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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
2D_11/2018  
 
 
Arrêt du 12 juin 2018  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Seiler, Président, 
Zünd et Donzallaz. 
Greffier : M. Ermotti. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Thomas Barth, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Autorisation de séjour pour études; irrecevabilité 
(non-paiement de l'avance de frais), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre administrat ive, 2ème section, 
du 19 décembre 2017 (A/2584/2017-PE). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 12 mai 2017, l'Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal) a refusé de délivrer à A.________, ressortissant kényan, une autorisation de séjour pour études et de considérer que celui-ci se trouvait dans un cas de rigueur. Le 12 juin 2017, A.________ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance du canton de Genève (ci-après: le TAPI). 
 
B.   
Par pli recommandé du 15 juin 2017, distribué le 16 juin 2017, le TAPI a invité A.________ à verser une avance de frais de 500 fr. jusqu'au 17 juillet 2017, sous peine d'irrecevabilité du recours. L'avance de frais n'a pas été payée dans le délai. Le 21 août 2017, le TAPI a déclaré le recours irrecevable. 
Le 14 septembre 2017, A.________ a formé recours contre le jugement du TAPI auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice), en concluant à la restitution du délai pour effectuer l'avance de frais et au renvoi de la cause au TAPI pour décision sur le fond. Par arrêt du 19 décembre 2017, la Cour de justice a rejeté le recours. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt de la Cour de justice du 19 décembre 2017, de "dire que le délai pour le paiement de l'avance de frais doit être restitué" et de renvoyer la cause au TAPI pour qu'il statue sur le fond. Il se plaint d'arbitraire, d'inégalité de traitement et de violation de l'interdiction du formalisme excessif. 
L'Office cantonal conclut au rejet du recours. La Cour de justice dépose des observations et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours portés devant lui (ATF 140 IV 57 consid. 2 p. 59). 
 
1.1. Selon l'art. 83 let. c LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent, notamment, une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit (ch. 2), ainsi que les dérogations aux conditions d'admission (ch. 5). En raison de sa formulation potestative, l'art. 27 LEtr, qui concerne l'admission en Suisse des étrangers en vue d'une formation ou d'une formation continue, ne confère aucun droit à celui qui s'en prévaut (arrêt 2D_68/2014 du 30 juin 2015 consid. 2.1). Quant à l'art. 30 al. 1 let. b LEtr (cas individuel d'une extrême gravité), l'art. 83 let. c ch. 5 LTF l'exclut du champ du recours en matière de droit public (arrêts 2C_689/2017 du 1er février 2018 consid. 1.2.1 et 2C_1115/2015 du 20 juillet 2016 consid. 1.3.4).  
Le présent litige porte sur la question de la recevabilité du recours déposé par l'intéressé auprès du TAPI le 12 juin 2017. Au fond, cette cause concernait le refus d'octroyer au recourant une autorisation de séjour pour études (art. 27 LEtr), respectivement pour cas de rigueur (art. 30 al. 1 let. b LEtr). Il en découle que le recours en matière de droit public est exclu en l'espèce. C'est donc à juste titre que l'intéressé a formé un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF). 
 
1.2. Déposé en temps utile (art. 117 et 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF), le recours est dirigé contre une décision finale (art. 117 et 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale par une autorité judiciaire supérieure (art. 114 et 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Par ailleurs, il a été interjeté par le recourant destinataire de l'arrêt attaqué, qui dispose d'un intérêt juridique à son annulation (art. 115 LTF), dès lors que ledit arrêt confirme le refus d'entrer en matière sur son recours du 12 juin 2017; cela indépendamment et sans préjudice du motif d'irrecevabilité retenu par le TAPI et avalisé par la Cour de justice, qui constitue l'objet de la contestation devant le Tribunal fédéral (cf. ATF 135 II 145 consid. 3.1 p. 148). Le présent recours est donc recevable.  
 
1.3. En tant que l'arrêt entrepris confirme un jugement d'irrecevabilité du TAPI, c'est à juste titre que le recourant a conclu uniquement à son annulation et au renvoi de la cause à cette autorité pour qu'elle entre en matière, des conclusions au fond n'étant en principe pas admissibles dans un tel cas (cf. ATF 142 I 155 consid. 4.4.2 p. 156).  
 
2.   
Le recours constitutionnel subsidiaire ne peut être formé que pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). Comme le recours en matière de droit public, il ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. En revanche, il est toujours possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à un droit fondamental (cf. ATF 135 III 513 consid. 4.3 p. 521 s.; 133 III 462 consid. 2.3 p. 466). En vertu de l'art. 106 al. 2 LTF, applicable par renvoi de l'art. 117 LTF, les griefs y relatifs doivent être invoqués et motivés par le recourant, à savoir expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée, en précisant en quoi consiste la violation (cf. ATF 139 I 229 consid. 2.2 p. 232). 
 
3.   
Le recourant invoque une violation du principe de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.) en lien avec la pratique contradictoire des autorités judiciaires genevoises en matière d'avance de frais. Il relève que, alors que la Cour de justice octroie systématiquement un délai de grâce au recourant ayant omis de verser l'avance de frais dans le délai imparti, le TAPI n'en fait pas de même et, dans un tel cas, déclare le recours irrecevable. De l'avis du recourant, les justiciables seraient ainsi traités différemment devant ces deux instances judiciaires cantonales, ce qui serait constitutif d'une inégalité de traitement injustifiée. En approuvant la solution retenue sur ce point par le TAPI dans son jugement d'irrecevabilité du 21 août 2017, la Cour de justice aurait donc violé l'art. 8 Cst. 
 
3.1. Une décision viole le principe de l'égalité de traitement lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 137 V 334 consid. 6.2.1 p. 348; arrêt 2C_61/2016 du 4 octobre 2016 consid. 7).  
 
3.2. Dans le canton de Genève, s'agissant de l'avance de frais, l'art. 86 de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative (LPA/GE; RS/GE E 5 10), qui s'applique tant à la procédure devant le TAPI qu'à celle devant la Cour de justice, prévoit ce qui suit:  
 
"Art. 86 - Avances et sûretés  
1. La juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables. Elle fixe à cet effet un délai suffisant. 
2. Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable." 
 
3.3. Il sied de relever, en premier lieu, que le TAPI et la Cour de justice sont deux autorités judiciaires différentes, de sorte que l'on ne voit pas en quoi le fait qu'elles n'appliquent pas de manière identique l'art. 86 LPA/GE serait constitutif d'une inégalité de traitement. Le recourant qui agit devant le TAPI ne se trouve pas dans la même situation que celui qui dépose un recours auprès de la Cour de justice et, s'agissant de la mise en pratique de la disposition litigieuse, peut donc être traité différemment de ce dernier sans que cela procède d'une violation de l'art. 8 Cst. Il en irait autrement si la même autorité (TAPI ou Cour de justice), sans justification objective, appliquait l'art. 86 LPA/GE de manière différente à deux justiciables étant dans une situation comparable, ce que le recourant n'allègue pas ni,  a fortiori, ne démontre.  
En second lieu, dans ses déterminations du 27 février 2018, la Cour de justice a exposé sa pratique en matière de perception des avances de frais. Cette autorité a expliqué que, sauf en cas de recours comprenant une demande de mesures provisionnelles, après réception d'un recours, elle fixe -  par pli simple - un délai au recourant pour procéder au versement de l'avance de frais. Si l'intéressé ne s'exécute pas dans le délai imparti, la Cour de justice lui envoie un rappel par  pli simple et recommandé. Si le paiement n'est pas effectué à l'échéance du délai indiqué dans l'envoi recommandé, le recours est déclaré irrecevable (sous réserve d'un cas de force majeure). Or, il n'est pas contesté en l'espèce que la requête de paiement de l'avance de frais en faveur du TAPI a été envoyée au domicile élu du recourant  par pli recommandéet que ce dernier ne s'est pas exécuté dans le délai. Face à une telle situation, conformément aux explications qui viennent d'être exposées, la Cour de justice aurait - comme l'a fait le TAPI - déclaré le recours irrecevable en application de l'art. 86 LPA/GE, sans octroyer aucun "délai de grâce" au recourant. Dans ces circonstances, il ne saurait être question de violation de l'art. 8 Cst.  
Au vu de ce qui précède, le grief d'inégalité de traitement ne peut qu'être rejeté, étant précisé que cela ne préjuge en rien de la question de savoir si la Cour de justice, en avalisant la solution retenue par le TAPI, a procédé à une application arbitraire de l'art. 86 LPA/GE, laquelle sera examinée ci-dessous (consid. 4). 
 
4.   
Le recourant se plaint d'une violation arbitraire de l'art. 86 LPA/GE. 
 
4.1. Une décision est arbitraire (art. 9 Cst.) lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou qu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle de l'autorité cantonale semble concevable, voire préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 140 I 201 consid. 6.1 p. 205).  
 
4.2. Il est douteux que le grief du recourant relatif à l'application arbitraire de l'art. 86 LPA/GE soit admissible sous l'angle de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. supra consid. 2), dans la mesure où l'intéressé n'indique pas précisément en quoi la Cour de justice aurait procédé à une interprétation insoutenable dudit article, se limitant à affirmer que l'arrêt entrepris "choque[rait] le sentiment de la justice et de l'équité" et à réitérer ses critiques concernant la violation du principe de l'égalité de traitement (voir consid. 3 ci-dessus). Quoi qu'il en soit, l'art. 86 al. 2 LPA/GE prévoit clairement que, si l'avance de frais n'est pas versée dans le délai imparti, l'autorité déclare le recours irrecevable. On ne voit dès lors pas en quoi la Cour de justice, en confirmant le jugement d'irrecevabilité du TAPI par défaut de paiement de l'avance de frais à l'échéance du délai imparti, serait tombée dans l'arbitraire.  
Le grief, à supposer qu'il soit admissible (art. 106 al. 2 LTF), doit ainsi être écarté. 
 
5.   
Le recourant reproche enfin à la Cour de justice d'avoir fait preuve de formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.). 
 
5.1. Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 142 IV 299 consid. 1.3.2 p. 304 s.; 142 I 10 consid. 2.4.2 p. 11). De jurisprudence constante, la sanction de l'irrecevabilité du recours pour défaut de paiement à temps de l'avance de frais ne procède pas d'un formalisme excessif, pour autant que les parties aient été averties de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le versement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 133 V 402 consid. 3.3 p. 405; arrêts 2C_550/2017 du 20 juin 2017 consid. 3.2; 4A_692/2016 du 20 avril 2017 consid. 6.2; 2D_45/2012 du 10 septembre 2012 consid. 5.1). De manière générale, la stricte application des règles relatives aux délais est en effet justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par l'intérêt public à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (arrêts 2C_56/2015 du 13 mai 2015 consid. 2.4 et 2C_809/2010 du 25 octobre 2010 consid. 6).  
 
5.2. En l'espèce, il n'est pas contesté que le pli recommandé du TAPI du 15 juin 2017, invitant le recourant à verser une avance de frais de 500 fr. jusqu'au 17 juillet 2017 sous peine d'irrecevabilité du recours, lui a été valablement adressé à son domicile élu (soit à l'adresse de son conseil) et a été distribué le 16 juin 2017. Les conditions posées par la jurisprudence exposée ci-dessus sont donc remplies. Dans la mesure où l'intéressé affirme n'avoir "jamais eu vent de cette demande d'avance de frais" (recours, p. 13) et indique que sa mère était au Kenya pour un enterrement lorsqu'elle a reçu le courriel de son mandataire relatif à l'avance de frais, de sorte que ledit courriel lui aurait "échappé", il perd de vue que la notification régulière auprès de son avocat lui est imputable et qu'il lui incombait, sachant qu'il partait à l'étranger après le dépôt d'un recours, de donner les instructions et les moyens à son mandataire pour que le paiement de l'avance de frais à laquelle il devait s'attendre puisse être effectué en temps utile (arrêt 2C_328/2014 du 8 mai 2014 consid. 4.2).  
L'instance précédente n'a par conséquent pas violé l'interdiction du formalisme excessif en confirmant le jugement d'irrecevabilité rendu par le TAPI le 21 août 2017. 
 
6.   
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève, à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, ainsi qu'au Secrétariat d'Etat aux migrations. 
 
 
Lausanne, le 12 juin 2018 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
Le Greffier : Ermotti