Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
9C_371/2018  
 
 
Arrêt du 16 août 2018  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Meyer, Juge présidant, Parrino et Moser-Szeless. 
Greffière : Mme Perrenoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Séverin Tissot-Daguette, Service juridique de PROCAP, 
recourant, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, 
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (rente d'invalidité; révision), 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 10 avril 2018 (AI 307/16 - 97/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1975, a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité au mois de février 1997.  
En se fondant sur l'avis des médecins traitants de l'assuré, qui ont notamment mentionné un état anxio-dépressif consécutif à un deuil, relaté une intelligence limite, et conclu à une incapacité totale de travail depuis le 7 octobre 1996 (rapports des docteurs B.________, spécialiste en médecine interne générale, du 2 juin 1997, et C.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, du 19 août 1997), l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a reconnu à A.________ le droit à une rente entière d'invalidité, fondée sur un taux d'invalidité de 100 %, à compter du 1er octobre 1997 (décision du 27 juillet 1998). 
 
A.b. L'office AI a maintenu le droit à la rente entière au terme de deux procédures de révision (communications des 25 février 2002 et 23 juin 2008).  
 
A.c. Au cours d'une troisième procédure de révision du droit aux prestations, initiée au mois de mars 2014, l'administration a appris que A.________ avait débuté une activité de peintre indépendant, sans l'en avertir; à la suite d'un contrôle de chantier opéré par le Service des arts et métiers et du travail du canton du Jura, l'intéressé avait, durant son audition par ce service, indiqué travailler en qualité d'indépendant à raison de 8 heures par jour, voire 45 heures par semaine (questionnaire rempli le 11 mars 2015). En conséquence, l'office AI a suspendu le versement de la rente d'invalidité par la voie de mesures superprovisionnelles (décision du 26 mars 2015). L'assuré a ensuite été convoqué à un entretien le 16 avril 2015, au cours duquel il a admis faire des petits travaux pour l'entreprise de peinture de son cousin, D.________, sur conseil de son psychiatre, ce qui lui permettait de réaliser un revenu d'environ 3'000 à 4'000 fr. par année (rapport d'entretien du 16 avril 2015). Par décision de mesures provisionnelles du même jour, l'office AI a maintenu la suspension du paiement de la rente d'invalidité. Le versement a été repris avec effet au 1er avril 2015 (communication du 10 décembre 2015), à la suite d'un nouvel entretien avec l'assuré le 9 décembre 2015.  
Entre-temps, au mois d'octobre 2015, l'office AI a confié un mandat de surveillance à l'agence G.________. Il a ensuite soumis le rapport d'observation du 15 mai 2016 à la doctoresse E.________, médecin au Service médical régional (SMR), qui en a déduit que l'assuré possédait une capacité de travail en qualité de peintre et que son activité était loin de se limiter à une activité occupationnelle (avis médical du 27 juin 2016). Par décision du 14 juillet 2016, l'office AI a suspendu le versement de la rente d'invalidité avec effet au 31 juillet 2016. En tenant compte de l'exigibilité, de l'assuré, de l'exercice d'une activité de peintre à plein temps induisant un taux d'invalidité de 16 %, il a supprimé la rente d'invalidité avec effet rétroactif dès le 1er mars 2015 (décision du 10 octobre 2016). Il a par ailleurs exigé la restitution d'une somme de 37'298 fr., correspondant aux prestations versées à tort entre le 1er mars 2015 et le 31 juillet 2016 (décision du 25 octobre 2016). 
 
B.   
A.________ a déféré ces décisions au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales. Après avoir suspendu la cause relative à la décision de restitution du 25 octobre 2016, la juridiction cantonale a rejeté le recours formé contre la décision du 10 octobre 2016 par jugement du 10 avril 2018. 
 
C.   
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation. Il conclut principalement au versement des prestations légales et au renvoi du dossier à l'office AI à cette fin; subsidiairement, il requiert le renvoi de la cause à celui-ci, respectivement à l'instance inférieure, pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants. 
L'office intimé conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par celle-ci (art. 105 al. 1 LTF), mais peut les rectifier et les compléter d'office si des lacunes et des erreurs manifestes apparaissent d'emblée (art. 105 al. 2 LTF). En principe, il n'examine que les griefs motivés (art. 42 al. 2 LTF), surtout s'ils portent sur la violation des droits fondamentaux (art. 106 al. 2 LTF). Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Le recourant peut critiquer la constatation des faits qui ont une incidence sur le sort du litige seulement s'ils ont été établis en violation du droit ou de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF). 
 
