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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_156/2024  
 
 
Arrêt du 6 août 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Maillard et Métral. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par M e Stefano Fabbro, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Unia Caisse de chômage, 
p.a. CDC-Centre de compétences Romand, place Chauderon 5, 1003 Lausanne, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-chômage (condition de recevabilité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 8 février 2024 (CDP.2023.41). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 5 octobre 2022, A.________ (ci-après aussi: l'assuré), né en 1991, a adressé une demande d'indemnité journalière à la caisse de chômage Unia (ci-après: la caisse). Par décision du 25 octobre 2022, confirmée sur opposition le 6 janvier 2023, la caisse a refusé le droit de l'assuré à l'indemnité de chômage, motif pris qu'il n'avait pas cotisé pendant 12 mois durant le délai-cadre de cotisation du 6 octobre 2020 au 5 octobre 2022. 
 
B.  
Le 7 février 2023, l'assuré a déféré la décision sur opposition susmentionnée à la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, en concluant principalement à sa réforme, en ce sens que l'indemnité de chômage lui soit octroyée dès le 6 octobre 2022, et subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause à la caisse pour nouvelle décision. 
Par arrêt du 8 février 2024, la cour cantonale a déclaré le recours irrecevable pour cause de tardiveté. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre l'arrêt cantonal, en concluant à son annulation et au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
L'intimée, la cour cantonale et le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le respect du délai de recours devant le tribunal cantonal, plus singulièrement sur le point de départ de ce délai.  
 
2.2. Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, fonde son raisonnement juridique sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); à défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut pas être pris en compte (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2; 135 II 313 consid. 5.2.2).  
 
3.  
 
3.1. Selon l'art. 60 al. 1 LPGA (RS 830.1), le recours doit être déposé dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours. L'art. 38 al. 1 LPGA, applicable par analogie en vertu de l'art. 60 al. 2 LPGA, dispose que si le délai, compté par jours ou par mois, doit être communiqué aux parties, il commence à courir le lendemain de la communication.  
 
3.2. En droit des assurances sociales, il n'existe pas de disposition légale obligeant les assureurs sociaux à notifier leurs décisions selon un mode particulier. Dès lors, la jurisprudence admet que les assureurs sont libres de décider de la manière dont ils souhaitent notifier leurs décisions. Ils peuvent en particulier choisir de les envoyer par courrier A Plus. Rien ne les empêche non plus d'envoyer leurs décisions un vendredi (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1; arrêt 8C_124/2019 du 23 avril 2019 consid. 6.3 et l'arrêt cité). Selon le mode d'expédition A Plus, la lettre est numérotée et envoyée par courrier A de la même manière qu'une lettre recommandée. Toutefois, contrairement au courrier recommandé, le destinataire n'a pas à en accuser réception. En cas d'absence, celui-ci ne reçoit donc pas d'invitation à retirer le pli. La livraison est néanmoins enregistrée électroniquement au moment du dépôt de l'envoi dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire. Grâce au système électronique "Track & Trace" de La Poste, il est ainsi possible de suivre l'envoi jusqu'à la zone de réception du destinataire (ATF 142 III 599 précité consid. 2.2; arrêts 9C_734/2023 du 21 février 2024 consid. 3.3.1; 8C_124/2019 précité consid. 8.2.1).  
Le délai de recours est le même pour toutes les formes de notification. Il commence à courir lorsque l'envoi entre dans la sphère de puissance du destinataire et que ce dernier peut prendre connaissance du contenu de l'envoi. En présence d'un courrier sans signature (A Plus comme A), c'est le cas au moment du dépôt dans la boîte aux lettres ou la case postale. Si l'envoi est distribué un samedi, le délai de recours commence à courir le dimanche (arrêts 2C_117/2024 du 13 juin 2024 consid. 6.1; 8C_124/2019 précité consid. 8.2.2). Si une erreur de distribution ne peut pas d'emblée être exclue, elle ne doit cependant être retenue que si elle paraît plausible au vu des circonstances. L'exposé des faits par le destinataire qui se prévaut d'une erreur de distribution, et dont on peut partir du principe qu'il est de bonne foi, doit être clair et présenter une certaine vraisemblance (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1). 
 
