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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
9C_17/2018  
 
 
Arrêt du 17 avril 2018  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Pfiffner, Présidente, Parrino et Moser-Szeless. 
Greffière : Mme Perrenoud. 
 
Participants à la procédure 
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 8 novembre 2017 (A/553/2017 ATAS/993/2017). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, né en 1958, en possession d'un CFC de tapissier-décorateur, a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité le 29 octobre 2015. Il y indiquait souffrir de lombalgies chroniques depuis 1976 et d'une tendinopathie de l'épaule gauche depuis 2014, et mentionnait ne plus avoir exercé d'activité lucrative depuis le mois de juin 2008. 
Entre autres mesures d'instruction, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) a recueilli des renseignements auprès des médecins traitants de l'assuré (cf. notamment le rapport de la doctoresse B.________, spécialiste en médecine physique et réadaptation, établi en novembre 2015, et le rapport du docteur C.________, reçu par l'office AI le 4 février 2016). Leur avis a été soumis à la doctoresse D.________, médecin au Service médical régional de l'AI (SMR), qui a conclu à une capacité de travail nulle dans l'activité habituelle de technicien de réseau informatique depuis le mois de juillet 2014, mais entière dans une activité adaptée à compter du 1er décembre 2015 (rapports du SMR des 4 juillet 2016 et 16 janvier 2017). 
Par décision du 17 janvier 2017, l'office AI a rejeté la demande de prestations de A.________. Il a considéré qu'au vu du dépôt de la demande de prestations intervenu en octobre 2015, un droit à une rente pouvait potentiellement prendre naissance le 1er avril 2016; or à ce moment-là, l'assuré présentait un taux d'invalidité (de 10 %) insuffisant pour ouvrir le droit à une rente d'invalidité ou à des mesures d'ordre professionnel. 
 
B.   
Statuant le 8 novembre 2017 sur le recours formé par A.________, qui concluait en substance à l'annulation de la décision du 17 janvier 2017, ainsi qu'à la mise en oeuvre d'une expertise médicale et à l'octroi d'une aide à la réadaptation professionnelle, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, l'a admis. Elle a annulé la décision attaquée et reconnu à l'assuré le droit à une mesure de reclassement. 
 
C.   
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation. Il sollicite également l'octroi de l'effet suspensif au recours. 
L'intimé conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue sur la base des faits retenus par la juridiction précédente (art. 105 al. 1 LTF), qu'il peut rectifier ou compléter d'office si des lacunes et erreurs manifestes apparaissent aussitôt (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant n'est habilité à critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62 et les références). 
 
2.  
 
2.1. Le litige a trait au droit de l'intimé à une mesure de reclassement au sens de l'art. 17 LAI. Il porte plus particulièrement sur la nécessité d'une telle mesure, ainsi que sur l'évaluation de l'invalidité de l'assuré et l'étendue de l'abattement à opérer sur le revenu d'invalide.  
 
2.2. Le jugement entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables à la notion d'invalidité (art. 8 LPGA et art. 4 LAI), à son évaluation (art. 16 LPGA) et aux mesures de réadaptation (art. 8 LPGA et art. 8 et 17 LAI). Il suffit d'y renvoyer.  
On rappellera que selon l'art. 17 al. 1 LAI, l'assuré a droit au reclassement dans une nouvelle profession si son invalidité rend cette mesure nécessaire et que sa capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être maintenue ou améliorée. Est réputé invalide au sens de l'art. 17 LAI celui qui n'est pas suffisamment réadapté, l'activité lucrative exercée jusque-là n'étant plus raisonnablement exigible ou ne l'étant plus que partiellement en raison de la forme et de la gravité de l'atteinte à la santé. Le seuil minimum fixé par la jurisprudence pour ouvrir droit à une mesure de reclassement est une diminution de la capacité de gain de 20 % environ (ATF 139 V 399 consid. 5.3 p. 403; 130 V 488 consid. 4.2 p. 489 et les références). 
 
