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Urteilskopf

30614/09


Fischbacher Suren gegen Schweiz
Décision d'irrecevabilité no. 30614/09, 06 mai 2014

Regeste

Diese Zusammenfassung existiert nur auf Französisch.

DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
SUISSE: Art. 8 CEDH. Expulsion d'un délinquant condamné à trois ans de prison ferme.

Prévue par la loi, poursuivant les buts de défense de l'ordre et de prévention des infractions pénales, cette ingérence n'était pas disproportionnée compte tenu du comportement du requérant, de la gravité des faits reprochés, de l'absence de lien matrimonial en Suisse, et du fait que ses deux enfants aînés sont majeurs et indépendants alors que le dernier vit avec sa mère depuis le divorce.
Conclusion: requête déclarée irrecevable.



Inhaltsangabe des BJ


(2. Quartalsbericht 2014)

Recht auf Achtung des Privat- und Familienlebens (Art. 8 EMRK); Ausweisung.

Nach Auffassung des Beschwerdeführers stellte die Weigerung, seinen Aufenthaltstitel zu erneuern, einen Eingriff in sein Recht auf Achtung des Familienlebens (Art. 8 EMRK) dar. Insbesondere angesichts des Verhaltens des Beschwerdeführers, der Schwere der ihm vorgeworfenen Handlungen, der Verurteilung des Beschwerdeführers zu drei Jahren unbedingt, der sehr häufigen Auslandsreisen des Beschwerdeführers, des Umstandes, dass der Beschwerdeführer von seiner letzten Ehefrau geschieden worden war und keines seiner Kinder anderweitig von ihm abhängig war, verfolgten für den Gerichtshof die Nicht-Erneuerung des Aufenthaltstitels des Beschwerdeführers und die Ausweisung mit dem Schutz der öffentlichen Ordnung und der Verhinderung von Straftaten ein legitimes Ziel und waren überdies verhältnismässig. Diese Massnahmen waren folglich in einer demokratischen Gesellschaft notwendig. Unzulässig (einstimmig).





