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Chapeau

95 II 77


13. Arrêt de la IIe Cour civile du 14 mars 1969 dans la cause G. contre B.

Regeste

Action en paternité. Doutes sérieux au sens de l'art. 314 al. 2 CC (changement de jurisprudence).
1. Le jugement cantonal qui admet la cohabitation en vertu de la règle de la violenta suspicio fornicationis ne viole pas le droit fédéral (consid. 1).
2. Les doutes sérieux sur la paternité du défendeur, au sens de l'art. 314 al. 2 CC, peuvent résulter notamment de la preuve que la mère a entretenu, durant la période légale de conception, des relations intimes avec un ou plusieurs autres amants. Encore faut-il qu'un tiers entre sérieusement en considération comme père de l'enfant. Sans exiger que la paternité du tiers soit aussi probable que celle du défendeur, le juge tiendra compte de l'influence des faits établis sur la probabilité de la paternité ou de la non-paternité du défendeur. Il examinera la question des doutes sérieux en considération de toutes les circonstances et à cet effet, il fera usage de la preuve par addition d'indices, c'est-à-dire d'éléments qui, pris isolément, ne suffiraient pas à emporter la conviction, mais dont la réunion permet de conclure à la réalité d'un fait, qu'il s'agisse de la cohabitation ou de la filiation (consid. 2 et 3).
3. En l'espèce, renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle apprécie les indices résultant de la durée probable de la grossesse, du degré de développement de l'enfant à la naissance, de l'attitude du défendeur qui, informé de la grossesse, a versé à la mère une somme d'argent en vue d'un curetage, du comportement de deux camarades de travail du défendeur qui avaient affirmé avoir cohabité avec la mère, durant la période légale de conception, mais ont refusé de se soumettre à l'expertise des sangs, laquelle aurait peut-être exclu leur paternité, de la conduite de la mère avant et pendant sa grossesse, ainsi que de l'expertise anthropobiométrique dont les conclusions déclarent la paternité du défendeur probable, sans toutefois qu'elle confine à la certitude (consid. 4).

Faits à partir de page 79

BGE 95 II 77 S. 79

A.- Dlle G. a accouché le 22 septembre 1964, à Neuchâtel, d'un fils auquel elle a donné le prénom de Pierre-André. Elle a désigné comme père de l'enfant B., chauffeur de camion qui s'arrêtait parfois pour la nuit à l'hôtel du Raisin, à L. où elle était serveuse.
Par demande du 28 janvier 1965, dlle G. et son fils ont intenté à B., devant le Tribunal cantonal de Neuchâtel, une action en recherche de paternité, sans effets d'état civil. La mère a conclu au paiement d'une somme de 1428 fr. 90 à titre de remboursement de ses frais de couches, ainsi que d'entretien pour quatre semaines avant et quatre semaines après la naissance de l'enfant. Celui-ci a conclu au paiement d'une pension alimentaire de 150 fr. par mois jusqu'à l'âge de 6 ans révolus, de 175 fr. par mois de 6 à 12 ans révolus et de 200 fr. par mois de 12 à 18 ans révolus.
Le défendeur a conclu au rejet de la demande.

B.- Statuant le 7 octobre 1968, le Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté la demande comme mal fondée. Le jugement est motivé en bref comme il suit:
B. a cohabité avec dlle G. pendant la période légale de conception. Les demandeurs sont donc au bénéfice de la présomption de l'art. 314 al. 1 CC. L'expertise par l'analyse des groupes et facteurs sanguins, requise par le défendeur, n'a pas exclu sa paternité, selon le rapport déposé le 30 septembre 1965 par le Dr Hässig, directeur du Service de transfusion de la Croix-Rouge suisse, à Berne. En revanche, la présomption de
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paternité est détruite, en vertu de l'art. 314 al. 2 CC, du fait que deux tiers, les chauffeurs de camion M. et A., camarades de travail de B., ont reconnu avoir, pendant la période légale de conception, entretenu eux aussi des relations intimes avec dlle G. à l'hôtel du Raisin, à L. Ces deux témoins, domiciliés hors du canton de Neuchâtel, ont refusé de se soumettre volontairement à une expertise des sangs qui aurait pu exclure leur paternité. La plainte pénale déposée contre eux par dlle G. a abouti à une ordonnance de non-lieu, rendue le 4 mai 1966 par le Juge informateur de l'arrondissement de la Côte, à Morges, à défaut de preuve qui permît de départager la plaignante et les prévenus. Par ailleurs, l'expertise anthropobiométrique du Dr Gérard Baumann, directeur du laboratoire d'anthropobiométrie de l'Université de Genève, qui a déposé son rapport le 18 avril 1968, conclut qu'il y a 99 chances sur 100 que B. soit le père de l'enfant. Selon l'expert, un tel pourcentage permet de dire que la paternité du défendeur est probable, mais non pas qu'elle confine à la certitude, condition posée par la jurisprudence pour qu'une paternité puisse être déclarée sur le vu du résultat d'une expertise anthropobiométrique.

