Chapeau
150 IV 389
34. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit pénal dans la cause A. contre Ministère public central du canton de Vaud et B.B. (recours en matière pénale)
6B_83/2024 du 16 juillet 2024
Regeste a
Art. 262 CP; atteinte à la paix des morts.
La modernisation rédactionnelle de l'art. 262 CP entrée en vigueur le 1er juillet 2023, de nature purement linguistique et à vocation surtout épicène, demeure sans incidence sur l'interprétation de la norme pénale (consid. 4.1). Plus que l'atteinte portée à l'intégrité de l'enveloppe charnelle comme telle, c'est la compatibilité du comportement de l'auteur avec les normes sociales qui détermine la réalisation de l'élément objectif de l'infraction (consid. 4.2).
Regeste b
Art. 11 et 262 CP; atteinte à la paix des morts par omission.
L'infraction de résultat réprimée par l'art. 262 CP est susceptible d'être commise par omission (consid. 4.3). Position de garant résultant, en l'espèce, d'une règle de droit cantonal instituant une obligation d'annoncer le décès à la charge de la personne ayant découvert le corps d'un défunt. Une telle obligation d'annonce, qui n'est pas une simple émanation du principe de la bonne foi, mais une obligation topique poursuivant un but déterminé en lien avec le bien juridique protégé par l'art. 262 CP, n'est pas comparable à l'obligation d'annoncer une modification des circonstances justifiant l'octroi de prestations (consid. 4.5).
Faits à partir de page 390
A.a Cadet d'une fratrie de quatre enfants, A. est né en 1996 à U. Il a été élevé par ses parents, tout comme ses frères et soeurs. Après une scolarité sans particularité sous réserve de problèmes de dyslexie, il a entamé une formation dans une école technique en micromécanique à V. Dès la première année, il y a rencontré des difficultés et ses parents ont par la suite été sollicités à plusieurs reprises pour des comportements perturbateurs à l'école et à l'extérieur, ainsi qu'une utilisation croissante de substances illicites. Expulsé après avoir redoublé sa deuxième année en raison d'un trafic de stupéfiants et de résultats insuffisants, il est retourné vivre dans sa famille, puis chez une tante et, en alternance, chez son amie d'alors. En 2017, il a entrepris un apprentissage dans une grande entreprise, qu'il a interrompu rapidement. À compter de ce moment, ont débuté des hospitalisations en psychiatrie alternant avec de grandes difficultés d'insertion sociale et d'importantes consommations de substances psychoactives.
A.b À U., avenue W., entre le 25 août 2021 à 17h58 et le 26 août 2021 vers 16h00, C.B. est décédée dans son appartement. Elle était l'amie intime de A. Les investigations médico-légales ont permis d'établir qu'elle souffrait notamment d'une pathologie cardiaque dont l'origine n'a pas pu être établie et qui pourrait être à l'origine de sa mort. Aucun élément permettant de soupçonner une cause traumatique n'a été mis en évidence. Le trépas a été constaté à son domicile deux semaines plus tard, soit le 8 septembre 2021 vers 18h10. Le corps se trouvait dans un état d'altération avancé. Les investigations mises en oeuvre ont permis d'établir que A. était présent dans l'appartement durant les heures précédant et suivant le décès, tout en effectuant divers allers et retours entre le logement et l'extérieur.
BGE 150 IV 389 S. 391
Il ressort de ses déclarations qu'il a assisté, durant la nuit du 25 au 26 août 2021, à un malaise de la jeune femme (qu'il a décrit comme une "transe") lors duquel il a tenté de "la consoler et de la remettre en forme", avant de quitter l'habitation pour rencontrer des connaissances non identifiées. À son retour, à une heure indéterminée du 26 août 2021, il a découvert le corps sans vie. Après avoir essayé de prendre son pouls et s'être rendu compte que son amie était décédée, il a habillé d'une chaussette le pied gauche du corps, puis a déposé un pantalon court et deux couvertures sur la dépouille. Vers 16h00, une aide-soignante oeuvrant pour une association de soins à domicile s'est présentée à la porte et a sonné à deux reprises; présent, A. n'a pas ouvert. À 17h44, il a tenté de faire appel au 144 et au 177, au moyen du téléphone portable de la défunte, sans y parvenir en raison d'un dysfonctionnement de l'appareil. Dans les heures qui ont suivi, il a continué de consommer des stupéfiants, pris une douche, dispersé du café en poudre dans l'appartement, cuisiné, ouvert les fenêtres et placé un parapluie à celle de la cuisine. Il a finalement quitté la demeure le 27 août 2021 vers 05h00, en emportant le téléphone et l'ordinateur portables de C.B. Durant les deux semaines suivantes, il a été en contact avec de nombreuses connaissances et divers membres du personnel du foyer où il résidait officiellement. Au cours de ces innombrables rencontres, il n'a pris la peine à aucun moment d'informer son ou ses interlocuteurs du fait que le corps sans vie se trouvait toujours dans l'appartement, se limitant à écrire à une seule personne (un ressortissant malien ne sachant pas lire) le 5 septembre 2021 qu'il l'avait retrouvée "couché sans respirer" [sic] et qu'il "faudrait la réveiller avec je ne sais quoi" [sic]. En outre, il a été contrôlé par la police le 31 août 2021; à cette occasion, il n'a pas averti les agents du décès et de ce que le corps gisait toujours sous les couvertures et l'habit dont il l'avait recouvert avant de quitter les lieux. Le cadavre a finalement été découvert le 8 septembre 2021 vers 18h10 et A. a été interpellé le même jour à 21h45.
