procureur général du canton de Genève, 
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 
1211 Genève 3. 
 
Objet 
Complicité de défaut de vigilance en matière d'opérations financières (art. 25 et 305ter CP), 
 
pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale, du 5 mai 2003. 
 
Faits: 
 
A. 
Par jugement du 11 janvier 2002, le Tribunal de police a reconnu A.X.________ coupable de faux dans les titres (art. 251 CP) et de défaut de vigilance en matière d'opérations financières (art. 305ter CP) et l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement et à une amende de 25'000 francs. Par le même jugement, il a reconnu l'épouse d'A.X.________, B.X.________, coupable de complicité de défaut de vigilance en matière d'opérations financières et l'a condamnée à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans et à une amende de 10'000 francs. Il a ordonné la confiscation du solde actuel des valeurs patrimoniales déposées sur le compte bancaire dont Y.________ SA est titulaire auprès de la banque Z.________ à Genève, et leur allocation à C.________. Les époux X.________ ont fait appel de ce jugement auprès de la Chambre pénale du canton de Genève. 
B. 
Par arrêt du 5 mai 2003, la Chambre pénale a partiellement admis l'appel d'A.X.________, le libérant du chef d'accusation de faux dans les titres. Elle a condamné A.X.________, pour défaut de vigilance en matière d'opérations financières, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis durant quatre ans et à une amende de 25'000 francs. Elle a condamné B.X.________, pour complicité de défaut de vigilance en matière d'opérations financières, à trois mois d'emprisonnement avec sursis durant trois ans et à une amende de 10'000 francs. Elle a confirmé pour le surplus le jugement du Tribunal de police du 11 janvier 2002. 
 
En bref, les faits à l'origine de la condamnation de B.X.________ sont les suivants: 
 
A.X.________, actif dans le domaine financier, était en relation d'affaires depuis plusieurs années avec E.________, avocat à Francfort. Le 25 octobre 1995, Me E.________ lui a écrit pour lui demander de fournir à l'un de ses clients, nommé D.________, une société anonyme de droit suisse. D.________ a rencontré A.X.________ à Genève en novembre 1995 et lui a acheté pour 14'000 francs la société Y.________ SA, dont B.X.________ était l'administratrice. Ne souhaitant pas être indiscret, A.X.________ n'a pas demandé à voir le passeport de son cocontractant. Aucun document n'a été signé à l'occasion de la vente. Selon les déclarations d'A.X.________, D.________ lui a expliqué avoir un client qui faisait du commerce international et agir à titre fiduciaire pour ce client. A.X.________ a ensuite entrepris auprès auprès de la banque Z.________ les démarches nécessaires à l'ouverture d'un compte bancaire au nom de la société qu'il venait de vendre. Les documents d'ouverture du compte ont été remplis le 13 novembre 1995 et signés par B.X.________; la formule A, datée du même jour, désigne D.________ comme ayant droit économique, avec comme adresse celle de l'avocat E.________. Seul D.________ avait la signature sur le compte. La banque Z.________ a fait savoir aux époux X.________ que l'élection de domicile effectuée par l'ayant droit économique du compte auprès de son avocat n'était pas admissible. Une seconde formule A, signée par B.X.________ et datée du 22 décembre 1995, a été adressée à Me E.________, puis récupérée à Francfort par les époux X.________ lors d'une réunion chez cet avocat, en présence de D.________. Il a alors été convenu que Me E.________ adresserait lui-même une copie du passeport de D.________ à la banuqe Z.________, ce qu'il a fait le 22 décembre 1995. Le compte auprès de la banque Z.________ a fait l'objet de plusieurs opérations en vertu d'ordres de transfert donnés par D.________. 
C. 
B.X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 5 mai 2003. Elle conclut à son annulation. 
 
Le Procureur général genevois conclut au rejet du pourvoi. 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
 
1. 
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 273 al. 1 let. b et 277bis al. 1 PPF). Le raisonnement juridique doit donc être mené sur la base des faits retenus dans la décision attaquée, dont la recourante est irrecevable à s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67). 
2. 
La recourante conteste sa condamnation pour complicité de défaut de vigilance en matière d'opérations financières (art. 25 et 305ter al. 1 CP). 
2.1 Statuant par arrêt de ce jour sur le pourvoi interjeté par l'auteur principal A.X.________ (6S.225/2003), le Tribunal fédéral l'a partiellement admis en application de l'art. 277 PPF, jugeant l'état de fait incomplet pour l'application du droit fédéral, à défaut de dire si D.________ était ou non l'ayant droit énonomique. En fonction de la réponse donnée à cette question, deux solutions sont possibles: 
 
- Si D.________ n'était pas l'ayant droit économique, la condamnation d'A.X.________ ne viole pas le droit fédéral. Dès lors que cette hypothèse ne remet pas en cause la condamnation de l'auteur principal, elle n'a pas d'incidence par rapport à la recourante. 
- Si D.________ était l'ayant droit économique, les circonstances concrètes n'impliquent pas l'acquittement d'A.X.________ mais un changement de qualification juridique, les conditions étant réalisées pour admettre un délit impossible de défaut de vigilance en matière d'opérations financières. Cette hypothèse impliquerait une situation plus favorable pour la recourante, qui, en raison de l'accessoriété de la complicité, se trouve dans un rapport de dépendance à l'égard de la participation principale. La recourante devrait alors être condamnée pour complicité de délit impossible de défaut de vigilance en matière d'opérations financières. Aussi, l'admission du pourvoi d'A.X.________ implique-t-elle l'admission parallèle de celui de la recourante, pour les mêmes motifs. Il est ainsi renvoyé à l'arrêt 6S.225/2003. 
2.2 La recourante conteste également que les conditions pour retenir sa complicité soient réunies. A supposer fondée, cette critique est en soi susceptible de conduire à la libération de la recourante. 
2.2.1 Selon l'art. 25 CP, le complice est celui qui aura intentionnellement prêté assistance pour commettre un crime ou un délit. La complicité, qui est une forme de participation accessoire à l'infraction, suppose que le complice apporte à l'auteur principal une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cet acte de favorisation; il n'est toutefois pas nécessaire que l'assistance du complice soit une condition sine qua non à la réalisation de l'infraction (ATF 119 IV 289 consid. 2c p. 292); l'assistance prêtée par le complice peut être matérielle, intellectuelle ou consister en une simple abstention; la complicité par omission suppose toutefois que le complice ait eu l'obligation juridique d'agir, autrement dit une position de garant (ATF 118 IV 309 consid. 1a et c p. 312/313). Subjectivement, il faut que le complice sache ou se rende compte qu'il apporte son concours à un acte délictueux déterminé et qu'il le veuille ou l'accepte; à cet égard, il suffit qu'il connaisse les principaux traits de l'activité délictueuse qu'aura l'auteur, lequel doit donc avoir pris la décision de l'acte (ATF 117 IV 186 consid. 3 p. 188). Le dol éventuel suffit pour la complicité (ATF 118 IV 309 consid. 1a p. 312). 
2.2.2 La condamnation de l'époux de la recourante en vertu de l'art. 305ter al. 1 CP repose principalement sur les éléments suivants: lorsque A.X.________ a rencontré D.________ à Genève dans la première quinzaine de novembre 1995, celui-ci lui a indiqué qu'il n'agissait pas pour son compte mais à titre fiduciaire pour un tiers; A.X.________ savait donc que son cocontractant, de l'aveu même de ce dernier, n'était pas l'ayant droit économique; ce nonobstant, il a entrepris les démarches pour ouvrir un compte bancaire en identifiant son cocontractant comme l'ayant droit économique. 
 
