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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_222/2016  
   
   
 
 
 
Arrêt du 5 juillet 2017  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Karlen, Fonjallaz, Chaix et Kneubühler. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
Pierre Mauron, 
Sylvie Bonvin-Sansonnens, 
Steve Bonvin, 
Benoît Piller, 
Commune de Villars-sur-Glâne, repr. par son Conseil communal, case postale 176, 1752 Villars-sur-Glâne, 
recourants, 
 
contre  
 
Grand Conseil du canton de Fribourg, case postale, 1701 Fribourg. 
 
Objet 
art. 15a al. 2 LAT, droit cantonal d'application, 
 
recours contre la loi modifiant la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions, adoptée le 15 mars 2016 par le Grand Conseil du canton de Fribourg. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 15 mars 2016, le Grand Conseil du canton de Fribourg a adopté une loi modifiant la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATeC; RS/FR 710.1). Cette révision fait suite à celle de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700) du 15 juin 2012. Les nouvelles dispositions de la loi cantonale portent notamment sur le développement de l'urbanisation vers l'intérieur du milieu bâti (art. 10 let. c bis), les plans d'aménagement de détail-cadre (art. 63a et 64 al. 2), la taxe sur la plus-value (art. 113a-113h) ainsi que les nouvelles mises en zone d'activités (art. 45) et la gestion des zones à bâtir et spéciales (art. 46). L'art. 46 LATeC a la teneur suivante: 
 
Art. 46        Gestion des zones à bâtir et spéciales  
       a) Principes et droit d'emption légal 
1 Toute mise en zone à bâtir doit être conforme aux orientations retenues dans la planification directrice cantonale, supracommunale et communale. 
2 Si les terrains affectés à des zones d'activités d'importance cantonale reconnues par le plan directeur cantonal ne sont pas construits et utilisés conformément à leur affectation dans les dix ans suivant la date d'entrée en force de la décision d'approbation, l'Etat dispose d'un droit d'emption légal à la valeur vénale sur toute la surface concernée ou une partie de celle-ci, à l'exception des surfaces de réserve à la disposition d'entreprises en exploitation. Lorsque l'Etat souhaite faire usage de son droit, il rend une décision qui doit être fondée sur un intérêt public prépondérant. 
3 Si les terrains ne sont pas construits à l'échéance du délai de quinze ans dès l'entrée en vigueur de la décision d'approbation de leur classement, la commune réexamine l'opportunité de leur maintien en zone. 
 
Cette modification législative a été publiée officiellement le 15 avril 2016. 
 
B.   
Par acte du 13 mai 2016, Pierre Mauron, Sylvie Bonvin-Sansonnens, Steve Bonvin, Benoît Piller ainsi que la commune de Villars-sur-Glâne forment un recours en matière de droit public contre la loi du 15 mars 2016. Ils en demandent l'annulation, estimant que le nouvel article 46 al. 2 LATeC ne correspond pas aux exigences des art. 15 al. 4 let. b et d et 15a al. 2 LAT. 
Le Grand Conseil conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. L'Office fédéral du développement territorial considère que l'art. 46 al. 2 LATeC ne remplit pas suffisamment le mandat législatif posé par le droit fédéral, de sorte qu'en l'absence de mesures garantissant l'utilisation effective des zones à bâtir, le classement de nouveaux terrains risquerait de ne pas satisfaire aux conditions posées à l'art. 15 al. 4 let. b LAT. Le Grand Conseil a renoncé à prendre position sur ces déterminations, alors que les recourants ont confirmé les termes de leur recours, précisant qu'à défaut d'annulation de la loi attaquée, ils concluent à ce que le Tribunal fédéral renvoie la cause au Grand Conseil afin qu'il révise sa loi conformément à l'art. 15a al. 2 LAT
Le Tribunal fédéral a délibéré sur le présent recours en séance publique le 5 juillet 2017. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
En vertu de l'art. 82 let. b LTF, le recours en matière de droit public est ouvert contre les actes normatifs cantonaux. Selon l'art. 87 LTF, le recours est directement recevable lorsque, comme en l'espèce, l'acte attaqué ne peut faire l'objet d'un recours cantonal (al. 1). 
 