A.c Par ailleurs, entre le 8 août 2020 et le 9 septembre 2021, A. a dérobé ou tenté de dérober trois trottinettes et un cycle électriques en forçant ou tentant de forcer les cadenas de ces engins et d'autres cycles. Il a également volé diverses marchandises dans un centre commercial alors qu'il était sous le coup d'une interdiction d'y pénétrer et a consommé quotidiennement (depuis le 15 mars 2021) des stupéfiants (héroïne, crystal-méthamphétamine, cannabis, LSD et champignons hallucinogènes).
BGE 150 IV 389 S. 392
A.d Par jugement du 31 mars 2023, rectifié par prononcé du 3 avril 2023, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a libéré A. du chef d'accusation de vol en lien avec le chiffre 3 de l'acte de procédure spéciale pour irresponsabilité (I), a constaté la réalisation, par A., des conditions objectives des infractions de vol, tentative de vol, vol d'importance mineure, dommages à la propriété, violation de domicile, atteinte à la paix des morts et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (II), a déclaré A. pénalement irresponsable des actes qui lui étaient imputés selon chiffres 1, 2 et 4 à 9 du rapport d'irresponsabilité du Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois du 21 décembre 2022 (III), a constaté que A. avait subi 296 jours de détention provisoire ou pour des motifs de sûreté (IV), a ordonné la mise en oeuvre d'un traitement institutionnel au sens de l'
art. 59 CP en faveur de A. (V), a maintenu celui-ci en détention pour des motifs de sûreté (VI), a dit qu'il était le débiteur de B.B. d'un montant de 5000 fr. à titre de tort moral et d'un montant de 6000 fr. à titre de dépens pénaux, le tout avec intérêt à 5 % l'an dès jugement définitif et exécutoire, et a donné acte à la partie plaignante de ses réserves civiles pour le surplus (VII). Le Tribunal a rejeté les conclusions d'autres parties civiles (VIII). Ce jugement se prononce en outre sur le maintien au dossier à titre de pièces à conviction de divers objets ainsi que sur les frais et indemnités, en particulier 100 fr. en faveur de A. à titre de réparation du tort moral afférent à des conditions de détention illicites.
B. Saisie par A., par jugement du 4 octobre 2023, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis l'appel et a réformé le jugement de première instance en ce sens que l'indemnité allouée à la partie plaignante à titre de réparation de son tort moral a été réduite à 1000 fr., les autres points du dispositif demeurant inchangés. Ce jugement sur appel statue en outre sur l'imputation de la détention depuis le jugement de première instance, le maintien en détention à fin de sûreté, les frais d'appel ainsi que les indemnités dues au défenseur d'office du condamné ainsi qu'à la partie plaignante pour l'exercice raisonnable de ses droits de procédure en appel.
Hormis ce qui a déjà été exposé ci-dessus et ce qui le sera encore dans les considérants en droit, ce jugement sur appel, auquel on renvoie pour le surplus dans son intégralité, repose sur les faits pertinents suivants.
B.a Le casier judiciaire suisse de A. mentionne les condamnations suivantes:
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- 9 septembre 2015: 75 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant 2 ans et 600 fr. d'amende, pour infraction et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et infraction à la loi fédérale sur les armes;
- 5 octobre 2018: 15 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant 3 ans et 300 fr. d'amende, pour infraction à la loi fédérale sur la navigation intérieure (vol d'usage); sursis révoqué le 15 octobre 2019;
- 15 octobre 2019: 80 jours-amende à 30 fr. et 300 fr. d'amende, pour conduite en état d'incapacité, conduite sans assurance-responsabilité civile et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants;
- 15 mars 2021: 180 jours-amende à 30 fr. et 300 fr. d'amende, pour vol, vol d'importance mineure, dommages à la propriété, recel, violation de domicile et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants.
B.b A. a notamment été hospitalisé du 15 juillet au 28 décembre 2017, après que son père, inquiet, eut fait appel à la police. Un diagnostic de probable schizophrénie paranoïde et de troubles liés à l'utilisation de cannabis et d'autres substances psychoactives a été émis. À l'origine abstinent en milieu protégé, A. faisait toutefois preuve d'une conscience morbide très limitée et des tensions se sont rapidement manifestées autour de la médication. Après son transfert le 10 août 2017 en unité de réhabilitation, la compliance médicamenteuse a fléchi en novembre et son état s'est péjoré, avec une consommation de stupéfiants de plus en plus importante, son transfert en placement à des fins d'assistance (ci-après: PLAFA) a été demandé, en raison d'un risque auto- et hétéro-agressif. Dans ce contexte, il s'est à nouveau montré collaborant, même s'il estimait ne pas être malade et refusait toute médication. Aucune mise en danger immédiate ne semblant à craindre, le PLAFA s'est révélé difficilement justifiable sur la durée et A. a demandé sa sortie.
