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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_613/2018  
 
 
Arrêt du 17 janvier 2020  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Hohl et Niquille. 
Greffier: Piaget. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Daniel Kinzer, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me Lucien Feniello, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
responsabilité de la personne morale pour le fait de ses organes (art. 722 CO); 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 25 septembre 2018 (C/15944/2016 ACJC/1300/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 14 juin 2007, A.________ (ci-après: la cliente ou la demanderesse) a ouvert un compte bancaire auprès de la banque C.________ (ci-après: la banque). Elle a confié un mandat de gestion à B.________ SA (ci-après: la défenderesse), société active dans la gestion de fonds de placements, la gestion de patrimoine, le conseil en placement et investissement, dont D.________ a été administrateur avec signature individuelle à compter du 2 juillet 2007 et jusqu'à la radiation de ses pouvoirs le 3 janvier 2011. Précédemment, D.________ avait été directeur adjoint au sein de la banque jusqu'au 4 mai 2007.  
Selon les documents remplis lors de l'ouverture du compte bancaire, la relation trouvait son origine dans la " connaissance personnelle du gestionnaire de la banque C.________ ", étant précisé que cette connaissance était familiale. Il était également précisé que la cliente était connue de D.________ depuis plus de dix ans. La case " gérant indépendant " a été cochée et le nom de B.________ SA y a été mentionné. Sous la rubrique " nom du gestionnaire " a été indiqué le nom de D.________, avec sa signature. 
 
Sur une formule préimprimée de la banque, intitulée " pouvoir d'administration ", B.________ SA a été désignée en qualité de représentante avec pouvoir de substitution pour tous les rapports d'affaires actuels et futurs avec la banque. 
Dans le courant de l'année 2009 notamment, B.________ SA, soit pour elle D.________, a donné à la banque des ordres de débiter le compte de la cliente. Ces ordres ont été rédigés sur un papier à l'en-tête de B.________ SA et signés par D.________, en-dessous du nom " B.________ ". 
 
A.b. Les 13 octobre, 1er décembre et 10 décembre 2010, la banque a reçu trois ordres de paiement concernant le compte de la cliente, qu'elle a exécutés.  
 
A.b.a. Les deux premiers ordres de versement de 180'000 euros et 45'844 fr. en faveur de tiers sont rédigés de telle façon qu'ils semblent émaner de la cliente elle-même: en en-tête figure le nom de la cliente elle-même (mal orthographié) et comporte en bas de page la signature imitée de celle-ci, que D.________ a admis avoir falsifiée.  
Le premier ordre a été exécuté le 15 octobre 2010 par la banque. Sur interpellation de la banque concernant cet ordre, D.________ a rédigé le 19 octobre 2010 une note interne, dans laquelle il a exposé que l'ordre visé repose sur une décision de la cliente de procéder à un investissement dans les métaux précieux. Cette note n'est pas rédigée sur papier à en-tête de B.________ SA; le nom de D.________ est mentionné sous la rubrique " expéditeur " et la note est signée par celui-ci (complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF). 
 
Le second ordre a été exécuté le 1er décembre 2010. 
 
A.b.b. Le troisième ordre du 10 décembre 2010 invite la banque à débiter le compte de la cliente du montant de 15'000 euros et de le remettre à D.________. Ce document ne comprend aucune en-tête et porte la signature de la cliente, que D.________ a admis avoir falsifiée. La banque l'a exécuté le même jour et a remis le montant en espèces à D.________.  
 
A.c. Fin 2010, B.________ SA a appris que D.________ avait " effectué diverses opérations douteuses ", ce qui l'a décidée à révoquer le mandat d'administrateur de celui-ci avec effet immédiat et à le dénoncer au Procureur général en février 2011. Pour sa part, la cliente a découvert les agissements frauduleux de D.________ le 18 février 2011 et a déposé une plainte pénale.  
Par jugement du Tribunal correctionnel du 21 juin 2016, D.________ a été reconnu coupable d'abus de confiance et de faux dans les titres, au détriment notamment de la cliente. Il a admis que les ordres donnés au nom de A.________ les 13 octobre, 1er et 10 décembre 2010 étaient des faux que D.________ avait confectionnés. Celui-ci a été condamné à une peine privative de liberté de trois ans. Il a également été condamné à payer à la cliente, à titre de réparation de son dommage, les montants de 241'830 fr., 65'380 fr. et 12'130 fr. avec intérêts, ainsi que 9'199 fr. 45 à titre de dépens pour la procédure pénale. 
 
