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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_636/2020  
 
 
Arrêt du 24 août 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix, Jametti, Haag et Merz. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
1. Commune d'Avry, route des Fontanettes 57, 1754 Avry-sur-Matran, 
2. Commune de Belfaux, route de Lossy 7, case postale 134, 1782 Belfaux, 
3. Commune de Givisiez, place d'Affry 1, 1762 Givisiez, 
4. Commune de Granges-Paccot, route de Chantemerle 60, 1763 Granges-Paccot, 
5. Commune de Matran, route de l'Ecole 6, 1753 Matran, 
6. Commune de Villars-sur-Glâne, route du Petit-Moncor 1b, case postale 176, 1752 Villars-sur-Glâne, 
toutes représentées par Me Benoît Bovay, avocat, 
recourantes, 
 
contre  
 
Grand Conseil du canton de Fribourg, 
case postale, 1701 Fribourg, 
 
Conseil d'Etat du canton de Fribourg, 
case postale, 1701 Fribourg. 
 
Objet 
Loi sur les agglomérations, contrôle abstrait, 
 
recours contre la loi sur les agglomérations du Grand Conseil du canton de Fribourg du 21 août 2020. 
 
 
Faits :  
 
A.  
La loi fribourgeoise sur les agglomérations du 19 septembre 1995 (LAgg-1995) a défini l'agglomération (régulièrement appelée dans le langage courant "agglomération institutionnelle") comme une corporation de droit public dont les membres sont des communes qui ont en commun un centre urbain (art. 2 let. a LAgg-1995), sont étroitement liées entre elles, notamment des points de vue urbanistique, économique et culturel (let. b) et réunissent au moins 10'000 habitants (let. c). Sur cette base, le 26 février 2008, les statuts de l'Agglomération de Fribourg (comprenant dix communes dont Avry, Belfaux, Givisiez, Granges-Paccot, Matran et Villars-sur-Glâne) sont entrés en vigueur. 
Le 8 juillet 2019, le Conseil d'Etat du canton de Fribourg (ci-après: le Conseil d'Etat) a mis en consultation un avant-projet de révision générale de la LAgg-1995 notamment auprès de divers services cantonaux, de l'Agglomération de Fribourg et des communes fribourgeoises. Les communes d'Avry, de Belfaux, de Givisiez, de Granges-Paccot, de Matran et de Villars-sur-Glâne ont renoncé à se déterminer. 
Le Conseil d'Etat a publié, le 6 novembre 2019, un avant-projet de loi modifiant la LAgg-1995. Cette révision visait d'une part à promouvoir la collaboration intercommunale dans les périmètres des projets d'agglomération, quelle que soit la forme juridique choisie, d'autre part à préciser les modalités de soutien par l'Etat de cette collaboration; l'avant-projet apportait aussi quelques modifications dans l'organisation et le fonctionnement des agglomérations institutionnelles. 
Le 7 janvier 2020, le Conseil d'Etat a déposé devant le Grand Conseil du canton de Fribourg (ci-après: le Grand Conseil) un projet de loi sur les agglomérations qui reprenait pour l'essentiel l'avant-projet susmentionné. La commission parlementaire chargée de l'examen du projet de LAgg a décidé, lors de sa séance du 6 mars 2020, de s'écarter du projet déposé par le Conseil d'Etat en se prononçant contre le maintien d'une forme institutionnelle spécifique pour les agglomérations, considérant que la forme de l'association de communes serait préférable. Les art. 7 à 51 relatifs à l'agglomération institutionnelle ont notamment été supprimés du projet de LAgg soumis par le Conseil d'Etat. Cette décision de la commission parlementaire a été rendue publique par communiqué de presse du 10 juin 2020. 
Le 18 juin 2020, le Conseil communal de la commune de Matran a demandé au Président de la commission parlementaire une consultation complémentaire, à tout le moins auprès des communes directement concernées sur le "projet bis" issu de la commission, qui modifiait sensiblement les paradigmes initiaux du projet de LAgg. Le 30 juin 2020, le Président de la commission a répondu que la loi sur le Grand Conseil ne prévoyait pas de consultation sur les projets issus de la commission. 
Le 24 juin 2020, le Conseil général de la commune de Villars-sur-Glâne a adopté une résolution s'opposant au projet de la commission parlementaire et invitant le Grand Conseil à soutenir le projet initial du Conseil d'Etat. 
Le 2 juillet 2020, le Comité de l'Agglomération de Fribourg a écrit au Conseiller d'Etat en charge de la Direction des institutions, de l'agriculture et des forêts pour s'étonner de la proposition de la commission parlementaire à laquelle le Conseil d'Etat semblait s'être rallié. Il déplorait l'absence d'une nouvelle consultation et demandait notamment qu'un nouveau droit d'être entendu soit octroyé en tout cas à l'Agglomération de Fribourg et aux communes qui la composent. Le 13 juillet 2020, le Conseiller d'Etat précité a répondu que le Conseil d'Etat ne s'immisçait pas dans les débats d'une commission parlementaire et qu'il n'appartenait pas à une commission parlementaire ordinaire de procéder à une nouvelle consultation lors d'un projet élaboré par le Conseil d'Etat. 
Le 29 juillet 2020, le Président du comité d'agglomération a écrit au Bureau du Grand Conseil pour demander notamment à exercer son droit d'être entendu et à être auditionné par la commission parlementaire. Le 7 août 2020, la Présidente du Grand Conseil a répondu qu'après avoir étudié la demande du comité d'agglomération, le Bureau du Grand Conseil avait décidé de maintenir le débat sur la LAgg à la session d'août 2020. 
 
