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Urteilskopf

33524/96


Mevena SA c. Svizzera
Decisione d'irricevibilità no. 33524/96, 29 juin 1999

Regeste

Diese Zusammenfassung existiert nur auf Französisch.

DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
SUISSE: Art. 6 par. 1 CEDH. Equité d'une procédure d'expropriation. Constatation par le Conseil d'Etat de la nature forestière de la parcelle lors d'une inspection locale sans la présence ni l'accord de la société propriétaire requérante. Recours et demande d'inspection locale rejetés par le Tribunal fédéral.

Si le Conseil d'Etat ne peut passer pour un tribunal, le Tribunal fédéral a examiné tous les arguments de fait et de droit des parties avec plénitude de juridiction. L'admissibilité des preuves et leur appréciation relèvent en premier lieu du droit interne et des juridictions nationales. Considérée dans son ensemble, la procédure a revêtu un caractère équitable.
Conclusion: requête déclarée irrecevable.





Sachverhalt

DEUXIÈME SECTION
 
DÉCISION
 
SUR LA RECEVABILITÉ
 
de la requête n° 33524/96
présentée par la Société MEVENA S.A.
contre la Suisse
 
    La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant en chambre le 29 juin 1999 en présence de
 
    M.    C. Rozakis, président,
    M.    M. Fischbach,
    M.    L. Wildhaber,
    M.    B. Conforti,
    M.    G. Bonello,
    Mme    V. Strážnická,
    Mme    M. Tsatsa-Nikolovska, juges,
    
et de    M.    E. Fribergh, greffier de section ;
 
    Vu l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;
 
    Vu la requête introduite le 6 septembre 1996 par la Société MEVENA S.A. contre la Suisse et enregistrée le 24 octobre 1996 sous le n° de dossier 33524/96 ;
 
    Vu le rapport prévu à l'article 49 du règlement de la Cour ;
 
    Après en avoir délibéré ;
 
    Rend la décision suivante :
 
EN FAIT
 
    La requérante est une société anonyme de droit suisse, ayant son siège social à Locarno.
 
    Elle est représentée devant la Cour par Me Milo Caroni, avocat à Locarno.
 
    Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.
 
A.    Circonstances particulières de l'affaire
 
    La requérante est propriétaire depuis 1950 de plusieurs terrains dans la commune d'Ascona, dans le canton du Tessin (ci-après le canton), dont une parcelle de 656 m², portant au cadastre le n° 1183, qui donne sur le lac Majeur.
 
    En janvier 1987, le canton engagea une procédure d'expropriation qui touchait partiellement (sur 233 m²) la parcelle en cause, en vue de la réalisation d'une route.
 
    Devant le tribunal des expropriations, l'Etat, considérant qu'il s'agissait d'un terrain forestier, au sens de la législation, proposait une indemnisation sur la base de 3 F le m². La requérante, estimant qu'il s'agissait d'un terrain constructible, demandait que l'indemnité soit calculée sur la base de 1500 F le m².
 
    En cours de procédure (octobre 1989), des glissements de terrain se produisirent, qui rendirent nécessaires des travaux de consolidation et de remise en état de la rive du lac, à la charge de l'Etat. Les glissements de terrains provoquèrent le déboisement total de la parcelle en cause.
 
    Le tribunal convoqua les parties sur les lieux le 15 octobre 1991, afin d'examiner l'état de la parcelle après les travaux de consolidation et remise en état.
 
    Le 9 février 1993, à la demande de la requérante, la procédure fut suspendue dans l'attente de la décision du Tribunal fédéral sur son recours contre le plan d'occupation des sols d'Ascona. Elle fut reprise, après rejet de ce recours, le 15 octobre 1993.
 
    Le 11 avril 1994, le tribunal saisit d'office le Conseil d'Etat (organe exécutif) du canton, sans que la requérante en soit informée, d'une demande de constatation de la nature forestière de la parcelle (« accertamento forestale »). Une inspection locale fut effectuée le 20 mai 1994 par le service cantonal des forêts, hors la présence de la requérante. La décision sur la nature forestière, rendue le 12 août 1994 par le Conseil d'Etat, fut notifiée à la requérante les 23 et 24 août 1994.
 
    Le 16 novembre 1994, le tribunal rendit son jugement. En ce qui concernait la parcelle n° 1183, le tribunal considéra, en se fondant sur la constatation, qu'il s'agissait d'un terrain de nature forestière, pour laquelle l'indemnité devait être calculée sur la base de 60 F le m². Surabondamment, le tribunal observa que, compte tenu des règles d'urbanisme applicables (plan d'occupation des sols, loi sur la protection des rives des lacs), le terrain aurait été en pratique difficilement constructible.
 