A.d. La question examinée par les instances précédentes était de savoir si les actes de D.________, à savoir les trois ordres litigieux passés entre octobre et décembre 2010, sont imputables à B.________ SA.  
 
B.  
 
B.a. Par requête de conciliation du 15 août 2016, puis par demande du 5 janvier 2017, la cliente a conclu à ce que le Tribunal de première instance du canton de Genève condamne B.________ SA à lui verser 241'830 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 15 octobre 2010, 65'380 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2010, 12'130 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 27 novembre 2011 et 9'199 fr. 45 plus intérêts à 5% l'an dès le 21 juin 2016. Subsidiairement, elle a conclu au paiement des montants de 180'005 euros dès le 15 octobre 2010, 45'844 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2010, 20'107.82 USD plus intérêts à 5% l'an dès le 10 décembre 2010, 12'130 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 27 novembre 2011 et 9'199 fr. 45 plus intérêts à 5% l'an dès le 21 juin 2016.  
B.________ SA a conclu préalablement à ce que les conclusions subsidiaires de la cliente soient déclarées irrecevables et, principalement, au rejet de la demande. 
Par jugement du 6 septembre 2017, le Tribunal a, après avoir déclaré recevables les conclusions subsidiaires de la demanderesse, débouté celle-ci des fins de sa demande. 
 
B.b. Statuant sur l'appel de la demanderesse par arrêt du 25 septembre 2018, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève l'a rejeté et a confirmé le jugement entrepris.  
 
En bref, la cour cantonale a admis que D.________ avait la qualité d'organe. Puis, se limitant à réfuter les griefs de l'appelante, elle a considéré que l'activité d'organe de l'administrateur au sein de la société défenderesse n'avait pas été un préalable à la commission des actes litigieux, ni qu'elle lui aurait été utile à l'accomplissement des ordres litigieux, que l'administrateur ne s'était pas présenté comme organe de la défenderesse dans ses rapports avec la banque lors de la remise des ordres litigieux, qu'il n'a pas utilisé le papier à en-tête de la défenderesse, qu'il n'a pas créé l'apparence d'agir au nom et pour le compte de la défenderesse et que c'est parce qu'il était connu de la banque à titre personnel que celle-ci lui a fait confiance. Enfin, elle a jugé que rien ne permettait (à la banque) de détecter que D.________ avait falsifié les ordres, ni que la défenderesse était impliquée dans leur rédaction. 
 
 
C.   
Contre cet arrêt, la cliente demanderesse a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 19 novembre 2018, concluant à sa réforme et à l'admission de ses conclusions de première instance. Elle se plaint d'appréciation arbitraire des faits et de violation de l'art. 722 CO
 
Par ordonnance du 24 septembre 2019, la demanderesse a été mise au bénéfice de l'assistance judiciaire et Me Daniel Kinzer lui a été désigné comme avocat d'office. 
 
La société intimée conclut à l'irrecevabilité des conclusions subsidiaires de la demanderesse et à la confirmation de l'arrêt attaqué, autrement dit à la confirmation du rejet des conclusions principales de la demanderesse. En bref, elle reprend la motivation de la cour cantonale. 
 
L'autorité précédente se réfère aux considérants de son arrêt. 
 
Par courrier du 7 novembre 2019, la recourante a informé le Tribunal fédéral, pour lui permettre de reconsidérer la question de l'octroi de l'assistance judiciaire, qu'elle avait " reçu une indemnité de 370'000 fr. (de la banque), à valoir sur le préjudice qu'elle a subi du fait des agissements de M. D.________, administrateur de B.________ SA ". Elle a additionné les montants en capital (correspondant aux trois ordres litigieux de 241'740 fr. [180'000 euros], 45'844 fr. et 19'504 fr. 59 [15'000 euros]) qui lui étaient dus, le montant de 12'130 fr. et les dépens de la procédure pénale de 9'199 fr. 45, tous montants auxquels elle a ajouté les intérêts moratoires à 5% l'an au 7 novembre 2019, pour parvenir à un total de 473'591 fr. Déduisant le montant de 370'000 fr. susmentionné, elle déclare ne maintenir que sa prétention correspondant au deuxième ordre litigieux de 45'884 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2010. 
 