B.  
Lors des débats parlementaires des 20 et 21 août 2020, plusieurs députés cantonaux, aussi membres de l'exécutif ou du législatif des communes composant l'Agglomération de Fribourg ou membres des organes de l'Agglomération de Fribourg se sont exprimés; lors de l'entrée en matière, un député, membre du Comité de l'Agglomération de Fribourg et conseiller communal à Villars-sur-Glâne, a formulé une demande de renvoi; après un débat sur cette question, la demande de renvoi a été refusée par 60 voix contre 24 et 2 abstentions (Bulletin du Grand Conseil de Fribourg [BGC/FR] 2020, p. 1506 à 1520); lors de la première lecture, un amendement sur l'art. 6 LAgg a été déposé visant à "récupérer l'agglomération institutionnelle dans le cadre de cette loi, institution qui a été supprimée par la commission" (BGC/FR 2020 p. 1523) : après que les arguments en faveur de cet amendement ont été développés, cet amendement a été rejeté par 68 voix contre 18 et 3 absentions; avant la deuxième lecture, une motion d'ordre dans le but de reporter la deuxième lecture du projet de loi au mois de septembre 2020 a été déposée et refusée par 71 voix contre 15 et 3 absentions (BGC/FR 2020 p. 1506 à 1533). 
Le 21 août 2020, le Grand Conseil a adopté le projet de loi sur les agglomérations qui abroge la loi du 19 septembre 1995, par 75 voix contre 5 et 9 abstentions. 
Aucune demande de référendum n'ayant été déposée dans le délai imparti, le Conseil d'Etat a promulgué cette loi, par arrêté du 6 octobre 2020, publié dans la Feuille officielle du canton de Fribourg du 16 octobre 2020. Cette loi, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, a la teneur suivante: 
 
1 Dispositions générales  
Art. 1 
1 La présente loi a pour but de promouvoir la collaboration horizontale et verticale des espaces fonctionnels définis dans les dispositions fédérales en matière de projets d'agglomération. 
2 Elle définit: 
a) le soutien à apporter par l'Etat aux projets d'agglomération; 
b) les formes des organismes responsables chargés de l'élaboration et de la mise en oeuvre des projets d'agglomération. 
 
2 Soutien de l'Etat aux projets d'agglomération  
Art. 2 Principe 
1 L'Etat encourage les démarches de collaboration entreprises par les communes faisant partie d'un périmètre de projet d'agglomération. 
 
Art. 3 Accompagnement des projets d'agglomération 
1 L'Etat est associé aux travaux des organismes chargés de l'élaboration, de la mise en oeuvre ainsi que du suivi des études et des mesures bénéficiant d'un soutien financier. 
2 Les dispositions de l'article 27 al. 2 de la loi du 2 décembre 2008 sur l'aménagement du territoire et les constructions demeurent réservées. 
 
Art. 4 Conditions et modalités du soutien de l'Etat 
1 L'Etat soutient financièrement les études d'élaboration des projets d'agglomération à raison de 30 % des coûts totaux, jusqu'à un montant maximal de 300'000 francs par période de planification. Les coûts totaux de référence sont déterminés après déduction des subventions fédérales et, le cas échéant, des subventions cantonales prévues par d'autres lois. Le Conseil d'Etat arrête les autres critères d'octroi de ce soutien financier. 
2 L'Etat peut accorder un soutien financier aux organismes responsables de la mise en oeuvre des mesures des projets d'agglomération pour les mesures d'infrastructures de transports et de requalification des espaces publics, après déduction, le cas échéant, des subventions fédérales et des subventions cantonales prévues par d'autres lois. 
3 Le règlement d'exécution détermine le processus de reconnaissance des mesures ainsi que les modalités d'octroi et le taux du soutien financier. Le Conseil d'Etat fixe le montant maximal du soutien financier pour chaque génération de projet d'agglomération. 
 
Art. 5 Coordination 
1 Le préfet assure la coordination entre les communes faisant partie d'un périmètre de projet d'agglomération et les communes de son district situées à l'extérieur du périmètre du projet ainsi que la coordination entre le projet d'agglomération et le plan directeur régional ou les plans directeurs régionaux incluant des communes de son district. 
2 L'Etat veille à la coordination entre les projets d'agglomération et le plan directeur cantonal. 
 
3 Organismes responsables  
Art. 6 Formes des organismes responsables 
1 Pour élaborer et mettre en oeuvre leur projet d'agglomération, les communes se constituent en association de communes au sens des articles 109 et suivants LCo. 
2 Le Conseil d'Etat peut, en outre, autoriser: 
a) un organisme intercantonal à se charger de l'élaboration et de la mise en oeuvre d'un projet d'agglomération; il conclut, à cet effet, une convention avec le ou les cantons voisins; 
b) une commune, si elle respecte les dispositions fédérales en la matière, à élaborer et mettre en oeuvre un projet d'agglomération. 
 
Art. 7 Tâches obligatoires 
1 Les tâches de l'organisme responsable comprennent les thématiques obligatoires couvertes par les dispositions fédérales sur les projets d'agglomération. 
 
4 Disposition transitoire  
Art. 8 
1 Dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur de la présente loi, le Conseil d'Etat fixe le périmètre des entités chargées de l'élaboration et de la mise en oeuvre des projets d'agglomération déjà constituées. 
2 Les communes comprises dans le périmètre fixé par le Conseil d'Etat disposent d'un délai de deux ans à compter de la fixation de ce périmètre pour, sous la conduite du préfet, adapter les statuts de l'entité constituée ou élaborer de nouveaux statuts. Le préfet compétent est le préfet du district qui comprend le plus grand nombre de communes concernées. 
3 Passé ce délai, le Conseil d'Etat se substitue aux communes pour adapter ou élaborer les statuts de l'association de communes. 
 
 
C.  
Par ordonnance coordonnant le passage de l'ancienne à la nouvelle LAgg, adoptée le 9 décembre 2020 (ROF 2020 p. 175), le Conseil d'Etat a introduit une disposition précisant que l'Agglomération de Fribourg restait soumise à l'ancien droit durant la phase transitoire, soit jusqu'au moment où les communes comprises dans le périmètre fixé par le Conseil d'Etat, conformément à l'art. 8 de la nouvelle loi, se sont constituées en une association dotée de statuts. 
 
D.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la commune d'Avry, la commune de Belfaux, la commune de Givisiez, la commune de Granges-Paccot, la commune de Matran et la commune de Villars-sur-Glâne demandent au Tribunal fédéral d'annuler la loi sur les agglomérations du 21 août 2020. 
Invités à se déterminer, le Conseil d'Etat et le Grand Conseil concluent au rejet du recours. Les recourantes ont répliqué, par courrier du 5 mai 2021. Elles ont déposé une détermination spontanée le 29 septembre 2021, à laquelle le Conseil d'Etat a répondu. Elles se sont encore exprimées le 2 novembre 2021. 
 
E.  
Par ordonnance du 28 décembre 2020, le Président de la Ire Cour de droit public a rejeté la requête d'effet suspensif présentée par les recourantes. 
 
F.  
Le Tribunal fédéral a délibéré en séance publique le 24 août 2022. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis. 
 
1.1. Le recours en matière de droit public est ouvert contre les actes normatifs cantonaux (art. 82 let. b LTF). La loi attaquée constitue un acte normatif cantonal et ne peut faire l'objet d'aucun recours dans le canton de Fribourg. Elle est par conséquent directement attaquable par un recours en matière de droit public (art. 82 let. b et 87 al. 1 LTF).  
 
1.2. Les communes et les autres collectivités de droit public qui invoquent la violation de garanties qui leur sont reconnues par la constitution cantonale ou la Constitution fédérale ont qualité pour recourir en vertu de l'art. 89 al. 2 let. c LTF.  
Se prévalant d'une violation de leur autonomie communale (art. 50 Cst.) en raison de la suppression de l'agglomération institutionnelle, les communes recourantes bénéficient en principe de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 2 let. c LTF. La question de savoir si les communes sont effectivement autonomes dans le domaine litigieux est une question de fond, qui n'a pas d'incidence sur la recevabilité du recours (ATF 146 I 36 consid. 1.4 et les arrêts cités). 
 
1.3. Le recours a été interjeté dans les trente jours suivant la publication de l'arrêté de promulgation. Le délai de l'art. 101 LTF est ainsi respecté. Il y a donc lieu d'entrer en matière.  
 
2.  
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, les recourantes se plaignent de ne pas avoir été consultées avant l'adoption de la LAgg dans sa nouvelle teneur proposée par la commission parlementaire. 
 
2.1. Les recourantes font d'abord valoir une application arbitraire de l'art. 64 al. 2 de la loi fribourgeoise sur l'organisation du Conseil d'Etat et de l'administration du 16 octobre 2001 (LOCEA; RS/FR 122.0.1), de l'art. 22 du règlement sur l'élaboration des actes législatifs du 24 mai 2005 (REAL; RS/FR 122.0.21) et de l'art. 83 al. 3 de la loi fribourgeoise sur le Grand Conseil du 6 septembre 2006 (LGC; RS/FR 121.1).  
 
2.1.1. Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire. Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Par conséquent, si celle-ci ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 170 consid. 7.3). Dans ce contexte, la partie recourante est soumise aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF.  
 
2.1.2. Selon l'art. 64 al. 2 LOCEA, le Conseil d'Etat veille à ce que les projets importants soient organisés de manière appropriée et bénéficient des moyens matériels et du personnel nécessaires; ces projets doivent faire l'objet d'une procédure de consultation auprès des milieux intéressés.  
A teneur de l'art. 22 REAL, une procédure de consultation externe est ouverte pour associer les milieux concernés à l'élaboration d'un acte d'une certaine importance et pour vérifier que le projet est matériellement correct et susceptible d'être bien accepté. Les cas prévus par la législation spéciale sont en outre réservés (al. 1). Sont considérés comme d'une certaine importance notamment les projets visés par l'article 64 LOCEA, ceux dont l'exécution est confiée en grande partie à des organes extérieurs à l'administration et ceux qui affectent de manière non négligeable des activités soumises à autorisation (al. 2). 
L'art. 83 al. 3 LGC prévoit que le projet de la commission est préparé dans le respect des principes usuels en matière d'élaboration de la législation, y compris ceux qui sont relatifs à la procédure de consultation. 
 