    La requérante saisit le Tribunal fédéral d'un recours de droit administratif et d'un recours de droit public contre la décision de constatation de la nature forestière. Elle soutenait notamment que cette décision, prise par un organe non judiciaire, sans qu'elle en soit informée et sans l'entendre, était contraire à l'article 6 de la Convention. Sur le fond, elle soutenait que la parcelle en cause devait être considérée non comme une forêt, mais comme un parc ou un jardin.
 
    Le Tribunal fédéral statua par arrêt du 19 décembre 1995, notifié à la requérante le 13 mars 1996. Il déclara irrecevable le recours de droit public et rejeta le recours de droit administratif.
 
    Le Tribunal opposa un refus à la demande d'inspection locale faite par la requérante, au motif qu'en l'état actuel de la parcelle, désormais sans arbres, une telle inspection n'aurait pu servir à constater son état antérieur.
 
    S'agissant du moyen de la requérante fondé sur la violation de l'article 6 § 1 de la Convention, le Tribunal observa tout d'abord que l'inspection locale du 20 mai 1994, à laquelle elle n'avait pas été convoquée, n'était vraisemblablement ni nécessaire ni décisive, dans la mesure où après les glissements de terrain, la nature forestière ou non de la parcelle devait être établie selon d'autres critères (principalement sur la base de photos aériennes). Le Tribunal considéra toutefois que l'autorité cantonale aurait dû respecter le droit de la requérante d'être entendue.
 
    Le Tribunal examina ensuite si le recours de droit administratif devant lui était susceptible de remédier à cette atteinte au droit de la requérante. Il conclut qu'il disposait en l'espèce de la plénitude de juridiction, et que la procédure devant lui répondait aux exigences de la Convention. Il releva que la requérante, qui n'avait pas demandé d'audience publique, y avait implicitement renoncé.
 
    Le Tribunal nota que la requérante avait eu accès à l'ensemble du dossier de l'autorité cantonale, y compris les photographies aériennes, qu'elle avait pu répliquer aux observations de l'Office fédéral de l'Environnement, des Forêts et du Paysage et du Conseil d'Etat et produire des documents additionnels (décision du tribunal des expropriations, plan de la zone, déclaration d'un habitant de cette zone, et photographies ultérieures effectuées à sa demande). Le Tribunal en conclut qu'il avait ainsi été remédié à l'atteinte à son droit d'être entendue.
 
    En outre, le Tribunal considéra que le tribunal des expropriations avait un intérêt digne de protection, au sens de l'article 10 § 1 de la loi fédérale sur les forêts, justifiant la demande de constatation de la nature forestière.
 
    Sur le fond, le Tribunal, après avoir examiné l'argumentation de la requérante et des autres parties, conclut que la qualification de « forêt » appliquée à la parcelle concernée était en l'espèce justifiée.    
 
B.    Droit et pratique internes pertinents
 
    Loi fédérale sur la procédure administrative
 
Article 25 - Procédure en constatation
 
« 1. L'autorité compétente sur le fond a qualité pour constater par une décision, d'office ou sur demande, l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits et obligations fondés sur le droit public.
 
2. Elle donne suite à une demande en constatation si le requérant prouve qu'il a un intérêt digne de protection.
 
3. Aucun désavantage ne peut résulter pour la partie du fait qu'elle a agi en se fondant légitimement sur une décision de constatation. »
 
    Loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991
 
Article 2 - Définition de la forêt
 
« 1. Par forêt on entend toutes les surfaces couvertes d'arbres ou d'arbustes forestiers à même d'exercer des fonctions forestières. Leur origine, leur mode d'exploitation et la mention au registre foncier ne sont pas pertinents.
 
2. Sont assimilés aux forêts :
 
(...)
 
b. les surfaces non boisées ou improductives d'un bien-fonds forestier, telles que les vides ou les surfaces occupées par des routes forestières ou d'autres constructions ou installations forestières (...)
 
3. Ne sont pas considérés comme forêts les groupes d'arbres ou d'arbustes isolés, les haies, les allées, les jardins, les parcs et les espaces verts, les cultures d'arbres en terrain nu destinées à une exploitation à court terme, ainsi que les buissons et les arbres situés sur ou à proximité immédiate des installations de barrage (...)»
 
    Article 10 - Constatation de la nature forestière
 
« 1. Quiconque prouve un intérêt digne d'être protégé peut demander au canton de décider si un bien-fonds doit être considéré comme forêt ou non (...) »
 
GRIEFS
 
    La requérante allègue la violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
 
1.    Elle considère que sa cause n'a pas été entendue par un tribunal indépendant et impartial doté de la plénitude de juridiction.    En premier lieu, le Conseil d'Etat du canton, qui a pris la décision de constatation, ne constitue pas un tribunal, au sens de l'article 6 § 1. Par ailleurs, si le Tribunal fédéral dispose bien «de jure » d'une plénitude de juridiction, elle estime qu'il l'a restreinte en l'espèce «de facto », en ne prenant pas en considération les allégations de fait pertinentes qu'elle avançait et en ne procédant pas à une vérification complète de l'application correcte du droit par l'autorité administrative. Elle estime en particulier que le Tribunal aurait dû ordonner l'inspection locale qu'elle avait demandée. En conclusion, le Tribunal a fondé sa décision sur la constatation incomplète et non contradictoire du Conseil d'Etat, sans en vérifier les circonstances concrètes.
 