B.c Amené par sa mère à la suite de propos et d'actes incohérents, A. a, de nouveau, été hospitalisé du 23 avril au 22 mai 2018, suite à l'arrêt de sa médication, du suivi assuré par D., de fugues régulières et de consommations diverses. Une fois soigné et médiqué, il s'est montré plus calme et son discours est devenu compréhensible, tout en restant teinté d'idées délirantes mystiques. L'idée d'une médication sous forme de dépôt a été suggérée, mais refusée tant par le patient que ses parents. Une anosognosie importante persistait, mais l'état clinique s'est stabilisé.
B.d Du 23 août au 18 septembre 2018, A. a été hospitalisé aux Pays-Bas, dans un état confusionnel avec délires mystiques et hallucinations
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tactiles. Incohérent, il s'est révélé incapable de fournir son identité. Il a pu être rapatrié après rémission de la symptomatologie aiguë.
B.e En 2019, il a été hospitalisé du 26 mars au 9 mai, du 11 au 24 juin, du 16 août au 7 octobre, du 28 novembre au 2 décembre et du 28 décembre 2019 au 2 février 2020. Amené plusieurs fois par ses parents en raison de crises comportant des éléments d'hétéro-agressivité, il a vu sa symptomatologie s'améliorer grâce aux soins, sans toutefois que cela ne débouche sur une meilleure compréhension de sa pathologie et sur la mise sur pied d'un projet de suivi cohérent à moyen terme. ll y a eu divers épisodes d'agression physique, avec l'équipe soignante ou sur un autre résident. En août puis en décembre 2019, un PLAFA médical a été ordonné. À plusieurs reprises, le patient a obtenu sa sortie sans qu'un étayage suffisant ait pu être mis en place.
B.f Courant 2019, A. a été mis au bénéfice d'une rente AI, puis d'une curatelle. Le 3 juin 2020, un PLAFA a été prononcé par la Justice de paix du district de la Riviera-Pays d'Enhaut, maintenu ensuite par décisions des 13 janvier 2021 et 8 octobre 2021. À l'époque, il était censé séjourner dans un EMS, mais l'enquête diligentée dans le cadre de la procédure a démontré qu'il ne s'y trouvait que de manière sporadique et sa curatrice a confirmé que cette période était émaillée d'hospitalisations et de fugues, sur fond de consommation de stupéfiants.
B.g Dans le cadre de l'enquête en institution d'une curatelle et d'un PLAFA diligentée par la justice de paix à la suite du signalement émis le 12 septembre 2019 par D., la Dre E., psychiatre et psychothérapeute FMH, a procédé à l'expertise de A. Dans son rapport du 6 mars 2020, l'experte a posé le diagnostic de schizophrénie paranoïde continue et de troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de substances psychoactives multiples, utilisation continue. Elle considérait que l'expertisé présentait un danger pour lui-même et, dans des situations particulières de décompensation, pour autrui. Elle préconisait un encadrement psychiatrique spécialisé, afin d'instaurer un traitement pharmacologique et psychologique adéquat, de s'assurer de la compliance à ce traitement et d'augmenter le niveau de conscience de la maladie. Elle considérait que, dans un premier temps, ce traitement devrait être dispensé dans l'unité d'un hôpital psychiatrique pouvant, selon les besoins de la prise en soins, adopter des mesures de restriction de la liberté. Au chapitre discussion de son rapport, la spécialiste relevait notamment:
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"Monsieur A. remplit les critères pour le diagnostic de schizophrénie. Son histoire clinique montre des hospitalisations de plus en plus rapprochées, intercalées par des moments de désorganisation et de consommation de substances multiples avec une grande difficulté à organiser la vie quotidienne. La désorganisation de la pensée, des idées délirantes à thème mystique et une tension interne angoissante et envahissante ont caractérisé l'état psychique de l'expertisé depuis plusieurs années. Aucune prise en soin sur la durée [n']a pu se mettre en place en ambulatoire et le traitement médicamenteux n'a pas été pris régulièrement. Monsieur A. est anosognosique de ses troubles, peut par moment identifier son mal-être mais ne peut pas estimer la gravité de sa pathologie surtout en l'absence de soins adéquats. [...] l'expertisé utilise des multiples substances psychoactives pour "soigner sa souffrance", dans une tentative certes maladroite mais qui nous renseigne sur le besoin qu'il a de porter une réponse à un vécu qu'il peut difficilement supporter. Il apparaît donc évident que les tentatives de sevrage des substances ne pourront aboutir que si la pathologie psychotique à l'origine de l'état clinique de Monsieur A. sera au moins en partie apaisée. [...]
Monsieur A. n'est pas opposé à une mesure de protection [...] cependant il se soumettra à la mesure seulement si une instance judiciaire l'oblige [...]. Son adhésion aux soins est beaucoup plus ambivalente que son adhésion à la mesure de protection. De manière très superficielle et labile dans le temps, il dit pouvoir s'inscrire dans un suivi de longue durée, mais cette position cède rapidement quand les idées délirantes de grandeur et son anosognosie prennent le dessus. L'expertisé peut parfois se dire compliant, mais il s'agit souvent d'un accord finalisé à obtenir des avantages en termes d'élargissement du programme ou de sortie de l'hôpital.
Dans ce sens, seulement une progressive éducation à la maladie et à son traitement, associée à la stabilisation des symptômes florides pourront par la suite permettre un sevrage aux substances et une successive reprise d'autres compétences telles que la formation ou une vie plus autonome.
[...] Le jeune âge de l'expertisé, la désafférentiation sociale et professionnelle dans laquelle il se trouve et l'anosognosie quant à son trouble, induisent à penser que la capacité actuelle de Monsieur A. à se prendre en charge et à subvenir à ses besoins de santé et d'autonomie soit sensiblement réduite [...]. L'état clinique actuel expose l'expertisé à un danger pour ce qui concerne sa santé mais aussi par rapport à la sauvegarde de ses intérêts; en outre, nous ne pouvons pas exclure que les épisodes d'agressivité envers autrui puissent se répéter et s'intensifier dans le temps en l'absence d'un traitement adéquat.
En conclusion, nous exprimons un avis favorable au maintien de la curatelle [...] et préconisons l'instauration d'un placement à des fins d'assistance [...]. Nous suggérons que la mesure puisse se dérouler dans un premier temps dans une institution psychiatrique telle qu'une des unités hospitalières de D. afin de mettre en place un traitement médicamenteux, s'assurer de la compliance et travailler sur la connaissance et la gestion de la maladie
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(aspects psychotiques et addictologiques) de la part de l'expertisé. Dans un deuxième temps, et une fois ces objectifs réunis, la mesure pourrait évoluer vers un foyer pour jeunes adultes ou un appartement protégé afin de développer les compétences sociales et éventuellement professionnelles qui permettront à Monsieur A. une plus grande autonomie."
B.h Pour les besoins de la présente cause, A. a été soumis à une expertise psychiatrique, également confiée à la Dre E. qui, dans son rapport du 19 juillet 2022, a confirmé les diagnostics de schizophrénie paranoïde continue et de troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de substances psychoactives multiples, en régime de maintenance ou de substitution, sous surveillance médicale au moment de l'expertise. Elle a retenu en outre des traits de personnalité dyssociale et décrit le trouble mental en ces termes:
"L'expertisé présente des symptômes positifs tels que des idées délirantes (persécutoires, mystique, de grandeur), des troubles formels de la pensée (relâchement des associations jusqu'à une pensée désorganisée), une incongruité affective par moments, qui déterminent un rapport altéré à la réalité et aux autres avec parfois l'apparition d'un monde régi par les thèmes délirants et hallucinatoires. L'atteinte des fonctions est sévère."
Quant à établir si, au moment des faits litigieux, les atteintes aux fonctions mentales de l'expertisé étaient de nature à le priver de sa faculté d'apprécier le caractère illicite de ses actes ou de se déterminer d'après cette appréciation, l'experte a répondu par l'affirmative:
"La lecture du dossier et les colloques d'expertise mettent en évidence une perception altérée et une interprétation délirante de la réalité au moment des faits et plus en général à l'époque des faits. Le décès de C.B. est parfois considéré comme possible et parfois comme le décès d'un double, lu comme la réalisation d'une intuition délirante. L'expertisé explique que son intention était de permettre à C.B. de "passer la barrière" dans de bonnes conditions (couverte et avec la chaussette) et il mélange son vécu lors d'une overdose avec celui attribué à la fille. Ses convictions sont inébranlables et ne se soumettent pas à la preuve de la réalité."
En ce qui concerne le risque de récidive, la spécialiste a encore exposé:
"L'HCR-20 [...] propose une évaluation globale des résultats du score intégrée avec l'appréciation clinique. Il s'agit d'une échelle constituée par 20 items; le score total peut se situer entre 0 et 40. Même s'il n'existe pas formellement une valeur limite, les auteurs considèrent qu'un résultat entre 25 et 30 différencie les populations avec un faible risque de récidive par rapport à celles avec un haut risque de récidive. Le score de l'expertisé est de 31 sur 40 et le situe parmi les risques moyens à élevés après intégration aussi avec les facteurs de protection. [...] Les items qui influencent principalement le risque concernent la présence d'une grave maladie
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psychiatrique symptomatique associée à l'abus de substances et à une introspection déficitaire, la presque absence de projets de vie réalistes, l'absence d'un réseau de soutien et la non-adhésion aux soins. Le type d'infractions [auxquelles on peut s'attendre à l'avenir] pourraient être en relation avec le contenu des idées délirantes ou des perceptions altérées de la réalité et concerner autant les personnes que les choses."