La société intimée conteste ce calcul qui inclut les intérêts moratoires, ainsi que les frais et dépens, estimant que ces accessoires ne doivent pas être compris dans la valeur litigieuse. Additionnant les chefs de conclusions en capital du recours, elle parvient au total de 328'539 fr. 45. En en déduisant le montant de 370'000 fr., elle relève que la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. n'est plus atteinte, de sorte que le recours en matière civile n'est plus recevable. Subsidiairement, si le recours était jugé recevable, elle maintient l'argumentation de sa réponse. 
Dans sa réplique, la recourante fait valoir que la réduction de ses conclusions n'a aucune incidence sur la recevabilité de son recours sous l'angle de la valeur litigieuse. 
 
Dans sa duplique, l'intimée réitère son point de vue. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Par courrier du 7 novembre 2019, la recourante a réduit ses conclusions au montant de 45'844 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2010. L'intimée ne conteste pas cette réduction des conclusions en tant que telle, mais elle soutient que l'imputation du montant de 370'000 fr. aurait dû se faire sur les montants en capital d'environ 328'000 fr., ce qui aurait entraîné l'irrecevabilité du recours en matière civile puisque ni les intérêts moratoires, ni les frais et dépens ne peuvent être compris dans la valeur litigieuse.  
 
En vertu de l'art. 99 al. 2 LTF, toute conclusion nouvelle est irrecevable. En effet, seules les conclusions prises devant l'instance précédente peuvent être soumises au Tribunal fédéral. La réduction des conclusions est toutefois admissible à tout stade de la procédure devant le Tribunal fédéral (arrêts 5A_8/2008 du 11 avril 2008 consid. 1.1; 4A_264/2008 du 23 septembre 2008 consid. 2.3 non publié aux ATF 134 III 643). 
 
La réduction des conclusions n'a aucune incidence sur la valeur litigieuse. En effet, selon l'art. 51 al. 1 let. a LTF, la valeur litigieuse déterminante pour la recevabilité du recours est déterminée par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente. Il s'agit des conclusions encore litigieuses entre les parties devant la dernière instance cantonale, de sorte que toutes les modifications survenues en cours de procédure cantonale jusqu'au moment où va être rendu l'arrêt cantonal de dernière instance doivent être prises en considération. En revanche, la réduction des conclusions ou leur reconnaissance partielle devant le Tribunal fédéral ne sont pas prises en compte (ATF 116 II 431 consid. 1 p. 433; JEAN-MAURICE FRÉSARD, in Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, no 22 ad art. 51 LTF). 
 
Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient l'intimée, le recours en matière civile est recevable en ce qui concerne la valeur litigieuse. 
 
1.2. Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la cliente qui a succombé dans ses conclusions en paiement (art. 76 al. 1 LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF) dans une affaire de responsabilité de la personne morale pour le fait de ses organes (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions.  
 
1.3. La recourante ayant requis que la conclusion n° 4 de son recours soit déclarée sans objet, il n'y a pas lieu d'examiner le grief, soulevé par l'intimée, d'irrecevabilité des conclusions subsidiaires de la recourante.  
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
 
2.2. Sous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 116; arrêts 4A_508/2016 du 16 juin 2017 consid. 2.2, non publié aux ATF 143 III 348; 4A_357/2015 du 4 décembre 2015 consid. 1.4). Les parties ne peuvent s'en prendre qu'à elles-mêmes si elles abandonnent un grief ou y renoncent (arrêts 4A_193/2018 du 27 juillet 2018 consid. 2; 4A_508/2016 du 16 juin 2017 consid. 2.2; 4A_447/2015 du 31 mars 2016 consid. 2.1, non publié aux ATF 142 III 336; ATF 140 III 86 consid. 2). Toutefois, même lorsqu'une question est discutée par les parties, le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'argumentation juridique développée par celles-ci ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 140 III 86 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.4).  
 