Sachverhalt

 
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
 
Requête no 30614/09
Suren FISCHBACHER
contre la Suisse
 
 
La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant le 6 mai 2014 en une chambre composée de :
    Guido Raimondi, président,
    Işıl Karakaş,
    Nebojša Vučinić,
    Helen Keller,
    Paul Lemmens,
    Egidijus Kūris,
    Robert Spano, juges,
et de Abel Campos, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 20 mai 2009,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
1.  Le requérant, M. Suren Fischbacher, est un ressortissant grec né en 1957. Il indique avoir eu un « pied à terre » à Clarens (dans l'appartement de son fils) au moment de l'introduction de sa requête, et réside actuellement à Luxembourg. Il est représenté devant la Cour par Me P. Schaufelberger, avocat à Lausanne.
2.  Le gouvernement suisse (« le Gouvernement ») est représenté par son agent suppléant, M. A. Scheidegger, de l'unité Droit européen et protection internationale des droits de l'homme de l'Office fédéral de la justice.
3.  Par une lettre du 7 décembre 2010, le gouvernement grec fut informé qu'il avait la possibilité, s'il le désirait, de présenter des observations écrites en vertu de l'article 36 § 1 de la Convention et 44 du règlement de la Cour. N'ayant pas reçu de réponse du gouvernement grec dans le délai imparti, la Cour considère que ce dernier n'entend pas se prévaloir de son droit d'intervention.
A.  Les circonstances de l'espèce
4.  Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
1.  Contexte de l'affaire : situation précédant les faits en cause dans la présente affaire
5.  En 1991, le requérant, qui était alors un ressortissant russe du nom de S.G., se rendit en Suisse en 1991 au moyen d'un visa touristique de 6 mois et sollicita la délivrance d'un titre de séjour. Il créa différentes sociétés en Suisse. Sa première épouse et leurs enfants J.G., née en 1980, et A.G., né en 1988, le rejoignirent. Jusqu'à cette date, il avait vécu essentiellement en Russie, hormis son enfance qu'il avait passée (jusqu'en 1974) en Allemagne.
6.  Le 13 novembre 1992, le juge informateur de l'Est vaudois condamna le requérant à une amende pour violation grave des règles de circulation routière.
7.  Par décisions des 27 avril et 13 mai 1993, l'Office fédéral des étrangers (qui devint par la suite l'Office fédéral des migrations (« ODM »)) l'autorisa à entrer en Suisse et lui octroya une autorisation de séjour à l'année, qui fut renouvelée à plusieurs reprises.
8.  Le 23 novembre 1994, le requérant et son épouse eurent un troisième enfant, D.G.
9.  Le 7 décembre 1998, le requérant fut condamné par le tribunal de police de Vevey à une amende de 2 000 francs suisses (CHF) pour violation grave des règles de circulation routière.
10.  Le 19 avril 1999, l'ODM refusa d'approuver le renouvellement de l'autorisation de séjour du requérant, au motif que, selon les informations de l'Office fédéral de la police, il serait le chef d'une organisation criminelle ; il fut invité à quitter le territoire suisse le 30 mai 1999. Le 26 avril 1999, l'ODM prononça à son encontre une interdiction d'entrer sur le territoire suisse pour une durée indéterminée. Le 28 juillet 1999, l'ODM révoqua les deux décisions pour vice de forme.
11.  Le 30 juin 2000, le requérant fut naturalisé citoyen grec et renonça à sa nationalité russe.
12.  Le 18 juillet 2003, le tribunal civil de l'Est vaudois prononça le divorce du requérant d'avec sa première épouse.
13.  Le 12 mars 2004, le requérant épousa une ressortissante suisse. A cette occasion, il prit le nom de sa nouvelle épouse.
2.  Faits en cause dans la présente affaire
14.  Par un jugement du 1er avril 2004, le tribunal correctionnel de l'Est vaudois analysa l'ensemble des faits reprochés au requérant et le déclara coupable de banqueroute frauduleuse, diminution effective de l'actif au préjudice de ses créanciers, abus de confiance, escroquerie, faux dans les titres et violation de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger. Pour condamner le requérant à trois ans de prison ferme, le tribunal précisa ceci :