4.  
En l'espèce, les juges cantonaux ont constaté que selon le suivi "Track & Trace", la décision sur opposition du 6 janvier 2023 avait été envoyée le jour même, par courrier A Plus, et déposée dans la case postale du mandataire du recourant le samedi 7 janvier 2023 à 6h25. Le délai de recours de 30 jours avait donc débuté le dimanche 8 janvier 2023 - même si ce mandataire avait pris véritablement connaissance de la décision le lundi 9 janvier 2023 - et expiré le lundi 6 février 2023. Par conséquent, le recours envoyé le mardi 7 février 2023 était tardif. L'instance précédente a précisé qu'aucun élément ne permettait de supposer une erreur dans la notification par la voie postale, de sorte que l'on pouvait retenir les dates mentionnées sur le système électronique de La Poste. 
 
5.  
 
5.1. Le recourant critique la jurisprudence en matière de notification par courrier A Plus. Il soutient qu'elle créerait une insécurité juridique et que les erreurs commises par La Poste lors de la notification ne seraient pas rares. L'extrait "Track & Trace" ne prouverait pas qu'un envoi est effectivement parvenu dans la zone de réception du destinataire. En outre, un courrier A Plus pourrait être déposé dans la case postale même pendant les jours fériés, ce qui pourrait priver l'administré des 30 jours à sa disposition pour recourir. Ce mode d'envoi, qui relèverait de la pure convenance de l'administration et répondrait à des impératifs financiers, serait contraire au principe de la bonne foi car l'administré en subirait de graves désavantages. Le recourant relève que le Conseil fédéral a ouvert la consultation sur un avant-projet mettant en oeuvre la motion 22.3381 "De l'harmonisation de la computation des délais" de la Commission des affaires juridiques du Conseil national; il ressort du rapport explicatif du Conseil fédéral que celui-ci propose une nouvelle règle, applicable à l'ensemble du droit fédéral, selon laquelle les communications remises le week-end seront réputées notifiées le premier jour ouvrable qui suit. Le recourant ajoute que la révision du CPC prévoirait la même fiction de notification et que d'autres lois excluent la notification par courrier A Plus. Pour toutes ces raisons, les conditions d'un changement de jurisprudence seraient données, avec comme conséquence qu'en l'espèce, la décision sur opposition du 6 février 2023 devrait être réputée avoir été notifiée le lundi 9 février 2023. Le délai de 30 jours pour recourir aurait ainsi été respecté.  
 
5.2. Le recourant ne conteste pas que la décision sur opposition de l'intimée lui a été remise - par l'intermédiaire de son mandataire - le samedi 7 janvier 2023. Il ne soutient notamment pas que cette décision ne lui aurait été distribuée que le lundi suivant en raison d'une erreur de La Poste. Comme les premiers juges l'ont souligné à juste titre, la date de distribution du courrier A Plus contenant la décision sur opposition était aisément déterminable, de surcroît pour un avocat, grâce au numéro d'envoi apposé sur l'enveloppe. La date de notification de la décision sur opposition du 6 janvier 2023 ne prêtait donc pas à confusion. Dans ces conditions, il n'y a aucune raison de s'écarter de la jurisprudence en matière de notification par courrier A Plus - qui doit être connue de tout mandataire professionnel - et de déplacer le dies a quo du délai de recours au lundi 9 janvier 2023. On ne voit pas non plus que les modifications légales envisagées par le législateur puissent motiver un changement de cette récente jurisprudence (s'agissant des conditions d'un changement de jurisprudence, cf. ATF 146 IV 126 consid. 3; 144 IV 265 consid. 2.2; 143 IV 1 consid. 5.2). En l'état, force est de constater qu'à l'inverse d'autres normes (cf. par exemple les art. 85 al. 2 CPP et art. 34 al. 1 LP), aucune disposition légale n'oblige les assureurs sociaux à notifier leurs décisions par lettre recommandée ou par tout autre procédé impliquant un accusé de réception. Un changement de jurisprudence ne peut pas non plus servir à pallier l'inattention ou l'erreur d'une partie. Il s'ensuit que le recours, mal fondé, doit être rejeté.  
 
6.  
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel et au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO). 
 
 
Lucerne, le 6 août 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny