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Chapeau

119 III 108


32. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 20 décembre 1993 dans la cause Ch. contre D. et Cour d'appel de l'Etat de Fribourg (recours de droit public)

Regeste

Art. 185 LP. Recevabilité de l'opposition dans la poursuite pour effets de change.
N'est pas arbitraire l'opinion selon laquelle l'admissibilité des nova - proprement et improprement dits - dans la procédure de recours contre la décision sur la recevabilité de l'opposition dans la poursuite cambiaire relève exclusivement du droit cantonal.

Considérants à partir de page 109

BGE 119 III 108 S. 109
Extrait des considérants:

3. La Cour d'appel a appliqué finalement au recours contre la décision sur la recevabilité de l'opposition dans la poursuite pour effets de change sa jurisprudence relative à l'interdiction des vrais nova dans la procédure de recours contre le jugement de faillite (art. 174 LP); invoqué pour la première fois en appel, le moyen tiré de la prescription cambiaire (art. 1069 CO, applicable en vertu du renvoi de l'art. 1098 al. 1 CO), est un vrai novum qui est dès lors inadmissible (RFJ 1993 p. 322 consid. 1 p. 324). La cour cantonale a en outre considéré que les acomptes du recourant, bien qu'ils soient tous antérieurs au jugement attaqué, constituent aussi un fait nouveau, que l'intéressé aurait pu et dû, sous peine de déchéance, invoquer en première instance déjà.
Le recourant prétend que cette opinion est arbitraire. L'art. 302 CPC/FR régit l'appel, voie de droit qui investit l'autorité de recours d'une pleine cognition et permet à l'appelant de présenter de nouveaux moyens d'attaque et de défense, dans les limites de l'art. 130 CPC/FR; par conséquent, sous réserve de l'al. 2 de cette dernière disposition, la partie doit présenter dans sa demande, respectivement dans son mémoire d'appel, tous ses moyens d'attaque et de défense. Il est dès lors arbitraire d'affirmer, comme la cour cantonale, que ceux qui n'ont pas été soulevés en première instance déjà sont irrecevables en appel.
a) En vertu de l'art. 302 al. 2 CPC/FR, la production de nouveaux moyens d'attaque et de défense et la modification de la demande ou de la reconvention sont admises en appel dans les limites fixées par les art. 130 et 131 CPC/FR. L'art. 130 CPC/FR dispose que les parties articulent en une fois, sous peine de déchéance, tous leurs moyens d'attaque et de défense (al. 1er); les allégations de fait et les moyens de preuve peuvent encore être complétés jusqu'au début de l'administration des preuves; ils ne peuvent l'être subséquemment que si la production n'en était pas possible auparavant, si le retard est excusable ou encore si des faits nouveaux ressortent des preuves administrées d'office par le juge (al. 2).
A suivre l'argumentation du recourant, le renvoi de l'art. 302 al. 2 CPC/FR ne viserait que le principe de la simultanéité ("Eventualmaxime"), posé à l'art. 130 al. 1 CPC/FR (cf. sur ce point DESCHENAUX/CASTELLA, La nouvelle procédure civile fribourgeoise, Fribourg 1960, p. 86/87). Au regard du texte légal, ce renvoi est en réalité plus large: il englobe également l'al. 2 de la disposition précitée. Aussi
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peut-on admettre que l'invocation de moyens nouveaux en appel - en l'occurrence la prescription - n'est admissible que s'il n'était pas possible de les invoquer auparavant, si le retard est excusable ou encore s'ils ressortent des preuves administrées, cas échéant (cf. art. 366 CPC/FR), d'office par le juge (dans ce sens implicitement, Extraits 1989 p. 23 consid. c, spéc. p. 26, et p. 28 consid. 2b in fine). La jurisprudence fribourgeoise a ainsi posé dans un arrêt récent que le recourant ne pouvait objecter pour la première fois en appel le moyen tiré de la compensation (Extraits 1986 p. 59 et les citations, qui renvoie toutefois à l'art. 130 al. 1 CPC/FR). Bien qu'elle relève du droit matériel (ATF 118 II 447 consid. 1b/bb et les références), la prescription doit être soulevée selon les formes et au stade prévus par la procédure cantonale (ATF 94 II 26 consid. 4c p. 36, ATF 80 III 41 consid. 2 p. 52; VON TUHR/ESCHER, Allg. Teil des Schweizerischen OR, vol. II, Zurich 1974, § 81 n. 34a). Dans le cas présent, la Cour d'appel pouvait donc simplement déclarer que l'exception de prescription invoquée pour la première fois en appel est inadmissible alors qu'elle aurait dû l'être en première instance déjà (cf. pour la compensation, Extraits 1986 précité). Il faut concéder au recourant que la jurisprudence relative à la prohibition d'introduire des nova en appel est fondée tantôt sur l'al. 1, tantôt sur l'al. 2, de l'art. 130 CPC/FR; mais la décision attaquée n'est, quoi qu'il en soit, pas insoutenable dans son résultat.
b) L'autorité cantonale s'est toutefois fondée sur un autre motif: elle a appliqué au recours contre la décision relative à l'opposition dans la poursuite cambiaire les principes qui régissent la recevabilité des nova dans la procédure de recours contre le jugement de faillite. Cette solution, qui n'est du reste pas isolée (BlZR 77/1978 no 55 consid. 6b; SCHMIDLIN, Die Bewilligung des Rechtsvorschlages in der Wechselbetreibung unter Hinterlegung der Forderungssumme gemäss SchKG 182 Ziff. 4, thèse Zurich 1978, p. 191; cf. cependant, ZBJV 1929 p. 219), n'est pas insoutenable. Or, selon sa pratique constante, la prise en considération de faits intervenus après le jugement déclaratif en première instance est exclue (Extraits 1979 p. 51 consid. 2c; KNOBEL, Das Novenrecht im Berufungsverfahren nach Art. 174 SchKG, thèse Berne 1983, p. 77 et la jurisprudence citée), ce qui n'est pas contraire à l'art. 4 Cst. (ATF non publié S. c. Cour d'appel de l'Etat de Fribourg du 1er avril 1993, consid. 3 et les références). Comme le rappelle l'arrêt attaqué, la jurisprudence fribourgeoise admet il est vrai - à certaines conditions - la recevabilité des nova devant l'autorité de recours en matière de concordat,
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opinion qui n'a pas été étendue - sans tomber dans l'arbitraire (ATF non publié S. précité, ibid.) - au recours contre le prononcé de faillite. Mais le recourant ne démontre ni que la jurisprudence relative à la procédure concordataire serait applicable au recours contre la décision sur l'opposition dans la poursuite pour effets de change, ni - surtout - qu'il remplirait les conditions qu'elle pose. En ce qui concerne la prescription, le moyen est dès lors mal fondé.
La question est plus délicate s'agissant des acomptes que le recourant a versés avant la décision de première instance. En effet, si l'on applique les principes posés par la jurisprudence pour le recours contre le prononcé de faillite, il faudrait alors qualifier ces versements de pseudo-nova, faits que l'autorité de recours doit prendre en considération même s'ils n'ont pas été invoqués devant le premier juge (ATF 102 Ia 153 consid. 2a p. 155 et l'arrêt cité; pour la jurisprudence cantonale cf. notamment: SJ 1993 p. 618 consid. 6a; Extraits 1979 p. 51 consid. 2a). Dans cette optique, la Cour d'appel devait dès lors en tenir compte (BlZR 77/1978 no 55 consid. 6b; SCHMIDLIN, op.cit., p. 191). Cette dernière ne s'est toutefois référée à sa jurisprudence concernant les nova dans la procédure de recours contre le jugement déclaratif que pour examiner l'admissibilité de l'exception de prescription soulevée par le recourant. Sur le second point litigieux, elle s'est uniquement fondée sur les règles générales de sa procédure (art. 130 al. 1, en vertu du renvoi de l'art. 302 al. 2 CPC/FR). Il s'agit dès lors de déterminer si la recevabilité des nova - quelle qu'en soit la nature - dans la procédure de recours contre la décision sur l'opposition dans la poursuite cambiaire ressortit exclusivement au droit cantonal.
Dans sa circulaire du 17 février 1891 aux gouvernements cantonaux au sujet des projets de lois cantonales concernant la mise en vigueur de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, le Département fédéral de justice et police les a informés que "l'institution d'une instance supérieure, prévue à l'art. 174 pour les décisions en matière de faillite, est obligatoire pour les cantons; par contre, la même institution, prévue à l'art. 185 pour les décisions relatives à l'opposition en matière de poursuites pour effets de change, n'est que facultative"; pour ces décisions, les cantons peuvent donc "restreindre la faculté d'appel aux litiges qui sont déjà susceptibles d'appel d'après le droit cantonal" (FF 1891 I 375 ch. 4). Selon cette opinion, il appartient dès lors au seul droit cantonal de prévoir une voie de recours contre les décisions sur la recevabilité de l'opposition dans la poursuite cambiaire, et régler la procédure de recours,
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par exemple quant à l'exigence d'une valeur litigieuse (JAEGER, n. 6 ad art. 174, n. 4 ad art. 185 LP; WEBER/BRÜSTLEIN/REICHEL, n. 1 ad art. 185 LP; BRÜSTLEIN/RAMBERT, ad art. 185 LP p. 246; BLUMENSTEIN, Handbuch des Schweizerischen Schuldbetreibungsrechtes, Berne 1911, p. 586 in fine; BRAND, FJS no 1170 p. 3). Dans un arrêt du 2 mars 1898, le Tribunal fédéral s'est prononcé dans le même sens: il a jugé qu'il n'y a pas de violation manifeste du droit ("klares Recht") à considérer que les possibilités de recours sont déterminées par le droit cantonal, conclusion que corrobore la circulaire du 17 février 1891 (ATF 24 I 1 consid. 2 p. 3). Une décision genevoise s'y rallie (SJ 1971 p. 4, spéc. p. 9).
Cette opinion a certes été critiquée (FRITZSCHE/WALDER, Schuldbetreibung und Konkurs nach schweizerischem Recht, vol. II, Zurich 1993, § 37 no 28; WALDER, Schuldbetreibungs- und Konkursrecht II, Vorlesungsscriptum, Zurich 1983, § 3 III 3d n. 14; RIEMER, Die Wechselbetreibung nach schweizerischem Recht, thèse Zurich 1924, p. 116; BlZR 77/1978 no 55 consid. 3). Mais il ne suffit pas qu'une autre solution soit concevable, voire préférable, pour fonder une violation de l'art. 4 Cst. (ATF 118 Ia 497 consid. 2a). Vu la jurisprudence du Tribunal fédéral et l'opinion d'une partie de la doctrine, la cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire pour avoir admis - du moins implicitement - que la notion de nova dans le recours formé contre la décision sur la recevabilité de l'opposition dans la poursuite pour effets de change est celle du droit cantonal de procédure, auquel il appartient d'en réglementer l'admissibilité. Selon la jurisprudence fribourgeoise, le recourant ne peut se prévaloir en appel de faits qu'il eût déjà pu faire valoir en première instance (cf. notamment, Extraits 1970 p. 126 et 131). La Cour d'appel n'a dès lors pas violé l'art. 4 Cst. en refusant de prendre en considération les acomptes versés avant la décision du premier juge.
Au demeurant, les versements du recourant n'ont pas éteint la dette (art. 182 ch. 3 LP); même si la cour cantonale en avait tenu compte, l'opposition n'en eût donc pas moins été irrecevable, dans la limite des acomptes versés. Un paiement partiel n'empêche du reste pas le créancier de requérir la faillite (JAEGER, n. 3 ad art. 188 LP).

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Considérants 3

références

ATF: 118 II 447, 94 II 26, 80 III 41, 102 IA 153 suite...

Article: Art. 185 LP, art. 130 CPC, art. 302 al. 2 CPC, art. 4 Cst. suite...