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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6B_201/2009 
 
Arrêt du 10 juin 2009 
Cour de droit pénal 
 
Composition 
MM. les Juges Favre, Président, 
Schneider et Ferrari. 
Greffière: Mme Bendani. 
 
Parties 
X.________, représenté par 
Me Stefano Fabbro, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Y.________, représenté par Me Dominique Morard, avocat, 
intimé, 
Ministère public de l'Etat de Fribourg, Rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg, 
intimé. 
 
Objet 
Calomnie, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Cour d'appel pénal, du 21 janvier 2009. 
 
Faits: 
 
A. 
A.a Au cours des séances des 25 et 26 avril 2005, le Conseil communal de E.________ a examiné la question de savoir s'il pouvait maintenir sa confiance à l'égard du conseiller X.________ ou s'il devait prendre des mesures particulières à son encontre. Le Conseil a alors étudié un projet de lettre à l'attention du Préfet de la Sarine que lui a soumis le syndic, Y.________. L'envoi de ce courrier a été accepté à l'unanimité. Son contenu est, en substance, le suivant: 
« Nous avons pris note de la condamnation, par le juge d'instruction, de X.________ à 20 jours de prison avec sursis. Si l'on ajoute à cette condamnation toutes les plus petites affaires le concernant et qui ont été notées dans les procès-verbaux depuis octobre 2003, le Conseil communal n'a plus confiance en lui. Vous connaissez la situation critique de notre Commune et, dès lors, le Conseil a décidé à l'unanimité de vous demander de prendre les décisions qui s'imposent ». 
A.b Par décision du 28 avril 2005, le Préfet de la Sarine a suspendu provisoirement X.________ avec effet immédiat jusqu'à droit connu sur la procédure de révocation ouverte devant le Conseil d'Etat. 
A.c Le 1er mai 2005 à la réception du procès-verbal de la séance des 25 et 26 avril 2005, A.________, conseiller communal, a adressé à Y.________, le message électronique suivant: 
« Concernant le PV de la dernière séance, j'ai des contestations à formuler, il ne reflète pas du tout notre séance et nos décisions prises mardi. Avant d'ameuter les médias ou autres, je désire que l'on en discute au Conseil lundi à 18 heures. Je ne peux pas approuver ce PV sous sa forme actuelle ». 
Dans un courrier du 2 mai 2005, cosigné par les conseillers B.________ et C.________, A.________ a expliqué au Préfet de la Sarine qu'il était scandalisé par le contenu du courrier du Conseil du 26 avril 2005 qui ne refléterait pas les décisions prises par celui-ci. Cette lettre indique notamment ce qui suit: 
« Après votation à mains levées pour savoir si nous étions d'accord que M. X.________ continue avec nous et garde ses dicastères, il y a eu trois Conseillers qui ont approuvé le maintien en place de X.________, contre deux, le Syndic et la Vice-Syndique qui étaient pour éjecter X.________ ... Pour moi, il y a vice de forme avec intention mensongère de cacher la vérité, car depuis notre mise en place au Conseil, M. Y.________ a toujours dit qu'il ne voulait pas de X.________ au Conseil, il lui aura donc fallu 18 mois d'effort et de boniment pour en arriver à ses fins. C'est la deuxième fois que notre Syndic signe des lettres au nom du Conseil communal avec une omission délibérée. Je vous demande donc de bien vouloir prendre ma lettre en considération, car je ne peux pas, en mon âme et conscience, accepter un faux ». 
A.d Le 2 mai 2005, le Conseil communal de E.________ s'est réuni pour sa séance hebdomadaire. Il ressort du procès-verbal ce qui suit: 
« Approbation du PV de la dernière séance. Y.________ propose des modifications du PV qui sont acceptées. Le PV dans l'ensemble est accepté à l'unanimité. C.________ précise que s'il avait compris la lettre, il n'aurait jamais cosigné la lettre du 2 mai 2005 avec B.________ et A.________. A.________et B.________ expliquent qu'ils ont compris qu'il y avait trois Conseillers communaux prêts à continuer à travailler avec X.________. Il y a donc 3 Conseillers communaux qui sont toujours prêts à travailler avec lui et qui souhaitent qu'il reprenne sa place au Conseil communal et ses dicastères. B.________ considère que les propos de ce PV lui permettent de retirer son soutien à la lettre du 2 mai ». 
 
B. 
Le 17 novembre 2005, Y.________ a déposé une plainte pénale contre X.________ pour atteintes à l'honneur. Aux mois d'août et d'octobre 2005, ce dernier aurait dit au conseiller communal D.________, au Conseil communal et à la Commission financière que Y.________ aurait falsifié ou modifié des procès-verbaux de séances du Conseil. 
 
C. 
Par jugement du 24 mars 2007, le Juge de police de l'arrondissement de la Sarine a acquitté X.________ au bénéfice du doute. 
Par arrêt du 21 janvier 2009, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal fribourgeois a partiellement admis le recours de Y.________ et réformé le jugement précité en ce sens qu'elle a notamment condamné X.________, pour calomnie, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 65 fr./j., avec sursis pendant deux ans. 
 
D. 
Invoquant l'arbitraire, une violation de la présomption d'innocence et de l'art. 174 al. 1 CP, X.________ dépose un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à son acquittement et, subsidiairement, à l'annulation de l'arrêt entrepris. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recourant se plaint d'arbitraire et d'une violation de la présomption d'innocence. 
 
1.1 Dans la mesure où, comme en l'espèce, l'appréciation des preuves est critiquée en référence avec le principe « in dubio pro reo », celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 127 I 38 consid 2a p. 41). Cette dernière notion a été rappelée récemment dans l'ATF 134 I 140 consid. 5.4 p. 148, auquel on peut donc se référer. 
En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). Par ailleurs, l'arbitraire allégué doit être suffisamment démontré, sous peine d'irrecevabilité (cf. art. 106 al. 2 LTF; ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287). 
 
1.2 Le recourant reproche à la Cour cantonale d'avoir retenu qu'il savait pertinemment que Y.________ n'avait pas modifié, de manière indue, les procès-verbaux des séances du Conseil communal. 
1.2.1 La Cour d'appel a relevé que le recourant ne contestait pas avoir dit à D.________, au Conseil communal et à la Commission financière que Y.________ avait modifié, de manière indue, les procès-verbaux des séances du Conseil communal, alors qu'il savait pertinemment que cela était faux, à tout le moins après avoir pris connaissance du dossier de la procédure administrative dirigée contre lui. Ce dossier comprenait en effet la détermination du Préfet de la Sarine du 24 juin 2005 attestant l'absence de tout manquement de la part du syndic. 
1.2.2 L'autorité précédente a ainsi admis que le recourant connaissait la fausseté de ses allégations en se fondant sur la détermination du 24 juin 2005 du Préfet de la Sarine (cf. pièce n° 8400). Or, l'intéressé affirme simplement que cette pièce ne permet pas de tirer de conclusion sur son intention. Ce faisant, il se contente d'opposer de manière appellatoire son appréciation des preuves à celle retenue, ce qui ne suffit pas pour démontrer l'arbitraire. Par ailleurs, à la lecture du courrier préfectoral précité, l'appréciation cantonale n'est pas manifestement insoutenable. 
Le recourant se réfère également au marasme constaté dans la tenue et aux différentes moutures du procès-verbal des séances du Conseil communal des 25 et 26 avril 2005 (cf. supra consid. A.a). Ces éléments, qui n'ont pas été ignorés par la Cour d'appel, sont sans pertinence, dès lors que le recourant avait eu connaissance de la détermination préfectorale, laquelle attestait, en date du 24 juin 2005, l'absence de tout manquement de la part du syndic. 
 
1.3 Le recourant reproche à l'instance inférieure d'avoir retenu qu'il avait voulu dire que Y.________ était un tricheur et un menteur. 
L'interprétation du sens des allégations incriminées constitue une question de droit (ATF 131 IV 160 consid. 3.3.3 p. 164), et non pas de fait qui peut, elle seule, être contestée sous l'angle de l'art. 9 Cst. La critique est donc irrecevable. 
 