1.1. Selon l'art. 101 LTF, le recours doit être interjeté dans un délai de 30 jours à compter de la publication de la loi selon le droit cantonal. Lorsque l'acte est soumis au référendum facultatif - ce qui est le cas pour une loi fribourgeoise -, ce délai commence à courir avec la publication de la décision de promulgation, selon laquelle le délai référendaire est arrivé à son terme sans avoir été utilisé ou l'acte a été adopté en votation populaire (ATF 133 I 286 consid. 1 p. 288 et les arrêts cités). En l'espèce, le recours a été déposé dans les trente jours suivant la première publication de la loi. Le délai de recours est donc respecté, le délai référendaire ayant au demeurant expiré sans avoir été utilisé.  
 
1.2. L'acte attaqué consiste en une révision d'une loi cantonale. Selon les recourants, les solutions adoptées par le parlement cantonal seraient insuffisantes au regard des exigences de l'art. 15a al. 2 LAT. Les recourants ne soutiennent pas que cette insuffisance constituerait un déni de justice (attaquable aux conditions restrictives de l'art. 94 LTF) mais invoquent expressément la force dérogatoire du droit fédéral. Ils estiment en outre que sur un point (la non-attribution de compétence aux communes pour exercer le droit d'emption), la loi cantonale serait contraire à l'art. 15a al. 2 LAT. Les dispositions litigieuses attaquées sont dès lors sujettes à recours.  
 
1.3. Dans le cas d'un recours abstrait, la qualité pour recourir contre un acte normatif cantonal dépend, selon l'art. 89 al. 1 let. b et c LTF, d'une simple atteinte virtuelle; il suffit donc, avec un minimum de vraisemblance, que les recourants puissent être un jour touchés directement par l'acte normatif attaqué afin que ceux-ci soient à même d'agir (ATF 141 I 78 consid. 3.1 p. 81; 136 I 17 consid. 2.1 p. 21).  
 
1.3.1. Le recours est formé par des citoyens fribourgeois, certains députés au Grand Conseil. Trois recourants sont en outre propriétaires de terrains, en zone agricole ou en zone à bâtir. Certes, les dispositions législatives qu'ils attaquent ne s'appliquent qu'aux parcelles sises en zone d'activités d'importance cantonale, et aucun d'entre eux ne prétend détenir ou vouloir acquérir une telle parcelle. Toutefois, selon les recourants, en raison précisément de la limitation de son champ d'application, la disposition contestée dans le recours ne permettrait pas de garantir la disponibilité des terrains dans l'ensemble des zones à bâtir puisqu'elle serait impropre à prévenir une thésaurisation de ces biens. Si ce grief devait se révéler bien-fondé (ce qui est une question de fond), il pourrait en résulter une pénurie de terrains à bâtir et une augmentation des prix, ce qui pourrait les empêcher d'acquérir un tel bien. De ce point de vue, une atteinte virtuelle peut être envisagée.  
 
1.3.2. Le recours émane également de la commune de Villars-sur-Glâne. Celle-ci indique qu'elle est l'autorité chargée de la planification et que la disposition cantonale litigieuse ne lui permettrait pas de fixer des délais de construction et de déterminer les sanctions en cas de non-respect de ces délais. Elle se plaint également de ce que c'est le plan directeur cantonal, et non l'autorité communale, qui détermine les zones d'activité dont l'importance justifie l'application de l'art. 46 al. 2 LATeC.  
Une collectivité publique peut fonder son recours sur la disposition générale de l'art. 89 al. 1 LTF lorsqu'elle agit à l'instar d'une personne privée ou lorsqu'elle est touchée dans ses prérogatives de puissance publique et dispose d'un intérêt public propre digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'acte attaqué (cf. ATF 136 I 265 consid. 1.4 p. 268; 136 II 383 consid. 2.3 et 2.4 p. 386 s.). Tel est le cas lorsqu'un acte de puissance publique concerne des intérêts publics essentiels dans un domaine qui relève de la compétence de l'autorité (ATF 137 IV 269 consid. 1.4 p. 274; 136 II 383 consid. 2.4 p. 386; 136 V 346 consid. 3.3.2 p. 349; 135 II 12 consid. 1.2.2 p. 15 s.). 
Selon l'art. 2 al. 1 LAT, les compétences des communes en matière d'aménagement doivent être prises en compte dans l'accomplissement des tâches ayant un effet sur l'aménagement du territoire. En outre, l'art. 15a al. 1 LAT lui-même prévoit que les communes doivent pouvoir collaborer aux mesures visant à une utilisation conforme des zones à bâtir. En la privant par hypothèse - cette question relève du fond - des moyens de lutter contre une thésaurisation des parcelles constructibles situées sur son propre territoire, la disposition cantonale litigieuse entraverait la commune dans l'exercice des prérogatives dont elle dispose en matière d'aménagement du territoire. La commune de Villars-sur-Glâne a donc qualité pour agir. 
Il y a lieu dès lors d'entrer en matière. 
 