« (...) Homme d'affaires avisé, ayant réalisé des profits importants lui ayant permis de se constituer une fortune conservée à l'étranger et échappant ainsi à la mainmise des créanciers suisses, le [requérant] n'a pas hésité à user de tous les artifices et à manipuler autrui pour s'enrichir encore plus. Son attitude à l'audience a montré une indifférence complète vis-à-vis de l'intervention des autorités judiciaires de son pays d'accueil. Il n'a pas admis la moindre erreur dans la conduite de ses affaires, quand bien même de nombreuses pièces du dossier démontrent le contraire. Il n'y a donc chez cet accusé pas la moindre amorce d'une prise de conscience (...). »
Le tribunal ordonna également l'expulsion du requérant du territoire suisse pour neuf ans, mesure qui fut assortie d'un sursis d'une durée de cinq ans. Le requérant fut arrêté et placé en détention à l'issue de l'audience, mais bénéficia d'une liberté provisoire fin septembre 2004.
15.  Par un arrêt du 22 novembre 2004, la cour de cassation pénale du tribunal cantonal du canton de Vaud confirma intégralement le jugement de première instance.
16.  A une date indéterminée, le requérant demanda la révision de sa condamnation pénale. Par un arrêt du 25 octobre 2005, la chambre des révisions civiles et pénales du tribunal cantonal rejeta sa demande. Le requérant saisit le Tribunal fédéral, qui le débouta par un arrêt du 24 janvier 2006.
17.  Le 30 août 2006, le requérant fut arrêté et placé en détention préventive dans le cadre d'une instruction ouverte à Genève. Le même jour, il fut inculpé d'abus de confiance, gestion déloyale et faux dans les titres. Les 5 et 20 avril 2007, ainsi que le 24 mai 2007, le requérant fut également inculpé d'escroquerie, de banqueroute frauduleuse et de diminution effective de l'actif au préjudice de ses créanciers.
18.  Par une décision du 24 octobre 2007, le service de la population du canton de Vaud refusa de renouveler le titre de séjour du requérant, en raison de sa condamnation du 22 novembre 2004 et de la gravité de cette peine, et lui ordonna de quitter le territoire suisse dès sa sortie de prison.
19.  Le requérant saisit le tribunal administratif du canton de Vaud. Son recours fut rejeté le 30 juin 2008. La juridiction considéra que la décision litigieuse ne violait pas le droit suisse, au motif que le requérant avait été condamné à une peine de prison largement supérieure à deux ans. Concernant le respect du droit européen, la juridiction retint que l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur la libre circulation des personnes était applicable en l'espèce, qui conférait en principe aux ressortissants suisses et à ceux des Etats membres de l'Union européenne le droit d'entrer sur le territoire d'une partie contractante sur simple présentation d'une carte d'identité ou d'un passeport valable. Toutefois, la juridiction estima que, dans le cas particulier, le comportement du requérant constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, de nature à justifier son renvoi, aux motifs, entre autres, suivants :
« (...) En l'espèce, ce n'est pas tant la gravité intrinsèque des infractions commises que la constance de leur répétition qui caractérise le comportement répréhensible du [requérant]. (...) alors même qu'il était déjà condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement, il a fait l'objet de plusieurs procédures et inculpations successives par un juge d'instruction genevois. Il convient cependant d'apprécier cet élément avec retenue, compte tenu du principe de la présomption d'innocence. Le [requérant] invoque le fait que ces inculpations seraient la conséquence directe de sa mise en détention à l'issue de l'audience du 1er avril 2004 ; cet argument ne peut toutefois être retenu : (...) la lecture des actes d'inculpation révèle que les faits sur lesquels elles se fondent s'étalent de 1998 à 2006, période pendant laquelle le [requérant] n'a subi que six mois de détention préventive. Celle-ci n'est donc ni la cause de la faillite de ses sociétés, ni celle des inculpations dans le cadre des procédures pénales genevoises. Au surplus, la seule faillite d'une société correctement gérée n'implique pas nécessairement l'ouverture de procédures pénales qui ont suivi la faillite des sociétés du [requérant].
Le tribunal ne peut donc que constater que le [requérant] maintient un comportement qui menace l'ordre public, en particulier la bonne foi dans les affaires, de façon constante depuis plus d'une quinzaine d'années et qu'il le maintiendra très vraisemblablement également à l'avenir. »
Les juges analysèrent ensuite la situation personnelle et familiale du requérant. Ils estimèrent qu'il fallait relativiser le long séjour en Suisse du requérant par le fait qu'il avait été amené, de par son activité professionnelle, à de très fréquents déplacements à l'étranger. Ils notèrent ensuite que le requérant s'était marié moins de trois semaines avant sa condamnation à une peine de trois ans d'emprisonnement, de sorte que sa deuxième épouse avait difficilement pu ignorer à cette date qu'il était sous le coup d'une procédure pénale ; par ailleurs, le requérant - qui n'avait pas habité avec son épouse entre sa mise en liberté provisoire, le 30 septembre 2004, et sa nouvelle mise en détention provisoire le 30 août 2006 - avait ainsi vécu moins de trois semaines avec elle. Restait donc à examiner la question des enfants, le requérant se prévalant du fait que sa fille aînée avait acquis la nationalité suisse et qu'il avait obtenu le droit de garde sur le deuxième enfant. Les juges estimèrent que, bien au contraire, sa nationalité suisse permettrait à la fille aînée d'aller voir son père à l'étranger plus aisément qu'auparavant. Quant au deuxième enfant, ils rappelèrent qu'il était majeur depuis 2006, ne vivait plus avec son père depuis sa première incarcération le 1er avril 2004 et que l'aînée le soutenait financièrement. La cadette vivant avec sa mère depuis le divorce en 2003, une résidence du père à l'étranger n'entraverait pas de façon disproportionnée le droit de visite. Les juges conclurent que l'intérêt privé du requérant à demeurer en Suisse ne l'emportait pas sur l'intérêt public à son éloignement.
20.  Par un mémoire du 29 juillet 2008, le requérant adressa au Tribunal fédéral un recours en matière de droit public, à l'appui duquel il dénonçait une violation des dispositions pertinentes du droit interne et de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur la libre circulation des personnes. Alléguant n'avoir aucun lien particulier avec la Grèce, le requérant estimait que le refus de renouveler son titre de séjour constituait une ingérence disproportionnée dans son droit au respect de sa vie familiale en violation de l'article 8 de la Convention.
21.  Par un arrêt du 5 novembre 2008, notifié le 20 novembre 2008, le Tribunal fédéral rejeta le recours et entérina les arguments retenus par les juges cantonaux. Il considéra aussi que le requérant ne pouvait se prévaloir de l'absence de liens personnels avec la Grèce, ayant lui-même souhaité acquérir la nationalité de cet État. La juridiction conclut que les faits reprochés au requérant étaient graves et que le refus de renouveler son titre de séjour ne violait ni le droit interne pertinent ni l'article 8 de la Convention, et pas davantage les dispositions de l'accord sur la libre circulation des personnes.
3.  Développements survenus après les faits litigieux
22.  Le 24 décembre 2008, le divorce du requérant et de sa deuxième épouse fut prononcé.
23.  Depuis le 1er avril 2009 (date de sa libération suite à l'exécution de la peine prononcée le 1er avril 2004), le requérant ne vit plus en Suisse.
24.  Le 21 septembre 2009, l'ODM prononça à l'encontre du requérant une interdiction d'entrer en Suisse jusqu'au 20 septembre 2014 sans l'autorisation expresse de l'ODM. Le 25 mai 2010, le requérant introduisit un recours devant le tribunal administratif fédéral contre cette décision. Le 15 septembre 2010, le tribunal administratif fédéral refusa l'effet suspensif à ce recours.
25.  Le 7 mai 2010, la cour correctionnelle de Genève déclara le requérant coupable de faits d'abus de confiance, de faux, de vol, de banqueroute frauduleuse, suppression de titre et diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers. Elle le condamna à une peine de dix-huit mois de prison, complémentaire à celle prononcée le 22 novembre 2004 par la cour de cassation pénale du canton de Vaud.
26.  Le requérant réside actuellement à Luxembourg.
B.  Les droits international et interne pertinents
27.  Les dispositions pertinentes, invoquées par les autorités internes dans la présente affaire, sont (et respectivement étaient) libellées comme suit.
1.  L'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur la libre circulation des personnes
Article 3 - Droit d'entrée
« Le droit d'entrée des ressortissants d'une partie contractante sur le territoire d'une autre partie contractante est garanti conformément aux dispositions arrêtées dans l'annexe I. »
Article 4 - Droit de séjour et d'accès à une activité économique
« Le droit de séjour et d'accès à une activité économique est garanti sous réserve des dispositions de l'art. 10 et conformément aux dispositions de l'annexe I. »
Article 16 - Référence au droit communautaire
« 1. Pour atteindre les objectifs visés par le présent accord, les parties contractantes prendront toutes les mesures nécessaires pour que les droits et obligations équivalant à ceux contenus dans les actes juridiques de la Communauté européenne auxquels il est fait référence trouvent application dans leurs relations.
2. Dans la mesure où l'application du présent accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes antérieure à la date de sa signature. La jurisprudence postérieure à la date de la signature du présent accord sera communiquée à la Suisse. En vue d'assurer le bon fonctionnement de l'accord, à la demande d'une partie contractante, le comité mixte déterminera les implications de cette jurisprudence. »
2.  L'annexe I à l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur la libre circulation des personnes
Article 1 - Entrée et sortie
« 1. Les parties contractantes admettent sur leur territoire les ressortissants des autres parties contractantes, les membres de leur famille au sens de l'art. 3 de la présente annexe ainsi que les travailleurs détachés au sens de l'art. 17 de la présente annexe sur simple présentation d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité (...) »
Article 2 - Séjour et activité économique
« 1. Sans préjudice des dispositions de la période transitoire arrêtée à l'art. 10 du présent accord et au chap. VII de la présente annexe, les ressortissants d'une partie contractante ont le droit de séjourner et d'exercer une activité économique sur le territoire de l'autre partie contractante selon les modalités prévues aux chap. II à IV. Ce droit est constaté par la délivrance d'un titre de séjour ou spécifique pour les frontaliers (...) »
Article 4 - Droit de demeurer
« 1. Les ressortissants d'une partie contractante et les membres de leur famille ont le droit de demeurer sur le territoire d'une autre partie contractante après la fin de leur activité économique.
2. Conformément à l'art. 16 de l'accord, il est fait référence au règlement (CEE) 1251/70 (JO no L 142, 1970, p. 24) et à la directive 75/34/CEE (JO no L 14, 1975, p. 10). »
Article 5 - Ordre public
« 1. Les droits octroyés par les dispositions du présent accord ne peuvent être limités que par des mesures justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique.
2. Conformément à l'art. 16 de l'accord, il est fait référence aux directives 64/221/CEE (JO no 56, 1964, p. 850), 72/193/CEE (JO no L 121, 11972, p. 32) et 75/35/CEE (JO no L 14, 1975, p. 10). »
3.  La loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931(abrogée le 1er janvier 2008 par la loi fédérale sur les étrangers (LEtr) du 16 décembre 2005)
Article 10
« 1. L'étranger ne peut être expulsé de Suisse ou d'un canton que pour les motifs suivants :
a. s'il a été condamné par une autorité judiciaire pour crime ou délit;
b. si sa conduite, dans son ensemble, et ses actes permettent de conclure qu'il ne veut pas s'adapter à l'ordre établi dans le pays qui lui offre l'hospitalité ou qu'il n'en est pas capable (...)
4. La présente loi ne touche en rien à l'expulsion, prévue par la Constitution, des étrangers qui compromettent la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse, ni à l'expulsion prononcée par le juge pénal. »
4.  Le code pénal suisse du 21 décembre 1937
Article 55 - Expulsion (abrogé le 1er janvier 2007)
« 1. Le juge pourra expulser du territoire suisse, pour une durée de trois à quinze ans, tout étranger condamné à la réclusion ou à l'emprisonnement. En cas de récidive l'expulsion pourra être prononcée à vie.
2. L'autorité compétente décidera si, et à quelles conditions, l'expulsion du condamné libéré conditionnellement doit être différée à titre d'essai.
3. Si le condamné libéré conditionnellement s'est bien conduit jusqu'à la fin du délai d'épreuve, l'expulsion qui avait été différée ne sera plus exécutée. Lorsque l'expulsion n'avait pas été différée, sa durée courra du jour où le condamné libéré conditionnellement a quitté la Suisse (...) »
GRIEF
28.  Invoquant l'article 8 de la Convention, le requérant estime que le refus de renouveler son titre de séjour porte atteinte à son droit au respect de sa vie familiale.
 


