Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_338/2024
Arrêt du 10 mars 2025
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux Bovey, Président,
Herrmann et Hartmann.
Greffière : Mme Feinberg.
Participants à la procédure
B.________,
représentée par Me Franck-Olivier Karlen, avocat,
recourante,
contre
C.________,
représenté par Me Violette Emery Borgeaud, avocate,
intimé.
Objet
mesures protectrices de l'union conjugale,
recours contre l'arrêt de la I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, du 1er mai 2024 (101 2024 69 & 70).
Faits :
A.
B.________ (1980) et C.________ (1982) se sont mariés en 2019. Deux enfants sont issues de leur union: D.________ (2017) et E.________ (2019).
B.
Par décision de mesures protectrices de l'union conjugale du 9 février 2024, la Présidente du Tribunal civil de la Broye a notamment autorisé les époux à vivre séparés pour une durée indéterminée, pris acte qu'ils vivaient ainsi depuis le 19 juillet 2023, attribué la jouissance du logement conjugal à l'époux dès le 1er mars 2024, à charge pour lui d'en assumer toutes les charges, imparti un délai au 29 février 2024 à l'épouse pour se constituer un nouveau domicile dans la région, instauré une garde alternée sur les deux enfants dès le 1er mars 2024, arrêté les modalités de celle-ci et fixé le domicile administratif des enfants chez leur père. Aucune contribution d'entretien n'a été mise à la charge de celui-ci pour la période allant du 19 juillet 2023 au 29 février 2024, le coût d'entretien des enfants étant couvert par la mère. Il était en outre prévu que dès le 1er mars 2024, chaque parent prenne en charge les coûts de logement, de nourriture et de première nécessité (minimum vital) des enfants lorsque celles-ci se trouvaient à son domicile. La mère devait en sus s'acquitter des primes d'assurance-maladie des enfants ainsi que de leurs frais de garde, tout en conservant les allocations familiales, et verser en mains du père une pension mensuelle de 550 fr. pour D.________ et de 1'620 fr. pour E.________, les frais extraordinaires des enfants étant répartis par moitié entre les parties, pour autant qu'ils soient nécessaires ou résultent d'un accord préalable entre les parents. L'épouse a été astreinte à contribuer à l'entretien de son conjoint par le versement d'une pension mensuelle de 400 fr. du 19 juillet 2023 au 29 février 2024, puis de 300 fr. dès le 1er mars 2024. Une curatelle éducative et de surveillance des relations personnelles a également été instaurée en faveur des enfants.
Par arrêt du 1er mai 2024, la I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg a rejeté l'appel de l'épouse dans la mesure de sa recevabilité; elle a modifié d'office le dispositif de la décision attaquée en ce sens que le logement conjugal était attribué au mari à compter du 1er juillet 2024 - l'épouse se voyant fixer un délai au 30 juin 2024 pour quitter la maison familiale et se constituer un nouveau domicile dans la région -, que le début de la garde alternée était fixé au 1er juillet 2024, les contributions d'entretien en faveur des enfants telles que fixées en première instance étant dues dès cette date et la période du 1er mars au 30 juin 2024 faisant l'objet d'une réglementation spécifique. La pension mensuelle en faveur de l'époux a été fixée à 400 fr. du 19 juillet 2023 au 29 février 2024, 500 fr. du 1er mars 2024 au 30 juin 2024 et 300 fr. dès le 1er juillet 2024.
C.
Par acte du 29 mai 2024, l'épouse exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle conclut, à titre de mesure d'instruction, à ce qu'il soit procédé à l'audition des enfants et à ce que la mise en oeuvre par le Service de la jeunesse et de l'enfance (ci-après: le SEJ) d'une enquête sociale familiale soit ordonnée. A titre principal, elle conclut à ce qu'il soit pris acte que les parties vivent séparées depuis le 15 juin 2023, à ce que la jouissance du domicile conjugal lui soit attribuée, à ce que la garde sur les enfants lui soit confiée, les filles étant domiciliées chez elle, à ce que le père dispose d'un libre et large droit de visite d'entente avec la mère ou, à défaut, un week-end sur deux, du vendredi 18h00 au dimanche 18h00, la moitié des vacances scolaires et la moitié des jours fériés, et à ce que le père contribue à l'entretien de ses enfants par le versement d'une contribution mensuelle d'entretien en faveur de chacune d'elles de 1'230 fr., allocations familiales non comprises. Par courrier du 29 juillet 2024, la recourante a produit une pièce supplémentaire, à savoir un courrier du SEJ du 26 juillet 2024.