Il résulte de ce qui précède que l'élément central de la condamnation d'A.X.________ réside dans l'aveu que lui a fait D.________. S'agissant de la complicité, il importe de déterminer si la recourante savait ou non que l'ayant droit économique n'avait pas été identifié par l'auteur principal, soit son époux (cf. Marlène Kistler, La vigilance requise en matière d'opérations financières, thèse Lausanne 1994, p. 233). 
 
La Chambre pénale a relevé que même si la recourante avait signé les formules d'ouverture de compte en sa qualité d'administratrice, seul son époux était en contact avec D.________ et Me E.________ et c'est sur son injonction qu'elle avait agi (cf. arrêt attaqué, p. 10). La Chambre pénale a par ailleurs indiqué que la recourante, qui n'avait pas d'emprise sur le cours des événements, avait joué le rôle d'une complice puisqu'elle avait accepté en pleine connaissance de cause de signer des documents au nom de la société Y.________ SA, dont elle ne savait que peu de chose (cf. arrêt attaqué, p. 11). Les éléments précités apparaissent contradictoires puisqu'il est d'une part supposé que la recourante ne connaissait pas la situation, n'ayant agi que sur l'injonction de son époux, alors que d'autre part il est constaté qu'elle a procédé en pleine connaissance de cause. Le Tribunal de police, dont la Chambre pénale a confirmé le jugement pour ce qui concerne la réalisation de l'infraction reprochée à la recourante, a retenu que celle-ci avait accepté en pleine connaissance de cause de signer des documents au nom d'une société dont elle ignorait tout (cf. jugement de première instance, p. 13). Toutefois, le Tribunal de police a également précisé que la recourante avait agi sur les instructions de son époux et que le dossier ne permettait pas de retenir qu' elle ait su ou envisagé que D.________ agissait à titre fiduciaire (cf. jugement de première instance, p. 14). Ces constatations cantonales opposées ne renseignent pas sur ce que la recourante savait véritablement ou non. On ignore si elle a signé les documents d'ouverture de compte en sachant que son époux ne respectait pas le devoir de vigilance de l'art. 305ter CP, autrement dit en sachant qu'il n'avait pas identifié l'ayant droit économique compte tenu de l'aveu de D.________. Il n'est ainsi pas possible de déterminer si le droit fédéral (l'art. 25 CP) a été appliqué correctement. En conséquence, le pourvoi doit être admis sur ce point et la cause doit être retournée en instance cantonale en application de l'art. 277 PPF pour compléter l'état de fait (ATF 123 IV 211 consid. 4b p. 211; 119 IV 284 consid. 5b p. 287). 
3. 
L'admission du pourvoi en application de l'art. 277 PPF et l'annulation de l'arrêt attaqué ne portent que sur la condamnation de la recourante en vertu des art. 25 et 305ter al. 1 CP. La confiscation des fonds déposés sur le compte bancaire et leur allocation à C.________ ne sont pas touchées, ces questions n'étant pas directement liées à l'infraction reprochée à la recourante. Celle-ci n'a d'ailleurs pas remis en cause cet aspect du dispositif de l'arrêt attaqué, qui renvoyait à ce propos au jugement du Tribunal de police, pas plus d'ailleurs qu'elle ne l'avait fait en instance cantonale de recours (cf. arrêt attaqué, p. 15). 
 
Il ne sera pas perçu de frais et une indemnité sera allouée à la recourante pour la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 278 al. 3 PPF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le pourvoi est admis en application de l'art. 277 PPF, l'arrêt attaqué est annulé en tant qu'il concerne la condamnation de la recourante en vertu des art. 25 et 305ter al. 1 CP et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
2. 
Il n'est pas perçu de frais. 
3. 
La Caisse du Tribunal fédéral versera à la recourante une indemnité de 3'000 francs à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires de la recourante, au Procureur général du canton de Genève, à la Cour de justice genevoise, Chambre pénale, à l'Office fédéral de la justice, ainsi qu'à Me Vincent Solari, mandataire de C.________. 
Lausanne, le 22 octobre 2003 
Au nom de la Cour de cassation pénale 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: