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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1C_57/2011 
 
Arrêt du 17 octobre 2011 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Aemisegger et Reeb. 
Greffière: Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
3. C.________ et D.________, 
4. E.________, 
tous représentés par Me Thibault Blanchard, avocat, 
recourants, 
 
contre 
 
F.________, représentée par Me Christian Bettex, avocat, 
intimée, 
 
Municipalité de Lutry, Administration communale, Le Château, 1095 Lutry, représentée par Me Jean-Samuel Leuba, 
 
Département des infrastructures du canton de Vaud, Service de la mobilité, Université 5, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
permis de construire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 30 décembre 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
La Fondation F.________ (ci-après: la fondation) est propriétaire des parcelles n° 3'877 et 3'941 du cadastre de la commune de Lutry. 
La parcelle n° 3'877 présente une superficie de 51'601 m2 (39'147 m2 en nature de pré-champ et 12'000 m2 en nature de forêt) et supporte les anciens bâtiments d'une exploitation agricole. Elle est longée à l'ouest par le chemin du Crêt-Ministre et à l'est par la rive boisée du cours d'eau "Le Mâcheret". Elle est limitée au sud par les parcelles n° 4'478 et 4'369 ainsi qu'au nord par la route de la Claie-aux-Moines dans le prolongement du chemin du Crêt-Ministre. Selon le plan général d'affectation de la commune de Lutry approuvé le 24 septembre 1987 par le Conseil d'Etat, la partie de la parcelle s'étendant le long du chemin du Crêt-Ministre est classée en zone de faible densité et la partie située en amont, bordant la route de la Claie-aux-Moines, en zone agricole. 
La parcelle n° 3'941, d'une superficie de 9'750 m2 (9'736 m2 en nature de pré-champ et 14 m2 en nature de forêt), est délimitée à l'est par le chemin du Crêt-Ministre, au nord par celui des Coullènes ainsi qu'à l'ouest par celui du Crêt-des-Pierres et par le domaine public du ruisseau "Crêt-des-Pierres". Ce bien-fonds, libre de toute construction, est également classé en zone de faible densité par le plan général d'affectation précité, à l'exception de la lisière forestière se trouvant à l'angle sud-ouest de la parcelle. Ces deux terrains sont situés à l'extrémité nord de la zone de faible densité et sont séparés par le chemin du Crêt-Ministre. 
 
B. 
Plusieurs variantes d'avant-projets d'urbanisation de ces deux parcelles ont été présentées par la fondation à la Commission communale consultative d'urbanisme de Lutry (ci-après: la CCU). Un projet d'urbanisation plus élaboré, tenant compte des remarques de la CCU, a été présenté lors de la séance du 27 avril 2007. Aux termes de cette séance, la CCU a délivré un préavis positif pour sa réalisation sur la grande parcelle et a réservé le point de vue urbanistique pour l'intégration sur la petite parcelle. 
La fondation a déposé une demande de permis de construire auprès de la Municipalité de Lutry (ci-après: la municipalité) pour chacun des huit bâtiments prévus par le projet d'urbanisation présenté devant la CCU, ainsi que pour les deux parkings souterrains et le local de réunion (neuf dossiers au total). 
Le projet concernant la parcelle n° 3'877 prévoit la réalisation d'une salle de réunion et de six immeubles en terrasse, répartis en éventail: une construction sise en amont de la parcelle est orientée vers le sud (bâtiment 6), deux autres situées en aval sont orientées vers le sud-est (bâtiments 4 et 5), puis trois autres vers le sud (bâtiment 1) et le sud-est (bâtiments 2 et 3). Ces bâtiments comprennent entre cinq et six niveaux habitables répartis en terrasse sur une longueur allant de 45 m à 80 m. Deux grands parkings souterrains bénéficiant d'une entrée commune donnant sur le chemin du Crêt-Ministre en amont du bâtiment 1 desservent ces immeubles comprenant environ septante logements au total. 
La réalisation des bâtiments 7 et 8 sur la parcelle n° 3'941, orientés respectivement vers le sud et le sud-est, relève d'une autre conception architecturale. Le bâtiment 7 est constitué de trois groupes de trois villas contiguës. La desserte interne donne sur le chemin du Crêt-des-Pierres et traverse, sur un pont à construire, le ruisseau du Crêt-des-Pierres. Pour chaque villa, l'étage inférieur comporte un garage de deux places et un escalier pour accéder au niveau du rez inférieur comprenant un espace de dégagement, un sanitaire, deux chambres et un balcon situé au sud. Quant au rez supérieur, il est composé d'une cuisine ouverte sur un séjour et d'un balcon sud d'une profondeur de 3 m. Il est possible d'accéder au rez supérieur par un chemin piétonnier longeant les villas en amont. Enfin, une pièce habitable située sous les combles donne sur une terrasse aménagée dans la toiture. Les groupes de villas sont séparés les uns des autres par des passages d'une largeur de 4 m avec un escalier extérieur permettant d'accéder depuis les garages jusqu'au cheminement piétonnier en amont. Quant au bâtiment 8, il comprend deux groupes de villas, soit un groupe de trois villas contiguës et un autre de six villas contiguës, avec une desserte interne donnant sur le Chemin du Crêt-Ministre. Le concept et les plans des villas sont similaires à ceux du bâtiment 7. 
Les neufs dossiers de demande de permis, mis à l'enquête publique du 11 août au 10 septembre 2007, ont fait l'objet de septante-quatre oppositions dont celle de la Société d'art public et de l'Association Pro Natura. 
La Centrale des autorisations (CAMAC) a transmis à la municipalité le 11 décembre 2008, les préavis et autorisations spéciales des différents services concernés de l'administration cantonale pour chacun des dossiers (Service des eaux, sols et assainissement [SESA]; Service des forêts, de la faune et de la nature [SFFN]; Service de la mobilité [SM]; Etablissement cantonal d'assurance [ECA]; Service de l'environnement et de l'énergie [SEVEN]). 
 