Invité à se déterminer sur le recours, l'intimé a conclu à son rejet dans la mesure de sa recevabilité et a également requis le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. La juridiction précédente a quant à elle indiqué n'avoir pas d'observations à formuler.
Par écriture du 3 janvier 2025, la recourante a confirmé ses conclusions et requis une mesure d'instruction supplémentaire, à savoir la production par le SEJ d'un rapport complet concernant la situation des enfants, en particulier sur la question des liens père-filles et de l'exercice du droit de visite de l'intimé.
Par acte du 20 janvier 2025, l'intimé a conclu à l'irrecevabilité des éléments nouveaux présentés par la recourante dans ses déterminations.
D.
Par ordonnance présidentielle du 26 juin 2024, l'effet suspensif a été accordé au recours s'agissant de l'instauration de la garde alternée et de l'attribution du domicile conjugal.
Considérant en droit :
1.
Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF) par une personne qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou la modification de la décision attaquée ( art. 76 al. 1 let. a et b LTF ), le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur recours par une autorité supérieure statuant en dernière instance cantonale ( art. 75 al. 1 et 2 LTF ), dans une affaire matrimoniale (art. 72 al. 1 LTF) de nature non pécuniaire dans son ensemble (arrêt 5A_596/2024 du 16 décembre 2024 consid. 1). Le recours est donc en principe recevable, étant au surplus précisé que, contrairement à ce que soutient l'intimé, il ne peut nullement être qualifié d'illisible et prolixe (cf. art. 42 al. 6 LTF).
2.
2.1. Comme l'arrêt entrepris porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 149 III 81 consid. 1.3; 134 III 667 consid. 1.1; 133 III 393 consid. 5, 585 consid. 3.3), la partie recourante ne peut dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés (" principe d'allégation "; art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 150 II 346 consid. 1.5.3; 146 III 303 consid. 2; 144 II 313 consid. 5.1). Le recourant qui se plaint de la violation d'un droit fondamental ne peut donc se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer ses allégations par une argumentation précise (ATF 134 II 349 consid. 3). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 146 IV 114 consid. 2.1).
En particulier, une décision ne peut être qualifiée d'arbitraire (art. 9 Cst.) que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 148 III 95 consid. 4.1; 147 I 241 consid. 6.2.1; 144 I 113 consid. 7.1).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, le recourant qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ne peut obtenir la rectification ou le complètement des constatations de fait de l'arrêt cantonal que s'il démontre la violation de droits constitutionnels, conformément au principe d'allégation susmentionné (cf. supra consid. 2.1). Il ne peut se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3 et les références).
2.3. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF; sur cette exception - non remplie en l'espèce -, cf. ATF 148 V 174 consid. 2.2; 143 V 19 consid. 1.2). Il ne sera par conséquent pas tenu compte des divers " témoignages écrits " ni du courrier du SEJ du 26 juillet 2024 concernant les modalités du droit de visite du père produits par la recourante à l'appui de son recours. Il en va de même de l'ordonnance pénale de non-entrée en matière du 26 novembre 2024, que l'intimé a jointe à sa réponse.
2.4. La recourante requiert l'administration de diverses preuves (audition des enfants, mise en oeuvre d'une enquête sociale familiale, production par le SEJ d'un rapport complet concernant la situation des enfants). Or, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (cf. supra consid. 2.2) et n'ordonne des mesures probatoires que de manière exceptionnelle (art. 55 LTF; ATF 136 II 101 consid. 2; arrêt 5A_850/2024 du 8 janvier 2025 consid. 6.2.1). La recourante n'invoquant pas d'éléments justifiant de telles mesures exceptionnelles d'instruction devant la Cour de céans, il n'y a pas lieu de donner suite à sa requête.
3.
Dans son recours, l'épouse conclut à ce qu'il soit constaté que la date de séparation des parties est le 15 juin 2023, et non le 19 juillet 2023 comme retenu par l'autorité de première instance et confirmé par la cour cantonale. Faute de toute motivation en lien avec cette conclusion (cf. supra consid. 2.1 et 2.2), celle-ci est d'emblée irrecevable.
4.