1.4. Les recourants concluent à l'annulation de l'ensemble de la modification législative attaquée. Ils ne s'en prennent toutefois, dans leur motivation, qu'à l'art. 46 al. 2 LATeC, jugé insuffisant pour réaliser le mandat législatif de l'art. 15a al. 2 LAT. Une admission du recours sur ce point ne pourrait tout au plus conduire qu'à l'annulation de cette disposition (cf. au surplus, consid. 4 ci-dessous), et le recours n'est dès lors recevable que dans cette mesure.  
 
2.   
Invoquant la force dérogatoire du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.), les recourants estiment que l'art. 46 al. 2 LATeC serait incompatible avec le mandat législatif découlant de l'art. 15a al. 2 LAT. Si cette disposition laisse aux cantons une certaine marge d'appréciation dans le choix des moyens à mettre en oeuvre, elle s'appliquerait en revanche à l'ensemble des zones à bâtir. L'interprétation littérale de la norme fédérale serait confirmée par l'interprétation logique, historique et téléologique. Dans la mesure où son champ d'application est limité aux "zones d'activités d'importance cantonale", la norme cantonale ne satisferait pas au mandat fédéral. Par ailleurs, l'autorité compétente pour imposer une autorisation de construire devrait être l'autorité de planification, soit, dans le canton de Fribourg, la commune. Or, la disposition cantonale n'accorderait la compétence qu'au Conseil d'Etat puisque c'est lui qui, par le biais du plan directeur cantonal, détermine les zones d'activités d'importance cantonale. Enfin, le délai pour construire, tel qu'il est déduit de l'art. 15a al. 2 LAT (soit 12 ans selon la doctrine), ne pourrait pas être respecté puisque le délai de dix ans pour exercer le droit d'emption devrait s'ajouter au délai nécessaire à la révision du plan directeur cantonal. Le canton de Fribourg ne disposerait dès lors pas d'une base légale suffisante pour imposer de manière générale l'obligation de bâtir voulue par le droit fédéral. Les autres possibilités prévues en droit cantonal seraient insuffisantes à cet égard, de sorte que le canton de Fribourg courrait le risque d'un refus d'approbation de son nouveau plan directeur cantonal. 
Le Grand Conseil relève que le mandat législatif de l'art. 15a LAT laisse une importante marge de manoeuvre aux cantons pour choisir les mesures appropriées. Le droit d'emption légal n'est qu'une possibilité, à utiliser en dernier recours. A Fribourg, les communes pourraient prévoir un droit d'emption au moyen de contrats de droit administratif, y compris lorsque l'affectation à la zone à bâtir est reconduite lors d'une révision du plan. La loi cantonale actuelle consacrerait suffisamment de moyens pour lutter contre la thésaurisation des terrains à bâtir. Le Grand Conseil cite à cet égard les art. 45 LATeC (retour automatique en zone inconstructible pour les zones d'activités ou spéciales lorsque le gros oe uvre n'est pas réalisé dans les cinq ans), 46 al. 2 et 3, 48 LATeC (conclusion de contrats de droit administratif), les dispositions instituant une taxe sur la plus-value (art. 113a ss LATeC), ainsi que l'art. 41 al. 4 de la loi cantonale sur les eaux (LCEaux; RS/FR 812.1) qui permet à la commune de percevoir une charge de préférence sur les immeubles raccordables et non construits. Il estime encore qu'une expropriation pour utilité publique (art. 2 de la loi cantonale sur l'expropriation - LEx/FR; RS/FR 76.1 et art. 116 LATeC) pourrait être prononcée par la commune. Le Grand Conseil relève aussi qu'aucune des dispositions de la LATeC n'est considérée en soi comme contraire au droit fédéral par les recourants, et que les dispositions transitoires de la LAT ne prévoient pas de délai pour l'introduction des mesures prévues à l'art. 15a LAT. L'insuffisance dénoncée par les recourants ne pourrait ainsi être sanctionnée que par une éventuelle constatation du Tribunal fédéral, ou lors de la procédure d'approbation du nouveau plan directeur par le Conseil fédéral. 
 
