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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
9C_692/2018  
 
 
Arrêt du 19 décembre 2018  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Pfiffner, Présidente, Meyer et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Cretton. 
 
Participants à la procédure 
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représentée par Me Karim Hirchi, avocat, Service juridique d'Inclusion Handicap, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (survenance du cas d'assurance), 
 
recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 22 août 2018 (A/4313/2017 - ATAS/722/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, italienne ayant vécu à l'étranger jusqu'à son arrivée en Suisse le 4 juillet 2000, a requis des prestations de l'assurance-invalidité le 6 juin 2013 en raison des conséquences de différents troubles psychiques (dépressif, de la personnalité borderline et bipolaire) présents depuis 1996. 
Entre autres investigations médicales, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) a recueilli l'avis du médecin traitant (rapport du 8 juillet 2013 de la doctoresse B.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie), puis mandaté le docteur C.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, pour qu'il mette en oeuvre une expertise. L'expert a diagnostiqué un trouble bipolaire de type II (épisode actuel de dépression moyenne sans syndrome somatique) et un trouble mixte de la personnalité (borderline - paranoïaque) présents depuis l'adolescence ainsi qu'un trouble panique ayant laissé subsister une capacité résiduelle de travail fluctuante selon les périodes: soit de 50 % entre 2001 et 2002, puis totale jusqu'en octobre 2006, nulle entre octobre 2006 et mars 2012, de 50 à 100 % entre avril 2012 et février 2014 et de 0 à 50 % dès mars 2014 (rapport du 27 mai 2014). Interpellé par l'administration sur le début de l'incapacité de travail, le docteur C.________ a confirmé son appréciation y relative (rapport du 15 juillet 2014). 
Sur la base des informations rassemblées, appréciées par son Service médical régional (SMR; rapports des 19 août 2014 et 17 mars 2015 de la doctoresse D.________, rapport du 9 février 2016 de la doctoresse E.________ et rapport du 5 avril 2017 de la doctoresse F.________), l'administration a rejeté la requête de prestations. Elle a considéré que l'assurée n'avait pas droit à une rente puisque, lors de la survenance de l'invalidité en 2001, elle ne remplissait pas les conditions d'assurance et que les maladies dont elle souffrait constituaient un seul et même cas d'assurance malgré sa capacité de travail fluctuante; elle a en outre nié le droit de l'intéressée à des mesures de réadaptation dans la mesure où elles ne permettaient pas d'améliorer la capacité de travail (décision du 26 septembre 2017). 
 
B.   
Saisie du recours interjeté par A.________ contre cette décision, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève l'a admis. Elle a annulé la décision administrative et reconnu le droit de l'assurée à une demi-rente d'invalidité depuis le 1er mars 2015 (jugement du 22 août 2018). 
 
C.   
L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement. Il en requiert l'annulation et conclut à la confirmation de sa décision du 26 septembre 2017. Il sollicite également l'octroi de l'effet suspensif au recours. 
L'intéressée conclut au rejet de la demande d'effet suspensif ainsi que du recours. En outre, elle requiert le bénéfice de l'assistance judiciaire totale pour la procédure fédérale. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière de droit public (au sen1-9s des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par celle-ci (art. 105 al. 1 LTF) mais peut les rectifier et les compléter d'office si des lacunes et des erreurs manifestes apparaissent d'emblée (art. 105 al. 2 LTF). En principe, il n'examine que les griefs motivés (art. 42 al. 2 LTF), surtout s'ils portent sur la violation des droits fondamentaux (art. 106 al. 2 LTF). Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Le recourant peut critiquer la constatation des faits qui ont une incidence sur le sort du litige seulement s'ils ont été établis en violation du droit ou de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF). 
 
