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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
2C_954/2018  
 
 
Arrêt du 3 décembre 2018  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Seiler, Président, 
Donzallaz et Stadelmann. 
Greffier : M. Dubey. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représenté par Me Matthieu Genillod, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Département de l'économie, de l'innovation et du sport du canton de Vaud (DEIS), Secrétariat général. 
 
Objet 
Révocation de l'autorisation d'établissement et renvoi de Suisse, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 20 septembre 2018 (PE.2017.0547). 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.   
X.________, ressortissant du Portugal, est né en 1991 à Lausanne, de parents portugais au bénéfice d'une autorisation d'établissement séjournant en Suisse depuis leur jeune âge, avec qui il a toujours vécu dans la région d'Echallens où il a effectué sa scolarité. Il a interrompu les deux apprentissages qu'il avait commencés. Il est titulaire d'une autorisation d'établissement. 
 
En décembre 2012, il a rencontré A.________ avec laquelle il a entretenu une relation amoureuse, qui s'est dégradée au fil du temps. A.________ a déposé contre l'intéressé une première plainte pénale en raison du harcèlement auquel il s'était livré dès décembre 2012. En juin 2013, ce dernier a consulté en urgence une psychiatre de la Section de psychiatrie du développement mental du CHUV, qui a toutefois estimé qu'une psychothérapie n'était pas indiquée, car le patient ne souhaitait pas s'investir. La procédure pénale a abouti à une première condamnation, le 25 juin 2014, pour utilisation abusive d'une installation de télécommunication, menaces, désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel et dénonciation calomnieuse à une peine pécuniaire de 120 jours-amendes et à une amende de 600 francs. 
 
Le 18 avril 2016, X.________ a été condamné à une peine privative de liberté de 42 mois pour calomnie, utilisation abusive d'une installation de télécommunication, menaces, tentative de contrainte, tentative de séquestration et d'enlèvement, tentative de contrainte sexuelle et tentative de viol au détriment de A.________, qui avait définitivement rompu sa relation avec lui en septembre 2014. Par arrêt du 5 octobre 2016, le Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a libéré de l'accusation de tentative de viol et l'a condamné pour calomnie, utilisation abusive d'une installation de télécommunication, menaces, tentative de contrainte, tentative de contrainte sexuelle, tentative de séquestration et d'enlèvement à une peine privative liberté de 30 mois. 
 
Il a été libéré conditionnellement le 11 janvier 2017. Le 21 août 2017, il a débuté un apprentissage d'employé de commerce. 
 
2.   
Par décision du 23 novembre 2017, le Chef du Département de l'économie, de l'innovation et du sport du canton de Vaud a révoqué l'autorisation d'établissement de X.________ et a prononcé son renvoi immédiat de Suisse. 
 
Le 27 décembre 2017, X.________ a recouru contre la décision du 23 novembre 2017 auprès du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
Le 1er février 2018, le Service de la population du canton de Vaud a produit une ordonnance du Tribunal des mesures de contrainte du Canton de Vaud ordonnant la détention provisoire de X.________, qui avait été arrêté le 22 janvier 2018 en raison de la procédure pénale ouverte contre lui pour injure, violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vue, contrainte et tentative de contrainte. 
 
Par arrêt du 20 septembre 2018, le Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours. 
 
3.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, de réformer l'arrêt rendu le 20 septembre 2018 par le Tribunal cantonal du canton de Vaud en ce sens que son autorisation d'établissement est maintenue. Il demande à bénéficier de l'assistance judiciaire. 
 
Il n'a pas été ordonné d'échange des écritures. 
 
4.   
Le recours en matière de droit public est recevable contre les décisions relatives, comme en l'espèce, à la révocation d'une autorisation d'établissement parce qu'il existe en principe un droit au maintien de cette autorisation (ATF 135 II 1 consid. 1.2.1 p. 4). En outre, en sa qualité de ressortissant portugais, le recourant peut prétendre à un titre de séjour en Suisse en vertu de l'ALCP (RS 0.142.112.681; cf. ATF 136 II 177 consid. 1.1 p. 179). La présente cause ne tombe ainsi pas sous le coup de l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, ni d'aucune autre clause d'irrecevabilité figurant à l'art. 83 LTF
 
5.   
Invoquant les art. 29 al. 2 Cst. et 6 CEDH, le recourant se plaint de la violation de son droit à la preuve. 
 
Garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 299; 137 II 266 consid. 3.2 p. 270). La garantie constitutionnelle n'empêche pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 142 II 218 consid. 2.3 p. 222 s.; 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 299). Lorsque la partie recourante s'en prend à l'appréciation anticipée des preuves, la décision n'est arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (cf. ATF 136 III 552 consid. 4.2 p. 560), ce qu'elle doit démontrer au moyen d'une motivation conforme aux exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF
 
En l'espèce, le recourant reproche à l'instance précédente son refus, par appréciation anticipée, d'entendre oralement ses parents sur leur maladie ainsi que sur l'intensité des liens qui les unissent. Il soutient en vain qu'elle n'a pas expliqué en quoi l'appréciation anticipée permettait d'exclure la pertinence des témoignages sur l'intensité des liens. Il perd en effet de vue, d'une part, que c'est à lui qu'il revenait, en application de l'art. 106 al. 2 LTF, de démontrer la violation de l'interdiction de l'arbitraire dans l'appréciation anticipée des preuves - et non pas l'inverse - et, d'autre part, que l'instance précédente n'a pas nié l'existence de la maladie de ses parents ni du reste l'intensité des liens familiaux, puisqu'elle en a dûment tenu compte dans l'examen de la proportionnalité exigé par les art. 8 par. 2 CEDH et 96 LEtr (cf. arrêt attaqué, consid. 5 p. 14). Le grief de violation du droit d'être entendu est rejeté. 
 
6.  
 
6.1. L'art. 63 LEtr (RS 142.20) est applicable à la révocation d'une autorisation d'établissement UE/AELE (cf. art. 2 al. 2 LEtr; cf. art. 23 al. 2 de l'ordonnance du 22 mai 2002 sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne et ses Etats membres, ainsi qu'entre les Etats membres de l'Association européenne de libre-échange [OLCP; RS 142.203]; arrêts 2C_76/2018 du 5 novembre 2018 consid. 3.1; 2C_365/2017 du 7 décembre 2017 consid. 4.1).  
 
Selon l'art. 63 al. 2 LEtr, l'autorisation d'établissement d'un étranger qui séjourne en Suisse légalement et sans interruption depuis plus de quinze ans, comme c'est le cas du recourant en l'espèce, ne peut être révoquée que pour les motifs mentionnés à l'art. 63 al. 1 let. b LEtr et à l'art. 62 al. 1 let. b LEtr (art. 62 let. b LEtr dans la formulation en vigueur avant le 1er janvier 2018, mais renvoyant à l'art. 62 al. 1 let. b LEtr depuis le 1er octobre 2016, cf. RO 2016 2329). 
 
Conformément à l'art. 62 al. 1 let. b LEtr (62 let. b LEtr avant le 1er octobre 2016), l'autorité compétente peut révoquer une autorisation notamment si l'étranger a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée. Selon la jurisprudence, constitue une peine privative de longue durée au sens de cette disposition une peine supérieure à un an (ATF 135 II 377 consid. 4.2 et 4.5 p. 379 ss), résultant d'un seul jugement pénal (ATF 137 II 297 consid. 2.3 p. 300 ss), prononcée avec sursis, sursis partiel ou sans (ATF 139 I 16 consid. 2.1 p. 18). 
 
En l'occurrence, en raison de sa condamnation le 5 octobre 2016 à une peine privative de liberté de 30 mois, le recourant réalise le motif de révocation de l'art. 62 al. 1 let. b LEtr, ainsi que l'a retenu le Tribunal cantonal. Le recourant ne le conteste du reste pas. 
 
6.2. Dès lors qu'il constitue une limite à la libre circulation des personnes, le retrait de l'autorisation d'établissement UE/AELE doit être conforme aux exigences de l'ALCP (cf. arrêts 2C_76/2018 du 5 novembre 2018 consid. 3.3; 2D_37/2017 du 8 février 2018 consid. 3 et les références citées).  
 
Selon l'art. 5 par. 1 annexe I ALCP, les droits octroyés par les dispositions de l'ALCP ne peuvent être limités que par des mesures justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique. L'instance précédente a correctement exposé la jurisprudence relative à la notion de caractère réel et actuel de la menace à l'ordre public (cf. ATF 139 II 121 consid. 5.3 p. 125), de sorte qu'il peut y être renvoyé (art. 109 al. 3 LTF). 
 
6.3. En l'occurrence, le recourant conteste le caractère réel et actuel de la menace qu'il pourrait constituer pour l'ordre public, en relevant, en vain, que les faits pour lesquels il a été condamné étaient liés à sa relation avec A.________ et que ce contexte particulier n'aurait plus cours aujourd'hui. Il perd de vue que c'est précisément la cessation de cette relation, qu'il n'a pas supportée, qui a conduit à sa condamnation le 6 octobre 2016 à une peine de privation de liberté de 30 mois pour des faits du reste similaires à ceux qui avaient abouti à une première condamnation le 25 juin 2014. Dans la mesure où cette situation n'a pas changé à ce jour, le risque d'actes violents perdure.  
 