3.   
Adopté au cours de la révision partielle du 15 juin 2012 entrée en vigueur le 1er mai 2014, l'art. 15a LAT a la teneur suivante: 
Art. 15a Disponibilité des terrains constructibles 
 
 1 Les cantons prennent en collaboration avec les communes les mesures nécessaires pour que les zones à bâtir soient utilisées conformément à leur affectation, notamment en ordonnant des mesures d'amélioration foncières telles que le remembrement de terrains (art. 20). 
  
2 Le droit cantonal prévoit que, si l'intérêt public le justifie, l'autorité compétente peut imposer un délai à la construction et, en cas d'inexécution, ordonner les mesures prévues par le droit cantonal. 
Le législateur fédéral a ainsi donné aux cantons un mandat législatif. Dans les limites des griefs invoqués par les recourants, il s'agit dès lors de déterminer l'étendue des exigences impératives du droit fédéral et d'examiner si le législateur cantonal s'y est conformé. 
 Préliminairement, il y a lieu de relever que, contrairement aux dispositions sur la planification directrice et à la compensation de la plus-value (art. 38a LAT), les dispositions transitoires de la LAT ne prévoient pas expressément de délai particulier pour l'introduction de la réglementation cantonale sur l'obligation de construire. Toutefois, vu la rédaction de l'art. 15a al. 2 LAT ("le droit cantonal prévoit") et le fait qu'elle se trouve en lien étroit avec les autres dispositions ayant fait l'objet de la révision législative, il n'y a pas de raison de retenir un délai différent de ceux fixés à l'art. 38a al. 1 et 4 LAT, soit en principe cinq ans. La nouvelle planification directrice doit en effet définir la manière d'appliquer les principes de concentration et de densification, et les zones à bâtir doivent répondre aux exigences de l'art. 15 al. 4 LAT sur la disponibilité des terrains à bâtir, notion développée à l'art. 15a LAT. En outre, faute de mesures suffisantes, la planification directrice cantonale pourrait faire l'objet de réserves sur ce point, ce qui pourrait prolonger d'autant le moratoire instauré à l'art. 38a al. 3 LAT (AEMISEGGER/KISSLING, in AEMISEGGER/MOOR/RUCH/TSCHANNEN, Commentaire pratique LAT, n° 30 p. 381). 
 
3.1. Selon l'art. 15 LAT qui a trait à la zone à bâtir, celle-ci doit notamment être définie "de telle manière qu'elle[s] réponde[nt] aux besoins prévisibles pour les quinze années suivantes". Selon l'alinéa 4 de cette disposition, de nouveaux classements en zone à bâtir ne sont admissibles qu'aux conditions suivantes: les terrains seront probablement nécessaires à la construction dans les quinze prochaines années même si toutes les possibilités d'utilisation des zones à bâtir réservées ont été épuisées et ils seront équipés et construits à cette échéance (art. 15 al. 4 let. b); leur disponibilité est garantie sur le plan juridique (let. d). Avec cette révision de la LAT, le législateur fédéral a entendu renforcer la législation préexistante, jugée lacunaire, en établissant de manière précise les conditions permettant de classer des nouveaux terrains en zone à bâtir afin de mieux dimensionner ces zones. Si le nouvel art. 15 LAT a essentiellement codifié la jurisprudence et la pratique, il apporte certaines innovations telles que l'exigence de plans directeurs contenant les stratégies de répartition des zones à bâtir et le calcul supposé plus précis des surfaces en fonction des besoins (ATF 141 II 393 consid. 2 p. 395). S'agissant du délai de quinze ans (art. 15 al. 1 et al. 4 let. b LAT), celui-ci est repris de l'ancien droit. Toutefois, le législateur a assorti cet horizon de planification de règles précisant que la disponibilité des terrains à bâtir doit être garantie en fait (art. 15 al. 4 let. a LAT) et en droit (art. 15 al. 4 let. d LAT).  
L'art. 15a LAT développe le concept de disponibilité en établissant des normes à cet égard concernant les zones à bâtir. Le législateur a considéré qu'une délimitation adéquate de ces zones ne suffisait pas pour garantir une construction dans les quinze ans; de nombreux terrains demeuraient non construits à l'échéance du délai, soit parce que leurs caractéristiques (situation, découpage, état foncier, équipement) étaient peu favorables, mais aussi en raison d'une thésaurisation du terrain dans un but de conservation du patrimoine immobilier ou à des fins spéculatives. Cette thésaurisation accentuait la pression sur les terrains environnants et sur le territoire agricole et contribuait à l'extension des surfaces urbanisées, contrairement aux objectifs de concentration et de densification poursuivis par la loi (Message relatif à la révision partielle de la LAT du 20 janvier 2010, FF 2010 959 ss, 967, 984). 
 
3.2. L'art. 15a al. 1 LAT impose dès lors aux cantons de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les zones à bâtir soient utilisées conformément à leur affectation. Le choix des mesures est cependant laissé à l'appréciation des cantons, avec à titre d'exemple le remembrement parcellaire, seule d'entre elles expressément mentionnée. Il peut s'agir de mesures foncières, de la conclusion de contrats de droit administratif, d'une mise en zone conditionnée à une obligation de construire dans un certain délai, éventuellement assortie d'un droit d'emption ou d'un retour en zone non constructible (affectation limitée dans le temps) ou d'autres mesures de nature fiscale telles qu'une taxe d'incitation ou une imposition de la valeur vénale des parcelles non construites. La taxe sur la plus-value (art. 5 LAT) peut elle aussi être aménagée de manière à encourager la construction (échéance anticipée, taux progressif au fil du temps). Les communes peuvent encore pratiquer une politique foncière d'acquisition et de construction (sur l'ensemble de ces moyens, AEMISEGGER/KISSLING, op. cit., p. 385 ss).  
 
3.3. L'art. 15a al. 2 LAT contient quant à lui un mandat législatif impératif à l'intention des cantons.  
Ceux-ci doivent en effet adopter une base légale permettant à l'autorité compétente de fixer un délai pour construire sur un bien-fonds (DUBEY, De la libre disposition... à la disponibilité du sol: une analyse à la lumière du droit fédéral en projet, in: FOEX [éd.], Planification territoriale, Droit fédéral et spécificités cantonales, Genève 2013, p. 113 ss, 131; DUBEY, La garantie de la disponibilité du terrain à bâtir, in: ZUFFEREY/WALDMAN [éd.], Révision 2014 de la loi sur l'aménagement du territoire, Zurich 2015, p. 175 ss, 195). Le droit fédéral n'impose certes pas que le droit cantonal détermine la durée de ce délai; le Conseil fédéral considère toutefois que cela serait souhaitable (FF 2010 986). Pour que l'obligation de construire dans un certain délai soit compatible avec la garantie de la propriété, elle doit reposer sur un intérêt public suffisant, lequel peut découler en particulier d'une offre insuffisante de terrains à bâtir ou de la nécessité d'édifier en un endroit particulier (FF 2010 986). Le délai devrait être fixé par le droit cantonal en tenant compte des circonstances, en principe dans une fourchette de cinq à quinze ans (ibidem). La doctrine considère qu'un délai de douze ans devrait constituer la limite maximum dès lors que le bien-fonds doit en principe être effectivement construit à l'échéance du délai de quinze ans (AEMISEGGER/KISSLING, op. cit., n° 64 p. 400). 
Les cantons ont en outre l'obligation d'arrêter les sanctions du non- respect de l'obligation de construire dans le délai arrêté. Ils ont cependant le choix de celles-ci dans la mesure où, comme l'exprime le Conseil fédéral, elles apparaissent "appropriées pour que la construction puisse être imposée si nécessaire à l'échéance du délai" (FF 2010 986; DUBEY, La garantie de disponibilité, op. cit., p. 196; MUGGLI, Knappe Bauzonen - kommt jetzt die Baupflicht ? in: Schweizerische Baurechtstagung, Fribourg 2017, p. 107 ss, 113). Ces conséquences de l'inaction du propriétaire peuvent aller d'une mesure fiscale à un droit d'emption ou à une expropriation voire, lorsque cela paraît judicieux, à un déclassement d'une parcelle pour autant que sa situation s'y prête (par exemple s'il s'agit d'une parcelle en limite de zone constructible; AEMISEGGER/KISSLING, op. cit., n° 66 p. 401). L'autorité investie de l'application de cette mesure doit ainsi disposer d'un large pouvoir d'appréciation puisqu'il lui appartient d'évaluer si l'intérêt public en jeu est suffisant, de fixer le délai de construction et, le cas échéant, la sanction prévue (DUBEY, La garantie de disponibilité, op. cit., p. 203). 
De plus, le mandat impératif découlant de l'art. 15a al. 2 LAT s'applique à l'ensemble de la zone à bâtir. Le législateur n'a manifestement pas voulu restreindre l'obligation d'instaurer une obligation de bâtir à certaines zones particulières. Comme cela est relevé ci-dessus, l'autorité compétente doit disposer d'un pouvoir d'examen suffisant pour décider de cas en cas si une obligation de construire peut se justifier par un intérêt public suffisant; tel peut être le cas de zones d'activités particulières, telles celles visées à l'art. 46 al. 2 LATeC, mais également de nombreuses autres zones, en particulier celles destinées à l'habitation (FF 2010 984-985; AEMISEGGER/KISSLING, op. cit., n° 32 p. 384). 
Enfin, s'agissant de déterminer quelle autorité est compétente à l'intérieur du canton pour prendre ces décisions, les cantons sont libres de la désigner, même s'il serait opportun que cette tâche revienne à l'autorité compétente en matière d'aménagement du territoire, soit généralement les communes (FF 2010 986; AEMISEGGER/KISSLING, op. cit., n° 62 p. 399; DUBEY, La garantie de disponibilité, op. cit., p. 197). 
En résumé, les cantons doivent légiférer dans l'hypothèse de la non- construction de parcelles situées dans l'ensemble de la zone à bâtir. Ils ont en particulier l'obligation de prévoir la faculté pour l'autorité compétente d'impartir un délai au propriétaire qui s'abstiendrait de construire, sans cependant avoir de contrainte précise quant à la durée du délai à fixer. Ils doivent en outre arrêter des sanctions appropriées, soit effectives, en cas de non-construction dans le délai imparti. Le droit fédéral n'impose toutefois pas précisément les mesures à prendre. Il ne désigne pas non plus l'autorité compétente pour arrêter le délai précité et les sanctions, laissant le choix à cet égard aux cantons. 
 
3.4. En l'occurrence, l'art. 46 al. 2 LATeC prévoit en substance la faculté pour l'Etat d'exercer un droit d'emption en cas de non-construction dans les "zones d'activités d'importance cantonale telles que reconnues par le plan directeur cantonal". Cette disposition retient l'exercice du droit d'emption par l'Etat comme sanction à l'abstention de construction. Une telle sanction fait partie de celles que le législateur a considéré comme appropriées. La loi attaquée est à cet égard, en soi, conforme au droit supérieur. Par ailleurs, le grief des recourants selon lequel le droit fédéral imposerait la désignation de la commune - autorité de planification dans le canton de Fribourg - comme autorité compétente au sens de l'art. 15a al. 2 LAT doit être rejeté puisque le droit fédéral laisse aux cantons le soin de désigner ladite autorité (consid. 3.3 ci-dessus). Le Grand Conseil pouvait donc désigner l'Etat pour exercer le droit d'emption dans le canton de Fribourg. De ce point de vue également, les griefs des recourants doivent être écartés.  
 