3.   
En se fondant sur les conclusions de la doctoresse B.________, qui ont été confirmées par le SMR, la juridiction cantonale a constaté que l'intimé présentait une capacité de travail de 100 % dans une activité adaptée à compter du 1er décembre 2015. Elle a admis que l'office AI s'était à juste titre référé au tableau TA1, tous secteurs confondus de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS 2014) pour retenir que, malgré son invalidité, l'assuré aurait pu réaliser un revenu de 66'633 fr. dans une activité simple et répétitive en 2015; elle a cependant considéré, qu'au vu des limitations fonctionnelles de l'intimé et de son âge (56 ans en juillet 2015), ainsi que du fait qu'il n'a pas travaillé depuis 2008, l'administration aurait dû prendre en compte un taux d'abattement de 15 % (et non de 10 %), et donc retenir un revenu avec invalidité de 56'638 fr. 05 (et non de 59'969 fr.). S'agissant du revenu sans invalidité, les premiers juges ont en revanche considéré que l'office AI avait à tort recouru aux salaires statistiques, dans la mesure où il ressort du compte individuel de l'assuré qu'il avait perçu de son dernier employeur un revenu de 33'485 fr. entre janvier et juin 2008, ce qui correspond à un revenu annuel de 66'970 fr., et de 71'259 fr. 66 indexé à 2015 (66'970 fr. x 2'226 / 2'092). En conséquence, ils ont fixé le taux d'invalidité de l'intimé à 20 % (71'259 fr. 66 - 56'638 fr. 05 x 100 / 71'259 fr. 66), soit un taux suffisant pour potentiellement ouvrir droit à une mesure de reclassement. Ils ont reconnu le droit de l'intéressé à une telle mesure, considérant qu'elle était susceptible de lui procurer une possibilité de gain à peu près équivalente à celle que lui offrait son ancienne activité. 
 
4.  
 
4.1. Dans un premier grief, l'office recourant reproche à la juridiction cantonale d'avoir violé le droit fédéral en augmentant de 5 % le taux d'abattement qu'il avait retenu dans sa décision du 17 janvier 2017. Il allègue essentiellement que le fait que l'assuré n'a plus exercé d'activité lucrative depuis 2008 est une circonstance qui ne devait pas être prise en compte lors de la fixation de l'abattement, dans la mesure notamment où la cessation de l'activité était intervenue pour des motifs étrangers à l'invalidité. Selon l'administration, un abattement de 10 % tient suffisamment compte des limitations fonctionnelles et de l'âge de l'intimé.  
 
4.2. On rappellera que l'étendue de l'abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation, qui est soumise à l'examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit si celle-ci a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessensunterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou a abusé ("Ermessensmissbrauch") de celui-ci, notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n'usant pas de critères objectifs (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399; 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).  
 
4.3. En l'espèce, en retenant comme facteur d'abattement supplémentaire à ceux pris en considération par l'office recourant le fait que l'intimé "n'a pas travaillé depuis 2008", la juridiction cantonale a pris en compte un critère inapproprié. L'absence prolongée du marché du travail n'est en effet pas déterminante dans le contexte d'une activité adaptée relevant de tâches manuelles simples, comme prise en considération dans le jugement entrepris en référence à l'ESS 2014, niveau 1 (arrêts 9C_777/2015 du 12 mai 2016 c. 5.3; 8C_351/2014 du 14 août 2014 consid. 5.2.4.2 et 8C_594/2011 du 20 octobre 2011 consid. 5). Au demeurant, il n'apparaît pas que l'éloignement du marché du travail serait lié aux atteintes à la santé dont souffre l'assuré; ses affirmations relatives à une cause pathologique (dépression lente [cf. recours cantonal]) ne sont étayées par aucune pièce du dossier, tandis que l'indication donnée par le docteur C.________ de limitations (dorso-lombalgies, fatigabilité et douleurs depuis l'année 2000 [rapport inclus au dossier le 4 février 2015]) n'est pas déterminante au regard du fait que l'assuré a travaillé jusqu'à fin juin 2008. Par conséquent, la juridiction cantonale n'avait pas à substituer sa propre appréciation à celle de l'office recourant en augmentant de 5 % l'abattement fixé initialement.  
Compte tenu du revenu d'invalide déterminé en fonction d'un abattement de 10 % (59'969 fr.), comparé au revenu sans invalidité de 71'259 fr. 65 - non contesté par les parties -, le degré d'invalidité doit être fixé à 16 %. Ce taux est insuffisant pour ouvrir le droit à la mesure de reclassement reconnue par les premiers juges (consid. 2.2 supra). Leur jugement doit dès lors être annulé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant le grief de l'office recourant selon lequel les premiers juges ont omis d'examiner l'ensemble des conditions du droit à la prestation accordée. On ajoutera que dans sa décision du 17 janvier 2017, l'office recourant a reconnu le droit de l'intimé à une aide au placement. Il appartiendra ainsi le cas échéant à l'assuré de s'adresser à l'administration afin de solliciter cette aide s'il souhaite en bénéficier. 
 
5.   
Vu le présent arrêt, la requête d'attribution de l'effet suspensif au recours n'a plus d'objet. 
 
6.   
Compte tenu de l'issue du litige, les frais de justice doivent être mis à la charge de l'intimé (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. La décision de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 8 novembre 2017 est annulée et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève du 17 janvier 2017 est confirmée. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.   
La cause est renvoyée à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales pour nouvelle décision sur les frais de la procédure antérieure. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 17 avril 2018 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Pfiffner 
 
La Greffière : Perrenoud