2.1.3. En l'espèce, pour les recourantes, une interprétation littérale des dispositions cantonales susmentionnées serait absurde et il faudrait adopter une interprétation téléologique: ainsi, lorsqu'une commission parlementaire modifie un projet d'une manière telle que la nouvelle mouture de ce projet ne correspond plus au projet initial mis en consultation, une nouvelle consultation serait nécessaire. Les recourantes relèvent que dans la mesure où la LAgg abroge la LAgg-1995 et ne reprend aucune des dispositions relatives à l'agglomération institutionnelle, l'Agglomération de Fribourg n'aura plus de base légale et sera vouée à disparaître. Pour elles, il s'agit d'une modification majeure par rapport à la LAgg-1995 et au projet initial du Conseil d'Etat.  
Les recourantes ne contestent cependant pas qu'aucune disposition cantonale législative ou réglementaire relative à la procédure de consultation ne traite du cas où une commission parlementaire modifie en profondeur un projet du Conseil d'Etat. Elles ne visent pas non plus une disposition de droit cantonal qui imposerait deux consultations lors du processus législatif. S'ajoute à cela que lors de la consultation publique du 8 juillet au 18 octobre 2019, la question de la suppression de l'agglomération institutionnelle avait déjà été soulevée par la commune de Guin, membre de l'Agglomération de Fribourg, ce que le Conseil d'Etat a mentionné dans son message du 7 janvier 2020 au Grand Conseil accompagnant le projet de LAgg (Message 2016-DIAF-31, p. 13 et pièce 4). Les communes recourantes ont quant à elles toutes renoncé à se déterminer. Dans ces conditions, il était défendable de faire prévaloir une approche relativement formaliste des dispositions légales cantonales. Une telle approche n'est au demeurant pas manifestement contraire au sens et au but de la législation fribourgeoise, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se demander s'il aurait peut-être été souhaitable que les communes concernées soient entendues une seconde fois par la commission. Par conséquent, en refusant une seconde audition, les autorités cantonales n'ont pas procédé à une application arbitraire des art. 64 al. 2 LOCEA, 22 al. 1 REAL et 83 al. 3 LGC. Le grief des recourantes doit par conséquent être rejeté. 
 
2.2. Les recourantes se prévalent aussi de l'art. 4 § 6 de la Charte européenne de l'autonomie locale du 15 octobre 1985 (RS 0.102).  
 
2.2.1. Selon l'art. 4 § 6 de la Charte européenne de l'autonomie locale, entrée en vigueur pour la Suisse le 1er juin 2005, les collectivités locales doivent être consultées, autant qu'il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement.  
 
2.2.2. La Suisse a fait usage de la faculté offerte à l'art. 13 de la Charte européenne de l'autonomie locale permettant à chaque partie de désigner les catégories de collectivités locales ou régionales auxquelles elle entendait limiter le champ d'application et qu'elle entendait exclure du champ d'application de la Charte, en déclarant expressément que la Charte s'appliquait en Suisse aux communes politiques. Corporation publique formée par les communes, l'agglomération institutionnelle est un instrument de collaboration intercommunale et n'est pas une commune politique. Elle ne peut par conséquent déduire aucun droit de la Charte européenne de l'autonomie locale (dans ce sens, voir avis de droit relatif à la suppression de l'agglomération institutionnelle en droit fribourgeois du Prof. Thierry Tanquerel du 15 septembre 2020 p. 17).  
Les communes, membres de l'Agglomération de Fribourg, auxquelles la révision de la LAgg va faire perdre leur qualité de membre, ne peuvent pas non plus tirer de droit de la Charte et en particulier de l'art. 4 § 6. En effet, si la LAgg supprime la forme de l'agglomération institutionnelle, elle laisse subsister et promeut la forme de l'association de communes. Les communes fribourgeoises voient certes la diversité des formes d'association intercommunale réduite, mais le principe même de leur droit de s'associer n'est pas remis en cause. Le grief de violation de l'art. 4 § 6 de la Charte d'autonomie locale doit ainsi être écarté, indépendamment de la question de savoir si cette disposition s'applique directement (cf. pour l'art. 5, ATF 142 I 216 consid. 7.4). 
A bon droit, les communes recourantes ne se prévalent pas de l'art. 5 de la Charte européenne d'autonomie locale qui prévoit que "pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet". En effet, l'abolition de l'agglomération institutionnelle ne remet pas en cause les limites territoriales des communes. 
 