4.1. La recourante émet divers griefs en lien avec la garde des enfants. Elle reproche à la cour cantonale d'avoir arbitrairement appliqué les art. 296 et 298 s. CPC, d'avoir porté atteinte à son droit à la preuve (art. 29 al. 2 Cst.), d'avoir violé " de manière crasse " l'art. 12 de la Conventio n relative aux droits de l'enfant (CDE; RS 0.107) a insi que les art. 13 Cst. et 8 CEDH et d'avoir appliqué de manière insoutenable l'art. 176 al. 3 CC de même que " le droit et la jurisprudence en matière de garde alternée ".
4.2. L'intimé soutient quant à lui, en substance, que l'arrêt cantonal est " parfaitement justifié ", la recourante se contentant d'appréciations personnelles et de critiques de nature appellatoire pour " à tout prix avoir le dernier mot ", au mépris de l'intérêt supérieur des enfants.
4.3. La juridiction précédente a retenu que si la recourante avait certes été le parent de référence des filles durant leurs premières années de vie, en particulier lorsqu'elles vivaient toutes les trois en Afrique du Sud alors que l'intimé travaillait au Mozambique, cette situation avait évolué au plus tard lorsque la famille s'était installée en Suisse en septembre 2022. Dès ce moment, le père était à tout le moins aussi impliqué que son épouse dans la prise en charge des enfants, dont il s'occupait en tout cas durant la journée et pour lesquelles il représentait, tout autant que leur mère, une personne de référence. Quant à l'éloignement du père de ses filles depuis la séparation, il ne semblait pas devoir être imputé à un manque de volonté ou d'intérêt de sa part, mais résultait de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, en particulier de l'absence de domicile fixe de l'époux, du fait qu'il n'avait pas d'endroit où accueillir ses filles en Suisse, des difficultés organisationnelles - amplifiées par l'évolution du conflit parental - survenant d'un côté comme de l'autre lorsqu'il s'agissait d'organiser un droit de visite au Luxembourg ou encore des contraintes - en termes d'horaire notamment - qu'impliquaient des échanges par téléphone. Le père avait néanmoins vu ses filles à plusieurs reprises depuis la séparation et les parties s'accordaient à dire que ces rencontres se passaient bien. L'impact que l'éloignement des derniers mois avait pu avoir sur les relations père-filles devait quant à lui être relativisé, compte tenu notamment du caractère plutôt récent de la séparation, du fait que les liens n'avaient jamais été totalement rompus et des vraisemblables facultés d'adaptation des enfants au vu de leur jeune âge, y compris s'agissant de leurs aptitudes linguistiques.
Concernant les capacités éducatives du père, aucun élément concret permettant de penser que l'état psychique de celui-ci était incompatible avec la prise en charge de ses filles ne ressortait du dossier ni n'était avancé par l'épouse, ce d'autant plus que l'époux - conscient de ses difficultés - bénéficiait d'un suivi thérapeutique - et médicamenteux lorsque cela était nécessaire - adéquat. L'argument de l'épouse concernant le parcours de vie de son époux et ses difficultés à acquérir une stabilité était quant à lui sans consistance, voire relevait de l'abus de droit, dans le contexte d'une famille qui avait déménagé à cinq reprises, dans cinq pays différents, en l'espace de quatre ans. Le manque d'intégration et les lacunes de connaissances en matière administrative, scolaire ou médicale que la recourante reprochait à son époux devaient être relativisés par la courte durée pendant laquelle l'intimé avait vécu en Suisse, où il avait disposé d'un domicile fixe de septembre 2022 à juillet 2023 seulement.
S'agissant de la communication entre les parties, la juridiction précédente a estimé que l'autorité de première instance avait retenu à juste titre que, malgré un conflit parental important, les époux parvenaient à communiquer, au moins par courriels, ce qui laissait présager leur capacité de mettre la priorité sur leurs enfants plutôt que sur leurs difficultés personnelles. Par ailleurs, l'issue de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale et des procédures pénales opposant les parties permettait d'espérer un apaisement de la situation, tout comme la curatelle de surveillance des relations personnelles instaurée par la première juge et le fait que les époux n'auraient plus à organiser des rencontres père-filles entre la Suisse et le Luxembourg.