C. 
Par décisions des 2 et 5 février 2009, la municipalité a délivré les différents permis de construire pour l'ensemble du projet et a levé les oppositions. Elle a considéré en substance que les demandes de permis étaient conformes à la réglementation communale, que la question de l'accès au quartier par le chemin du Crêt-Ministre avait fait l'objet d'un réaménagement et qu'une planification générale du secteur ne se justifiait pas. Elle se prononçait en outre sur les griefs soulevés concernant le coefficient d'utilisation du sol, la hauteur des bâtiments, la distance aux limites de propriété, la forme des toitures, la volumétrie, l'esthétique et l'intégration du projet, ainsi que les études géotechniques nécessaires à sa réalisation. 
 
D. 
Une vingtaine de propriétaires ont recouru à l'encontre de la décision municipale auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: la CDAP). Ils invoquaient notamment la nécessité d'une procédure préalable de planification, les dispositions relatives à l'esthétique des constructions, l'insuffisance des accès par les chemins du Crêt-Ministre et du Crêt-des-Pierres ainsi que les dispositions règlementaires concernant la hauteur du bâtiment, la forme de la toiture et l'imprécision des plans d'aménagements extérieurs. 
Dans le cadre de l'instruction, les Services cantonaux spécialisés se sont à nouveau prononcés (SESA, SFFN, SM, ECA). Le 9 décembre 2009, la CDAP a tenu audience à Lutry et a procédé à une inspection locale en présence des parties. A la demande de la CDAP, la Commission cantonale consultative d'urbanisme et d'architecture (ci-après: la Commission cantonale) a rédigé un préavis le 12 avril 2010. 
Parallèlement à la présente procédure, la CDAP a, par arrêt du 31 mars 2010 (AC.2008.0311), statué sur les recours formés contre le plan d'élargissement du chemin du Crêt-Ministre rendu nécessaire par le projet immobilier litigieux; l'expertise "chemin du Crêt-Ministre" réalisée par le bureau CITEC (octobre 2009) dans le cadre de cette affaire a été apportée à la présente procédure. 
Par arrêt du 30 décembre 2010, la CDAP a partiellement admis le recours; elle a annulé les autorisations de construire délivrées par la municipalité portant sur les bâtiments 1 à 6 (y compris la salle de réunion et les parkings), mais a confirmé l'octroi des permis de construire pour les bâtiments 7 et 8. Elle a pour l'essentiel considéré que les projets litigieux ne contrevenaient pas à la clause d'esthétique et qu'une obligation spéciale de planifier n'était pas nécessaire. Elle a cependant considéré que le calcul du coefficient d'utilisation du sol (surface brute de plancher utile) sur la parcelle n° 3'877 devait être entièrement revu. 
 
E. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________, B.________, C.________ et D.________ ainsi que E.________ demandent principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la CDAP en ce sens que les décisions de la municipalité autorisant la construction des bâtiments 7 et 8 sont annulées. Ils concluent subsidiairement à l'annulation de l'arrêt cantonal en ce qui concerne les bâtiments 7 et 8 et au renvoi de la cause pour nouveau jugement dans le sens des considérants. Ils se plaignent d'une application arbitraire du droit cantonal et communal, d'une violation de l'obligation de planifier ainsi que d'un déni de justice formel et d'une violation de leur droit d'être entendus. 
La CDAP persiste dans les considérants de son arrêt. Les intimés et la municipalité concluent au rejet du recours. Quant au SM, il estime que le recours est mal fondé sur la question de l'équipement en voies d'accès. Les recourants ont déposé des observations complémentaires. La municipalité, l'intimée et le SM y ont renoncé. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 136 II 470 consid. 1 p. 472). 
 
1.2 En l'espèce, le recours porte sur les décisions de la Municipalité de Lutry des 2 et 5 février 2009, confirmées par la CDAP, aux termes desquelles l'intimée est autorisée à réaliser les bâtiments 7 et 8 projetés sur la parcelle n° 3'941. Dirigé contre une décision finale prise par une autorité cantonale de dernière instance dans une contestation portant sur l'application du droit de l'aménagement du territoire et des constructions, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public en vertu des art. 82 ss LTF
En revanche, les décisions des 2 et 5 février 2009 de la municipalité en tant qu'elles autorisent le projet à ériger sur la grande parcelle n° 3'877 ne font pas l'objet de la présente procédure, les permis de construire la concernant ayant été annulés par l'arrêt entrepris. 
 
1.3 Selon la jurisprudence, le voisin a qualité pour agir lorsque son terrain jouxte celui du constructeur ou se trouve à proximité immédiate de celui-ci (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174; 115 Ib 508 consid. 5c p. 511). Tel est le cas de A.________ et B.________, propriétaires de la parcelle n° 3'940, contiguë au bien-fond litigieux n° 3'941 sur lequel l'intimée projette la construction des bâtiments 7 et 8. Ayant par ailleurs pris part à la procédure devant la CDAP, les recourants précités ont qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. La qualité pour agir des autres recourants peut dès lors rester indécise et il y a lieu d'entrer en matière. 
 
1.4 Selon l'art. 95 LTF, le recours au Tribunal fédéral peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (let. a), qui comprend les droits constitutionnels des citoyens. En revanche, sous réserve des cas visés à l'art. 95 let. c à e LTF, la violation du droit cantonal ou communal ne constitue pas un motif de recours. Elle peut cependant être constitutive d'une violation du droit fédéral au sens de l'art. 95 let. a LTF, telle que l'interdiction de l'arbitraire ancrée à l'art. 9 Cst. (ATF 133 III 462 consid. 2.3 p. 466). Appelé à revoir l'application faite d'une norme cantonale ou communale sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 136 I 316 consid. 2.2.2 p. 318 s.; 135 V 2 consid. 1.3 p. 4), ce qu'il appartient aux recourants de démontrer en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 II 396 consid. 3.2 p. 400). 
 
2. 
Dans un grief qu'il convient d'examiner en premier lieu, les recourants se plaignent d'une violation de l'obligation de planifier en se référant aux art. 1 al. 1, 2 al. 1, 3 al. 3 let. a et 14 LAT. Selon eux, le projet litigieux ne pourrait être appréhendé correctement que dans le cadre d'une procédure de planification spéciale, vu notamment sa destination, ses dimensions, son importance, sa densité et ses impacts sur le territoire et l'environnement; seul un tel processus permettrait de garantir un examen d'ensemble des intérêts en présence. Une telle obligation s'imposerait d'autant plus que la réglementation communale relative à la zone de faible densité serait lacunaire. Les recourants invoquent notamment l'analyse effectuée en 2007 par l'ingénieur X.________ qui aurait exprimé la nécessité d'une étude préalable et d'une réflexion globale d'intégration et d'impact du projet. La CCU et la Commission cantonale auraient également recommandé une planification préalable en suggérant notamment la forme d'un plan de quartier (cf. procès-verbal de la séance de la CCU du 24 avril 2006 p. 5). 
 