3.  
Les recourantes se plaignent aussi - grief de nature formelle - d'une violation de leur droit d'être entendues (art. 29 al. 2 Cst.). 
 
3.1. Le droit d'être entendu prévu par l'art. 29 al. 2 Cst. est garanti essentiellement dans le cadre des procédures administratives ou judiciaires, notion figurant à l'alinéa 1 de cette disposition. Ainsi, en matière administrative, il prévaut dans les procédures conduisant à l'adoption de décisions administratives, donc de mesures individuelles et concrètes fondées sur le droit public portant sur des droits ou obligations des administrés, soit, dans toutes les procédures d'application du droit (arrêt 1C_346/2018 du 4 mars 2019 consid. 5.1 et les références citées).  
Dans le cadre d'une procédure législative, c'est-à-dire dans une procédure qui conduit à l'adoption de normes générales et abstraites, la Constitution fédérale ne confère pas aux citoyens le droit d'être entendus. Selon la jurisprudence, une exception n'est admise que lorsque certaines personnes (destinataires dits "spéciaux") sont touchées de façon sensiblement plus grave que le plus grand nombre des destinataires "ordinaires", par exemple lorsqu'un décret de portée générale ne touche concrètement qu'un très petit nombre de propriétaires (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les arrêts cités). 
 
3.2. Pour les recourantes, l'adoption de la LAgg aurait le même effet qu'une décision du Conseil d'Etat qui révoquerait l'approbation des statuts de l'Agglomération de Fribourg et ordonnerait sa dissolution. Elles soutiennent que les communes qui composent l'Agglomération de Fribourg sont les destinataires spéciales de la LAgg en ce sens qu'elles - et elles seules - sont touchées plus particulièrement par la LAgg et de manière plus incisive que la généralité des administrés: l'exception jurisprudentielle entrerait en ligne de compte et les communes qui composent l'Agglomération disposeraient d'un droit d'être entendues au sujet de la LAgg telle qu'elle a été amendée par la commission parlementaire.  
Le raisonnement des recourantes ne peut être suivi. En effet, la LAgg ne saurait être assimilée à une décision du Conseil d'Etat. Elle est une norme générale et abstraite en ce sens qu'elle prévoit les modalités du soutien du canton aux projets d'agglomération et qu'elle supprime une institution, l'agglomération institutionnelle, ouverte à un nombre indéterminé de communes. La LAgg est ainsi une loi au sens formel susceptible de s'appliquer aux actuelles 126 communes du canton et non seulement aux 10 communes qui composent l'Agglomération de Fribourg. Elle ne touche donc pas de manière concrète uniquement les communes de l'Agglomération de Fribourg, même si celles-ci devront s'adapter à la nouvelle loi en changeant leur mode de collaboration intercommunale. Cela ne suffit donc pas pour les qualifier de "destinataires spéciales" de la LAgg au sens de la jurisprudence précitée, puisque la LAgg est susceptible de toucher toutes les communes fribourgeoises si elles venaient à intégrer un projet d'agglomération. Cela se justifie d'autant plus que la LAgg ne prévoit pas la dissolution de plein droit de l'Agglomération de Fribourg dès son entrée en vigueur mais laisse subsister celle-ci tant que la procédure prévue à l'art. 8 LAgg n'aura pas été menée à son terme. L'ordonnance coordonnant le passage de l'ancienne à la nouvelle loi sur les agglomérations du 9 décembre 2020 précise en effet explicitement que l'Agglomération de Fribourg reste soumise à l'ancien droit jusqu'au moment où les communes comprises dans le périmètre fixé par le Conseil d'Etat conformément à l'art. 8 LAgg se sont constituées en une association dotée de statuts (art. 2 al. 1), qui reprendra les tâches et les engagements financiers de l'Agglomération. Les communes recourantes ne peuvent par conséquent pas se prévaloir de l'exception jurisprudentielle conférant aux citoyens le droit d'être entendus dans un processus législatif. La situation aurait sans doute été différente si la loi avait eu pour unique objet l'Agglomération de Fribourg. La loi n'aurait dans ce cas touché que les communes membres de l'Agglomération de Fribourg et celles-ci auraient alors vraisemblablement pu être qualifiées de destinataires spéciales au sens de la jurisprudence susmentionnée. 
Dans les circonstances concrètes de l'espèce, le grief de violation du droit d'être entendu doit par conséquent être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
4.  
Sur le fond, les communes recourantes soutiennent que leur autonomie communale (art. 50 Cst.) aurait été violée par la suppression de l'agglomération institutionnelle. Elles y voient une atteinte aux droits acquis de l'Agglomération de Fribourg, aux droits des citoyens et à l'existence même de cette corporation. 
 
4.1. Dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes, le Tribunal fédéral examine librement la conformité d'un acte normatif au droit constitutionnel; il s'impose cependant une certaine retenue eu égard notamment aux principes découlant du fédéralisme et de la proportionnalité. Dans ce contexte, ce qui est décisif, c'est que la norme mise en cause puisse, d'après les principes d'interprétation reconnus, se voir attribuer un sens compatible avec les droits fondamentaux invoqués. Le Tribunal fédéral n'annule dès lors une norme cantonale que lorsque celle-ci ne se prête à aucune interprétation conforme à la Constitution ou à la Convention européenne des droits de l'homme. Pour en juger, il faut notamment tenir compte de la portée de l'atteinte aux droits fondamentaux en cause, de la possibilité d'obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante, et des circonstances concrètes dans lesquelles ladite norme sera appliquée (ATF 145 I 73 consid. 2 et les arrêts cités).  
Le juge constitutionnel ne doit pas se borner à traiter le problème de manière purement abstraite, mais il lui incombe de prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d'une application conforme aux droits fondamentaux. Les explications de l'autorité cantonale sur la manière dont elle applique ou envisage d'appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l'éventualité que, dans certains cas, son application puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait des normes (ATF 145 I 73 consid. 2 et les arrêts cités). 
 
4.2. Selon l'art. 50 al. 1 Cst., l'autonomie communale est garantie dans les limites fixées par le droit cantonal. Une commune bénéficie ainsi de la protection de son autonomie dans les domaines que le droit cantonal ne règle pas de façon exhaustive, mais qu'il laisse en tout ou partie dans la sphère communale, conférant par là aux autorités municipales une liberté de décision relativement importante. L'existence et l'étendue de l'autonomie communale dans une matière concrète sont déterminées essentiellement par la constitution et la législation cantonales (ATF 145 I 52 consid. 3.1; 139 I 169 consid. 6.1; 138 I 242 consid. 5.2).  
Dans le canton de Fribourg, à teneur de l'art. 129 al. 2 de la constitution du 16 mai 2004 du canton de Fribourg (Cst./FR; RS 131.219), l'autonomie communale est garantie dans les limites du droit cantonal. Elle peut être invoquée par les associations de communes dans leur domaine de compétence. En matière de collaboration intercommunale, l'art. 134 al. 2 Cst./FR prévoit que les communes peuvent s'associer pour l'accomplissement d'une ou de plusieurs tâches. Elles doivent adhérer à tous les buts de l'association. L'Etat peut obliger des communes à faire partie d'une association ou à en fonder une (art. 134 al. 3 Cst./FR). 
 
4.3. Les droits acquis sont un ensemble hétérogène de droits des administrés envers l'Etat, dont la caractéristique commune est qu'ils bénéficient d'une garantie particulière de stabilité, fondée sur la garantie de la propriété et le principe de la bonne foi (ATF 128 II 112 consid. 10a; arrêt 1C_250/2018 consid. 4.1; THIERRY TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, N 756, 763 et 764). Les droits acquis sont opposables au législateur (arrêt 1C_168/2008 du 21 avril 2009 consid. 4.3 in ZBl 2010 p. 56).  
 