3.5. En revanche, si la législation cantonale fribourgeoise permet à l'Etat d'exercer de manière unilatérale son droit d'emption, elle ne confère pas à l'autorité compétente le pouvoir d'exiger préalablement, par voie décisionnelle, qu'une construction soit réalisée dans un délai déterminé. Or, le droit fédéral impose une telle compétence. La disposition litigieuse est donc à cet égard lacunaire.  
S'agissant par ailleurs de son champ d'application dans l'espace, l'art. 46 al. 2 LATeC limite la sanction précitée aux "zones d'activités d'importance cantonale telles que reconnues par le plan directeur cantonal". Une telle limitation n'est pas conforme aux exigences du droit fédéral qui prévoit que la législation cantonale doit prévoir de sanctionner la non-construction dans l'ensemble de la zone à bâtir, sans permettre aux cantons de limiter ces contraintes à une partie des surfaces constructibles. Certes, le droit cantonal connaît d'autres moyens pour lutter contre la thésaurisation des terrains constructibles. Ils ne sont cependant pour les uns pas applicables à l'ensemble de la zone à bâtir. Pour les autres, leur efficacité n'est pas démontrée. Certains de ces moyens ont été adoptés lors de la révision contestée; il s'agit du retour en zone inconstructible (art. 45 al. 1 LATeC, applicable à la zone d'activités ou à la zone spéciale planifiée en dehors de la révision générale du plan d'aménagement local), d'un réexamen du maintien en zone à bâtir après un délai de quinze ans (art. 46 al. 3 LATeC). Le Grand Conseil mentionne également les dispositions relatives à la taxe sur la plus-value ou à la taxe de raccordement (art. 41 al. 4 LEaux), sans toutefois expliquer en quoi (échéance anticipée, taux progressif) consisterait leur caractère incitatif. Le Grand Conseil estime aussi qu'il ne serait "pas exclu" - ce qui n'est pas suffisant - que les communes puissent se fonder sur la loi cantonale sur l'expropriation pour acquérir un bien-fonds dont la construction serait essentielle pour le développement et représenterait ainsi un intérêt public suffisant. Enfin, il relève que, selon le droit déjà en vigueur (art. 48 LATeC), les communes peuvent conclure des contrats de droit administratif avec les propriétaires en prévoyant notamment une obligation de construire dans un délai déterminé. Il estime que cette possibilité pourrait se généraliser. Le texte de la disposition cantonale fait toutefois ressortir que la voie contractuelle n'est possible qu'à l'égard des terrains nouvellement mis en zone à bâtir. 
Ces moyens mentionnés par le Grand Conseil sont certes propres à assurer dans une certaine mesure le mandat général figurant à l'art. 15a al. 1 LAT. En revanche, ils ne correspondent pas aux exigences impératives de l'art. 15a al. 2 LAT
En résumé, le droit cantonal fribourgeois apparaît insuffisant sur deux points; il ne permet pas à l'autorité compétente de fixer formellement un délai de construction; il ne permet pas non plus à l'autorité compétente d'intervenir en ce sens sur l'ensemble de la zone à bâtir. 
 
3.6. Le fait que la disposition litigieuse soit insuffisante au regard du droit fédéral ne justifie toutefois pas son annulation. En effet, le Tribunal fédéral renonce à annuler une norme cantonale lorsqu'il s'agit d'éviter un vide juridique qui aurait, en définitive, des conséquences plus néfastes que l'application de la disposition litigieuse. Il peut se contenter dans ces cas d'une décision de constatation comportant un appel plus ou moins précis à l'égard du législateur afin qu'il élabore une réglementation conforme au droit supérieur. Une telle décision, dite incitative, a pour conséquence de maintenir l'acte vicié et de légitimer les autorités (à continuer) à appliquer, au moins temporairement, une norme reconnue comme n'étant pas conforme au droit supérieur jusqu'à ce que le législateur adopte une nouvelle réglementation (arrêts 2C_670/2008 du 27 novembre 2008 consid. 6.1; 2P.261/2003 du 25 octobre 2004 consid. 5.3).  
En l'occurrence, l'annulation de l'art. 46 al. 2 LATeC aurait pour conséquence de priver l'Etat d'un moyen qui, pour insuffisant qu'il soit au regard du droit fédéral, lui permettrait néanmoins d'exercer un droit d'emption dans certaines situations particulières. La disposition en question doit dès lors être maintenue, en attendant que législateur fribourgeois légifère conformément au mandat impératif de l'art. 15a al. 2 LAT. Compte tenu de la marge de manoeuvre qui est conférée aux cantons dans le cadre de ce mandat législatif, il n'appartient pas au Tribunal fédéral de se prononcer en détail sur la manière dont celui-ci devra être réalisé. Le parlement cantonal devra en tout cas, dans la refonte de la disposition litigieuse, instituer une compétence décisionnelle permettant à l'autorité compétente de fixer un délai de construction, et étendre la disposition (délai de construction et sanction) à l'ensemble des zones constructibles. Pour le surplus, il aura le choix parmi toutes les mesures disponibles (maintien du droit d'emption, expropriation, mesures fiscales, déclassement), pour autant que celles-ci apparaissent suffisamment efficaces pour garantir une construction à l'échéance du délai (consid. 3.3 ci-dessus). 
 