Concernant le logement familial, la juridiction précédente a considéré que son attribution au père permettait la mise en place d'une garde alternée dont les conditions étaient remplies et qui était la meilleure solution pour les enfants, mais qui ne pouvait être instaurée dans un contexte d'incertitude quant à la possibilité du père de trouver un logement adéquat dans la région, respectivement au délai dans lequel il pouvait y parvenir compte tenu de sa situation personnelle, en particulier de son absence d'ancrage en Suisse. L'attribution du logement à celui-ci permettait ainsi d'assurer la praticabilité du mode de garde le plus conforme au bien des enfants. Enfin, le changement que le déménagement de leur mère et le retour de leur père au domicile familial impliqueraient pour les enfants devait être relativisé par le fait que de telles modifications étaient inhérentes à toute situation de séparation. Les enfants avaient en l'occurrence déjà assisté au départ de leur père en juillet 2023 et paraissaient s'y être acclimatées relativement facilement, aucune difficulté d'ordre psychique particulière n'étant rapportée les concernant. Sous l'angle du bien-être des enfants, l'attribution du logement au père avait en outre l'avantage de permettre aux filles de rétablir le lien avec celui-ci, dont elles avaient été quelque peu éloignées durant les derniers mois, dans un cadre qui leur était familier à tous les trois. Le délai d'environ deux semaines laissé par la première juge à la recourante pour trouver un appartement de 4,5 pièces pour un loyer n'excédant pas 1'900 fr. dans la région de U.________ étant difficile à tenir, il convenait de fixer à la mère un nouveau délai au 30 juin 2024 pour quitter la maison familiale et se constituer un nouveau logement, la garde alternée pouvant être mise en oeuvre dès le 1er juillet 2024.
4.4.
4.4.1. En l'espèce, la recourante ne prétend pas, ni a fortiori ne démontre, que les dispositions constitutionnelles et conventionnelles qu'elle cite à l'appui de son argumentation auraient une portée propre dans le présent contexte (cf. arrêt 5A_784/2023 du 20 février 2024consid. 2.2.2), de sorte que l'on peut se limiter à examiner ses critiques sous l'angle du droit fédéral dont elle dénonce également l'application arbitraire (cf. arrêts 5A_495/2024 du 20 décembre 2024consid. 4.1; 5A_778/2021 du 8 juillet 2022 consid. 4.1 et les références), étant au demeurant rappelé que les art. 8 CEDH et 13 Cst. ont une portée identique (ATF 138 I 331 consid. 8.3.2 et les références; arrêt 2C_756/2022 du 14 décembre 2022 consid. 5.1), singulièrement dans le domaine de la garde et du droit de visite (arrêts 5A_495/2024 précité consid. 4.1; 5A_268/2023 du 19 septembre 2023 consid. 3.3 et les références), et que l'art. 12 CDE ne consacre pas de prérogatives plus larges que celles résultant du droit fédéral (arrêt 5A_869/2013 du 24 mars 2014 consid. 2.1.1).
4.4.2. En vertu de l'art. 176 al. 3 CC, relatif à l'organisation de la vie séparée, lorsque les époux ont des enfants mineurs, le juge ordonne les mesures nécessaires d'après les dispositions sur les effets de la filiation (cf. art. 273 ss CC). Lorsque l'autorité parentale est exercée conjointement, la possibilité d'une garde alternée est examinée si le père, la mère ou l'enfant le demande (art. 298 al. 2ter CC).
Le juge doit alors évaluer, sur la base de la situation de fait actuelle, ainsi que de celle qui prévalait avant la séparation des parties, si l'instauration d'une garde alternée est effectivement à même de préserver le bien de l'enfant, nonobstant et indépendamment de l'accord des parents à cet égard (ATF 142 III 612 consid. 4.2, 617 consid. 3.2.3). En matière d'attribution des droits parentaux, le bien de l'enfant constitue en effet la règle fondamentale (ATF 150 III 97 consid. 4.3.2; 141 III 328 consid. 5.4), les intérêts des parents devant être relégués au second plan (ATF 142 III 617 consid. 3.2.3 et la référence).
Au nombre des critères essentiels pour cet examen, entrent en ligne de compte les capacités éducatives des parents, lesquelles doivent être données chez chacun d'eux pour pouvoir envisager l'instauration d'une garde alternée, ainsi que l'existence d'une bonne capacité et volonté de ceux-ci de communiquer et coopérer, compte tenu des mesures organisationnelles et de la transmission régulière d'informations que nécessite ce mode de garde (ATF 142 III 612 consid. 4.3, 617 consid. 3.2.3). Il faut choisir la solution qui, au regard des données de l'espèce, est la mieux à même d'assurer à l'enfant la stabilité des relations nécessaires à un développement harmonieux des points de vue affectif, psychique, moral et intellectuel.
Si les parents disposent tous deux de capacités éducatives, le juge doit dans un second temps évaluer les autres critères d'appréciation pertinents pour l'attribution de la garde. Il doit ainsi tenir compte de la situation géographique et de la distance séparant les logements des deux parents, de la stabilité que peut apporter à l'enfant le maintien de la situation antérieure, de la possibilité pour chaque parent de s'occuper personnellement de l'enfant, de l'âge de celui-ci et de son appartenance à une fratrie ou à un cercle social ainsi que du souhait de l'enfant s'agissant de sa propre prise en charge, quand bien même il ne disposerait pas de la capacité de discernement à ce propos (ATF 142 III 612 consid. 4.3, 617 consid. 3.2.3). Si le juge ne peut se contenter d'attribuer l'enfant au parent qui en a eu la garde pendant la procédure, ce critère jouit d'un poids particulier lorsque les capacités d'éducation et de soins des parents sont similaires (ATF 136 I 178 consid. 5.3; 115 II 206 consid. 4a; arrêt 5A_808/2022 du 12 juin 2023 consid. 4.1.1 et les références).
Si l'autorité compétente arrive à la conclusion qu'une garde alternée n'est pas dans l'intérêt de l'enfant, elle devra alors déterminer auquel des deux parents elle attribue la garde en tenant compte, pour l'essentiel, des mêmes critères d'évaluation et en appréciant, en sus, la capacité de chaque parent à favoriser les contacts entre l'enfant et l'autre parent (ATF 142 III 617 consid. 3.2.4; arrêts 5A_495/2024 précité consid. 4.2; 5A_49/2023 du 21 novembre 2023 consid. 3.1.1).
Pour apprécier ces critères, le juge du fait, qui connaît le mieux les parties et le milieu dans lequel vit l'enfant, dispose d'un large pouvoir d'appréciation (art. 4 CC; ATF 147 III 209 consid. 5.3 [droit aux relations personnelles]; 142 III 617 consid. 3.2.5 et les références), que le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec retenue. Il n'intervient que si la décision a été prise sur la base de circonstances qui ne jouent aucun rôle selon l'esprit de la loi: tel est le cas si le juge écarte, sans aucun motif, des critères essentiels pour la décision ou si, à l'inverse, il se fonde sur des éléments dépourvus d'importance au regard du bien de l'enfant ou contrevenant aux principes du droit fédéral (ATF 147 III 209 consid. 5.3; 120 II 229 consid. 4a; arrêt 5A_74/2024 du 16 janvier 2025 consid. 8.2.4). Le Tribunal fédéral sanctionne en outre les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 147 III 393 consid. 6.1.8; 142 III 612 consid. 4.5; 137 III 303 consid. 2.1.1 et la référence).
4.5.
4.5.1. En l'espèce, il convient tout d'abord de rappeler à la recourante que le Tribunal fédéral n'est pas une cour d'appel auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement (ATF 150 I 50 consid. 3.3.1). Les considérations - purement appellatoires (cf. supra consid. 2.2) - de la mère visant en particulier à remettre en question les capacités éducatives du père et leur aptitude à communiquer et coopérer sont donc irrecevables.
Cela étant, même si le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation en matière d'attribution des droits parentaux (cf. supra 4.4.2), il n'en demeure pas moins que la garde altern ée ne peut être prononcée que si elle correspond, dans le cas concret, au bien de l'enfant (cf. arrêt 5A_271/2019 du 9 décembre 2019 consid. 4 et la référence). Or, comme le soutient à juste titre la recourante, le fait que la cour cantonale ait ordonné le déménagement de la mère du logement familial où elle vivait jusque-là avec ses filles afin de permettre au père de se constituer un domicile fixe en Suisse et de pouvoir ainsi mettre en oeuvre une garde alternée apparaît, en l'espèce, insoutenable. En effet, dès lors que cette solution revenait à modifier, au stade des mesures protectrices de l'union conjugale et sans réelle période de transition, le mode de garde ayant prévalu pendant la procédure alors que ce critère jouissait en l'espèce d'un poids particulier (cf. supra consid. 4.4.2), il appartenait à la juridiction précédente de procéder à un examen minutieux de l'impact que ces changements pourraient avoir sur le bien-être des enfants. Or, force est de constater que cette question n'a fait l'objet d'aucune mesure d'instruction et que la cour cantonale s'est contentée de considérations générales ou non pertinentes, affirmant que les changements étaient inhérents à toute séparation, que les filles paraissaient s'être relativement facilement acclimatées au départ de leur père en juillet 2023 et que l'emménagement de celui-ci dans le logement familial leur permettrait à tous les trois de se rapprocher. Par ailleurs, la juridiction précédente a présupposé, de manière abstraite et prospective, que le futur logement de la mère serait compatible avec l'instauration d'une garde alternée. Or, le seul fait de contraindre la recourante à se constituer un domicile dans la région - obligation qui apparaît au demeurant douteuse en tant que telle au regard de l'art. 24 Cst., mais que la mère ne critique pas (cf. supra consid. 2.1) - ne permet pas de s'assurer que, concrètement, le bien des enfants sera garanti au moment de l'instauration de la garde alternée.
Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'admettre que l'autorité précédente ne s'est pas fondée sur des constatations pertinentes pour statuer sur l'attribution de la garde et a ainsi versé dans l'arbitraire. Il y a donc lieu d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à la cour cantonale (art. 107 al. 2 LTF) afin qu'elle réexamine la question de l'attribution de la garde à la lumière des critères pertinents précités et fixe, si elle estime que les conditions pour l'instauration d'une garde alternée ne sont pas remplies, les modalités du droit de visite du parent non gardien. Dans la mesure où des faits nouveaux peuvent être pris en considération s'ils se rapportent aux points qui font l'objet du renvoi et sont admissibles selon le droit de procédure applicable devant l'autorité à laquelle la cause est renvoyée (ATF 135 III 334 consid. 2; 131 III 91 consid. 5.2; arrêts 5A_392/2021 du 20 juillet 2021 consid. 2.1; 5A_631/2018 du 15 février 2019 consid. 3.2.1) - ce qui est le cas en l'espèce, le litige portant sur l'attribution de la garde, de sorte que la maxime inquisitoire illimitée est applicable (art. 296 al. 1 CPC) et que l'introduction de nova est dès lors admissible même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1; arrêt 5A_582/2020 du 7 octobre 2021 consid. 4.1.4 et les références) -, il appartiendra également à la cour cantonale de réexaminer si, compte tenu notamment de l'âge actuel des enfants, l'audition de celles-ci ainsi que la nomination d'un curateur de représentation au sens de l'art. 299 CC paraissent désormais indiquées.
4.5.2. L'attribution du logement familial et la fixation des contributions d'entretien étant directement liées à la répartition de la garde, il convient, compte tenu de l'issue de la présente procédure, que la cour cantonale statue à nouveau également sur ces questions.
5.
En conclusion, le recours doit être admis dans la mesure de sa recevabilité, l'arrêt entrepris annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour un éventuel complément d'instruction et une nouvelle décision sur l'attribution de la garde des enfants et l'organisation des relations personnelles, l'attribution du logement familial ainsi que la fixation des contributions d'entretien. Il appartiendra également à la juridiction précédente de statuer à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale ( art. 67 et 68 al. 5 LTF ). La requête d'assistance judiciaire de l'intimé est admise, les conditions prévues à l' art. 64 al. 1 et 2 LTF étant remplies en l'espèce. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'500 fr., sont mis à sa charge, mais toutefois supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral (art. 66 al. 1 cum 64 al. 4 LTF). L'octroi de l'assistance judiciaire ne dispense pas l'intimé du paiement de dépens (arrêt 5A_897/2024 du 6 février 2025 consid. 5; BOVEY, in Commentaire LTF, 3ème éd., 2022, n° 51 ad art. 64 LTF). Ceux-ci sont arrêtés à 4'000 fr. en faveur de la recourante, qui obtient gain de cause (art. 68 al. 1 LTF). Un montant de 3'000 fr., supporté par la Caisse du Tribunal fédéral, sera accordé à l'avocate de l'intimé à titre d'honoraires de conseil d'office (art. 64 al. 2 LTF). L'intimé est rendu attentif au fait qu'il est tenu de rembourser ultérieurement la Caisse du Tribunal fédéral s'il est en mesure de le faire (art. 64 al. 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis dans la mesure de sa recevabilité, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.
2.
La requête d'assistance judiciaire de l'intimé est admise et Me Violette Emery Borgeaud, avocate, lui est désignée comme conseil d'office.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'500 fr., sont mis à la charge de l'intimé. Ils sont provisoirement supportés par la Caisse du Tribunal fédéral.
4.
Une indemnité de 4'000 fr., à verser à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimé.
5.
Une indemnité de 3'000 fr., supportée par la Caisse du Tribunal fédéral, est allouée à Me Violette Emery Borgeaud à titre d'honoraires d'avocate d'office.
6.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg.
Lausanne, le 10 mars 2025
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Bovey
La Greffière : Feinberg