2.   
Le litige porte sur la suppression, avec effet rétroactif au 1er mars 2015, par voie de révision au sens de l'art. 17 LPGA, de la rente entière d'invalidité octroyée au recourant depuis le 1er octobre 1997. Au regard des motifs du recours, il s'agit en particulier de déterminer si une modification notable de l'état de santé de ce dernier justifiant la révision du droit à la prestation en question est intervenue depuis l'octroi de la rente en 1998, et si le rapport de surveillance constitue à cet égard un moyen de preuve qui peut être exploité dans le cadre de la présente procédure. 
Le jugement attaqué expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs - en particulier - à la notion d'invalidité (art. 7 et 8 al. 1 LPGA en relation avec l'art. 4 al. 1 LAI) et à son évaluation (art. 16 LPGA et art. 28a LAI), ainsi qu'à la révision de rentes (art. 17 LPGA; ATF 133 V 108 consid. 5 p. 110 ss; 130 V 343 consid. 3.5 p. 349 ss et les références) dans le contexte d'une violation de l'obligation d'annoncer (art. 31 al. 1 LPGA; art. 7b LAI) et de la lutte contre la perception indue de prestations d'invalidité (art. 59 al. 5 LAI; ATF 143 I 377 consid. 4 et 5 p. 384 ss; arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme [CourEDH] Vukota-Bojic contre Suisse du 18 octobre 2016). Il suffit d'y renvoyer. 
 
3.   
En ce qui concerne tout d'abord les objections soulevées par le recourant à l'encontre des considérations de la juridiction cantonale selon lesquelles son mandataire n'avait pas sollicité de prolongation du délai de 30 jours pour présenter d'éventuelles déterminations sur le projet de décision de l'office intimé du 31 août 2016, elles ne sont pas pertinentes en l'espèce. Le recourant admet en effet expressément - et à juste titre (cf. ATF 137 I 195 consid. 2.3.2) - que la violation du droit d'être entendu qu'aurait le cas échéant commise l'office intimé en procédure administrative a été réparée en instance cantonale (recours p. 6 ch. 3). Il ne peut donc rien déduire en sa faveur de l'atteinte alléguée à ses droits de participation. En tant qu'il entend par là se plaindre d'une violation du devoir d'instruction d'office de l'administration, son grief relève du fond et doit être examiné avec les autres arguments y relatifs. 
 
4.  
 
4.1. Le recourant fait ensuite grief aux premiers juges d'avoir indûment inclus le rapport de surveillance dans son appréciation du cas. Il allègue en substance que l'installation, par le détective mandaté par l'office intimé, d'un traceur GPS sur son véhicule permettant de le localiser, constitue une violation grave de son droit à la sphère privée au sens des art. 13 Cst. et 8 CEDH, et que cette surveillance ne respecte pas les conditions auxquelles l'art. 36 Cst. subordonne la licéité d'une restriction aux droits fondamentaux. En particulier, une base légale "aussi floue" que l'art. 59 al. 5 LAI serait clairement insuffisante pour justifier un tel type de surveillance et aucun intérêt public prépondérant ne permettrait de justifier celle-ci. Le recourant se prévaut également d'une violation du devoir d'instruction d'office relative à l'instruction médicale de son dossier. Selon lui, c'est de manière arbitraire que la juridiction cantonale a considéré que l'avis du SMR du 27 juin 2016 avait une valeur probante suffisante pour se prononcer sur son droit à une rente d'invalidité.  
 
4.2. En l'espèce, si la juridiction cantonale a admis que la surveillance mise en oeuvre par l'office intimé sur la base de l'art. 59 al. 5 LAI était contraire au droit du recourant au respect de sa vie privée (art. 8 CEDH, art. 13 Cst.), il a en revanche considéré que le rapport d'observation constituait un moyen de preuve valable à la lumière de la jurisprudence de la CourEDH et de celle du Tribunal fédéral qui en a suivi. Conformément à la jurisprudence helvétique, en effet, bien que l'art. 59 al. 5 LAI ne constitue pas une base légale suffisamment claire et détaillée pour rendre licites des mesures de surveillance au regard de l'art. 8 par. 2 CEDH, le moyen de preuve résultant de celles-ci peut cependant être exploité dans ladite procédure dans la mesure où il a été récolté dans le respect de certaines conditions (à ce sujet, cf. arrêt ATF 143 I 377 consid. 4 et 5 p. 384 ss; cf. aussi arrêts 9C_817/2016 du 15 septembre 2017 consid. 3; 8C_570/2016 du 8 novembre 2017 consid. 1).  
 
4.3. La question de savoir si le rapport de surveillance peut servir de moyen de preuve au regard de la jurisprudence précitée peut en l'occurrence rester ouverte.  
 
4.3.1. Selon la jurisprudence, un rapport de surveillance ne permet pas, à lui seul, de juger l'état de santé et la capacité de travail d'un assuré. Il doit être confirmé par des données médicales. L'évaluation du matériel d'observation par un médecin peut suffire (cf. ATF 137 I 327 consid. 7.1 p. 337; cf. aussi arrêts 9C_342/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5; 9C_25/2015 du 1er mai 2015 consid. 4.1). Si les rapports d'observation basés essentiellement sur des photographies ou des vidéos peuvent permettre au médecin de porter un jugement sur la répercussion des affections somatiques sur la capacité de travail de l'assuré, on ne saurait en principe tirer la même conclusion en ce qui concerne l'incidence des troubles psychiques (arrêt 9C_342/2017 du 29 janvier 2018 consid. 5).  
En ce qui concerne l'évaluation médicale effectuée par un SMR au sens de l'art. 59 al. 2 bis LAI, en corrélation avec l'art. 49 al. 1 RAI, qui est établie sans que le médecin n'examine l'assuré, elle ne contient aucune observation clinique. Un tel avis a ainsi seulement pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux recueillis, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical (ATF 142 V 58 consid. 5.1 p. 66; arrêt 8C_756/2008 du 4 juin 2009 consid. 4.4 in SVR 2009 IV n° 50 p. 153). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5.1 p. 64 s.; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 p. 470 s.; arrêt 9C_25/2015 du 1er mai 2015 consid. 4.2). 
 
4.3.2. En l'espèce, une évaluation du matériel d'observation a été faite par la doctoresse E.________ du SMR. Dans l'avis daté du 27 juin 2016, qu'elle a rendu après avoir lu le rapport d'observation et visionné les images issues de la surveillance, mais sans avoir examiné le recourant, la doctoresse a indiqué que "[l]es éléments d'observations ne laissent aucun doute sur le fait que l'assuré possède une capacité de travail en qualité de peintre" et "remettent en doute la sévérité de l'atteinte, telle que retenue par les médecins traitants de l'assuré: état dépressif chronique et intelligence limitée limitant toute activité professionnelle; possibilité uniquement d'une activité occupationnelle, sans exigence de rendement et dans un cadre très sécurisant".  
On constate en premier lieu que la doctoresse E.________ n'a fourni aucune indication sur le taux d'activité encore exigible, le rendement possible, ainsi que les limitations fonctionnelles à retenir. En retenant "une capacité de travail", elle n'en a pas précisé le taux, pas plus, du reste, que la juridiction cantonale qui s'est contentée d'admettre une "capacité de travail substantielle dans l'activité de peintre en bâtiment" sans en quantifier précisément l'étendue comme elle aurait été tenue de le faire. Par ailleurs, en ce qui concerne les diagnostics psychiques retenus jusqu'alors par les médecins traitants, la doctoresse E.________ a mis en doute leur sévérité, sans établir s'ils étaient encore présents, ni leurs éventuels effets sur la capacité de travail de l'assuré. En conséquence, s'il ne fait pas de doutes que l'assuré a recouvré une capacité de travail allant nettement au-delà d'une activité occupationnelle - ce dont attestent non seulement l'avis de la doctoresse E.________, mais également le rapport du Service des arts et métiers et du travail du canton du Jura du 23 mars 2015 -, des doutes subsistent toutefois quant à l'étendue de cette capacité en relation avec d'éventuels troubles psychiques résiduels. 
Ainsi, même si la présente cause se distinguait de l'état de fait à la base de l'arrêt 9C_342/2017 du 29 janvier 2018 mentionné par la juridiction cantonale, il n'en demeure cependant pas moins que ni la doctoresse E.________, ni un autre médecin ne s'est prononcé sur l'étendue de la capacité résiduelle de travail de l'intéressé. Si son psychiatre traitant admet que son patient a travaillé sur le chantier de son cousin, il conteste toutefois que celui-ci est capable de travailler à plein temps (rapport du docteur F.________ du 29 juillet 2016). 
 
4.3.3. En conséquence de ce qui précède, les premiers juges ne pouvaient, sauf à violer le droit fédéral, considérer que l'évaluation du matériel d'observation faite par le médecin du SMR était suffisante pour admettre que l'état de santé du recourant s'était modifié depuis la décision initiale du 27 juillet 1998, dans une mesure justifiant désormais la suppression de son droit à une rente entière d'invalidité avec effet rétroactif au 1er mars 2015 (compte tenu de la violation par ce dernier de son obligation d'informer). L'étendue concrète de la capacité de travail du recourant ne peut pas être déterminée sans recourir à une expertise médicale. Celle-ci devra être mise en oeuvre par l'office intimé. Le recours est donc bien fondé sur ce point.  
 
5.   
En ce qui concerne la répartition des frais judiciaires et des dépens, le renvoi de la cause pour nouvel examen et décision revient à obtenir gain de cause au sens des art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF, indépendamment du fait qu'une conclusion ait ou non été formulée à cet égard, à titre principal ou subsidiaire (ATF 137 V 210 consid. 7.1 p. 271; arrêts 8C_75/2017 du 24 octobre 2017 consid. 6; 8C_208/2016 du 9 mars 2017 consid. 6). En conséquence, v u l'issue du litige, les frais de justice sont mis à la charge de l'intimé qui doit également verser une indemnité de dépens au recourant. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est partiellement admis. La décision du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 10 avril 2018 et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 10 octobre 2016 sont annulées. La cause est renvoyée à l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.   
L'intimé versera au recourant la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 16 août 2018 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Meyer 
 
La Greffière : Perrenoud