S'agissant enfin de l'opportunité de prononcer une mesure pénale, l'experte a indiqué que le trouble mental diagnostiqué persiste (la schizophrénie étant une maladie psychiatrique chronique dont l'évolution peut être influencée par un traitement approprié et le sevrage aux substances psychoactives favorisant l'évolution de cette maladie) et qu'il existe un rapport de causalité entre ce trouble et les faits reprochés. Elle a préconisé un traitement psychiatrique et psychothérapeutique intégré (traitement médicamenteux, psychoéducation, sevrage prolongé aux substances), qui devrait permettre un contact avec la réalité plus adéquat à travers une diminution des symptômes psychotiques, une meilleure résistance au stress et la possibilité de recréer un réseau social favorable, ce qui réduirait le risque de récidive. Elle a précisé que le traitement se déroule en principe sur plusieurs mois pour les phases aigüe et suraigüe et sur des années pour celle de maintien. Dans la mesure où l'expertisé n'a jamais pu adhérer à un suivi ambulatoire, même lorsqu'il s'inscrivait dans un placement à des fins d'assistance, elle a estimé que, dans un premier temps, la mesure la plus apte à réduire le risque de récidive était une mesure institutionnelle au sens de l'art. 59 al. 3 CP, qui pourra par la suite évoluer vers une mesure moins contraignante en fonction de l'efficacité du traitement dispensé, étant précisé que l'unité F. de G. paraissait constituer une institution appropriée et que l'expertisé, qui n'a pas conscience de sa maladie et imagine actuellement quitter toute institution pour aller vivre chez des amis, n'est pas disposé ni en mesure de consentir au traitement préconisé. Dans un rapport complémentaire du 1er novembre 2022, l'experte a précisé les éléments qui l'avaient conduite à retenir des traits de personnalité dyssociale, la méthode utilisée pour évaluer le risque de récidive et les facteurs pris en compte, ainsi que les considérations qui fondent la préconisation d'une mesure institutionnelle. Entendue aux débats de première instance, elle a confirmé ses conclusions.
C. Par acte du 31 janvier 2024, A. recourt en matière pénale au Tribunal fédéral. Il conclut principalement à l'annulation de la décision entreprise et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement
ab initio. À titre subsidiaire, il demande, en substance, la
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réforme de cette décision en ce sens qu'il soit acquitté de l'accusation d'atteinte à la paix des morts, qu'aucune mesure ne soit prononcée (plus subsidiairement que seul un traitement thérapeutique ambulatoire le soit), que sa libération immédiate soit ordonnée (plus subsidiairement que soit ordonnée l'exécution immédiate de la mesure prononcée), qu'acte soit donné à la partie plaignante de l'entier de ses réserves civiles et que tous dépens pénaux soient refusés à cette dernière, un montant de 200 fr. par jour étant alloué au recourant à titre d'indemnité pour tort moral (détention illicite) en lien avec tous les jours passés en détention avant jugement et en détention pour des motifs de sûreté. Il requiert, par ailleurs, le bénéfice de l'assistance judiciaire.
En tant que le recours portait sur le maintien en détention à fin de sûreté, il a été transmis à la IIe Cour de droit pénal du Tribunal fédéral, qui l'a déclaré irrecevable (arrêt 7B_129/2024 du 8 février 2024). Statuant sur le recours dirigé contre un prononcé du 1er février 2024, par lequel le Président de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté la demande de libération déposée le 31 janvier 2024 par A., la IIe Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a, en revanche, ordonné sa libération immédiate par arrêt 7B_270/2024 du 2 avril 2024.
D. Invités à formuler des observations sur le recours par ordonnances du 12 avril 2024, la cour cantonale, le ministère public et la partie plaignante y ont renoncé.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il est recevable.
Extrait des considérants:
4. Le recourant conteste ensuite que les conditions objectives de l'infraction d'atteinte à la paix des morts soient réalisées. Il y a un intérêt juridique (
art. 81 al. 1 let. b LTF), en tant que cet élément conditionne tant l'allocation des conclusions civiles (consid. 5 non publié) que le prononcé de la mesure (consid. 6 non publié).
4.1 Conformément à l'
art. 262 CP, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 30 juin 2023, soit au moment des faits, celui qui aura grossièrement profané le lieu où repose un mort, celui qui, méchamment, aura troublé ou profané un convoi funèbre ou une cérémonie funèbre, celui qui aura profané ou publiquement outragé un cadavre humain, sera
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puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (ch. 1). Celui qui, contre la volonté de l'ayant droit, aura soustrait un cadavre humain, une partie d'un cadavre humain, ou les cendres d'un mort sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (ch. 2).
La modernisation rédactionnelle de ce texte, entrée en vigueur au 1er juillet 2023, de nature purement linguistique et à vocation surtout épicène (Message du 25 avril 2018 concernant la loi fédérale sur l'harmonisation des peines et la loi fédérale sur l'adaptation du droit pénal accessoire au droit des sanctions modifié, FF 2018 2889, spéc. 2907 ch. 1.2.5), tels l'usage du futur et du pronom "quiconque", sont dépourvues de toute portée quant à l'interprétation de la norme. Il n'en va pas différemment de la substitution de la locution "celui qui aura profané ou publiquement outragé" par l'expression "quiconque profane ou outrage publiquement", qui ne saurait, sans aboutir à un contre-sens patent, avoir pour conséquence que seule la profanation publique serait désormais punissable, à l'instar de l'outrage (sur la notion de profanation, v. infra consid. 4.2). Il s'ensuit, par ailleurs, que le droit en vigueur au moment des faits, qui n'est pas moins favorable au recourant, demeure applicable (art. 2 al. 1 CP).