4.4. En l'espèce, quoi qu'en disent les recourantes, la constitution cantonale ne prévoit pas de garantie en faveur des agglomérations institutionnelles. L'existence et l'étendue de l'autonomie communale en matière de collaboration intercommunale sont déterminées essentiellement par la constitution et la législation cantonales. Or la Cst./FR (l'art. 134 Cst./FR en particulier) ne comporte pas de mention à l'agglomération institutionnelle et ne l'impose pas au législateur. La forme de l'agglomération institutionnelle n'a d'ailleurs pas été consacrée dans la constitution fribourgeoise de 2004, alors même qu'elle existait en vertu de la LAgg-1995. La Cst./FR prévoit en revanche que l'Etat peut obliger des communes à faire partie d'une association ou à en fonder une (art. 134 al. 2 Cst./FR). Le législateur cantonal ne pourrait donc pas supprimer la forme de l'association des communes sans révision préalable de la constitution cantonale.  
Lorsque la LAgg-1995 a consacré et réglementé l'agglomération institutionnelle, elle a usé d'une faculté que la constitution cantonale laisse au législateur cantonal mais qu'elle ne lui impose pas. Le législateur cantonal est donc libre de supprimer l'agglomération institutionnelle qu'il a lui-même instituée (dans ce sens, avis de droit du Prof. Thierry Tanquerel, op. cit., p. 15). Dans ce contexte, les communes n'ont pas de liberté de choix; elles doivent respecter la LAgg. Elles ne disposent d'aucune liberté de décision s'agissant du maintien de l'agglomération institutionnelle. En d'autres termes, elles ne disposent d'aucune autonomie quant à la possibilité de maintenir l'agglomération institutionnelle, puisque la suppression de cette forme de collaboration intercommunale en faveur de l'association des communes n'est pas contraire au droit constitutionnel cantonal. Par conséquent, le législateur cantonal n'a pas violé l'autonomie communale des recourantes en modifiant la forme juridique de leur collaboration. Celles-ci se prévalent ainsi en vain de l'art. 129 al. 2 Cst./FR. En effet, même si cette disposition devait être interprétée de manière large comme le prétendent les recourantes - en ce sens que l'Agglomération de Fribourg pourrait invoquer son autonomie communale -, cela ne permettrait pas de faire constater une violation de cette autonomie en matière de collaboration intercommunale. 
S'agissant des droits acquis, la LAgg-1995 ne comporte aucun élément pouvant être interprété comme garantissant qu'elle ne sera pas modifiée ou que les agglomérations créées selon ses dispositions disposeront d'un droit acquis à leur maintien même en cas de modification législative. Les recourantes ne peuvent rien tirer en particulier de l'art. 40 LAgg-1995 (qui imposait que la dissolution de l'agglomération devait faire l'objet d'un vote aux urnes et était dissoute si la majorité des communes et des citoyens votants approuvait la décision de dissolution). En effet, cette règle ne limite pas les compétences du législateur cantonal. Celui-ci reste libre d'abroger cette disposition. L'abrogation des dispositions sur l'agglomération institutionnelle n'est pas contraire à la constitution cantonale. Le droit cantonal est de rang supérieur aux décisions relatives à la création ou à la dissolution d'une agglomération, qui procèdent précisément de ce droit. Au demeurant, la LAgg n'est pas soustraite au vote populaire puisque le référendum facultatif est ouvert contre elle, en vertu de l'art. 46 al. 1 let. a Cst./FR (avis de droit du Prof. Thierry Tanquerel, op. cit., p. 19). 
Le grief de violation de l'autonomie communale et de la protection des droits acquis doit par conséquent être rejeté. 
 
5.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF, il n'est pas perçu de frais judiciaires. Il n'est pas non plus alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des communes recourantes, au Conseil d'Etat et au Grand Conseil du canton de Fribourg. 
 
 
Lausanne, le 24 août 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Tornay Schaller