2.1 L'obligation d'adopter des plans d'affectation pour gérer l'utilisation du sol découle des art. 2 al. 1 et 14 LAT. Le droit fédéral ne se contente pas de prescrire une obligation générale de planifier consistant à répartir le territoire au moins entre les trois types de zones prévus aux art. 15 à 17 LAT (zones à bâtir, zones agricoles et zone à protéger; art. 14 al. 2 LAT). Il prévoit également une obligation spéciale de planifier qui vise des objets ou des activités non conformes à l'affectation de la zone dont l'incidence sur la planification locale ou l'environnement est importante. Ces objets ou activités ne peuvent être correctement étudiés que dans le cadre d'une procédure d'adoption d'un plan d'affectation. La voie d'une simple dérogation au sens des art. 23 LAT (zone à bâtir) ou 24 LAT (hors de la zone à bâtir) est alors inadéquate pour résoudre judicieusement les problèmes d'organisation du territoire qui se posent (cf. PIERRE MOOR, in Aemisegger/Moor/ Ruch/Tschannen [édit.], Commentaire de la LAT, 2010, n. 66 et 84 ad art. 14 LAT; PIERMARCO ZEN-RUFFINEN/CHRISTINE GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, p. 126 s.; cf. ATF 120 Ib 207 consid. 5 p. 212; 119 Ib 174 consid. 4 p. 178 et les références). Le fait qu'un projet non conforme à la zone soit important au point d'être soumis à l'obligation d'aménager au sens de l'art. 2 LAT se déduit des buts et des principes régissant l'aménagement du territoire (art. 1 et 3 LAT), du plan directeur cantonal (6 LAT) et de la portée du projet au regard des règles de procédure établies par la LAT (art. 4 et 33 LAT) (ATF 120 Ib 207 consid. 5 p. 212 et les références; cf. ZEN-RUFFINEN/GUY-ECABERT, op. cit., p. 127; BRANDT/MOOR, Commentaire de la LAT, n. 132 ad. art. 18 LAT). 
En revanche, lorsqu'il s'agit d'un projet, même de grande ampleur, conforme à l'affectation de la zone, le droit fédéral n'oblige pas de procéder par la voie de la planification spéciale (cf. BRANDT/MOOR, op. cit., n. 137 ad art. 18 LAT). Lorsque la collectivité publique a procédé concrètement à la différenciation de son territoire entre les différents types de zones, elle a en principe d'ores et déjà procédé à une pondération des différents intérêts en présence et a veillé à la participation de toutes les parties concernées dans le cadre de la procédure d'adoption du plan général d'affectation (cf. ATF 115 Ia 350 consid. 3d p. 353 et les références). Les impératifs d'aménagement du territoire auxquels se réfèrent les recourants (utilisation mesurée et judicieuse du sol selon les art. 1 et 3 LAT) ont ainsi été pris en compte dans le processus d'élaboration du plan de zones. 
 
2.2 La municipalité n'avait donc en l'espèce aucune obligation fondée sur le droit fédéral de subordonner l'octroi du permis de construire à l'établissement préalable d'un plan spécial d'affectation pour l'aménagement du secteur formé par les parcelles n° 3'877 et 3'941. Le projet en cause - conforme à l'affectation de la zone à bâtir - ne provoque en effet pas de conflit d'utilisation. Son intégration dans le contexte spatial et environnemental ne pose pas de problèmes de coordination que la procédure administrative n'est pas en mesure de résoudre. Les différents services spécialisés ont ainsi pu examiner chacun des aspects spécifiques du projet avant de délivrer les autorisations nécessaires à la réalisation du complexe immobilier (cf. synthèses CAMAC), y compris le projet d'élargissement du chemin du Crêt-Ministre qui a fait l'objet d'une procédure parallèle. En outre, la Commission cantonale, dans son préavis du 12 avril 2010, a relevé que la réflexion concernant l'intégration du projet menée dans le cadre de la procédure du permis de construire paraissait bien aboutie, ajoutant même que le renvoi à une obligation de planifier pourrait présenter, sous l'angle urbanistique, le risque d'un projet bien moins réussi. La Commission cantonale n'a donc pas estimé nécessaire de recourir à un plan d'affectation spécial, contrairement à ce que soutiennent les recourants. De même, la CCU n'a pas entendu soumettre le projet litigieux à l'adoption d'un plan de quartier stricto sensu; elle préconisait seulement la réalisation d'un schéma directeur (cf. procès-verbal de la séance de la CCU du 28 avril 2006 p. 1). Le projet s'inscrit dans une zone à bâtir dûment légalisée qui se trouve prête à être utilisée selon l'affectation prévue, sans que cela ne nécessite une nouvelle planification. Le recours est dès lors mal fondé sur ce point. 
 
3. 
Les recourants reprochent également aux juges cantonaux d'avoir fait une application arbitraire du droit cantonal et communal, à savoir des art. 86 de la loi cantonale du 4 décembre 1985 sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC, RS/VD 700.11) et 24 du règlement communal sur les constructions et l'aménagement du territoire (RCAT) relatifs à la clause d'esthétique, respectivement d'avoir violé l'art. 3 al. 2 let. b LAT. En substance, les recourants maintiennent que la construction des immeubles 7 et 8 sur la parcelle n° 3'941 ne peut pas être considérée séparément du projet sis sur la grande parcelle sous l'angle de l'esthétique et de l'intégration. Il s'agirait d'un ensemble immobilier formé de 8 immeubles collectifs avec un impact visuel extrêmement massif au c?ur d'un quartier relativement homogène de villas situé à proximité immédiate du territoire agricole des hauts de Lutry. La valeur paysagère élevée des terrains attestée par l'expertise privée de l'ingénieur X.________ de 2007 justifierait en outre un refus fondé sur la clause d'esthétique. Enfin, les recourants reprochent à l'arrêt entrepris de taire le fait que la CCU aurait systématiquement dénoncé le projet litigieux. 
3.1 
3.1.1 L'art. 3 al. 2 let. b LAT prévoit que les autorités chargées de l'aménagement du territoire doivent notamment tenir compte de la nécessité de préserver le paysage et de veiller à ce que les constructions prises isolément ou dans leur ensemble ainsi que les installations s'intègrent dans le paysage. La portée de cette disposition dépend avant tout du degré de protection que requiert le paysage en question. S'il s'agit d'un site sensible, porté à l'inventaire ou présentant des caractéristiques particulières, une exigence plus élevée d'intégration peut se justifier qu'en présence d'un paysage de moindre intérêt (BERNHARD WALDMANN/PETER HÄNNI, Raumplanungsgesetz, Berne 2006, n. 27 ad art. 3 LAT, p. 85). Une construction ou une installation s'intègre dans le paysage lorsque son implantation et ses dimensions n'affectent ni les caractéristiques ni l'équilibre du site et si, par sa forme et les matériaux utilisés, elle en respecte l'originalité (DFJP/OFAT, Etude relative à la LAT, Berne 1981, n. 28 ad art. 3 LAT). Pour qu'un projet puisse être condamné sur la base de l'art. 3 al. 2 let. b LAT, il doit porter une atteinte grave à un paysage d'une valeur particulière, qui serait inacceptable dans le cadre d'une appréciation soigneuse des divers intérêts en présence (cf. arrêt 1C_82/2008 du 28 mai 2008 consid. 6.3 non publié in ATF 134 II 117; arrêt 1A.92/1998 du 30 décembre 1998 consid. 5 publié in RDAF 1999 I p. 410). Une clause générale d'esthétique dans le cadre de la procédure d'autorisation de construire peut renforcer la mise en ?uvre de ce principe (TSCHANNEN, Commentaire de la LAT, n. 50 ad art. 3 LAT). 
3.1.2 Aux termes de la clause d'esthétique contenue à l'art. 86 LATC, la municipalité veille à ce que les constructions, quelle que soit leur destination, ainsi que les aménagements qui leur sont liés, présentent un aspect architectural satisfaisant et s'intègrent à l'environnement (al. 1). Elle refuse le permis pour les constructions ou les démolitions susceptibles de compromettre l'aspect et le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue, ou de nuire à l'aspect d'un édifice de valeur historique, artistique ou culturelle (al. 2). L'art. 24 RCAT va dans le même sens en interdisant toutes constructions de nature à compromettre l'aspect ou le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue, ou à nuire à l'aspect d'un édifice de valeur historique, artistique ou pittoresque. 
Selon la jurisprudence, l'application d'une clause d'esthétique ne doit pas aboutir à ce que, de façon générale, la réglementation sur les zones en vigueur soit vidée de sa substance. En droit vaudois, un projet de construction peut être interdit sur la base de l'art. 86 LATC quand bien même il satisferait à toutes les autres dispositions cantonales et communales en matière de police des constructions. Cependant, une intervention des autorités dans le cas de la construction d'un immeuble réglementaire qui, par son volume, ne serait pas en harmonie avec les bâtiments existants, ne peut s'inscrire que dans la ligne tracée par la loi elle-même et par les règlements communaux, qui définissent en premier lieu l'orientation que doit suivre le développement des localités. Ainsi, lorsqu'un plan de zones prévoit que des constructions d'un certain volume peuvent être édifiées dans tel secteur du territoire, une interdiction de construire fondée sur l'art. 86 LATC, en raison du contraste formé par le volume du bâtiment projeté, ne peut se justifier que par un intérêt public prépondérant. Il faut que l'utilisation des possibilités de construire réglementaires apparaisse déraisonnable. Tel sera par exemple le cas s'il s'agit de protéger un site, un bâtiment ou un ensemble de bâtiments présentant des qualités esthétiques remarquables, qui font défaut à l'immeuble projeté ou que mettrait en péril sa construction (ATF 101 Ia 213 consid. 6c p. 222 s.; 115 Ia 114 consid. 3d p. 119; 363 consid. 3a p. 366/367; 370 consid. 5 p. 377). 
3.1.3 Le Tribunal fédéral fait preuve de retenue dans l'appréciation des circonstances locales. Dans ce domaine, les autorités locales disposent en effet d'un large pouvoir d'appréciation (cf. ATF 132 II 408 consid. 4.3 p. 416 et les références; arrêt 1P.678/2004 du 21 juin 2005 consid. 4, in ZBl 2006 p. 430). C'est le cas notamment lorsqu'il s'agit de savoir si une construction ou une installation est de nature à compromettre l'aspect ou le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue (ATF 115 Ia 114 consid. 3d p. 118, 363 consid. 3b p. 367; arrêt P.265/1985 du 16 avril 1986 consid. 3 in RDAF 1987 p. 155). 
 
3.2 Contrairement à ce que soutiennent les recourants, le Tribunal de céans n'a pas à se prononcer sur la qualité esthétique du projet prévu sur la grande parcelle, celui-ci n'ayant à ce jour pas été autorisé pour des motifs liés au calcul du coefficient d'utilisation du sol. La CDAP a en effet considéré dans son arrêt du 30 décembre 2010 que certaines surfaces n'avaient à tort pas été prises en compte dans le calcul de la surface brute de plancher utile, ce qui pouvait impliquer une modification du projet envisagé sur la grande parcelle ou une réduction du nombre de bâtiments projetés. De plus, la réalisation sur cette parcelle (immeubles en terrasse) procède d'une conception architecturale différente des deux bâtiments autorisés. Les griefs dirigés contre l'esthétique du projet prévu sur la parcelle n° 3'877 doivent donc être écartés. 
 
3.3 En l'occurrence, à l'instar de la Municipalité de Lutry, le Tribunal cantonal a estimé, après s'être rendu sur place, qu'aucun motif d'intégration au site ne s'opposait à la réalisation du projet litigieux. Il rejoint sur ce point l'avis exprimé par la Commission cantonale dans son préavis du 12 avril 2010. La CDAP a en substance relevé que même si l'environnement bâti est constitué essentiellement de villas individuelles dont les dimensions et la volumétrie sont nettement plus modeste, la zone concernée n'imposait pas ce type de construction. En effet, la réglementation communale relative à la zone de faible densité accorde une grande liberté de conception architecturale. Elle ne prescrit en particulier aucune limite quant à la longueur des constructions et a progressivement augmenté les possibilités de construire, la densité d'utilisation du sol ayant été portée de 0.3, à 0.333 puis à 0.35. Les dispositions réglementaires autorisent donc la réalisation des bâtiments 7 et 8, du point de vue de leurs dimensions, de sorte que le contraste que pourrait former la volumétrie de ces deux bâtiments avec les constructions avoisinantes ne saurait, à lui seul, justifier une interdiction de construire basée sur la clause d'esthétique. Une telle interdiction doit, au vu de la jurisprudence précitée (cf. consid. 3.1.2) reposer sur un intérêt public prépondérant, tel que la protection d'un site ou d'un ensemble de bâtiments présentant des qualités esthétiques remarquables. 
Aux terme d'une visite des lieux, la CDAP a considéré que le site et les bâtiments avoisinants existants ne présentaient pas des qualités esthétiques remarquables qui justifieraient le refus du projet. Les recourants s'en prennent à cette appréciation en soutenant notamment que les villas existantes sont toutes d'architecture classique et de dimensions modestes, ce qui suffirait à reconnaître au secteur en question le statut d'un quartier au sens de l'art. 86 LATC. Ils se prévalent en outre de l'expertise privée réalisée en 2007 censée attester la valeur paysagère élevée des terrains litigieux. Les critiques des recourants ne résistent toutefois pas à l'examen. Au vu des plans figurant au dossier, il apparaît en effet que les maisons d'habitation voisines ne présentent pas une homogénéité ou une spécificité particulière, celles-ci étant de forme et de dimensions diverses. La municipalité a d'ailleurs précisé que cette partie de son territoire était caractérisée par des villas de style disparate. 
La CDAP a de surcroît relevé que la typologie des bâtiments 7 et 8 n'était pas totalement étrangère au quartier et présentait certaines similitudes avec un lotissement construit récemment au chemin du Crêt-des-Pierres comprenant quatre villas mitoyennes décalées dans la pente totalisant huit logements, chaque groupe de deux villas mitoyennes étant séparé par des couloirs d'une largeur de 3 à 4 m. En effet, tout comme les deux bâtiments litigieux, ce lotissement se caractérise par la très grande proximité des villas et leur répartition selon un axe commun. Par ces caractéristiques, ces villas se distinguent des habitations avoisinantes implantées de façon relativement éparse et espacée. Ce groupe de bâtiments illustre ainsi le fait que le quartier ne présente pas une harmonie qu'il conviendrait à tout prix de préserver. 
Les recourants font en outre valoir que le projet en question serait déraisonnable dans la mesure où il est situé à proximité immédiate de la zone agricole, à savoir dans un espace qui devrait assurer un rôle de transition entre l'urbanisation dense des centres et celle plus modérée de la périphérie rurale. Le projet s'intègre toutefois suffisamment au site dans la mesure où il laisse une grande part aux espaces verts. Comme le relève la municipalité, le projet a le mérite de regrouper les surfaces construites, laissant ainsi subsister des surfaces vertes libres d'aménagements et arborisées. Cette option est compatible avec la vocation du secteur en tant que zone tampon. 
Les recourants se réfèrent également à l'expertise privée réalisée par l'ingénieur Patrick Chevrier en 2007. La CDAP n'a en l'espèce pas tenu compte de cette expertise censée attester la qualité paysagère des terrains litigieux. Les recourants ne s'en plaignent toutefois pas et se contentent de reprendre les termes de cette expertise de manière appellatoire, sans prétendre ni démontrer que la CDAP aurait arbitrairement méconnu une pièce du dossier. Leur grief est dès lors irrecevable (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3 p. 5; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 133 II 396 consid. 3.1 et 3.2 p. 399 s.). 
Enfin, les recourants font grief à la CDAP d'avoir passé sous silence le fait que la CCU aurait systématiquement dénoncé le projet litigieux et qu'elle aurait refusé d'avaliser les constructions projetées sur la parcelle 3'941 aux termes de la séance du 27 avril 2007. La CCU a effectivement exprimé, à plusieurs reprises, ses réserves quant à l'intégration des bâtiments et à leur échelle par rapport à la parcelle elle-même et à l'environnement bâti, considérant que leur insertion forçait le tissu urbanistique préexistant. La CDAP n'a certes pas directement et expressément répondu aux préoccupations émises par la CCU. Elle a néanmoins implicitement désavoué l'appréciation de cette commission consultative communale, qui ne possède aucun pouvoir décisionnel, en expliquant pour quels motifs le projet en cause ne contrevenait pas à la clause d'esthétique. 
L'appréciation de la CDAP ne viole dès lors ni la clause d'esthétique, ni la clause d'intégration contenue à l'art. 3 al. 2 let. b LAT
 
4. 
Les recourants se plaignent enfin d'un déni de justice formel (art. 29 al. 1 Cst.) et d'une violation de leur droit d'être entendus (art. 29 al. 2 Cst.), en particulier de leur droit à obtenir une décision motivée. Ils reprochent à la CDAP de ne pas s'être prononcée sur un grief soulevé dans leur recours cantonal portant sur le fait que le chemin du Crêt-des-Pierres desservant le bâtiment 7 ne constituerait pas une voie d'accès suffisante au regard des art. 19 al. 1 et 22 al. 1 let. b LAT. Selon eux, ce chemin serait étroit (3 à 4 m de large), sinueux, dépourvu de trottoir et n'offrirait par endroit aucune visibilité. 
 