C.- Dlle G. et son fils recourent en réforme au Tribunal fédéral. Ils reprennent les conclusions de leur demande.
L'intimé B. conclut au rejet du recours.

Considérants

Considérant en droit:

1. Selon l'art. 314 al. 1 CC, la paternité est présumée, lorsqu'il est prouvé qu'entre le trois centième et le cent quatrevingtième jour avant la naissance, le défendeur a cohabité avec la mère de l'enfant. En l'espèce, Pierre-André G. est né le 22 septembre 1964. L'année 1964 étant bissextile, la période légale de conception s'étendait du 27 novembre 1963 au 26 mars 1964 (cf. HEGNAUER, Berner Kommentar, Das aussereheliche Kindesverhältnis, Art. 302-327 ZGB, Berne 1969, n. 27 ad art. 314/315 CC p. 157 et tableau pour la détermination de la période légale de conception, loc.cit.). Il ressort du jugement déféré que l'intimé n'admet avoir cohabité avec dlle G. qu'avant et après la période légale de conception; il reconnaît cependant qu'il a passé une partie de la nuit du 5 février 1964 avec elle, que tous deux étaient nus et dans le même lit. Le Tribunal cantonal a considéré qu'il résultait de
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cet aveu une forte présomption que les deux intéressés avaient entretenu des rapports sexuels. Cette conclusion est fondée sur la règle fédérale de preuve dite violenta suspicio fornicationis (cf. RO 75 II 104). Elle ne viole pas le droit fédéral et n'est d'ailleurs pas critiquée par l'intimé.

2. La présomption fondée sur la cohabitation durant la période légale de conception cesse, si des faits établis permettent d'élever des doutes sérieux sur la paternité du défendeur (art. 314 al. 2 CC). Les doutes sérieux peuvent résulter, notamment, de la preuve que la mère a entretenu, durant la période légale de conception, des relations intimes avec un ou plusieurs autres amants (RO 84 II 671). Le Tribunal fédéral a jugé que, l'exceptio plurium admise, l'action en paternité ne pouvait néanmoins être reconnue fondée que si la paternité du ou des tiers avait pu être exclue - ou celle du défendeur établie-avec une vraisemblance confinant à la certitude (RO 80 II 298, 82 II 265, 84 II 676, 89 II 68 lettre a).
Appliquant cette jurisprudence, la cour cantonale a retenu comme probantes les dépositions des témoins M. et A., lesquels ont déclaré qu'ils avaient entretenu des relations intimes avec dlle G. pendant la période légale de conception. Le Tribunal fédéral ne peut pas revoir cette décision, fondée sur l'appréciation des preuves (art. 63 al. 2 OJ). Les deux témoins en question ont refusé de se soumettre à l'expertise par l'analyse des groupes et facteurs sanguins. Domiciliés hors du canton de Neuchâtel, ils n'ont pas pu être contraints de subir cette analyse en vertu de l'art. 251 bis du Code de procédure civile neuchâtelois. La juridiction cantonale a considéré dès lors que leur paternité n'était pas exclue et partant que l'exceptio plurium n'était pas infirmée.
D'autre part, les juges cantonaux ont relevé que les conclusions de l'expertise anthropobiométrique, selon lesquelles la paternité du défendeur est probable à 99%, sans que, selon l'expert, cette probabilité confine à la certitude, ne permettaient pas de tenir pour apportée la preuve positive de la paternité du défendeur. Cette argumentation est conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la preuve directe de la paternité par l'expertise anthropobiologique (cf. RO 87 II 65 ss.).

3. La décision attaquée repose, comme les arrêts cités plus haut, sur une interprétation très stricte de l'art. 314
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al. 2 CC
. Les motifs développés par le Tribunal fédéral n'ont cependant pas désarmé la doctrine. Ainsi, dans les rapports sur la revision du droit de la filiation illégitime qu'ils ont présentés à l'Assemblée de la Société suisse des juristes en 1965, LALIVE (RDS 1965 II 655 ss.) et HEGNAUER (RDS 1965 II 85 ss.) ont suggéré que l'interprétation du texte légal soit assouplie, afin de parer à certains abus de l'exceptio plurium. Tout récemment, HEGNAUER (Berner Kommentar, loc.cit., n. 46 ss., ad art. 314 et 315 CC, p. 161 s.) a insisté sur le fait qu'aux termes de l'art. 314 al. 2 CC, seuls des doutes sérieux sont de nature à faire tomber la présomption de l'art. 314 al. 1 CC. Ces doutes sérieux ne résulteraient pas du seul fait de la cohabitation de la mère avec un tiers pendant la période légale de conception, mais uniquement du fait que, vu les circonstances, il y a des raisons sérieuses d'admettre que la cohabitation avec le tiers a conduit à la conception (n. 48, p. 162). Selon l'auteur, c'est cette interprétation de l'art. 314 al. 2 CC qui correspondrait à la volonté du législateur (n. 50, p. 163). HEGNAUER en arrive à la conclusion qu'il n'y a doutes sérieux au sens de l'art. 314 al. 2 CC que lorsque le défendeur prouve que dans les circonstances de l'espèce, le tiers entre sérieusement en considération comme père, c'est-à-dire avec une vraisemblance à peu près aussi grande que celle qui désigne le défendeur (n. 53, p. 163).
Cette interprétation du texte légal présente assurément le grand avantage que dans les cas relativement nombreux où l'on peut se demander si des tiers qui ont déclaré avoir cohabité avec la mère pendant la période critique ne sont pas des témoins de complaisance ayant pour seul but de rendre service au défendeur, c'est le défendeur et non la mère ou l'enfant qui subirait les conséquences du fait que la preuve apportée n'est pas vraiment décisive. Sans aller aussi loin que le commentateur HEGNAUER et l'arrêt zurichois auquel il se réfère (ZR1924 p. 225, no 135, cité en n. 48, p. 162), qui exigent en faveur de la paternité du tiers une vraisemblance aussi grande ou du moins une vraisemblance à peu près aussi grande que celle qui désigne le défendeur comme père, la jurisprudence doit, en tout cas, être modifiée en ce sens que, dans l'appréciation des doutes sérieux, le juge tiendra compte de l'influence des faits établis sur la probabilité de la paternité ou de la non-paternité du défendeur. La question doit être examinée en considération
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de toutes les circonstances (cf. RO 78 II 110). Les tribunaux seront ainsi amenés à faire un usage plus large de la preuve par addition d'indices, c'est-à-dire d'éléments qui, pris isolément, ne suffiraient pas à emporter la conviction du juge, mais dont la réunion permet de conclure à la réalité d'un fait, qu'il s'agisse de la cohabitation ou de la filiation (HEGNAUER, n. 74 ad art. 254 CC et n. 207 ss. ad art. 314 et 315 CC; LALIVE, La révision du droit de la filiation illégitime, RDS 1965 II p. 648 n. 279, p. 650 n. 284 et p. 713 n. 472; BEITZKE/HOSEMANN/DAHR/SCHADE, Vaterschaftsgutachten für die gerichtliche Praxis, 2e éd., 1965, p. 162 s.; cf. RO 77 II 32, consid. 3 c, 86 II 322 consid. 5, 91 II 166 où le Tribunal fédéral a cependant montré une certaine réserve; cf. en revanche l'arrêt non publié du 29 septembre 1967 dans la cause Guazzoni c. Ghinzoni et l'arrêt du 2 mars 1963 dans la cause B. c. G. (Semaine judiciaire 1964 p. 177 s.), où il a confirmé des décisions qui admettaient la preuve de la cohabitation sur la base d'une expertise anthropobiologique dont le résultat n'était pas probant à lui seul, des déclarations de la mère et d'autres indices).

4. Si la juridiction neuchâteloise n'a pas admis en l'espèce la paternité de l'intimé, c'est parce qu'elle a tranché les questions de fait sous l'angle de la jurisprudence existante. Cette jurisprudence étant modifiée dans le sens indiqué ci-dessus, la cause doit être renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle complète ses constatations et apprécie à nouveau l'ensemble des indices qui ressortent du dossier (art. 64 OJ). Il conviendrait aussi de compléter les preuves, dans la mesure où la procédure neuchâteloise le permet, sur les allégations des parties qui n'ont pas été élucidées (art. 66 OJ).
a) Les juges cantonaux ont admis en fait que dlle G. avait entretenu des rapports sexuels avec l'intimé le 5 février 1964. L'enfant Pierre-André G. est né le 22 septembre 1964. Si l'on ne peut envisager aucune autre date pour la conception, la grossesse aurait duré 231 jours. Or les auteurs affirment qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques, lorsque l'enfant est né au stade normal de son développement, une grossesse de moins de 230 jours n'a pas encore été observée, du moins avec certitude; elle serait en tout cas "extrêmement rare" (cf. arrêt non publié du 24 mai 1960 dans la cause Moachon c. Rieder, mentionné par SCYBOZ, JdT 1962 I 195, et les références citées: DETTLING/SCHÖNBERG/SCHWARZ, Lehrbuch der
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gerichtlichen Medizin, Bâle 1951, p. 323; BEITZKE/HOSEMANN/DAHR/SCHADE, op.cit., 1ere éd., Göttingen 1956, p. 33; id., 2e éd., Göttingen 1965, p. 39; NAUJOKS, Gerichtliche Geburtshilfe, Stuttgart 1957, p. 101; PODLESCHKA, Das geburtshilfliche Gutachten im Vaterschaftsprozess, Stuttgart 1954, p. 64). A défaut de constatations de fait sur le degré de développement de l'enfant à sa naissance, il n'est pas possible d'appliquer en l'espèce les tables de LABHARDT (Die Berechnung des Konzeptionstermines aus der Kindeslänge in Vaterschaftsprozessen, Schweizerische medizinische Wochenschrift, 1944, p. 128 ss.), qui du reste ont été affinées par la mise au point de nouvelles méthodes plus précises (cf. l'arrêt et les auteurs précités, notamment PODLESCHKA, op.cit., p. 96, et HOSEMANN, loc.cit., p. 59 ss.). Les recourants ont certes allégué dans leur demande que la naissance de Pierre-André G. "fut prématurée". L'intimé s'est déterminé sur cet allégué dans sa réponse, par le terme "ignoré". La cour cantonale ne s'est pas prononcée sur le fait, ni sur la portée de la détermination. Il lui appartiendra de dire si, en procédure neuchâteloise, l'ignorance équivaut à une négation et, si le fait est contesté, d'apprécier les preuves à cet égard. Dans cet examen, elle tiendra compte de la remarque des auteurs scientifiques, selon laquelle la durée de la grossesse et le degré de développement de l'enfant à sa naissance ne sont pas des données parfaitement corrélatives (cf. les auteurs précités, notamment HOSEMANN, loc.cit., p. 43 ss.). Pour autant que la procédure cantonale le permet, il serait utile de procéder à une expertise sur la durée probable de la grossesse, laquelle revêt une grande importance lorsque la mère a cohabité avec plusieurs hommes durant la période légale de conception (cf. HEGNAUER, n. 123 ad art. 314 et 315 CC).
b) Dans leur mémoire de demande, les recourants ont affirmé que B. avait versé 500 fr. à dlle G. pour lui permettre de faire interrompre sa grossesse. Dans sa réponse, l'intimé a nié le fait. Il a cependant versé lui-même au dossier la lettre que dlle G. lui a adressée le 2 juillet 1964 et le reçu qu'elle lui a délivré le 11 juillet 1964, reçu dont les termes sont parfaitement explicites. Interrogé le 2 février 1966 par le juge délégué à l'instruction, B. a seulement déclaré avoir versé 500 fr. à dlle G. "pour éviter des ennuis". Entendu comme témoin le 13 avril 1966 par le juge informateur de l'arrondissement de la Côte, qui instruisait l'enquête pénale pour faux témoignage contre M.
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et A., B. a affirmé qu'il avait appris en février 1964 que le premier avait eu des relations intimes avec dlle G. à la même époque que lui, puis, peu après, qu'il en fut de même du second. Si ces déclarations étaient exactes, on ne comprendrait pas que l'intimé ait, à première réquisition, versé 500 fr. à la jeune fille en vue d'un curetage, en juillet 1964, comme s'il n'avait aucune raison de douter de sa paternité. Il appartiendra à la juridiction cantonale d'apprécier ces preuves et de compléter ses constatations de fait à cet égard.
c) Le jugement attaqué relève que M. et A. ont refusé de se soumettre volontairement à l'expertise des sangs, qui aurait peut-être permis d'exclure leur paternité. Domiciliés hors du canton de Neuchâtel, l'art. 251 bis du code de procédure civile neuchâtelois, qui permet de contraindre des tiers à se soumettre à l'expertise des sangs, ne leur était pas applicable.
Interrogés par le juge informateur vaudois, M. et A. ont tous deux déclaré être prêts à se soumettre à une expertise des sangs. Une telle expertise n'a pas été ordonnée par le juge informateur, ce qui se comprend puisqu'il ne s'agissait pas là d'un moyen de preuve propre à établir si M. ou A. avaient ou non menti en prétendant avoir entretenu des relations sexuelles avec dlle G. En revanche, le Tribunal cantonal de Neuchâtel a, par lettre du 7 février 1966, demandé à M. (qui avait quitté la Suisse pour Marseille) et à A. s'ils seraient disposés à se soumettre à une prise de sang. Cette lettre est restée sans réponse. Le 20 mai 1968, le juge instructeur neuchâtelois a chargé le Dr Hässig, qui avait déjà analysé le sang des parties au procès, d'expertiser le sang des deux témoins prénommés. Une invitation envoyée à M. par l'intermédiaire du Consulat de Suisse à Marseille de bien vouloir se soumettre à une expertise du sang est restée sans suite. Informé de ce fait le 26 juillet 1968 par le laboratoire du Dr Hässig, le juge instructeur a demandé le renvoi du dossier, considérant que l'expertise du sang du seul A. serait sans intérêt. Il ordonna alors, le 3 septembre 1968, la clôture de la procédure.
Vu le déroulement des faits et notamment le temps qui s'est écoulé entre la déclaration de M. et A. au juge informateur vaudois et le moment où le juge instructeur neuchâtelois a mis en oeuvre la procédure d'expertise, il semble difficile de voir un indice sérieux d'abstention voulue pour rendre service à B. dans l'attitude des deux témoins, qui peut procéder d'une simple
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négligence. Il serait bon toutefois que la juridiction cantonale se prononce également sur ce point.
d) Les membres de la famille X. tenanciers de l'hôtel du Raisin, à L. où dlle G. était serveuse, ont déclaré que dès que cette dernière avoua son état de grossesse, elle désigna B. comme père de l'enfant à naître. Dame X. était au courant de la liaison de dlle G. qui n'a "pas eu d'autre aventure" à la connaissance du témoin. Dlle Y., autre serveuse, qui partageait la chambre de dlle G. connaissait aussi la liaison de celle-ci avec B. Elle a déclaré également que la recourante n'avait pas eu d'autre aventure à sa connaissance. Elle a précisé que dlle G. ne quittait pas la chambre quand B. n'était pas là.
La juridiction cantonale devra apprécier ces faits et dire si elle les retient ou non comme des indices favorables aux recourants. Elle se prononcera également sur les conclusions que l'on pourrait tirer des bulletins d'arrivée de B. à l'hôtel du Raisin, pour autant qu'ils aient été remplis régulièrement, ce que M. et A. ont contesté lors de leur audition comme témoins. Les trois bulletins versés au dossier par la police cantonale neuchâteloise sont datés des 6 novembre 1963, 6 février et 20 avril 1964. Seul le second bulletin se place à l'intérieur de la période légale de conception. Si l'enfant Pierre-André G. a été conçu le 6 février 1964, il est né à 7 mois 1/2, soit donc sensiblement prématuré. Or, comme on l'a vu, ce point devrait être élucidé.
e) Dans la nouvelle décision qu'elle rendra en se fondant sur les considérants qui précèdent (art. 66 OJ), la cour cantonale pourra, le cas échéant, tenir compte du résultat de l'expertise anthropobiométrique, si elle l'estime propre à constituer un indice qui, rapproché d'autres éléments, permettrait de tirer une conclusion quant à la paternité de l'intimé.
Supposé qu'elle déclare la demande fondée, elle se prononcera sur les prétentions des recourants en examinant, notamment, s'il n'y a pas lieu d'imputer sur la somme due à dlle G. le montant de 500 fr. qui lui a été payé par l'intimé le 11 juillet 1964.

Dispositif

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet le recours, annule le jugement rendu le 7 octobre 1968 par le Tribunal cantonal de Neuchâtel et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des motifs.

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regeste: allemand français italien

Etat de fait

Considérants 1 2 3 4

Dispositif

références

Article: art. 314 al. 2 CC, art. 314 al. 1 CC, art. 314 et 315 CC, art. 66 OJ suite...