4.2 L'
art. 262 ch. 1 al. 3 CP, qui définit une infraction contre la paix publique, protège le sentiment de piété à l'égard des morts, considéré de manière générale et non restreint aux émotions des seuls proches du défunt. Non définie par le législateur, la notion de profanation
(Verunehrung; profanazione), qui figure aussi à l'
art. 261 CP (atteinte à la liberté de croyance et de culte), s'entend ici de tout mauvais traitement infligé à une dépouille mortelle, qu'elle soit détroussée, mutilée ou l'objet de tout autre geste de mépris ou de dépréciation, ce qui inclut tout acte inutile, soit toute action ne reposant sur aucun motif spécifique légitime commis sur un cadavre. Contrairement aux autres hypothèses visées par l'
art. 262 CP, la profanation d'un cadavre humain est sanctionnée même si elle n'est ni grossière (ch. 1 al. 1) ni méchante (ch. 1 al. 2; cf. également la locution "de façon vile" et l'adverbe "méchamment" à l'
art. 261 CP; SJ 2019 I p. 349 consid. 1.1.2; arrêt 6B_994/2021 du 27 janvier 2023 consid. 2.3 et les références citées). Entrent ainsi en considération, non seulement les comportements ressortissant à la nécrophilie, le démembrement du corps, sa carbonisation en vue de s'en débarrasser, son exhumation, le prélèvement de composants artificiels (prothèses ou stimulateurs cardiaques) ou le fait de défigurer le mort, de le spolier, de le
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dénuder sans motif médical, hors de toute enquête ou simplement faute de faire preuve du professionnalisme qui s'impose à ceux tenus de procéder à de tels actes (
ATF 129 IV 172 consid. 2.1; arrêt 6B_994/2021 précité consid. 2.3 et les références citées). Plus que l'atteinte portée à l'intégrité de l'enveloppe charnelle comme telle, c'est la compatibilité du comportement de l'auteur avec les normes sociales qui détermine la réalisation de cet élément objectif (arrêt 6B_994/2021 précité consid. 2.3 et les références citées).
4.3 L'infraction de résultat réprimée par l'
art. 262 CP est susceptible d'être commise par omission (v. p. ex.: arrêt 6B_969/2009 du 25 janvier 2010 consid. 1.3), en d'autres termes par un comportement passif contraire à une obligation d'agir (
art. 11 al. 1 CP). Reste passif en violation d'une obligation d'agir celui qui n'empêche pas la mise en danger ou la lésion d'un bien juridique protégé par la loi pénale bien qu'il y soit tenu à raison de sa situation juridique. La loi énumère plusieurs sources pouvant fonder une position de garant, à savoir la loi, un contrat, une communauté de risques librement consentie ou la création d'un risque (
art. 11 al. 2 CP). N'importe quelle obligation juridique ne suffit pourtant pas. Il faut qu'elle découle d'une position de garant, c'est-à-dire que l'auteur se soit trouvé dans une situation qui l'obligeait à ce point à protéger un bien déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection), ou à empêcher la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de surveillance), que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (cf.
art. 11 al. 2 et 3 CP;
ATF 141 IV 249 consid. 1.1;
ATF 134 IV 255 consid. 4.2.1 et les références citées; arrêt 6B_877/2015 du 20 juin 2016 consid. 4.1). Il s'agit ainsi d'un devoir juridique qualifié. L'obligation incombant à l'auteur doit être spécifique et impérieuse. Par ailleurs, si le texte légal laisse place à la consécration jurisprudentielle d'autres situations de garant que celles expressément mentionnées par la loi, un tel complètement doit demeurer circonscrit à une interprétation restrictive pour d'évidentes raisons en lien avec le principe de la légalité et la sécurité du droit (DONATSCH/GODENZI/TAG, Strafrecht I, 10
e éd. 2022, § 30 ch. 2.111 et la note 9; CASSANI/VILLARD, in Commentaire romand, Code pénal, vol. I, 2
e éd. 2021, n
os 21 et 24 s. ad
art. 11 CP; TRECHSEL/FATEH-MOGHADAM, in Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 4
e éd. 2021, n° 3 ad
art. 11 CP; NIGGLI/ MUSKENS, in Basler Kommentar, Strafrecht, 4
e éd. 2019, n° 72 ad
art. 11 CP; GÜNTHER STRATENWERTH, Allgemeiner Teil, Bd. I, 4
e éd. 2011, § 14 n. 9).
4.4 La cour cantonale a retenu que le recourant était l'ami intime de la défunte, avec laquelle il formait également une communauté de risque liée à la consommation de substances psychoactives, qu'il séjournait régulièrement chez elle, se trouvait auprès de la jeune femme avant, vraisemblablement pendant et juste après le décès de celle-ci, qu'il disposait d'un libre accès à l'appartement, y avait fait des allers-retours durant les quinze jours ayant suivi le décès et en avait la maîtrise exclusive. Il avait notamment refusé d'ouvrir la porte de l'appartement, à tout le moins à une occasion, à une aide-soignante et ainsi empêché une prise en charge adéquate de la défunte. Cette communauté de vie et les liens affectifs unissant les jeunes gens permettaient dès lors de retenir une position de garant.
Le recourant objecte qu'il ne pourrait lui être adressé le même reproche que s'il avait commis l'infraction par un comportement actif. Seule pourrait lui être imputée l'omission de ne pas avoir averti les autorités compétentes au sens de l'art. 34a de l'Ordonnance sur l'état civil (OEC), mais non d'avoir laissé ou mis le corps dans un état indécent, lequel avait exclusivement résulté de processus naturels.
4.5 Étant souligné que le caractère spécifique de la position de garant suppose l'existence d'un lien particulier de celui qui a omis d'agir avec l'atteinte au bien juridique protégé par la norme pénale et que l'
art. 262 CP protège, dans la perspective de la paix publique, le sentiment de piété, des tiers proches ou non, à l'égard des défunts, on perçoit mal ce que la cour cantonale a entendu déduire d'une éventuelle communauté de risque liée à la consommation de substances psychoactives, qui ne pourrait guère jouer un rôle que dans le contexte d'une atteinte à la vie ou à l'intégrité physique voire d'une éventuelle mise en danger, qui ne sont pas en discussion en l'espèce. Il est, par ailleurs, constant que le recourant était l'ami intime de la défunte, mais on ne voit pas que cette circonstance lui imposât, en tant que telle, des devoirs juridiques envers les proches de la défunte ou d'autres tiers. Enfin, la décision entreprise ne constate pas que le recourant aurait vécu sous le même toit que son amie, mais simplement qu'il y séjournait régulièrement et disposait des clés du logement. On ne voit pas que ces différents éléments, même considérés conjointement, soient suffisamment spécifiques pour fonder une obligation non seulement morale mais juridique et impérieuse d'agir afin de préserver le sentiment de piété de tous tiers ou des proches de la défunte, dans le cadre interprétatif restreint défini ci-dessus.
BGE 150 IV 389 S. 402
Comme le relève à juste titre également le recourant, il est douteux que l'art. 34a OEC, dont le but est d'assurer le fonctionnement de l'état civil, de son registre en particulier, qui constitue la référence pour de nombreuses opérations à caractère juridique, puisse fonder une obligation de préserver le sentiment de piété et la paix publique. Il reste que, comme le souligne le recourant lui-même, le droit cantonal institue une obligation spécifique d'annoncer les décès. Conformément à l'art. 7 al. 1 du Règlement vaudois du 12 septembre 2012 sur les décès, les sépultures et les pompes funèbres (RDSPF; BLV 818.41.1), dans les douze heures, ou au plus tard à l'ouverture des bureaux, la personne responsable ou son représentant annonce le décès au préposé du lieu du décès ou de la découverte du corps, et lui transmet l'exemplaire du certificat médical qui lui est destiné. Par la personne responsable, il faut entendre celle chargée par la législation fédérale et cantonale en matière d'état civil de l'annonce des décès auprès de l'état civil et de l'administration communale (art. 2 al. 1 let. a RDSPF), cependant que le préposé (aux sépultures) est la personne compétente pour délivrer le permis d'inhumer ou d'incinérer, organiser ou veiller au bon déroulement des cérémonies funèbres et exécuter les autres tâches qui lui sont attribuées par le règlement communal ou que l'autorité communale lui confie (let. b). Enfin, conformément à l'art. 34a OEC sont notamment tenus d'annoncer les décès, hors hôpitaux, établissements médico-sociaux ou institutions similaires, le conjoint ou le partenaire survivant, les proches parents ou les personnes vivant sous le même toit ou toute autre personne qui a assisté au décès ou qui a découvert le corps (al. 1 let. b).
Si le droit cantonal renvoie, à titre supplétif, aux règles du droit fédéral en matière d'état civil pour déterminer le cercle des personnes tenues d'annoncer les décès, et si le droit cantonal institue par ailleurs également une obligation d'annoncer à l'état civil (art. 8 RDSPF), l'obligation découlant de l'art. 7 al. 1 RDSPF n'en poursuit pas moins un but distinct, puisqu'il s'agit d'informer l'autorité responsable du bon déroulement des cérémonies funèbres et, partant, notamment de garantir une prise en charge de la dépouille (transport, interventions médicales, thanatopraxie, soins mortuaires, etc.) respectant les normes sociales. Il ne fait ainsi aucun doute que cette obligation d'annonce, à côté d'autres buts, participe du maintien de la paix publique et protège le sentiment de piété de tout un chacun envers un défunt.
Il convient encore de préciser que dans le domaine des assurances, sociales en particulier, le Tribunal fédéral a exclu qu'une simple
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obligation d'annonce puisse fonder une position de garant. Cette jurisprudence est cependant spécifique à l'obligation d'annoncer une modification des circonstances justifiant l'octroi de prestations, qui constitue une émanation du principe général de la bonne foi et n'entraîne pas le transfert sur la tête de l'assuré de la responsabilité de l'intégrité du patrimoine de l'assureur (v.
ATF 140 IV 11 consid. 2.4.3 ss;
ATF 131 IV 83 consid. 2.1.3 in fine). Ce raisonnement, qu'il n'y a pas lieu de discuter en l'espèce, ne peut cependant être transposé à toute obligation d'annonce. Il n'est, en particulier, pas pertinent en l'espèce, où l'obligation d'annoncer statuée par l'art. 7 al. 1 RDSPF n'est pas une simple cautèle du principe de la bonne foi, mais une obligation topique poursuivant un but déterminé. Celle-ci pèse notamment sur celui qui assiste à un décès ou découvre un cadavre et tend à assurer le respect de normes sociales essentielles et, par là même, outre celui d'évidentes contingences sanitaires, la paix publique par la protection du sentiment de piété envers la dépouille d'un défunt, dont tout un chacun, les proches du trépassé en particulier, est susceptible d'être titulaire et garant.
