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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_373/2024  
 
 
Arrêt du 18 décembre 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Maillard et Métral. 
Greffière : Mme Barman Ionta. 
 
Participants à la procédure 
Service public de l'emploi, 
Boulevard de Pérolles 25, 1700 Fribourg, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-chômage (suspension du droit à l'indemnité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 23 mai 2024 (605 2023 137). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, né en 1985, a sollicité l'octroi de prestations de l'assurance-chômage dès le 1 er juillet 2021. Par courriel du 29 novembre 2021, l'Office régional de placement (ORP) l'a assigné à un programme d'emploi temporaire (PET) auprès de l'institution B.________; il lui était demandé de prendre contact avec l'organisateur de la mesure jusqu'au 2 décembre 2021. Invité à s'expliquer sur le fait qu'il n'avait pas contacté le responsable de la mesure, A.________ a déclaré ne pas avoir vu le courriel, mais l'avoir bien reçu après vérification, et a prié l'ORP d'excuser son manquement.  
Par décision du 9 mai 2022, le Service public de l'emploi (ci-après: SPE) a suspendu le droit de l'assuré à l'indemnité de chômage pour une durée de 21 jours dès le 3 décembre 2021. Il lui était reproché une faute de gravité moyenne pour refus de participer à un PET. Saisie d'une opposition, le SPE l'a rejetée par décision du 6 juin 2023. 
 
B.  
A.________ a recouru contre cette décision sur opposition devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois, laquelle a partiellement admis le recours et a réduit la durée de la suspension à trois jours (arrêt du 23 mai 2024). 
 
C.  
Le SPE interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme dans le sens de la confirmation de la décision sur opposition du 6 juin 2023. 
A.________ conclut au rejet du recours. La juridiction cantonale et le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Le recours ne concerne pas une contestation en matière de responsabilité étatique ni une contestation en matière de rapports de travail de droit public. Il est donc recevable indépendamment de la valeur litigieuse et du point de savoir s'il porte ou non sur une question juridique de principe (cf. art. 85 LTF). 
 
2.  
Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, fonde son raisonnement juridique sur les faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 V 366 consid. 3.3 et les références) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); à défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut pas être pris en compte (ATF 145 V 188 consid. 2). 
 
3.  
Le litige porte sur le point de savoir si la cour cantonale était fondée à réduire de 21 à 3 jours la durée de la suspension du droit de l'intimé à l'indemnité de chômage. 
 
4.  
 
4.1. Selon l'art. 30 al. 1 let. d LACI, le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci n'observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l'autorité compétente, notamment refuse un travail convenable, ne se présente pas à une mesure de marché du travail ou l'interrompt sans motif valable, ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but.  
 
4.2. Selon l'art. 30 al. 3 LACI, la durée de la suspension du droit à l'indemnité de chômage est proportionnelle à la gravité de la faute. En vertu de l'art. 45 al. 3 OACI (RS 837.02), elle est de 1 à 15 jours en cas de faute légère (let. a), de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b) et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (let. c).  
 
4.3. En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l'intention des organes d'exécution. Quand bien même de telles directives ne sauraient lier les tribunaux, elles constituent un instrument précieux pour ces organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribuent à une application plus égalitaire dans les différents cantons (ATF 141 V 365 consid. 2.4; arrêt 8C_283/2021 du 25 août 2021 consid. 3.3). Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances - tant objectives que subjectives - du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier de celles qui ont trait au comportement de l'intéressé au regard de ses devoirs généraux d'assuré qui fait valoir son droit à des prestations. Elles pourront le cas échéant aller en dessous du minimum prévu par le barème indicatif (arrêt 8C_756/2020 du 3 août 2021 consid. 3.2.3 et les références). Le barème du SECO prévoit une échelle de suspension notamment en cas de non-observation des instructions de l'autorité cantonale et des offices régionaux de placement (cf. Bulletin LACI IC, ch. D79 3). Une suspension d'une durée de 21 à 25 jours est prévue en cas de non-présentation à un programme d'emploi temporaire (la première fois), la faute étant considérée comme moyenne dans ce cas (D79 3.C1). Une suspension de 3 à 10 jours est prévue en cas de première inobservation d'autres instructions de l'autorité cantonale ou des ORP (p. ex. demandes de documents, rendez-vous avec le conseiller en orientation professionnelle, etc.), la faute étant alors considérée comme légère (D79 3.B1).  
 
4.4. La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation, qui est soumise à l'examen du Tribunal fédéral uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessensunterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou a abusé ("Ermessensmissbrauch") de celui-ci. Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de proportionnalité (ATF 143 V 369 consid. 5.4.1; 141 V 365 consid. 1.2; 137 V 71 consid. 5.1).  
 
4.5. Contrairement au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, celui de l'autorité judiciaire de première instance n'est pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative ("Angemessenheitskontrolle"). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité a adoptée dans le cas concret, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut toutefois pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration. Il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2; arrêt 8C_214/2020 du 18 février 2021 consid. 3.4).  
 