3.7. Au surplus, les dispositions révisées de la LAT (art. 6, 8, 8a et 38a al. 1) renforcent le plan directeur cantonal en tant qu'instrument central de coordination et de pilotage aux mains des cantons. Le développement de l'urbanisation doit être maîtrisé par un recours accru à cet instrument (FF 2010 966). Selon l'art. 8 al. 1 let. c LAT, les plans directeurs cantonaux doivent ainsi comporter une liste de priorités et les moyens à mettre en oeuvre. Dans le domaine de l'urbanisation, le plan directeur cantonal doit notamment indiquer la manière de concentrer le développement d'une urbanisation de qualité à l'intérieur du milieu bâti, et d'assurer la conformité des zones à bâtir aux conditions de l'art. 15 LAT (art. 8a al. 1 let. c et d LAT (FF 2010 980). La conformité de ces zones doit également être assurée dans les faits et les cantons doivent donner, dans leur plan directeur, les mandats permettant de construire et de densifier, de manière efficace et en économisant le sol, les zones à bâtir existantes ou nouvellement créées (art. 5a al. 3 let. b de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire [OAT; RS 700.1]). Les mesures destinées à garantir la disponibilité des terrains constructibles (art. 15a LAT), en particulier les dispositions sur l'obligation de construire, doivent donc également figurer dans le plan directeur.  
Une simple mention de ces mesures dans la planification directrice serait toutefois insuffisante pour réaliser le mandat législatif de l'art. 15a al. 2 LAT. Selon l'art. 9 al. 1 LAT, le plan directeur n'a en effet de force obligatoire que pour les autorités; il ne produit aucun effet direct contraignant à l'égard des personnes physiques et morales et ne peut avoir pour effet de modifier la réglementation en vigueur (arrêt 1C_423/2016 du 3 avril 2017 destiné à la publication, consid. 4) La seule mention dans le plan directeur des mesures destinées à favoriser l'obligation de construire ne saurait dès lors dispenser le législateur d'adopter les mesures adéquates. 
Selon l'art. 11 al. 1 LAT, les plans directeurs cantonaux doivent être approuvés par le Conseil fédéral; ils doivent pour cela être conformes aux principes de la LAT. En cas d'inaction du législateur ou d'insuffisance des mesures adoptées, le Conseil fédéral pourrait donc être amené à n'approuver que sous conditions, voire à refuser l'approbation du nouveau plan directeur cantonal, avec les conséquences prévues à l'art. 38a al. 3 LAT
 
4.   
Le Tribunal fédéral doit ainsi constater que l'art. 46 LATeC (compte tenu de l'ensemble des autres mesures actuellement prévues par le droit cantonal) ne satisfait pas aux exigences de l'art. 15a LAT. Le recours doit être admis dans ce sens, et rejeté pour le surplus dès lors que les dispositions attaquées ne sont pas annulées. Les recourants agissent en personne, y compris Pierre Mauron, avocat, qui n'agit pas au nom des autres recourants. Il n'y a donc pas lieu d'allouer des dépens, les recourants ne l'ayant au demeurant pas demandé. L'issue du recours (admission partielle) justifie par ailleurs de mettre à la charge des recourants des frais judiciaires réduits (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
  
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
 
1.   
Le recours est admis partiellement en ce sens qu'il est constaté que l'art. 46 LATeC ne satisfait pas aux exigences de l'art. 15a LAT. Le recours est rejeté pour le surplus, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge des recourants. 
 
3.   
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux recourants, au Grand Conseil du canton de Fribourg et à l'Office fédéral du développement territorial. 
 
 
Lausanne, le 5 juillet 2017 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
Le Greffier : Kurz