Erwägungen

EN DROIT
29.  Le requérant allègue que le non-renouvellement de son titre de séjour, entériné par l'arrêt du Tribunal fédéral du 5 novembre 2008, constitue une ingérence disproportionnée dans son droit au respect de sa vie familiale, tel que prévu par l'article 8 de la Convention, ainsi libellé :
« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie (...) familiale (...).
2.  Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
A.  Thèses des parties
30.  Le requérant estime que son expulsion porterait atteinte à sa vie familiale avec ses enfants. Il expose que l'on ne saurait conclure gratuitement qu'il disposerait de moyens qui lui permettraient d'assumer les déplacements qu'impliquerait le respect des relations familiales fondamentales auxquelles il a droit. L'ingérence dans son droit au respect de sa vie familiale ne serait pas justifiée dès lors qu'il résidait pendant dix-huit ans en Suisse, qu'il y avait été bien intégré et que la condamnation du chef d'infractions contre le patrimoine dont il a fait l'objet ne serait pas d'une gravité telle qu'elle justifierait la mesure prise à son encontre ; à cet égard, il expose qu'il ne s'était pas montré « particulièrement impitoyable et brutal » (Boultif c. Suisse, no 54273/00, CEDH 2001-IX), ni n'avait fait preuve d'une « rare arrogance » (Emre c. Suisse, no 42034/04, 22 mai 2008). Il estime qu'il ne présente aucun risque de récidive et souligne sa bonne conduite - qui lui aurait permis de réussir à exécuter une partie de sa peine sous forme d'arrêts domiciliaires - et sa volonté à régler ses dettes envers les autorités (il se réfère à un accord avec le fisc vaudois qui n'aurait, en raison de sa mise en détention en août 2006, pas pu être exécuté intégralement). Finalement, s'il admet que la Suisse n'est pas responsable de son choix de la nationalité grecque, il souligne qu'il n'a aucun lien particulier avec la Grèce.
31.  Le Gouvernement estime que la mesure contestée était prévue par la loi et qu'elle poursuivait comme but légitime celui de la défense de l'ordre, de la prévention des infractions pénales et de la protection des droits et libertés d'autrui. Il insiste sur le fait que les autorités suisses ont procédé à un examen circonstancié du cas du requérant et à une pondération des intérêts en présence pour conclure, au regard de la gravité du comportement reproché au requérant, à la nécessité de la mesure en cause. Il expose que le présent cas n'est pas comparable à l'affaire Boultif c. Suisse (précité), dans laquelle le requérant n'avait commis qu'une seule infraction et avait été condamné à une sanction considérablement moins sévère ; en l'espèce, les infractions reprochées au requérant s'étendaient sur une période de huit ans et les autorités internes ont insisté sur la moindre prise de conscience du requérant. Le Gouvernement poursuit que le renvoi du requérant ne signifie pas que ses liens avec ses enfants sont rompus, ce d'autant plus que les juges internes ont retenu que son long séjour en Suisse devait être relativisé par le fait qu'il avait fréquemment entrepris des voyages d'affaires à l'étranger ; des contacts personnels et par le biais de différents moyens de communication resteraient possibles. D'ailleurs, le requérant, qui a passé son enfance en Allemagne et qui a choisi librement de renoncer à sa nationalité russe pour acquérir la nationalité grecque, ne serait, en tant que ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, pas obligé de se rendre en Grèce.
B.  Appréciation de la Cour
32. La Cour réaffirme d'emblée que, selon un principe de droit international bien établi, les Etats ont le droit, sans préjudice des engagements découlant pour eux de traités, de contrôler l'entrée et le séjour des étrangers sur leur sol (voir, parmi beaucoup d'autres, Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, arrêt du 28 mai 1985, § 67 , série A no 94; Boujlifa c. France, arrêt du 21 octobre 1997, § 42, Recueil des arrêts et décisions 1997-VI ; Nunez c. Norvège, no 55597/09, § 66, 28 juin 2011). La Convention ne garantit, comme tel, aucun droit pour un étranger d'entrer ou de résider sur le territoire d'un pays déterminé et, lorsqu'ils assument leur mission de maintien de l'ordre public, les Etats contractants ont la faculté d'expulser un étranger délinquant, entré et résidant légalement sur leur territoire.