5.  
Les premiers juges ont constaté que l'intimé avait expressément accepté que l'ORP communique avec lui par le biais de courriers électroniques. Ils ont considéré qu'en ne vérifiant pas le contenu de sa boîte de réception, y compris le dossier "indésirables", l'intimé avait fait preuve de négligence dans l'accomplissement de ses devoirs, si bien que les conditions d'une suspension étaient données sur le principe. Du point de vue des juges cantonaux, toutefois, le comportement de l'intimé résultait d'une simple inattention dans le relevé de sa boîte mail et ne traduisait pas un refus de participer au PET. À réception du courrier de l'ORP, l'intimé avait vérifié sa boîte de réception et aussitôt reconnu son erreur, pour laquelle il avait présenté ses excuses. Rien n'indiquait qu'il avait tenté de se soustraire volontairement au PET; au contraire, il avait par la suite contacté le responsable de l'institution B.________ et participé à la mesure d'emploi temporaire. De plus, l'incident ne s'était pas reproduit et l'intimé avait toujours été respectueux des consignes du chômage. Les premiers juges ont encore souligné que le montant de 3'760 fr. demandé en remboursement paraissait disproportionné au regard d'une simple négligence commise pour la première fois. Dans ces circonstances, la cour cantonale a considéré que la faute commise devait être qualifiée de légère au sens de l'art. 45 al. 3 OACI, assimilable à une inobservation d'autres instructions de l'ORP entraînant une suspension de 3 à 10 jours selon le barème du SECO, et a réduit à trois jours la durée de la suspension prononcée. 
 
 
6.  
Le recourant reproche aux premiers juges d'avoir violé les art. 17 al. 3 let. a et 30 al. 1 let. d LACI en changeant la qualification du comportement de l'intimé. Il soutient que la négligence de ce dernier dans la consultation de sa boîte mail - et corollairement la non prise de connaissance du courriel d'assignation - devrait être assimilée à un refus de participer à une mesure de marché du travail, constitutif d'une faute moyenne. En outre, la lecture du dossier ferait apparaître que l'intimé avait été sanctionné par une décision du 16 mai 2022 pour ne pas avoir remis suffisamment de recherches d'emploi en janvier 2022, de sorte que, selon le recourant, les premiers juges ne pouvaient retenir un comportement exemplaire de l'intéressé. Quant au fait que le montant à rembourser était disproportionné, il ne pouvait constituer un motif valable permettant de réduire le degré de la faute. 
 
7.  
 
7.1. En l'espèce, il est constant que l'intimé n'a, certes, pas donné suite à l'assignation qui lui avait été envoyée par courrier électronique dans les trois jours qui lui avaient été impartis à cet effet. Il n'a pas vérifié le contenu du dossier "indésirables" dans sa boîte de réception, ce qui constitue effectivement une négligence. Les premiers juges ont toutefois considéré que cette erreur, aussitôt reconnue par l'intimé, ne traduisait aucune volonté de sa part de se soustraire à la mesure en question, à laquelle il avait d'ailleurs finalement participé. En l'absence de volonté de se soustraire à la mesure d'emploi temporaire - le recourant ne démontre pas que cette constatation serait manifestement erronée -, les premiers juges n'ont pas excédé ni abusé de leur pouvoir d'appréciation en fixant à trois jours la durée de la suspension prononcée.  
Dans ce contexte, le point de savoir si l'intimé a commis ultérieurement, en janvier 2022, une autre faute pour laquelle il a été sanctionné, ce qui n'a pas été constaté dans la décision sur opposition du 6 juin 2023 ni allégué devant la juridiction cantonale, n'est pas déterminant. On notera qu'antérieurement à l'assignation litigieuse, les postulations accomplies n'ont pas été jugées insuffisantes et que l'intimé a retrouvé un emploi en mars 2022 en tant qu'agent d'exploitation. Enfin, contrairement à ce que soutient le recourant, les premiers juges n'ont pas requalifié le comportement de l'intimé en raison du montant exigé en restitution. S'ils ont certes mentionné que la suspension de 21 jours, correspondant au montant de 3'760 fr., apparaissait disproportionnée eu égard à la simple négligence commise pour la première fois, ils ont rappelé, à juste titre, que la situation financière d'un assuré ne constituait pas une condition pour apprécier la durée de la suspension (arrêt 8C_675/2014 du 12 décembre 2014 consid. 5.4; arrêt C 128/04 du 20 septembre 2005 consid. 2.3). 
 
7.2. Vu ce qui précède, la réduction de la durée de suspension du droit à l'indemnité de chômage opérée en conséquence n'excède pas les limites du pouvoir d'appréciation de la juridiction cantonale. La durée de la suspension de trois jours ne s'écarte ni du barème des suspensions de l'art. 45 al. 3 let. a OACI ni du barème (indicatif) adopté par le SECO (trois à dix jours en cas d'inobservation d'autres instructions de l'ORP; cf. consid. 4.3 supra). La cour cantonale s'est prononcée en tenant compte des circonstances du cas concret, sans que l'on puisse lui faire grief d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation.  
Le recours se révèle ainsi mal fondé. 
 
8.  
Bien qu'il succombe, le recourant ne peut se voir imposer des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Il ne se justifie pas d'octroyer des dépens à l'intimé qui n'est pas représenté (art. 68 al. 1 et 2 LTF; ATF 133 III 439 consid. 4). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, et au Secrétariat d'État à l'économie (SECO). 
 
 
Lucerne, le 18 décembre 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Barman Ionta