2.   
Compte tenu des critiques émises contre le jugement entrepris, est exclusivement litigieux le point de savoir si le tribunal cantonal a violé le droit fédéral en admettant la survenance en octobre 2007 d'un nouveau cas d'assurance ouvrant le droit à l'assurée à une demi-rente d'invalidité dès mars 2015. 
Le jugement attaqué cite les bases légales (dont l'art. 36 al. 1 LAI dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007 et celle applicable dès le 1er janvier 2008), ainsi que les principes jurisprudentiels nécessaires à la résolution du litige, particulièrement ceux concernant la survenance de nouveaux cas d'assurance (arrêt 9C_36/2015 du 29 avril 2015 consid. 5.2 et les références), l'appréciation des preuves et la valeur probante des rapports médicaux (ATF 134 V 231 consid. 5.1 p. 232 s.; 125 V 351 consid. 3 p. 352 s.). Il suffit donc d'y renvoyer. 
 
3.   
Se fondant sur les conclusions du docteur C.________, le tribunal cantonal a constaté que l'intimée ne remplissait pas les conditions d'assurance au moment de la survenance de l'invalidité en 2002. Il a aussi relevé que l'intimée avait présenté une capacité totale de travail de janvier 2003 à octobre 2006. Il a considéré que la rechute survenue consécutivement à cette longue période de rémission constituait un second cas d'assurance et que, dès lors qu'elle comptait alors plus d'une année de cotisations et était domiciliée en Suisse depuis 2000, l'intimée pouvait prétendre une rente d'invalidité. Compte tenu de la date du dépôt de la demande de prestations et de la fluctuation du taux d'incapacité de travail, il a reconnu le droit de l'assurée à une demi-rente à compter de mars 2015. 
 
4.  
 
4.1. En l'espèce, l'office recourant reproche aux premiers juges d'avoir indûment admis l'existence d'un second cas d'assurance. Il soutient en substance que les différents troubles dont souffre l'intimée sont présents depuis son adolescence et n'ont jamais cessé d'influencer sa capacité de travail. Il conteste l'appréciation de l'expert à propos d'une période de rémission survenue entre janvier 2003 et octobre 2006 et déduit des pièces médicales figurant au dossier que l'incapacité de travail de l'intimé avait perduré sans interruption.  
 
4.2.  
 
4.2.1. La juridiction cantonale a basé son raisonnement sur une ancienne jurisprudence (ATFA 1966 p. 175 [cause I 65/66] repris dans l'arrêt 9C_36/2015 du 29 avril 2015 consid. 5.2 et les références). Le Tribunal fédéral des assurances a mentionné non seulement qu'une succession de causes différentes d'invalidité entraîne naturellement autant de survenances successives de l'invalidité. Il a également retenu qu'une seule et même cause médicale peut entraîner au cours du temps plusieurs survenances de l'invalidité, en particulier lorsque cette invalidité subit des interruptions notables ou que l'évolution de l'état de santé ne permet plus d'admettre l'existence d'un lien de fait et de temps entre les diverses phases qui deviennent autant de nouveaux cas d'assurance.  
Cette jurisprudence a été élaborée dans un contexte particulier. Elle visait à établir le principe de l'unité de la survenance de l'invalidité, c'est-à-dire que cette survenance ne se produisait qu'une fois et ne se renouvelait pas pour chaque groupe spécifique de prestations (ATFA 1966 p. 175 consid. 4 p. 178 ss). Cette question n'avait alors pas été définitivement tranchée dans la mesure où l'infirmité congénitale dont souffrait l'assuré, né en Suisse alors que les conditions d'assurance n'étaient pas remplies, n'avait pu ouvrir le droit à des prestations et constituer un premier cas d'assurance qu'après son inscription dans la liste de l'Ordonnance concernant les infirmités congénitales (OIC; RS 831.232.21) à une date où les conditions d'assurance étaient remplies. Elle a été définitivement tranchée par l'entrée en vigueur le 1er janvier 1968 de l'art. 4 al. 2 LAI, qui prévoit désormais que l'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération. Cette disposition consacre donc une notion relative et fonctionnelle de l'invalidité, spécifique aux prestations (ATF 130 V 343 consid. 3.3.2 p. 348). 
 
4.2.2. L'éventualité d'une interruption notable de l'invalidité ou d'une évolution de l'état de santé ne permettant plus d'admettre l'existence d'un lien de fait et de temps entre les différentes phases de l'invalidité - et, par conséquent, la survenance d'un nouveau cas d'assurance - a par la suite été plusieurs fois évoquée par le Tribunal fédéral des assurances puis par le Tribunal fédéral. Néanmoins, bien qu'elle n'ait jamais été remise en cause, cette jurisprudence n'a pas été appliquée pour diverses raisons.  
Ainsi, dans l'arrêt 9C_36/2015 du 29 avril 2015, bien que le Tribunal fédéral ait rappelé qu'une interruption notable de l'invalidité pouvait justifier la survenance d'un nouveau cas d'assurance (consid. 5.2), il n'a pas fait application de cette éventualité dès lors qu'il n'était pas contesté par le recourant que la nouvelle demande de prestations, constituant un nouveau cas d'assurance, reposait sur une pathologie totalement nouvelle (consid. 5). Dans l'ATF 126 V 5, compte tenu des rapports médicaux réunis, le Tribunal fédéral des assurances a nié l'existence d'interruptions notables de l'incapacité de gain qui auraient permis d'admettre l'existence depuis l'arrivée en Suisse de la personne intéressée d'un nouveau cas d'assurance (consid. 2c p. 10). Dans l'arrêt I 81/90 du 23 avril 1991, il n'a pas eu à se prononcer sur la survenance d'un nouveau cas d'assurance dans la mesure où l'aggravation de l'invalidité d'un assuré mis au bénéfice d'une rente extraordinaire soumise à limite de revenu (il ne remplissait pas les conditions d'assurance pour bénéficier d'une rente ordinaire ou d'une rente extraordinaire non soumise à limite de revenus; let. A) justifiait le réexamen de son droit dans le cadre d'une procédure de révision de la rente octroyée (consid. 4c). En revanche, dans l'arrêt I 170/94 du 30 mai 1995, il a clairement exclu que l'aggravation d'une atteinte partiellement invalidante à la santé survenue alors que la personne intéressée ne remplissait pas les conditions d'assurance constituât un nouveau cas d'assurance (consid. 4; à ce propos, voir aussi MEYER/REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 3e éd. 2014, no 138 ad art. 4). Le Tribunal fédéral des assurances dans son arrêt I 54/03 du 13 janvier 2004 (consid. 3.2) et le Tribunal fédéral dans son arrêt 8C_93/2017 du 30 mai 2017 (consid. 4.3.3) ont confirmé ce point. 
Dans un arrêt 8C_721/2013 du 4 mars 2014, le Tribunal fédéral a ensuite laissé ouverte la question de savoir si, dans le cadre d'une nouvelle demande de prestations fondée sur une même atteinte à la santé, le fait d'avoir recouvré temporairement une pleine capacité de travail justifiait d'admettre un nouveau cas d'assurance; de toute façon, la personne concernée ne réalisait pas les conditions d'assurance au moment de sa nouvelle annonce (consid. 4.2). On relèvera encore que, dans l'arrêt 9C_592/2015 du 2 mai 2016, la Cour de céans n'a pas eu besoin de s'exprimer sur la réalisation des conditions d'assurance peu après l'arrivée en Suisse de la personne intéressée ni sur la survenance d'un nouveau cas d'assurance dès lors que, consécutivement au dépôt de la première demande de prestations, cette personne ne présentait plus de maladie incapacitante au moment de la naissance du droit à la rente et qu'elle remplissait les conditions d'assurance lors du dépôt de la seconde demande de prestations (consid. 4.2.2 et 4.3). Dans son arrêt 9C_472/2016 du 29 novembre 2016, elle a en outre enjoint l'administration à entrer en matière sur la requête d'un assuré (auquel il avait déjà été refusé des prestations au motif qu'il ne remplissait pas les conditions d'assurance) dans la mesure où il avait rendu plausible une "aggravation" de son état de santé faisant suite à une interruption notable de l'incapacité de travail (consid. 5.3). 
 
4.2.3. L'énumération de ces différentes situations met en évidence que le Tribunal fédéral considère qu'il n'y a pas d'interruption notable de l'invalidité justifiant un nouveau cas d'assurance lorsque la personne concernée présente une invalidité (partielle) qui, même si elle varie dans le temps, ne disparaît pas entièrement pendant une période donnée.  
 
4.3.  
 
4.3.1. Eu égard à ce qui précède, il convient dès lors de déterminer si, en fonction des constatations de la juridiction cantonale, selon lesquelles l'intimé a retrouvé une capacité totale de travail de janvier 2003 à octobre 2006 après deux ans d'incapacité partielle, l'invalidité de l'intimée a subi une interruption notable. Or, quoi que dise l'office recourant sur le caractère arbitraire de ces constatations en relation avec la motivation de l'expertise sur l'évolution de la capacité de travail, le docteur C.________ a bel et bien attesté une capacité totale de travail entre janvier 2003 et octobre 2006. Interrogé sur ce point particulier, il a aussi confirmé expressément son appréciation. De surcroît, l'expert a dûment motivé son point de vue. Il a décrit de manière détaillée les différents éléments anamnestiques qui avaient guidé ladite appréciation (cf. expertise, p. 28) et, sur demande de l'office recourant, a encore précisé ces éléments (cf. complément d'expertise, p. 1). Dans ces circonstances, il ne suffit donc pas - et il est même erroné - de prétendre comme le fait l'administration que l'amélioration de la situation ne ressortait nullement du rapport d'expertise sur lequel reposait le jugement cantonal. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient encore l'office recourant, malgré le fait que l'expert a dans son appréciation séparé en deux périodes distinctes (2000-2002; 2003-2006) une seule "entité" temporelle (2000-2006), il n'en demeure pas moins qu'il a bel et bien attesté une interruption de trois ans et dix mois de l'incapacité de travail.  
L'interprétation par l'administration du dossier médical, des informations concernant la période 2003-2004 ou des symptômes des diagnostics posés originellement existant durant la période 2003-2006 ne change rien à ce qui précède. L'office recourant procède en effet soit à sa propre appréciation de documents médicaux qui étaient connus du docteur C.________ et qui ont servi de base à son analyse, soit à sa propre appréciation des constatations de l'expert concernant des faits qui s'étaient produits près de dix ans auparavant sans apporter d'éléments établissant à un degré de vraisemblance suffisant que sa version serait plus convaincante que l'évaluation du docteur C.________, reprise par les premiers juges. 
 
4.3.2. On relèvera enfin que l'office recourant ne conteste pas - en soi - le caractère notable de l'interruption de l'invalidité, qui correspond en l'occurrence à une période de trois ans et dix mois pendant laquelle l'assurée avait recouvré une pleine capacité de travail d'après les faits constatés par les premiers juges sur la base du rapport d'expertise du docteur C.________ et de son complément. Qu'une telle interruption soit qualifiée de notable n'est pas critiquable ne serait-ce qu'au regard de la période de cotisations nécessaire pour ouvrir le droit à une rente ordinaire, au sens de l'art. 36 al. 1 LAI.  
 
4.4. L'argumentation de l'administration est dès lors entièrement mal fondée. On ne saurait par conséquent reprocher aux premiers juges d'avoir violé le droit fédéral ou fait preuve d'arbitraire en admettant la survenance d'un second cas d'assurance en 2007. Le présent arrêt rend en outre sans objet la demande d'effet suspensif présentée par l'administration.  
 
5.   
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires et les dépens doivent être mis à la charge de l'office recourant (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires arrêtés à 800 fr. sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le recourant versera à l'intimée la somme de 2'400 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 19 décembre 2018 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Pfiffner 
 
Le Greffier : Cretton