33.  Toutefois, exclure une personne d'un pays où vivent ses parents proches peut constituer une ingérence dans le droit au respect de la vie familiale, tel que protégé par l'article 8 § 1 de la Convention (Benhebba c. France, no 53441/99, § 25, 10 juillet 2003). Pareille ingérence enfreint la Convention si elle ne remplit pas les exigences du paragraphe 2 de l'article 8. Il faut donc rechercher si elle était « prévue par la loi », inspirée par un ou plusieurs buts légitimes au regard dudit paragraphe, et « nécessaire, dans une société démocratique ».
34.  Dans l'affaire Üner c. Pays-Bas [GC], no 46410/99, §§ 54-60, CEDH 2006-XII, la Cour a eu l'occasion de résumer les critères devant guider les instances nationales dans de telles affaires (§§ 57 et suiv.) :
-  la nature et la gravité de l'infraction commise par le requérant ;
-  la durée du séjour de l'intéressé dans le pays dont il doit être expulsé ;
-  le laps de temps qui s'est écoulé depuis l'infraction, et la conduite du requérant pendant cette période ;
-  la nationalité des diverses personnes concernées ;
-  la situation familiale du requérant, et notamment, le cas échéant, la durée de son mariage, et d'autres facteurs témoignant de l'effectivité d'une vie familiale au sein d'un couple ;
-  la question de savoir si le conjoint avait connaissance de l'infraction à l'époque de la création de la relation familiale ;
-  la question de savoir si des enfants sont issus du mariage et, dans ce cas, leur âge ;
-  la gravité des difficultés que le conjoint risque de rencontrer dans le pays vers lequel le requérant doit être expulsé ;
-  l'intérêt et le bien-être des enfants, en particulier la gravité des difficultés que les enfants du requérant sont susceptibles de rencontrer dans le pays vers lequel l'intéressé doit être expulsé ; et
-  la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec le pays hôte et avec le pays de destination.
35.  La Cour rappelle aussi que les autorités nationales jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour se prononcer sur la nécessité, dans une société démocratique, d'une ingérence dans l'exercice d'un droit protégé par l'article 8 et sur la proportionnalité de la mesure en question au but légitime poursuivi (Slivenko, précité, § 113, et Berrehab c. Pays-Bas, 21 juin 1988, § 28, série A no 138). Toutefois, cette marge d'appréciation va de pair avec un contrôle européen. Selon la jurisprudence constante de la Cour, sa tâche consiste à déterminer si les mesures litigieuses ont respecté un juste équilibre entre les intérêts en présence, à savoir, d'une part, les droits de l'intéressé protégés par la Convention et, d'autre part, les intérêts de la société (voir, parmi beaucoup d'autres, Boultif, précité, § 47, et Kissiwa Koffi c. Suisse, no 38005/07, § 64, 15 novembre 2012). Ce contrôle porte à la fois sur la loi et sur les décisions qui l'appliquent, même quand elles émanent d'une juridiction indépendante (Maslov c. Autriche [GC], no 1638/03, § 76, CEDH 2008 et Gezginci c. Suisse, no 16327/05, § 63, 9 décembre 2010).
36.  En ce qui concerne le cas d'espèce, il y a lieu de rappeler que le Tribunal fédéral a entériné, le 5 novembre 2008, le refus de renouvellement du titre de séjour du requérant et l'ordre de quitter le territoire suisse, en raison de sa condamnation à trois ans de prison ferme. La Cour estime que pareille mesure constitue une «  ingérence » dans le droit du requérant à sa vie familiale, qui était « prévue  par la loi » (paragraphe 27 ci-dessus) et qui visait des fins pleinement compatibles avec la Convention, à savoir « la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales » (Benhebba, précité, § 28).
