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Urteilskopf

53146/99


Hurter Hans gegen Schweiz
Zulassungsentscheid no. 53146/99, 08 juillet 2004




Sachverhalt

TROISIÈME SECTION
DÉCISION FINALE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 53146/99
présentée par Hans HURTER
contre la Suisse
La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant le 8 juillet 2004 en une chambre composée de :
    MM.    G. Ress, président,
        I. Cabral Barreto,
        L. Wildhaber,
        L. Caflisch,
        B. Zupančič,
        J. Hedigan,
    Mme    A. Gyulumyan, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 8 septembre 1999,
Vu la décision partielle du 21 février 2002,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
 
EN FAIT
Le requérant, Hans Hurter, est un ressortissant suisse né en 1957. Avocat et notaire de profession, il réside à Lucerne, en Suisse.
A.  Les circonstances de l'espèce
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le 18 février 1997, la Commission de la justice (Justizkommission) du Tribunal supérieur du canton de Lucerne ouvrit une procédure disciplinaire (Anzeige) devant l'Autorité de surveillance des avocats (Aufsichtsbehörde über die Rechtsanwälte) du canton de Lucerne au moyen d'une « dénonciation ». Elle y accusait le requérant d'avoir réclamé des honoraires excessifs à son client, d'en avoir exigé le règlement alors que la procédure de divorce était toujours pendante, d'avoir ultérieurement introduit une demande d'aide judiciaire et d'avoir, dans sa déclaration devant le Tribunal de district de Lucerne, accusé le Tribunal supérieur d'avoir commis des infractions pénales. La Commission de la justice, qui avait établi la ventilation détaillée des honoraires réclamés, invitait l'Autorité de surveillance à se pencher sur ces questions du point de vue du droit disciplinaire.
Le 21 avril 1997, le requérant déposa des observations en réponse longues de vingt pages.
Le 21 novembre 1997, il saisit l'Autorité de surveillance d'une demande de suspension de la procédure, à laquelle se trouvaient annexés divers documents qu'il souhaitait voir verser au dossier.
Le 2 avril 1998, l'Autorité de surveillance, faisant application de l'article 12 § 1 de la loi sur les avocats (Anwaltsgesetz) du canton de Lucerne, infligea au requérant une amende disciplinaire de 500 francs suisses (CHF) pour avoir à plusieurs reprises manqué à ses obligations professionnelles. Elle mit également à sa charge les frais de la procédure, qui se chiffraient à 1 500 CHF.
Cette décision fut notifiée au requérant le 22 avril 1998. Dans l'intervalle, le 16 avril 1998, l'intéressé avait invité l'Autorité de surveillance à organiser une audience dans sa cause.
Le requérant forma un recours de droit public contre la décision de l'Autorité de surveillance en date du 2 avril 1998, sollicitant entre autres la tenue d'une audience. Le Tribunal fédéral rejeta ce recours le 26 février 1999.
Il précisa dans sa décision qu'il avait écarté la demande d'organisation de débats oraux au motif que l'article 6 de la Convention ne s'appliquait pas aux procédures disciplinaires.
B.  Le droit interne pertinent
L'article 12 § 1 de la loi sur les avocats du canton de Lucerne est ainsi libellé :
« L'Autorité de surveillance réprime les manquements à leurs obligations professionnelles commis par les avocats. Elle peut, le cas échéant, infliger des sanctions disciplinaires et, au besoin, adresser des instructions contraignantes à l'avocat fautif. »
En vertu de l'article 13 de la loi sur les avocats, les mesures disciplinaires qui peuvent être infligées sont la réprimande, l'amende d'un montant pouvant atteindre 5 000 CHF et la suspension ou le retrait définitif de l'autorisation d'exercer la profession.
En vertu de l'article 6 de l'ordonnance sur la Commission de surveillance, des affaires de moindre importance ou ne soulevant pas de difficultés de fait ou de droit peuvent être réglées par voie circulaire (Zirkulationsweg). Chacun des membres de la Commission peut demander des délibérations orales.
Selon l'article 7 de la même ordonnance, des tierces personnes ont accès aux audiences publiques, exception faite pour des raisons de protection du secret d'avocat ou d'autres motifs importants. Les délibérations ont lieu en l'absence des parties à la procédure et des tiers.
GRIEF
Invoquant l'article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas avoir bénéficié d'une audience publique dans la procédure en cause.
 


Erwägungen

EN DROIT
Le requérant, faisant valoir que sa cause n'a pas fait l'objet de débats publics, invoque le droit à un procès équitable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention, libellé ainsi dans sa partie pertinente :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (...), par un tribunal indépendant et impartial (...), qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) »
a)  Le Gouvernement présente une exception préliminaire. Il estime en effet que l'article 6 § 1 n'est pas applicable au cas d'espèce.
Par rapport au caractère « civil » des droits et obligations invoqués, le Gouvernement, rappelant la jurisprudence de la Cour en la matière (cf. Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique, arrêt du 23 juin 1981, série A no 43, p. 20, § 45), estime qu'eu égard au fait que la sanction prononcée à l'encontre du requérant ne portait pas sur une suspension temporaire ou définitive du droit d'exercer une profession, mais consistait dans l'examen du bien-fondé d'une simple amende, on ne saurait admettre l'existence d'un contentieux disciplinaire dont l'enjeu est le droit de continuer à pratiquer son métier et donnant lieu, ainsi, à appliquer les garanties de l'article 6 (critère élaboré par la Cour dans l'affaire W.R. c. Autriche, no 26602/95, § 28 et s, 21 décembre 1999).
Le Gouvernement soutient, quant à la question de savoir si l'article 6 § 1 entre en jeu dans son aspect « pénal », que la base légale des mesures à l'encontre du requérant résidait non pas dans le Code pénal suisse, mais dans le chapitre de la loi sur les avocats (Anwaltsgesetz) du canton de Lucerne, consacré au « contrôle et aux mesures disciplinaires » (Aufsicht und Disciplinarwesen).
Le Gouvernement tire un autre argument à l'appui de la thèse selon laquelle les mesures litigieuses relèvent du droit « disciplinaire » de la nature de l'infraction commise par le requérant ainsi que du cercle relativement restreint des destinataires de ce régime juridique, estimant que les dispositions en cause ont pour seul objet le respect par les avocats concernés des règles professionnelles et déontologiques nécessaires à une bonne administration de la justice.
Selon le Gouvernement, on ne saurait non plus qualifier de « pénales » la nature et le degré de sévérité de la sanction infligée en l'espèce, compte tenu du fait que, d'une part, le catalogue des sanctions dressé par la loi sur les avocats englobe le blâme, l'amende et l'interdiction d'exercer la profession, mais non une peine privative de liberté, et que, d'autre part, la sanction effectivement prononcée ne consistait que dans une amende de 500 CHF.
Dès lors, le Gouvernement met en doute l'applicabilité de l'article 6 au cas d'espèce.
Le requérant conteste l'argumentation du Gouvernement, estimant, par rapport au volet « civil » de l'article 6 § 1, que la dénonciation du 18 février 1997 à l'encontre du requérant était formulée de manière générale par rapport aux sanctions à infliger et n'excluait a priori pas l'interdiction d'exercer sa profession. Ainsi, il était confronté, dès le début de la procédure, à une menace contre le droit de continuer à pratiquer sa profession.
En ce qui concerne l'aspect « pénal » de cette disposition, le requérant soutient d'abord que les actes qui lui sont reprochés sont également réprimés par le code pénal suisse, par exemple au titre de l'usure, de la contrainte ou de la diffamation à l'encontre des magistrats.
Quant à la nature et au degré de sévérité de la sanction infligée au requérant, celui-ci estime qu'on peut considérer une amende s'élevant à 500 CHF comme étant assez importante pour entraîner la qualification pénale au sens de la Convention, eu égard, notamment, à l'imputation des frais de justice de 1 500 CHF devant l'Autorité de surveillance et de 2 500 CHF devant le Tribunal fédéral.
Dès lors, le requérant déduit de ce qui précède que l'article 6 § 1 s'applique aussi bien dans son volet « civil » que « pénal ».
La Cour rappelle d'abord, par rapport à la question de savoir si l'article 6 s'applique à la présente affaire, que le droit du requérant d'exercer sa profession d'avocat est un droit de caractère « civil », conformément à l'article 6 § 1 (cf. W.R. c. Autriche, précité, 27, avec les références aux affaires De Moor c. Belgique, arrêt du 23 juin 1994, série A no 292-A, p. 16, § 47, et H. c. Belgique, arrêt du 30 novembre 1987, série A no 127-B, pp. 32-34, §§ 44-48).
Ensuite, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour qu'un contentieux disciplinaire dont l'enjeu est, comme en l'espèce, le droit de continuer à pratiquer un métier à titre libéral, peut, sous quelques conditions, donner lieu à des « contestations » sur des droits civils au sens de l'article 6 § 1 (cf. W.R. c. Autriche, précité, § 28, avec les références aux affaires suivantes : Philis c. Greece (no 2), arrêt du 27 juin 1997, Recueil 1997-IV, p. 1085, § 45 ; König c. Allemagne, 28 juin 1978, série A no 27, pp. 29-32, §§ 87-95 ; Le Compte, Van Leuven and De Meyere c. Belgique, précité, pp. 19-23, §§ 41-51 ; Albert et Le Compte c. Belgique, 10 février 1983, pp. 14-16, §§ 25-29 ; Diennet c. France, 26 septembre 1995, série A no 325-A, p. 13, § 27).
A ce propos, il convient de se demander si le requérant, n'ayant en l'occurrence fait l'objet d'aucune interdiction temporaire ou définitive d'exercer son métier, mais seulement d'une amende pécuniaire s'élevant à 500 CHF, peut néanmoins se prévaloir des garanties découlant de l'article 6 § 1.
Dans des affaires récentes, la Cour a précisé que, pour admettre l'existence d'une « contestation » sur des droits de caractère civil et, dès lors, pour juger de l'applicabilité de l'article 6 à une certaine procédure donnée, ce n'est pas seulement l'issue concrète de celle-ci qui importe, mais qu'il peut suffire, le cas échéant, que le droit d'exercer un métier soit en jeu, du seul fait que la suspension de l'exercice de la profession figure dans le catalogue des mesures possibles à l'encontre du requérant (dans ce sens, A. c. Finlande (déc.), no 44998/98, 8 janvier 2004 ; W.R. c. Autriche, précité, § 29 ; Gautrin et autres c. France, précité, p. 1022, § 33).
Dans la présente affaire, une interdiction d'exercer la profession d'avocat ne fut prononcée à l'encontre du requérant à aucun stade de la procédure disciplinaire. Néanmoins, au moment de l'ouverture de la procédure disciplinaire, le requérant était menacé, par le fait que l'article 13 de la loi sur les avocats prévoyait explicitement la suspension ou le retrait définitif de l'autorisation d'exercer son métier, d'une interdiction temporaire ou définitive d'exercer sa profession. A la lumière de la jurisprudence de la Cour précitée, il était, dès lors, indubitablement impliqué dans une « contestation sur des droits civils » au sens de l'article 6 § 1.
La Cour, compte tenu de ce qui précède, estime l'article 6, dans son volet « civil », applicable au cas d'espèce. Il est superflu d'examiner le point de savoir si on est également en présence d'une « accusation en matière pénale » au sens de l'article 6 § 1, étant donné que la garantie tirée de l'article 6 § 1 dont le requérant allègue la violation, soit le droit à une audience publique, vaut en matière civile aussi bien qu'en matière pénale (voir, mutatis mutandis, W.R. c. Autriche, précité, § 31, avec référence à l'affaire Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgiqueprécité, p. 23 et s, § 53).
b)  En ce qui concerne le bien-fondé de la requête, le Gouvernement est d'avis que l'Autorité de surveillance répond en tous points à la notion de « tribunal » au sens de l'article 6 § 1.
Il soutient en outre que le requérant, en ne formulant que tardivement une demande d'audience publique, a tacitement renoncé à ce que sa cause soit entendue publiquement par un tribunal, conformément à l'article 6 § 1. Il précise à ce sujet que ce n'est que par un courrier du 16 avril 1998, soit plus d'une année après la dénonciation intervenue le 18 février 1997, et près d'une année après la prise de position détaillée du requérant du 21 avril 1997 sur cette dénonciation, que ce dernier sollicita la tenue d'une audience publique devant l'Autorité de surveillance. Aux yeux du Gouvernement, le caractère tardif de la demande résulte aussi du fait que celle-ci est intervenue postérieurement à la décision de l'Autorité de surveillance en date du 2 avril 1998, décision notifiée au requérant le 22 avril 1998.
Le requérant conteste la position du Gouvernement. Il prétend que l'Autorité de surveillance avait reçu sa demande d'audience publique en temps utile, à savoir le 16 avril 1998, avant le jour auquel il rendit sa décision, mais qu'il data celle-ci rétroactivement au 2 avril 1998 pour pouvoir ainsi éviter de l'entendre publiquement. En outre, le requérant souligne avoir insisté explicitement sur sa demande d'audience publique dans le cadre de son recours de droit public du 25 mai 1998 au Tribunal fédéral. Celui-ci, dans un arrêt du 26 février 1999, écarta la demande au motif que l'article 6 § 1 ne s'appliquait pas au cas d'espèce.
La Cour estime, à la lumière de l'ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l'examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s'ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d'irrecevabilité n'a été relevé.
 


Entscheid

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
 
Déclare le restant de la requête recevable, tous moyens de fond réservés, en joignant au fond la question de la renonciation au droit d'être entendu publiquement.
  Vincent Berger   Greffier
  Georg Ress   Président