4.6 En l'espèce, la décision entreprise retient que le recourant se trouvait auprès de la jeune femme avant, vraisemblablement pendant et juste après le décès de celle-ci, qu'il disposait d'un libre accès à l'appartement et y avait fait des allers-retours, qu'il disposait des clés du logement et n'y a pas laissé pénétrer une personne venue dispenser des soins. À son retour dans l'appartement, à une heure indéterminée du 26 août 2021, il avait découvert le corps sans vie. Il n'y a, dès lors, aucun doute qu'il a été la première personne à le voir, ce qui suffit à fonder, en application du droit cantonal, l'obligation d'annonce à l'autorité compétente pour assurer le bon déroulement de la prise en charge du corps et en éviter la décomposition dans des circonstances dénuées de toute dignité, partant, susceptibles d'atteindre le sentiment de piété, notamment des proches de la jeune femme. Compte tenu du caractère inéluctable de la dégradation de l'enveloppe charnelle en l'absence de toute mesure adéquate et du droit des proches à la protection de leur sentiment de piété au travers de leur liberté personnelle (
art. 10 Cst.; cf.
ATF 129 I 173 consid. 2.1;
ATF 127 I 115 consid. 6b;
ATF 123 I 112 consid. 4c;
ATF 111 Ia 231 consid. 3; arrêt 1C_430/2009 du 4 février 2010 consid. 2.1.2), l'omission du recourant, qui a empêché la prise de ces mesures quinze jours durant et a donc laissé la dépouille parvenir à un état de putrescence avancé, apparaît en tout point assimilable au fait de provoquer activement
BGE 150 IV 389 S. 404
une atteinte au sentiment de piété par des gestes empreints de mépris ou de dépréciation.
4.7 Le recourant objecte encore qu'en habillant le pied gauche de la défunte d'une chaussette, en déposant un pantalon court et deux couvertures sur le corps, puis en tentant vainement (en raison d'un problème de fonctionnement de l'appareil) de faire appel aux numéros 144 et 177 au moyen du téléphone portable de la défunte, il aurait eu l'impression d'avoir fait ce qui lui incombait. Il souligne, par ailleurs, que personne n'aurait alerté les proches ou la police durant 14 jours alors que la jeune femme était suivie par le centre médico-social et que le comportement de la famille de cette dernière ne serait pas exempt non plus de tout reproche.
4.7.1 Le premier pan de cette argumentation a trait au contenu de la pensée du recourant. Il est sans pertinence en tant que la décision entreprise, qui ne porte pas sur la condamnation du recourant mais sur sa responsabilité pénale, l'institution d'une mesure et les prétentions civiles de la partie plaignante, n'examine précisément pas le volet subjectif de l'infraction réprimée par l'
art. 262 CP (
ATF 147 IV 93 consid. 1.3.5). De surcroît, le contenu de la pensée du recourant, constitue un fait dit "interne" (
ATF 148 IV 234 consid. 3.4). Le Tribunal fédéral, lié par les faits constatés dans la décision entreprise (
art. 105 al. 1 LTF), ne revoit guère de telles questions que sous l'angle de l'arbitraire (art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF; sur cette notion, v.
ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2) et n'examine de tels griefs à l'instar de tous ceux qui relèvent de la violation de droits fondamentaux, que s'ils sont invoqués et motivés par le recourant (
art. 106 al. 2 LTF; v. consid. 1.1 non publié), soit s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée, de simples critiques de nature appellatoire étant irrecevables (
ATF 148 IV 356 consid. 2.1,
ATF 148 IV 409 consid. 2.2). Faute de toute discussion répondant à ces exigences de motivation accrues, le moyen, au mieux appellatoire, est également irrecevable d'un point de vue simplement formel.
4.7.2 Pour le surplus, il n'y a rien d'extraordinaire à ce que des proches demeurent sans contact plusieurs jours, voire plusieurs semaines, de sorte que les reproches que le recourant élève maladroitement à l'encontre de la famille de la défunte ne sont manifestement pas de nature à écarter toute causalité hypothétique entre l'omission reprochée au recourant et le résultat constitutif de l'infraction (sur les notions de causalité hypothétique, respectivement adéquate, et sa rupture: v.
ATF 134 IV 255 consid. 4.4.1 s.;
ATF 133 IV 158 consid. 6.1; cf. aussi
ATF 143 III 242 consid. 3.7 ainsi que
ATF 116 IV 182 consid. 4a
BGE 150 IV 389 S. 405
et les références citées). Le recourant perd de vue qu'il n'y a, de toute manière pas de compensation des fautes en droit pénal (
ATF 122 IV 17 consid. 2c/bb; plus récemment, parmi tant d'autres: arrêt 6B_628/ 2022 du 22 mars 2023 consid. 3.4), si bien qu'il ne peut rien déduire en sa faveur non plus de ses développements relatifs au personnel du centre médico-social, qu'il a, du reste, lui-même empêché d'accéder à l'appartement.