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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_956/2022  
 
 
Arrêt du 16 janvier 2023  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux 
Herrmann, Président, von Werdt et Bovey. 
Greffière : Mme de Poret Bortolaso. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Nicolas Amadio, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________, 
intimée. 
 
Objet 
déplacement illicite d'enfants, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 28 novembre 2022 (C/22970/2022, DAS/245/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ et B.________ sont les parents non mariés de C.________, né à U.________ en 2018.  
Une déclaration d'autorité parentale conjointe a été effectuée par les parents après la naissance de l'enfant. 
Les parties se sont séparées durant l'année 2019. D'entente entre elles, celles-ci ont convenu que l'enfant vivrait avec sa mère et que son père aurait un droit de visite conséquent. 
 
A.b. A.________ allègue que, le 13 août 2022, B.________ a pris la décision unilatérale de s'installer à V.________ (France) avec son fils, comptant l'y inscrire à l'école primaire alors que celui-ci était déjà inscrit en Suisse pour la rentrée scolaire à venir. Mis devant le fait accompli, A.________ indique s'être fermement opposé à cette décision et avoir dénoncé la situation au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant du canton de Genève (ci-après: tribunal de protection), sollicitant l'intervention des autorités compétentes.  
Le 19 août 2022, cette dernière autorité a notifié à B.________ le signalement effectué par A.________ et l'a invitée à formuler des observations. L'intéressée a également été informée que le Service d'évaluation et d'accompagnement à la séparation parentale (SEASP) avait été saisi. 
B.________ n'a ni réagi aux sollicitations de ce dernier service, ni répondu au tribunal de protection. Elle aurait définitivement quitté le territoire suisse avec son fils le 27 août 2022. 
A.________ a indiqué avoir pu brièvement voir celui-ci à V.________ en novembre 2022 et avoir porté plainte pénale pour enlèvement de mineurs auprès du Ministère public. 
 
B.  
Le 21 novembre 2022, A.________ a déposé devant la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève une demande de retour d'enfant, concluant au retour immédiat de celui-ci à son domicile. 
Cette demande a été déclaré irrecevable, l'autorité cantonale se déclarant incompétente ratione loci.  
 
C.  
A.________ (ci-après: le recourant) exerce le 9 décembre 2022 un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Concluant à l'annulation de la décision cantonale, il demande principalement que sa demande de retour d'enfant soit déclarée recevable, que le retour de son fils soit ordonné, qu'il soit fait interdiction à B.________ (ci-après: l'intimée) de déplacer la résidence habituelle de l'enfant et de l'inscrire dans une école située en dehors du canton de Genève, à ce que le dépôt des documents d'identité de l'enfant soit ordonné en mains du Service de protection des mineurs et à ce que le nom de l'intimée et celui de l'enfant soient inscrits au fichier RIPOL SIS et dans les fichiers d'INTERPOL. Subsidiairement, le recourant conclut à ce que sa demande de retour d'enfant soit déclarée recevable et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
Le recourant sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
Des déterminations n'ont pas été demandées. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La décision statuant sur la requête en retour d'enfants à la suite d'un déplacement international est une décision finale (art. 90 LTF) prise en application de normes de droit public dans une matière connexe au droit civil, singulièrement en matière d'entraide administrative entre les États contractants pour la mise en oeuvre du droit civil étranger (art. 72 al. 2 let. b ch. 1 LTF; ATF 133 III 584 consid. 1.2; 120 II 222 consid. 2b). La Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a statué en instance cantonale unique conformément à l'art. 7 al. 1 de la loi fédérale sur l'enlèvement international d'enfants et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes du 21 décembre 2007 (LF-EEA; RS 211.222.32); il y a ainsi exception légale au principe du double degré de juridictions cantonales (art. 75 al. 2 let. a LTF). Le recourant, qui a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), a agi à temps (art. 100 al. 2 let. c LTF). 
 
2.  
 
2.1. Contrairement à ce qu'affirme le recourant, la décision entreprise ne porte pas sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF. Devant l'autorité cantonale, le recourant a certes assorti sa demande de retour d'enfant de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, lesquelles visaient en substance à interdire à l'intimée de déplacer la résidence habituelle de leur fils en France (art. 105 al. 2 LTF). Vu le déplacement avéré de l'enfant et la déclaration d'incompétence de l'autorité judiciaire genevoise quant au fond, ces mesures étaient cependant dépourvues d'objet et la cour cantonale ne les a pas traitées.  
 
2.2. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF); cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2). Le Tribunal fédéral ne connaît en outre de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été invoqué et motivé par le recourant ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4).  
Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le grief de violation du droit cantonal ne peut pas être soulevé dans un recours devant le Tribunal fédéral. En revanche, il est toujours possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 146 I 11 consid. 3.1.3). 
 
3.  
Le recourant soutient pour l'essentiel que son fils avait sa résidence habituelle à U.________ et qu'en tant que son déplacement en France était illicite, les autorités judiciaires genevoises étaient compétentes pour ordonner son renvoi. Il paraît invoquer la violation de l'art. 7 al. 1 LF-EEA et l'application arbitraire art. 6 al. 2 de la loi cantonale genevoise d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile (LaCC/Ge; RS GE E 1 05), dispositions prévoyant la compétence de la Cour de justice pour connaître en instance unique des demandes portant sur le retour d'enfants. Il affirme également que le raisonnement cantonal serait insoutenable en ce qu'il laisserait "libre cours" à tout parent de procéder à un enlèvement d'enfant, en violation de la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (CLaH80; RS 0.211.230.02) ainsi que de la Convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (CLaH96; RS 0.211.231.011). 
 
3.1. L'argumentation du recourant nécessite de brièvement rappeler le système qu'instaurent les conventions qu'il estime bafouées, lesquelles sont toutes deux en vigueur en Suisse et en France.  
 
3.2. En matière de protection des enfants, l'art. 85 LDIP prévoit que la compétence des autorités judiciaires ou administratives suisses, la loi applicable ainsi que la reconnaissance et l'exécution des décisions ou mesures étrangères sont régies par la CLaH96.  
Conformément à l'art. 5 CLaH96, les autorités, tant judiciaires qu'administratives, de l'État contractant de la résidence habituelle de l'enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens (§ 1). En cas de changement de la résidence habituelle de l'enfant dans un autre État contractant, sont compétentes les autorités de l'État de la nouvelle résidence habituelle, sous réserve d'un déplacement ou d'un non-retour illicite au sens de l'art. 7 CLaH96 (§ 2). Le principe de la perpetuatio fori ne s'applique donc pas (ATF 143 III 193 consid. 2). Il s'ensuit que, dans les relations entre États contractants, le changement (licite) de résidence habituelle du mineur entraîne un changement simultané de la compétence (ATF 144 III 469 consid. 4.2.2).  
Le déplacement illicite de l'enfant à l'étranger constitue néanmoins une exception à ce changement de compétence. L'illicéité ou la licéité de ce déplacement est déterminée par la loi de l'État de la résidence habituelle de l'enfant immédiatement avant le déplacement (ATF 133 III 694 consid. 2.1.1; arrêt 5A_591/2021 du 12 décembre 2022 consid. 2.4.1), singulièrement en référence à l'art. 301a al. 2 let. a CC lorsque le déplacement reproché a été effectué depuis la Suisse (arrêt 5A_591/2021 précité ibid.). Un parent exerçant conjointement l'autorité parentale ne peut en effet modifier le lieu de résidence de l'enfant à l'étranger qu'avec l'accord de l'autre parent ou, à défaut, sur décision du juge ou de l'autorité de protection. Cependant, même si ce parent déplace la résidence habituelle de l'enfant sans obtenir à cet égard le consentement de l'autre parent ou une décision judiciaire préalables, l'art. 301a CC ne prévoit aucune sanction civile; cette disposition ne permet donc pas aux autorités judiciaires suisses d'ordonner le retour de l'enfant (arrêt 5A_591/2021 précité ibid. et les références; cf. ATF 144 III 10 consid. 5 et les références).  
En matière internationale et entre les États contractants, une telle situation constitue un déplacement illicite d'enfants au sens des art. 3 et 5 CLaH80, respectivement 7 § 2 CLaH96, et le parent de l'enfant qui fait face à son déplacement doit déposer une demande de retour devant l'autorité judiciaire ou administrative de l'État contractant où se trouve désormais l'enfant (cf. art. 12 § 1 CLaH80). Le changement de compétence sus-évoqué n'intervient pas et l'autorité de l'ancienne résidence habituelle conserve sa compétence, même lorsque l'enfant s'est constitué une nouvelle résidence habituelle à l'étranger; le changement de compétence ne s'opère selon l'art. 7 § 1 CLaH96 que si le parent titulaire de l'autorité parentale a finalement acquiescé au déplacement ou si l'enfant a résidé dans l'autre État pour une période d'au moins un an après que le parent titulaire de l'autorité parentale a connu ou aurait dû connaître le lieu où se trouvait l'enfant, qu'aucune demande de retour présentée pendant cette période n'est encore en cours d'examen, et que l'enfant s'est intégré dans son nouveau milieu (arrêt 5A_591/2021 précité ibid. et les références). La procédure de retour selon le mécanisme de La Haye doit ainsi être comprise comme une entraide judiciaire entre les États contractants (ATF 120 II 222 consid. 2b), qui empêche l'établissement d'un pouvoir décisionnel matériel dans le nouvel État (art. 16 CLaH80), la décision de retour n'affectant nullement le fond du droit de garde (art. 19 CLaH80). L'objectif poursuivi consiste en le retour physique de l'enfant vers la juridiction du pays d'origine, qui demeure compétente conformément à l'article 7 § 1 CLaH96. Les art. 16 CLaH80 et 7 § 1 CLaH96 fonctionnent ainsi en miroir dans le système juridictionnel autonome de La Haye (arrêt 5A_591/2021 précité ibid.).  
 
3.3. Dans cette perspective, la décision cantonale qui oppose au recourant qu'elle ne peut ordonner le retour à U.________ d'un enfant déplacé ou retenu illicitement en France n'est nullement contraire au droit. Ainsi que le relève l'autorité judiciaire genevoise, seules les autorités françaises sont ici compétentes pour prononcer le renvoi éventuel de l'enfant à U.________, à la condition que l'illicéité du déplacement soit avérée.  
 
4.  
Le recours est rejeté. En tant que la procédure est finalement interne, la répartition des frais et dépens sera effectuée selon les dispositions de la LTF et non selon celles de la CLaH80. Les conclusions du recourant étaient d'emblée vouées à l'échec, en sorte que sa requête d'assistance judiciaire est rejetée (art. 64 al. 1 LTF) et les frais judiciaires mis à sa charge (art. 66 al. 1 LTF). Aucune indemnité de dépens n'est attribuée à l'intimée, qui n'a pas été invitée à se déterminer. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire du recourant est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, et à l'Office fédéral de la justice, Autorité centrale en matière d'enlèvement international d'enfants. 
 
 
Lausanne, le 16 janvier 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : de Poret Bortolaso