4.1 Selon la jurisprudence, commet un déni de justice formel et viole l'art. 29 al. 1 Cst. l'autorité qui ne statue pas ou n'entre pas en matière sur un recours ou un grief qui lui est soumis dans les formes et délai légaux, alors qu'elle était compétente pour le faire (ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9; 134 I 229 consid. 2.3 p. 232; arrêt 1C_317/2009 du 15 janvier 2010 consid. 3.1). Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., implique en outre pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision afin que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause; l'autorité peut toutefois se limiter aux questions décisives pour l'issue du litige (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88; 133 III 439 consid. 3.3 p. 445; 130 II 530 consid. 4.3 p. 540 et les arrêts cités). 
 
4.2 On cherche effectivement en vain dans l'arrêt attaqué une réponse à la question de savoir si le chemin du Crêt-des-Pierres constitue une voie d'accès adaptée à l'utilisation prévue de la parcelle litigieuse, comme le requièrent les art. 19 al. 1 et 22 al. 2 let. b LAT. La CDAP ne s'est nullement prononcée sur cette question alors même que les recourants avaient critiqué dans leur recours cantonal le fait que les chemins du Crêt-des-Pierres et du Crêt-Ministre ne constituaient pas des voies d'accès adaptées au trafic supplémentaire provoqué par les constructions litigieuses. La CDAP a en l'espèce focalisé son examen sur le chemin d'accès du Crêt-Ministre - desservant les bâtiments situés sur la grande parcelle ainsi que le bâtiment 8 -, chemin qui a fait l'objet d'un plan d'élargissement entré en force pour tenir compte du projet en cause; ce plan routier a été jugé suffisant pour absorber le trafic supplémentaire provoqué par la réalisation de l'ensemble résidentiel (cf. arrêt du Tribunal cantonal AC.2008.0311 du 31 mars 2010). La question de l'accès par le chemin du Crêt-Ministre n'est toutefois pas l'objet de la présente procédure, le grief des recourants étant dirigé contre le chemin du Crêt-des-Pierres. 
Par conséquent, en éludant complétement l'examen de l'adéquation de la voie d'accès au bâtiment 7, l'instance précédente a commis un déni de justice et violé le droit d'être entendu des recourants. 
 
4.3 Il ressort de l'étude de circulation du bureau Transitec daté de novembre 2006 que le trafic journalier actuel du chemin du Crêt-des-Pierres est de l'ordre de 600 véhicules par jour (véh./j.); la réalisation du projet, en particulier du bâtiment 7, devrait entraîner une augmentation de trafic d'environ 100 véh./j. sur le chemin en question (+ 15 à 20%). La génération de trafic du projet n'est dès lors pas insignifiante eu égard notamment aux caractéristiques de cette voie d'accès qui, selon les pièces figurant au dossier, apparaît étroite, dépourvu de trottoir et qui présente une forte déclivité. Cela étant, faute d'éléments plus précis permettant au Tribunal fédéral de statuer lui-même sur le fond quant à cet aspect du litige, il y a lieu d'annuler l'arrêt entrepris et de renvoyer la cause à la CDAP pour quelle rende une nouvelle décision motivée sur ce point. 
 
5. 
Le recours doit par conséquent être partiellement admis; les points II paragraphe 2 (maintien des décisions de la Municipalité de Lutry des 2 et 5 février 2009 délivrant les permis de construire pour les bâtiments 7 et 8), III (frais) et IV (dépens) de l'arrêt attaqué sont annulés et la cause est renvoyée à la CDAP pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Le recours est rejeté pour le surplus. 
Les recourants, obtenant partiellement gain de cause, ne doivent payer qu'une partie des frais judiciaires, l'autre partie étant à la charge de l'intimée. Les dépens peuvent être compensés. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est partiellement admis. Les points II paragraphe 2, III et IV du dispositif de l'arrêt du 30 décembre 2010 sont annulés et la cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Vaud pour nouvelle décision au sens des considérants. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis pour moitié à la charge des recourants et pour moitié à la charge de l'intimée. 
 
3. 
Les dépens sont compensés. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et de la Municipalité de Lutry, au Département des infrastructures, Service de la mobilité, ainsi qu'au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public. 
 
Lausanne, le 17 octobre 2011 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Fonjallaz 
 
La Greffière: Arn