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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_476/2022  
 
 
Arrêt du 28 décembre 2022  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
Marazzi et Bovey. 
Greffier : M. Piccinin. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représenté par Me Lionel Zeiter, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. B.A.________, 
2. C.A.________, 
tous les deux représentés par Me Maxime Morard, 
avocat, 
intimés. 
 
Objet 
mesures protectrices de l'union conjugale (entretien de l'enfant majeur), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la I e Cour d'appel civil de l'Etat de Fribourg, du 17 mai 2022 (101 2021 429 & 487). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.A.________ et B.A.________, tous deux nés en 1973, se sont mariés en 1996. Deux enfants sont issus de cette union, D.A.________, né en 2000, et C.A.________, né en 2003. 
Par mémoire du 25 février 2021, l'épouse a déposé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale. 
 
B.  
Par décision du 4 octobre 2021, la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de la Gruyère a notamment astreint le mari à contribuer à l'entretien de l'enfant C.A.________ par le versement mensuel de 1'220 fr., dès le 1er novembre 2021 et jusqu'au terme de sa formation. 
Par arrêt du 17 mai 2022, notifié par plis recommandés aux parties le 19 mai 2022, la I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg a partiellement admis l'appel du mari et a réformé la contribution à sa charge en faveur de l'enfant C.A.________ en fixant celle-ci à 750 fr. par mois du 1er août 2022 jusqu'à la fin de sa formation, dans les limites de l'art. 277 al. 2 CC, allocations de formation et employeur payables en sus. 
 
C.  
Par mémoire du 17 juin 2022, A.A.________ exerce un " recours " au Tribunal fédéral contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens qu'il ne doit pas contribuer à l'entretien de l'enfant C.A.________. 
Des réponses au fond n'ont pas été requises. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant ne précise pas, dans son écriture, la nature du recours qu'il entend exercer. Cette omission ne lui nuit pas dans la mesure où le Tribunal fédéral examine d'office et avec plein pouvoir d'examen la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 I 126 consid. 1; 143 III 140 consid. 1 et les références). 
Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF), le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 393 consid. 4) rendue sur recours par une autorité supérieure statuant en dernière instance cantonale (art. 75 LTF), dans une affaire matrimoniale (art. 72 al. 1 LTF) de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a, 51 al. 4 et 74 al. 1 let. b LTF), étant relevé à cet égard que, lorsque le recourant soutient que la valeur litigieuse doit être calculée en prenant en compte la contribution mensuelle de 750 fr. que la cour cantonale l'a condamné à verser, il perd de vue que cette valeur doit être déterminée par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 51 al. 1 let. a LTF). Au surplus, il a participé à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt digne de protection à la modification ou l'annulation de la décision entreprise (art. 76 al. 1 let. a et b LTF). Le recours en matière civile est donc en principe recevable au regard des dispositions qui précèdent. 
 
2.  
 
2.1. Dès lors que la décision attaquée porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 134 III 667 consid. 1.1; 133 III 393 consid. 5, 585 consid. 3.3), la partie recourante ne peut dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés par le recourant (" principe d'allégation "; art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4). En particulier, une décision ne peut être qualifiée d'arbitraire (art. 9 Cst.) que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 144 I 113 consid. 7.1; 142 II 369 consid. 4.3; 141 III 564 consid. 4.1 et les références).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, le recourant qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitraire - ne peut obtenir la rectification ou le complètement des constatations de fait de l'arrêt cantonal que s'il démontre la violation de droits constitutionnels, conformément au principe d'allégation susmentionné (cf. supra consid. 2.1). Le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 142 II 355 consid. 6). Le recourant ne peut se limiter à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (art. 106 al. 2 LTF; ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 et la référence).  
 
3.  
Aux termes de l'art. 277 al. 2 CC, si, à sa majorité, l'enfant n'a pas encore de formation appropriée, les père et mère doivent, dans la mesure où les circonstances permettent de l'exiger d'eux, subvenir à son entretien jusqu'à ce qu'il ait acquis une telle formation, pour autant qu'elle soit achevée dans les délais normaux. 
L'obligation de subvenir à l'entretien de l'enfant qui n'a pas de formation appropriée à sa majorité doit constituer une solution d'équité entre ce qu'on peut raisonnablement exiger des parents, en fonction de l'ensemble des circonstances, et ce qu'on peut raisonnablement attendre de l'enfant, en ce sens qu'il pourvoie à ses besoins par le produit de son propre travail ou par d'autres moyens (arrêts 5A_246/2019 du 9 juin 2020 consid. 6.1.1; 5A_185/2019 du 26 septembre 2019 consid. 5.1; 5A_97/2017 du 23 août 2017 consid. 9.1; 5A_442/2016 du 7 février 2017 consid. 4.1; 5C.150/2005 du 11 octobre 2005 consid. 4.1). Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation à cet égard (art. 4 CC; ATF 113 II 374 consid. 2; arrêts 5A_679/2019 du 5 juillet 2021 consid. 11.1; 5A_129/2019 du 10 mai 2019 consid. 2.2). 
 
4.  
Selon les constatations de l'arrêt querellé, l'enfant C.A.________, tout juste majeur, n'avait pas encore de formation appropriée, de sorte qu'il pouvait prétendre sur le principe à une contribution d'entretien de ses parents lui permettant d'acquérir une telle formation. Bien qu'il se cherchait, on ne pouvait pas retenir qu'il aurait fait preuve de mauvaise volonté. Si la nature définitive de sa formation semblait ouverte devant le premier juge, elle était plus claire en appel dans la mesure où il avait entretemps conclu un contrat d'apprentissage de logisticien débutant à la rentrée scolaire 2022. C'était donc à juste titre que le jugement de première instance astreignait le père à contribuer à l'entretien de l'enfant. 
La durée et le montant des contributions devaient être déterminés sur la base de son apprentissage de logisticien. À défaut de la production du contrat d'apprentissage, il y avait lieu de se fonder sur les recommandations des Organismes du monde du travail suisses s'agissant des salaires indicatifs des apprentis et publiés par le Service de la formation professionnelle du canton du Fribourg. Il serait en outre tenu compte du fait qu'en règle générale les apprentissages commencent en automne, soit en août. S'agissant de la prise en considération des revenus de l'enfant dans le calcul de sa contribution d'entretien, la cour cantonale a relevé que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il n'existait pas de directives précises établissant dans quelle proportion le revenu de l'enfant devait être pris en compte pour calculer son entretien, que la doctrine considérait qu'une participation de l'enfant ne pouvait dans tous les cas pas dépasser le 60 à 80 % de son salaire et qu'une pratique récente du Tribunal cantonal retenait une participation linéaire de 30 % du salaire net de l'enfant. Au vu de ces éléments, elle a arrêté la participation de l'enfant à 180 fr. ([700 fr. - 15 % de charges sociales] x 30 %) durant la première année, puis à 220 fr. ([850 fr. - 15 % de charges sociales] x 30 %) durant la deuxième année et enfin à 290 fr. ([1'150 fr. - 15 % de charges sociales] x 30 %) durant la troisième année. 
Sur cette base et dès lors que la mère présentait un déficit, la cour cantonale a fixé, après arrondi et par mesure de simplification, les contributions dues à l'enfant par le père à 750 fr. par mois, participation de l'enfant déduite, ce dès le 1er août 2022 et jusqu'au terme de sa formation professionnelle au sens de l'art. 277 al. 2 CC. S'agissant de la période précédant le début de son apprentissage de novembre 2021 à juillet 2022, la cour cantonale a constaté que l'enfant était en mesure de subvenir à ses besoins au vu du salaire qu'il percevait en tant qu' "aide au montage " auprès de la même société qui l'avait engagé comme apprenti logisticien. En effet, rien qu'en travaillant du 11 novembre 2021 au 22 décembre 2021, l'enfant avait perçu un revenu brut de 2'968 fr. pour 14 jours de travail en novembre 2021 et de 3'392 fr. pour 16 jours de travail en décembre 2021. Dans la mesure où il ressortait de pièces qu'il lui était possible d'être réengagé comme temporaire en attendant le début de son apprentissage, il fallait considérer qu'il avait couvert son entretien sur la période de neuf mois s'étalant de novembre 2021 à juillet 2022. 
 
5.  
Le recourant soutient que l'arrêt attaqué contient plusieurs erreurs manifestes, qui conduisent à un résultat choquant. 
 
5.1. Il constate d'abord que l'arrêt querellé se réfère à deux arrêts non publiés du Tribunal fédéral rendus en 2010 et 2011, qui admettaient qu'un salaire d'apprenti pouvait être pris en compte à hauteur de 30 %, ainsi qu'à STOUDMANN (Le divorce en pratique, 2021, Lausanne, p. 103 s.) puisque les formulations sont les mêmes que celles contenues dans son ouvrage, sans toutefois le citer. Or, le recourant remarque que STOUDMANN précise que l'ATF 147 III 265 imposait que tous les revenus des membres de la famille, y compris les revenus des enfants, doivent être intégrés en entier dans les ressources de la famille. Il en déduit que, depuis cet arrêt, une prise en compte partielle du revenu d'un apprenti n'est plus acceptable et que le juge ne jouit plus d'aucun pouvoir d'appréciation en la matière.  
S'il ressort du premier paragraphe du consid. 7.1 de l'ATF 147 III 265 que, lors de la première étape de la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, tous les revenus du parent débiteur doivent être retenus pour déterminer les moyens financiers à disposition, il est relevé au troisième paragraphe de ce même considérant que, pour les enfants aussi, des éléments ( Bestandteile) peuvent être pris en compte dans le calcul des revenus, tels les allocations familiales et professionnelles (art. 285a al. 1 CC), les revenus de la fortune (art. 319 al. 1 CC), les revenus de l'activité lucrative (art. 276 al. 3 et 323 al. 2 CC). Ainsi, contrairement à ce que soutient le recourant, il n'apparaît pas que l'on puisse déduire de la teneur de l'ATF 147 III 265 qu'" il est désormais parfaitement limpide " que tous les revenus des enfants doivent être " intégrés en entier dans les ressources de la famille ". Dans quelle mesure ceci devra se faire relève finalement du pouvoir d'appréciation du juge (cf. supra consid. 3). Il s'ensuit que par son grief le recourant ne démontre pas que la cour cantonale aurait gravement méconnu un principe clair et incontesté en prenant partiellement en compte le revenu de l'enfant majeur, pour des raisons d'équité (cf. supra consid. 3), et aurait ainsi versé dans l'arbitraire (cf. supra consid. 2.1).  
 
5.2. Le recourant qualifie ensuite d'arbitraire la constatation de la cour cantonale selon laquelle l'enfant commencerait un apprentissage à la rentrée d'août 2022. Cette constatation reposait uniquement sur une promesse d'engagement établie le 30 novembre 2021. Il était donc choquant de le condamner à verser une contribution si élevée, en ignorant tout de la matérialité du projet d'apprentissage et du salaire. En particulier, il était insoutenable de considérer que l'enfant ne recevrait qu'un salaire de base d'apprenti, dès lors qu'il travaille déjà régulièrement pour l'entreprise voulant l'engager, dispose d'une solide expérience par son emploi temporaire et aura 19 ans à la rentrée scolaire d'août 2022. Le calcul du salaire net de l'enfant opéré par la cour cantonale, en déduisant 15 % de charges sociales du salaire brut figurant dans les données statistiques, était par ailleurs manifestement erroné, vu qu'un apprenti n'est pas soumis aux cotisations de prévoyance professionnelle selon la loi fédérale en la matière. Au demeurant, le revenu de l'enfant que la cour cantonale a retenu pour la période précédant le début de l'apprentissage était sous-estimé car il se fondait sur une activité déployée entre 14 et 16 jours par mois. Il était constant que l'enfant gagne suffisamment d'argent pour couvrir largement ses besoins et se constituer des économies; par conséquent, une participation à ses frais de formation peut lui être demandée. Le versement d'une contribution de 750 fr. conduit en outre à un résultat choquant puisque l'enfant pourra compter avec un revenu total de 1'914 fr. 40 par mois, ce qui ne correspond ni à ses besoins, ni aux ressources du père.  
 
5.3. Les mesures protectrices de l'union conjugale sont ordonnées à la suite d'une procédure sommaire (art. 271 let. a CPC), avec administration restreinte des moyens de preuve et limitation du degré de la preuve à la simple vraisemblance (cf. ATF 127 III 474 consid. 2b/bb et les références; arrêt 5A_987/2020 du 24 février 2022 consid. 2.3). Il en résulte que la cour cantonale pouvait sans arbitraire retenir que l'enfant commencerait un apprentissage de logisticien à la rentrée 2022 sur la base d'une promesse d'engagement, le recourant ne contestant du reste pas le caractère probant de ce document ni ne fournissant d'éléments permettant de douter de la véracité de cette constatation. Purement appellatoires, les critiques du recourant sur le montant du salaire d'apprenti retenu dans l'arrêt attaqué, en particulier sur la prétention de l'enfant à un salaire plus élevé et sur les prétendues économies réalisées par celui-ci avant le début de l'apprentissage, ne sont pas de nature à démontrer l'arbitraire dans l'établissement des faits.  
L'obligation de subvenir à l'entretien de l'enfant qui n'a pas de formation appropriée doit constituer une solution d'équité entre ce qu'on peut raisonnablement exiger des parents, d'une part, et de l'enfant, d'autre part (cf. supra consid. 3). En l'occurrence, la cour cantonale a rappelé que l'important était que, sur l'ensemble de la période pendant laquelle l'enfant est à la charge de ses parents, celui-ci soit mis au bénéfice de l'entretien qui lui est nécessaire et que ses parents sont en mesure de lui apporter. Si elle a effectivement calculé l'entretien de l'enfant à la charge du recourant en déduisant du salaire brut de l'enfant un montant de 15% au titre de charges sociales, elle n'a pas astreint le recourant à verser une contribution d'un montant correspondant aux charges de l'enfant après déduction de sa participation, mais a considéré qu'il était équitable que le recourant verse une contribution de 750 fr. par mois pour toute la durée de l'apprentissage. Quand bien même il fallait admettre que la cour cantonale avait pris en compte des charges sociales trop élevées pour calculer le salaire net de l'enfant, le recourant ne démontre pas que le montant de la contribution serait arbitraire quant au résultat car manifestement inéquitable; son affirmation selon laquelle la contribution allouée ferait bénéficier l'enfant d'un montant exces-sivement élevé, ne correspondant ni aux besoins de celui-ci ni à ses propres ressources, est à cet égard insuffisante.  
 
6.  
En conclusion, le recours apparaît mal fondé et doit dès lors être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la le Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg. 
 
 
Lausanne, le 28 décembre 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
Le Greffier : Piccinin