37.  S'agissant de la « nécessité » de l'ingérence dans une société démocratique, la Cour rappelle que les décisions des autorités internes, dans la mesure où elles porteraient atteinte à un droit protégé par le paragraphe 1 de l'article 8, doivent se révéler nécessaires dans une société démocratique, c'est-à-dire être justifiées par un besoin social impérieux et, notamment, proportionnées au but légitime poursuivi (Mehemi c. France, arrêt du 26 septembre 1997, § 34 , Recueil 1997-VI; Dalia c. France, arrêt du 19 février 1998, § 52 , Recueil 1998-I; Boultif,, précité, § 46 ; et Slivenko c. Lettonie [GC], no 48321/99, § 113, CEDH 2003-X). En l'espèce, elle observe en premier lieu que la condamnation du requérant à trois ans ferme pèse lourdement. A cet égard, elle relève que, pour prononcer cette condamnation, les juges ont analysé en détail les faits reprochés, et ont retenu que le requérant - un homme d'affaires avisé ayant réalisé des profits importants lui ayant permis de se constituer une fortune à l'étranger - n'avait pas hésité à user de tous les artifices et à manipuler autrui pour s'enrichir. Ils ont précisé que son attitude à l'audience avait montré une indifférence complète vis-à-vis de l'intervention des autorités judiciaires de son pays d'accueil et qu'il ne manifestait pas la moindre amorce d'une prise de conscience. La Cour relève par ailleurs que la sévérité de la peine qui motivait le non-renouvellement du titre de séjour du requérant témoigne de la gravité des faits reprochés (mutatis mutandis, Demir c. France (déc.), no 33736/03, 30  mai 2006).
38.  La Cour observe en outre que le requérant est arrivé en Suisse en 1991, à l'âge de trente-quatre ans ; les autorités internes ont toutefois précisé qu'il fallait relativiser le long séjour en Suisse du requérant par le fait qu'il avait été amené, de par son activité professionnelle, à de très fréquents déplacements à l'étranger. Par ailleurs, la Cour relève que le requérant a passé une partie de son séjour en Suisse en détention.
39.  Ensuite, la Cour note que le requérant est divorcé de sa dernière épouse et qu'il n'allègue pas avoir de liens particuliers avec celle-ci ni avec sa précédente épouse, de sorte qu'il y a lieu de conclure à l'absence de lien matrimonial en Suisse.
40.  Pour ce qui est enfin des liens du requérant avec ses enfants issus du premier mariage, la Cour constate - avec le Gouvernement et les juges internes - que, dès avant la décision de non-renouvellement du titre de séjour du requérant en 2007, les deux aînés ne vivaient plus avec leur père et étaient majeurs ; quant à la cadette, née en 1994, elle vivait avec sa mère depuis le divorce en 2003. D'ailleurs, aucun des enfants n'était autrement dépendant du père. Dans ces circonstances, la Cour n'estime pas déraisonnable que les juges aient conclu que l'intérêt privé du requérant à demeurer en Suisse ne l'emportait pas sur l'intérêt public à son éloignement. Au demeurant, la Cour estime que rien n'empêche le requérant - qui est citoyen de l'Union européenne depuis qu'il a choisi la nationalité grecque et qui habite dorénavant au Luxembourg - de garder avec ses enfants un contact de même nature que celui qui existait antérieurement à la mesure litigieuse. A cet effet, le requérant, qui a l'habitude des déplacements à l'étranger, pourrait se rendre, au besoin, dans un des pays limitrophes de la Suisse. Par ailleurs, pour autant que le requérant est interdit d'entrer sur le territoire suisse jusqu'au 30 septembre 2014 sans l'autorisation expresse de l'ODM - interdiction qui n'est pas l'objet de la présente requête - la Cour relève que l'intéressé pourrait demander la levée à titre temporaire de cette interdiction en vue de rendre visite à ses enfants en Suisse.
41.  Compte tenu de tout ce qui précède, en particulier le comportement du requérant et la gravité des faits reprochés, la Cour conclut que le non-renouvellement du titre de séjour du requérant et l'expulsion de celui-ci étaient proportionnés aux buts légitimes poursuivis, à savoir la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales. Dès lors, ces mesures étaient nécessaires dans une société démocratique (Demir, précitée, Aoulmi c. France, no 50278/99, § 90, 17 janvier 2006, Baghli, précité, §§ 48 et 49, El Boujaïdi c. France, 26 septembre 1997, §§ 41 et 42, Recueil 1997-VI, Benamar c. France (déc.), no 42216/98, 14 novembre 2000, Damir, Annerose et Maja Jankoc c. Allemagne (déc.), no 35112/97, 13 janvier 2000 et Üner, précité, § 67).
42.  Il s'ensuit que la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
 


Entscheid

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
 
    Abel Campos    Greffier adjoint
    Guido Raimondi    Président

Referenzen

Artikel: Art. 8 CEDH