2.    Elle estime ensuite que sa cause n'a pas été entendue, en violation de l'article 6 § 1 précité. Elle rappelle que l'inspection locale a eu lieu hors de sa présence et sans son accord et indique qu'aucun procès-verbal n'a été rédigé, ce qui laisse subsister un doute quant au fait que l'inspection ait eu lieu, ou du moins qu'elle ait eu lieu conformément aux règles de procédure. Contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal fédéral, le recours devant lui ne lui paraît pas susceptible de remédier à la violation de son droit. Elle considère qu'en refusant l'inspection locale et en ne tenant pas compte des preuves pertinentes qu'elle produisait, la haute juridiction a elle-même violé son droit à voir sa cause entendue. Elle lui reproche également d'avoir tenu compte des photographies aériennes réalisées, lors de l'inspection locale, à son insu et sans respecter le principe du contradictoire.
 


Erwägungen

EN DROIT
 
    La requérante allègue la violation de l'article 6 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes sont ainsi rédigées :
 
"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)"
 
    La requérante estime n'avoir pas été entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial doté de la plénitude de juridiction.
 
    La Cour examinera conjointement l'ensemble de ses griefs au regard du droit à un procès équitable, au sens de l'article 6 § 1 précité.
 
    La Cour observe que, si le Conseil d'Etat du canton ne peut passer pour constituer un tribunal, au sens de l'article 6 § 1 précité, la requérante a pu former un recours contre sa décision devant le Tribunal fédéral. Il y a donc lieu d'établir si la procédure devant la haute juridiction a répondu aux exigences de cet article.
 
    La requérante ne développe aucun argument tendant à démontrer que le Tribunal fédéral ne serait pas un tribunal indépendant et impartial. La Cour n'examinera donc ce grief que dans son aspect relatif à la compétence du Tribunal fédéral.
    
    La Cour note tout d'abord que, dans son arrêt, le Tribunal fédéral a conclu qu'il disposait en l'espèce de la plénitude de juridiction et aucun élément du dossier ne lui permet d'arriver à une autre conclusion. Elle observe notamment que le Tribunal a examiné tous les arguments de fait et de droit des parties pour arriver à sa décision. Dès lors, elle en conclut qu'il s'agissait effectivement d'un tribunal jouissant de la plénitude de juridiction, comme le veut l'article 6 § 1 de la Convention.
 
    La requérante estime que le Tribunal fédéral a restreint « de  facto » la plénitude de juridiction dont il disposait en ne prenant pas en considération les allégations de fait pertinentes qu'elle avançait et en ne procédant pas à une vérification complète de l'application correcte du droit par l'autorité administrative.
 
    La Cour rappelle qu'aux termes de l'article 19 de la Convention, elle a pour tâche d'assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes. Spécialement, il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention. Par ailleurs, si la Convention garantit en son article 6 le droit à un procès équitable, elle ne réglemente pas pour autant l'admissibilité des preuves ou leur appréciation, matière qui relève dès lors au premier chef du droit interne et des juridictions nationales (voir notamment les arrêts Schenk c. Suisse du 12 juillet 1988, série A n° 140, p. 29, §§ 45-46, Garcia Ruiz c. Espagne du 21 janvier 1999, à paraître dans Recueil 1998, § 28).
 
    En l'espèce, si la procédure administrative ne s'est pas déroulée contradictoirement, la Cour relève que, devant le Tribunal fédéral, la requérante a pu consulter l'intégralité du dossier des autorités cantonales, y compris les photographies aériennes, qu'elle a pu répliquer aux observations des autres parties et produire des documents additionnels, dont d'autres photographies réalisées à sa demande.
 
    S'il est vrai que le Tribunal fédéral a rejeté la demande d'inspection locale qu'elle présentait, la Cour estime qu'en justifiant ce refus par le fait qu'en l'état actuel de la parcelle, totalement déboisée, une telle inspection n'aurait pu servir à constater son état antérieur, il n'a pas fait preuve d'arbitraire.
    
    En conclusion, la Cour estime que, considérée dans son ensemble, la procédure litigieuse a revêtu un caractère équitable, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention.
 
    Il s'ensuit que la requête est manifestement mal fondée, au sens de l'article 35 § 3 de la Convention.
 


Entscheid

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
 
DÉCLARE LA REQUÊTE IRRECEVABLE.
 
    Erik Fribergh    Greffier
    Christos Rozakis    Président

Referenzen

Artikel: Art. 6 par. 1 CEDH