Invoquant l'interdiction de l'arbitraire tirée de l'art. 9 Cst., il s'en prend aussi à l'appréciation par l'instance précédente de l'attestation établie le 19 décembre 2017 par la Consultation B.________ (Service de médecine et psychiatrie pénitentiaires) du CHUV qui rapporte une "évolution plutôt favorable sur le plan psychique". Selon lui, il serait arbitraire de méconnaître la mise en place d'une prise en charge spécialisée propre à nier l'existence d'un risque de récidive. Ce grief doit être rejeté. Au vu de la gravité et de la réitération des comportements pénalement réprimés du recourant, il n'est pas arbitraire de considérer qu'une "évolution plutôt favorable sur le plan psychique" ne permet pas encore de conclure à une diminution du risque significatif de récidive au point d'admettre que le recourant ne constitue plus une menace réelle et actuelle pour l'ordre public suisse au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus. 
 
Compte tenu de l'ensemble des circonstances, le Tribunal cantonal n'a pas violé l'art. 5 par. 1 annexe I ALCP en considérant que le recourant constituait une menace actuelle et réelle d'une certaine gravité pour l'ordre public suisse et en confirmant pour ce motif la révocation de son autorisation d'établissement. 
 
7.   
invoquant l'art. 8 par. 2 CEDH et l'art. 96 LEtr, le recourant conteste la proportionnalité de la révocation. 
 
7.1. Compte tenu de la durée de son séjour en Suisse, le recourant peut se prévaloir de son droit au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 CEDH (cf. arrêt 2C_105/2017 du 8 mai 2018 consid. 3.9, destiné à la publication).  
 
7.2. L'instance précédente a correctement exposé la jurisprudence relative au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 CEDH ainsi qu'aux ingérences possibles qui requièrent, pour être admissibles au regard de l'art. 8 par. 2 CEDH, la prise en compte de l'ensemble des circonstances ainsi que la mise en balance de l'intérêt privé à l'obtention ou au maintien d'un titre de séjour et de l'intérêt public à son refus ou à sa révocation (ATF 144 I 91 consid. 4.2 p. 96; 142 II 35 consid. 6.1 p. 47; 140 I 145 consid. 3.1 p. 147). Cette exigence de proportionnalité découle également de l'art. 96 LEtr invoqué par le recourant (qui est applicable au domaine régi par l'ALCP, cf. arrêt 2C_37/2017 du 8 février 2018 consid. 6.1 et la référence citée), dont l'examen se confond avec celui imposé par l'art. 8 par. 2 CEDH (cf. arrêt 2C_778/2017 du 12 juin 2018 consid. 7.4).  
 
7.3. L'instance précédente a exposé en détail la situation du recourant dans les considérants de l'arrêt attaqué auxquels il peut par conséquent être renvoyé (art. 109 al. 3 LTF). Elle a en effet dûment pris en considération la présence en Suisse du recourant depuis sa naissance, les relations qu'il a pu tisser durant cette longue période, la présence d'une partie de la famille au Portugal et sa maîtrise de la langue portugaise. Elle a mis en évidence tant le manque d'intégration professionnelle du recourant, qui n'a jamais terminé d'apprentissage et qui a dû interrompre le dernier d'entre eux en raison d'une nouvelle incarcération, que le fait que son patron était prêt à le réengager à sa libération. Elle a également pris en compte l'intensité des liens familiaux ainsi que la santé des parents du recourant, qui souffrent de fibromyalgie et ont besoin pour cette raison d'aide à domicile. A cet égard, elle a toutefois relevé, à juste titre, que le recourant avait été dans l'incapacité de leur apporter pareille aide pendant toute la durée de son incarcération, soit au moins de janvier 2015 à octobre 2016 et depuis janvier 2018, de sorte que sa présence à leurs côtés ne paraissait pas décisive.  
 
En jugeant, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, en particulier de la gravité des actes commis, de la réitération de ceux-ci ainsi que du risque de récidive, que l'intérêt public à éloigner le recourant de Suisse l'emportait sur son intérêt privé à y poursuivre son séjour, l'instance précédente n'a pas violé le droit fédéral. 
 
8.   
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, manifestement mal fondé, en application de la procédure simplifiée de l'art. 109 LTF. La requête d'effet suspensif est devenue sans objet. Le recours étant d'emblée dénué de chance de succès, la requête d'assistance judiciaire est rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires, réduits (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Département de l'économie, de l'innovation et du sport du canton de Vaud (DEIS) Secrétariat général, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, au Secrétariat d'Etat aux migrations ainsi qu'au Service de la population du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 3 décembre 2018 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
Le Greffier : Dubey