2.3. Par courrier du 7 novembre 2019 adressé au Tribunal fédéral, la recourante a réduit ses conclusions à 45'884 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er décembre 2010, ce dont il y a lieu de prendre acte. En revanche, dès lors que l'arrêt attaqué n'a pas examiné la question du montant du dommage, ni par la force des choses la question de l'imputation du montant de 370'000 fr. que la recourante a reçu de la banque, il n'appartient pas à la Cour de céans de déterminer à ce stade comment ce montant doit être imputé et s'il est loisible à la recourante de choisir de l'imputer sur les premier et troisième ordres litigieux.  
 
2.4. La cliente demanderesse et recourante n'invoque que la responsabilité aquilienne de la société anonyme (gérante indépendante de ses avoirs), à raison des détournements commis par l'administrateur de celle-ci, qu'elle fonde sur l'art. 722 CO. Comme elle n'invoque plus, en concours, la responsabilité contractuelle de la société anonyme, sa mandataire (art. 398 al. 2 CO), le Tribunal fédéral n'examinera que la responsabilité de la société anonyme pour ses organes au sens de l'art. 722 CO (cf. supra consid. 2.2).  
 
3. Aux termes de l'art. 722 CO, la société anonyme répond des actes illicites commis dans la gestion de ses affaires par une personne autorisée à la gérer ou à la représenter.  
 
3.1. Il s'agit là d'une disposition spéciale par rapport à l'art. 55 al. 2 CC (cf. art. 59 al. 2 CC); elle institue le principe de la " responsabilité " de la personne morale pour les actes illicites de ses organes (ATF 121 III 176 consid. 4a et les arrêts cités). En réalité, il ne s'agit pas à proprement parler d'une norme de responsabilité causale pour l'acte d'autrui, mais d'une norme d'imputation: les actes des organes sont ceux de la personne morale elle-même. La personne morale, création de l'ordre juridique, agit exclusivement par l'intermédiaire de personnes physiques, ses organes; ces derniers sont des parties de la personne morale elle-même, et non des tiers dont elle répond civilement (ATF 138 III 337 consid. 6.1 p. 344). Ainsi, en vertu de l'art. 722 CO, la société anonyme répond du comportement délictuel de son organe comme s'il était le sien (ATF 121 III 176 consid. 4d).  
 
L'imputation des actes illicites de ses organes à la société anonyme au sens de l'art. 722 CO doit être distinguée de la responsabilité de la société anonyme pour les actes illicites de ses travailleurs ou de ses autres auxiliaires dans l'accomplissement de leur travail au sens de l'art. 55 al. 1 CO. En effet, il ne s'agit pas, dans ce dernier cas, de la " responsabilité " d'une personne morale qui agit elle-même par ses organes, mais de la responsabilité pour un représentant, dans laquelle l'employeur dispose en plus d'une preuve libératoire (ATF 105 II 289 consid. 5c). 
 
3.2. L'imputation des actes illicites à la société anonyme est soumise aux conditions de l'art. 722 CO et à celles de la responsabilité aquilienne de l'art. 41 al. 1 CO, soit aux six conditions suivantes: (1) un acte d'un organe; (2) un acte commis dans la gestion des affaires sociales; (3) un dommage; (4) un acte illicite; (5) une faute et (6) un lien de causalité naturelle et adéquate entre l'acte incriminé et le dommage (ATF 121 III 176 consid. 4a p. 179 s.).  
 
De son côté, conformément aux principes généraux de la responsabilité civile, le lésé doit se laisser opposer le fait qu'il a lui-même contribué à produire son propre dommage. Sa faute ou son fait concomitant peut être, soit un facteur d'exclusion de la responsabilité de la société anonyme s'il est suffisamment grave pour interrompre le lien de causalité adéquate (ATF 143 III 242 consid. 3.7 et les arrêts cités; arrêt 4A_472/2017 du 11 juillet 2018 consid. 5.3.1), soit un facteur de réduction de la réparation de son dommage, conformément à l'art. 44 al. 1 CO (ATF 121 III 176 consid. 4d p. 182). 
 
3.2.1. Pour que la première condition soit réalisée, il faut que l'acte litigieux ait été commis par une personne ayant la qualité d'organe.  
 
Ont la qualité d'organe au sens de cette disposition, non seulement les organes au sens formel, comme les membres du conseil d'administration ou les directeurs, mais également les organes au sens matériel ou de fait, c'est-à-dire les personnes qui exercent  de facto des fonctions dirigeantes, peuvent prendre des décisions de manière indépendante et participent ainsi effectivement d'une façon décisive à la formation de la volonté sociale (ATF 121 III 176 consid. 4a; 128 III 29 consid. 3a p. 31; arrêt 4A_54/2008 du 29 avril 2008 consid. 3.2), ainsi que les organes apparents, c'est-à-dire les personnes auxquelles la société anonyme a donné l'apparence qu'elles sont des organes formels ou ont les pouvoirs d'organes de fait alors qu'elles ne les possèdent pas en réalité (ATF 117 II 570 consid. 3 p. 571).  
 
Il résulte du texte même de l'art. 722 CO (" une personne autorisée à la gérer ou à la représenter ") qu'il n'est pas nécessaire que l'organe en cause ait le pouvoir de représenter la société anonyme, c'est-à-dire d'obliger celle-ci contractuellement, puisqu'il peut n'avoir qu'un pouvoir de gestion (ATF 121 III 176 consid. 4a; 105 II 289 consid. 5a et 5b). 
 
3.2.2. Pour que la deuxième condition soit réalisée, il faut que, du point de vue du lésé, l'acte ait été commis dans la gestion des affaires de la société anonyme (  in Ausübung von geschäftlichen Verrichtungen).  
 
Selon la jurisprudence, tel est le cas lorsque l'acte entre, par un rapport fonctionnel,  dans le cadre général des attributions de l'organe (ATF 121 III 176 consid. 4a p. 180 et les arrêts cités). La commission d'un acte illicite n'est certes jamais à proprement parler une attribution de l'organe, mais un rapport fonctionnel existe néanmoins dès que l'acte commis entre dans le cadre général de l'activité de l'organe au sein de la société anonyme (cf. ROLF WATTER, in Basler Kommentar, Obligationenrecht II, no 9 ad art. 722 CO). La société anonyme doit en effet supporter le risque qu'un de ses organes falsifie une signature; il serait incompatible avec la sécurité des transactions qu'elle s'en décharge sur les tiers (ATF 105 II 289 consid. 6 a in fine). Il importe peu que l'organe ait agi dans son intérêt personnel et non dans celui de la société, dès lors que cela est presque toujours le cas dans des affaires de ce genre (ATF 121 III 176 consid. 4a p. 180 et les arrêts cités).  
 
En revanche, l'acte commis  à l'occasion de l'exercice de ses attributions par l'organe, comme aussi l'acte que celui-ci commet à titre privé, ne sont pas imputables à la société anonyme (ATF 121 III 176 consid. 4a et les arrêts cités; 95 II 93 consid. 4a p. 106).  
 
3.3. En l'espèce, les deux premières conditions de la responsabilité de l'art. 722 CO sont réalisées.  
 
3.3.1. Selon les constatations de fait, la cliente demanderesse a confié la gestion de son compte bancaire à la société anonyme défenderesse, société de gestion de patrimoine, de conseil en placement et en investissement. D.________ en était un administrateur avec signature individuelle et il était le gestionnaire du compte de la cliente au sein de la société anonyme.  
 
Comme l'a retenu la cour cantonale, il n'est pas contesté que D.________ avait bien la qualité d'organe de la société anonyme défenderesse, qu'il en était même un organe formel, puisqu'il avait le statut d'administrateur avec signature individuelle. 
La première condition de l'art. 722 CO est ainsi remplie. 
 
3.3.2. Les ordres litigieux ont été falsifiés par D.________. Ils ont été rédigés de telle manière que, comme l'a constaté la cour cantonale, ils semblent émaner de la cliente elle-même: l'administrateur D.________ a confectionné des faux, falsifiant la signature de la cliente.  
 
Par le contrat de gestion de fortune, le gérant indépendant (i.e. la société anonyme défenderesse) est chargé des relations avec la banque, soit non seulement de donner directement des ordres à la banque en vertu de son pouvoir d'administration, mais également de transmettre des ordres émanant directement de la cliente. L'administrateur D.________ était le gestionnaire du compte de la cliente auprès de la défenderesse; en 2009 notamment, il avait adressé à la banque des ordres de débiter le compte de la cliente. La transmission des ordres litigieux effectuée par lui entre donc bien, par un rapport fonctionnel, dans le cadre général de ses attributions d'organe. Le fait que l'administrateur ait préalablement falsifié les ordres n'est à cet égard pas déterminant (cf. supra consid. 3.2). 
 
Le fait que les ordres litigieux ne soient pas rédigés sur du papier à l'en-tête de B.________ SA importe peu dans la relation avec la cliente. Il ne faut pas confondre les relations entre la cliente et la société anonyme gérante indépendante et les relations entre cette société anonyme et la banque. 
 
Ces ordres n'ont pas été passés à titre privé par l'administrateur, ni ne l'ont été à l'occasion de l'exercice de son activité. Comme on vient de le voir, la transmission d'ordres directs de la cliente entre, par un rapport fonctionnel, dans le cadre des attributions de l'organe. 
 
C'est à tort que la cour cantonale retient que l'administrateur aurait dû se présenter comme organe de la société anonyme dans ses rapports avec la banque, qu'il aurait dû utiliser du papier à l'en-tête de la société anonyme pour que les versements et virements puissent être imputés à celle-ci. Il y a là une confusion avec la représentation de la société anonyme au sens de l'art. 718 CO, laquelle exige, pour que la société anonyme soit contractuellement liée au tiers (i.e. la banque), que son organe ait manifesté agir au nom de la société anonyme; cette confusion de la cour cantonale vient peut-être du fait que l'art. 55 al. 2 CC vise non seulement les actes illicites, mais aussi les actes juridiques accomplis au nom de la personne morale, sur la base de pouvoirs de représentation, et qui la lient contractuellement. La responsabilité de l'art. 722 CO est une responsabilité envers le tiers, et non envers la banque: il s'agit de savoir si, pour la cliente, l'administrateur chargé de gérer sa fortune et de traiter avec la banque agissait dans le cadre général de ses attributions d'organe. 
 
C'est également à tort que la cour cantonale examine en quelque sorte qui, de la société anonyme ou de la banque, est plus " fautive " dans cette affaire et qu'elle désigne la banque, au motif que D.________ était précédemment un organe de la banque et suscitait une confiance accrue auprès d'elle et que le papier à l'en-tête de la société anonyme n'a pas été utilisé pour adresser les ordres litigieux à la banque: en effet, le client dispose d'un concours d'actions contre l'administrateur, responsable direct (art. 41 ss CO; art. 55 al. 3 CC), contre la société anonyme dont celui-ci était l'organe (art. 722 CO) et contre la banque (si, en l'absence d'une clause de transfert de risque, la banque n'a pas décelé la fausseté de la signature de la cliente ou si, au bénéfice d'une telle clause, elle a commis une faute grave dans la vérification de l'ordre et de sa signature; cf. arrêt 4A_379/2016 précité consid. 3 et 5). 
 
3.4. Les deux premières conditions de la responsabilité de l'art. 722 CO sont donc réunies eu égard aux ordres litigieux.  
 
3.5. La cause doit donc être renvoyée à la cour cantonale pour examen et décision sur les quatre autres conditions que sont le dommage, l'acte illicite, la faute et le lien de causalité entre l'acte illicite et le dommage. En particulier, il lui appartiendra de se prononcer sur le dommage, eu égard aux conclusions réduites de la demanderesse et à l'imputation dont celle-ci se prévaut, ainsi que sur la faute ou le fait concomitant de la cliente en tant que facteur d'exclusion de la responsabilité de la société anonyme ou de facteur de réduction de la réparation du dommage.  
 
4.   
Le recours en matière civile doit donc être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour suite de la procédure et nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
Les frais et dépens de la procédure sont mis à la charge de l'intimée qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). 
Lorsque les conditions de l'octroi de l'assistance judiciaire ne sont plus remplies, celle-ci doit être retirée (cf. art. 120 CPC). Il en va ainsi en particulier lorsque la situation financière du bénéficiaire s'est améliorée depuis son octroi (ATF 135 I 91 consid. 2.4.2.3 p. 97). La recourante admet elle-même que l'octroi de l'assistance judiciaire doive être reconsidéré. Vu le montant de 370'000 fr. qu'elle a reçu de la banque, l'assistance judiciaire lui sera donc retirée. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour suite de la procédure et nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.   
Le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral est retiré à la recourante avec effet rétroactif. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
4.   
L'intimée versera à la recourante une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile. 
 
 
Lausanne, le 17 janvier 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : Piaget