2. 
Le recourant conteste sa condamnation pour calomnie au sens de l'art. 174 al. 1 CP
 
2.1 Cette disposition punit, sur plainte, d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire, celui qui, connaissant la fausseté de ses allégations, aura, en s'adressant à un tiers, accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération. 
La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation (art. 173 CP) dont elle se distingue en cela que les allégations attentatoires à l'honneur sont fausses, que l'auteur doit avoir eu connaissance de la fausseté de ses allégations et qu'il n'y a dès lors pas place pour les preuves libératoires prévues dans le cas de la diffamation. 
2.1.1 Les dispositions précitées protègent la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. Il faut donc que l'atteinte fasse apparaître la personne visée comme méprisable. Il ne suffit pas qu'elle l'abaisse dans la bonne opinion qu'elle a d'elle-même ou dans les qualités qu'elle croit avoir, notamment dans le cadre de ses activités professionnelles. Echappent donc à la répression les assertions qui sont seulement propres à ternir la réputation dont une personne jouit dans son entourage ou à ébranler sa confiance en elle-même, notamment celles qui ne visent que l'homme de métier, l'artiste, le politicien, etc. De façon générale, l'honneur protégé par le droit pénal est conçu comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'être humain (cf. ATF 132 IV 112 consid. 2.1 p. 115; 128 IV 53 consid. 1a p. 57 s.; 119 IV 44 consid. 2a p. 47; 117 IV 27 consid. 2c p. 28 s.; 116 IV 205 consid. 2 p. 206 s.). 
Pour déterminer si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon le sens qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances données, lui attribuer (ATF 128 IV 53 consid. 1a p. 58). 
2.1.2 Sur le plan subjectif, la calomnie implique que l'auteur ait agi avec l'intention de tenir des propos attentatoires à l'honneur d'autrui et de les communiquer à des tiers, le dol éventuel étant à cet égard suffisant, et qu'il ait en outre su que ses allégations étaient fausses, ce qui implique une connaissance stricte, de sorte que, sur ce point, le dol éventuel ne suffit pas (STRATENWERTH/JENNY, Schweizerisches Strafrecht, BT I, 6ème éd., § 11 n° 58; TRECHSEL ET AL., Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, art. 174 n° 3). 
 
2.2 Conformément à la définition donnée par les autorités fribourgeoises, le procès-verbal est un acte officiel d'une autorité ou d'une association qui doit refléter de façon rigoureuse ce qui a été dit ou fait lors d'une réunion. La chronologie exacte des diverses phases doit ressortir de ce document. A ce titre, il revêt une qualité probante sur le contenu des débats qu'il reproduit. Certes, des menues modifications, notamment des fautes de type orthographique, de remplacement d'abréviations, sont admissibles. Sous ces réserves cependant, le procès-verbal, rédigé séance tenante, ne doit pas être modifié ou adapté. En effet, un tel document ne souffre de par sa nature d'aucune interprétation sur l'exactitude du déroulement des débats ou d'une séance, dès lors qu'il reproduit, en principe textuellement, ce qui a été dit à l'occasion d'une assemblée, ici d'une séance d'un Conseil communal. 
Selon les constatations cantonales, le recourant a dit à D.________, au Conseil communal ainsi qu'à la Commission financière que Y.________ avait modifié, de manière indue, les procès-verbaux des séances des 25 et 26 avril 2005 du Conseil, suite auxquelles il a été suspendu provisoirement en qualité de conseiller communal (cf. supra consid. A.a et A.b). Ce faisant, et contrairement à ce qu'il soutient, le recourant n'a pas critiqué le politicien en tant que tel, mais a accusé l'intimé d'avoir eu un comportement malhonnête ou même illicite. En effet, compte tenu de la nature du procès-verbal telle qu'exposée ci-dessus, les accusations portées à l'encontre du syndic signifient que ce dernier aurait éventuellement abusé de son pouvoir au sens de l'art. 312 CP ou commis un faux dans les titres visé par l'art. 251 CP, ce dans le but de nuire à l'un des membres du Conseil. Or, le fait d'accuser une personne d'avoir commis une infraction entre nécessairement dans les prévisions des art. 173 s. CP (cf. ATF 132 IV 112 consid. 2 p. 115). Dans ces conditions, on se trouve en présence d'une atteinte à l'honneur au sens défini ci-dessus. 
Pour le reste, il ressort de l'arrêt entrepris que le recourant, qui avait été suspendu de ses fonctions de conseiller communal jusqu'au 4 octobre 2005, connaissait l'impact de ses déclarations ou devait les connaître. Il savait pertinemment que ses propos selon lesquels Y.________ avait modifié, de manière indue, les procès-verbaux des séances du Conseil communal étaient fausses. L'aspect subjectif de l'infraction est ainsi également réalisé. 
Sur le vu de ce qui précède, les conditions de l'art. 174 al. 1 CP sont toutes réunies. Par conséquent, la condamnation du recourant en application de cette disposition ne viole pas le droit fédéral. 
 
3. 
En conclusion, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Les frais judiciaires, fixés à 4'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Cour d'appel pénal. 
 
Lausanne, le 10 juin 2009 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: 
 
Favre Bendani